ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
26 avril 2022 (*)
« Renvoi préjudiciel - Article 99 du règlement de procédure de la Cour - Libre prestation des services - Article 56 TFUE - Jeux de hasard - Mise à disposition de loteries interdites - Sanctions - Proportionnalité - Amendes d'un montant minimal - Cumul - Absence de plafond - Peine privative de liberté de substitution - Contribution proportionnelle aux frais de la procédure - Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - Article 49, paragraphe 3 »
Dans l'affaire C-508/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE, introduite par le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), par décision du 23 septembre 2020, parvenue à la Cour le 9 octobre 2020, dans la procédure
RM
contre
Landespolizeidirektion Steiermark,
LA COUR (sixième chambre),
composée de Mme I. Ziemele (rapporteure), présidente de chambre, MM. T. von Danwitz et A. Kumin, juges,
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l'avocat général entendu, de statuer par voie d'ordonnance motivée, conformément à l'article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 56 TFUE et de l'article 49, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant RM à la Landespolizeidirektion Steiermark (direction régionale de la police de Styrie, Autriche) au sujet de sanctions qui lui ont été infligées en raison d'infractions consistant en la mise à disposition, à des fins commerciales, de loteries interdites.
Le cadre juridique
Le GSpG
3 Le Glücksspielgesetz (loi fédérale sur les jeux de hasard), du 28 novembre 1989 (BGBl. 620/1989), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « GSpG »), dispose, à son article 2, intitulé « Loteries » :
« (1) Les loteries sont des jeux de hasard
1. qui sont mis en œuvre, organisés, offerts ou mis à disposition par un entrepreneur,
2. par lesquels des joueurs ou d'autres personnes versent une prestation en argent (mise) dans le cadre de la participation au jeu, et
3. dans le cadre desquels l'entrepreneur, des joueurs ou d'autres personnes font escompter une prestation en argent (gain).
[...]
(4) Les loteries interdites sont des loteries pour lesquelles aucune concession ou autorisation n'a été donnée sur le fondement de la présente loi fédérale et qui ne sont pas exclues du monopole de l'État fédéral sur les jeux de hasard en vertu de l'article 4.
[...] »
4 L'article 52 du GSpG, intitulé « Dispositions relatives aux sanctions administratives », se lit comme suit :
« (1) Commet une infraction administrative et est passible d'une amende infligée par l'autorité administrative d'un montant pouvant aller jusqu'à 60 000 euros dans les cas visés au point 1 et jusqu'à 22 000 euros dans les cas visés aux points 2 à 11 :
1. quiconque, aux fins d'une participation à partir du territoire national, met en œuvre, organise ou met à disposition en tant qu'entrepreneur des loteries interdites au sens de l'article 2, paragraphe 4, ou participe à celles-ci en tant qu'entrepreneur au sens de l'article 2, paragraphe 2 ;
[...]
(2) En cas de violation du paragraphe 1, point 1, au moyen d'un maximum de trois machines à sous ou autres objets contraires à la réglementation, l'utilisation de chaque machine à sous ou autre objet contraire à la réglementation est passible d'une amende de 1 000 à 10 000 euros s'il s'agit d'une première infraction, ou de 3 000 à 30 000 euros en cas de récidive ; en cas d'infraction au moyen de plus de trois machines à sous ou autres objets contraires à la réglementation, l'utilisation de chaque machine à sous ou autre objet contraire à la réglementation est passible d'une amende de 3 000 à 30 000 euros s'il s'agit d'une première infraction, ou d'une amende de 6 000 à 60 000 euros en cas de récidive. »
Le VStG
5 L'article 9 du Verwaltungsstrafgesetz (loi sur les sanctions administratives, BGBl. 52/1991), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « VStG »), intitulé « Cas spécifiques de responsabilité », énonce :
« (1) S'agissant du respect des dispositions administratives par des personnes morales [...], il convient, sauf dispositions administratives contraires et dans la mesure où des mandataires responsables ne sont pas désignés (paragraphe 2), de considérer comme responsable celui qui est appelé à représenter la société vis-à-vis des tiers.
[...]
(7) Les personnes morales [...] ainsi que les personnes physiques visées au paragraphe 3 sont solidairement responsables des amendes infligées aux personnes appelées à représenter la société vis-à-vis des tiers ou à un mandataire responsable, des autres préjudices exprimés en argent et des frais de procédure. »
6 L'article 16 du VStG, intitulé « Peine privative de liberté de substitution », prévoit :
« (1) Si une amende est infligée, il convient, dans un même temps, de fixer, en cas d'impossibilité de recouvrer cette dernière, une peine privative de liberté de substitution.
(2) La peine privative de liberté de substitution ne peut pas excéder la peine privative de liberté maximale encourue pour l'infraction administrative et, dans les cas où aucune peine privative de liberté ni aucune autre disposition ne sont prévues, une durée de deux semaines. Une peine privative de liberté de substitution de plus de six semaines est illégale. Une telle peine doit être fixée en vertu des règles de détermination de la sanction, sans considération de l'article 12.
[...] »
7 L'article 19 du VStG, intitulé « Détermination de la sanction », se lit comme suit :
« (1) La sanction est déterminée en fonction de l'importance du bien juridique protégé et de la gravité de l'atteinte à ce bien résultant de l'infraction.
[...] »
8 L'article 20 du VStG, intitulé « Atténuation exceptionnelle de la sanction », dispose :
« S'il y a nettement plus de circonstances atténuantes que de circonstances aggravantes ou si l'auteur présumé de l'infraction est mineur, la sanction minimale peut être réduite de moitié. »
9 L'article 64 du VStG, intitulé « Frais de la procédure de sanction », prévoit :
« (1) Toute décision prononçant une sanction doit condamner la personne sanctionnée à verser une contribution aux frais de la procédure de sanction.
(2) Le montant de cette contribution est fixé, en ce qui concerne la procédure [administrative], à 10 % de la sanction prononcée, sans toutefois pouvoir être inférieur à 10 euros ; lorsque la sanction consiste en une peine privative de liberté, une journée de privation de liberté équivaut, aux fins du calcul des frais de la procédure, à un montant de 100 euros. [...]
[...] »
La loi sur la procédure du contentieux administratif
10 L'article 38 du Verwaltungsgerichtsverfahrensgesetz (loi sur la procédure du contentieux administratif, BGBl. I, 33/2013), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit l'application des dispositions notamment du VStG dans le cadre de la procédure contentieuse administrative.
11 L'article 52 de cette loi, intitulé « Dépens », dispose :
« (1) Dans tout jugement du tribunal administratif confirmant une décision administrative sanctionnant une infraction, le tribunal fixe une contribution aux frais de la procédure de sanction qui devra être acquittée par l'auteur de l'infraction sanctionnée.
(2) Cette contribution est fixée, en matière de procédure de recours, à 20 % de la sanction prononcée, sans toutefois pouvoir être inférieure à 10 euros ; lorsque la sanction consiste en une peine privative de liberté, une journée de privation de liberté équivaut, aux fins du calcul des dépens, à un montant de 100 euros. [...] »
Le litige au principal
et les questions préjudicielles
12 Du 4 décembre 2018 au 28 février 2019, la société représentée par RM a procédé à la mise à disposition, à des fins commerciales, dans un établissement déterminé, de dix machines à sous.
13 Par une décision administrative, RM a, conformément à l'article 9 du VStG, été reconnu coupable des infractions énoncées à l'article 52, paragraphe 1, point 1, troisième cas de figure, du GSpG, commises par cette société. En vertu de l'article 52, paragraphe 2, de cette loi, l'autorité répressive administrative lui a infligé, pour chaque infraction, à savoir pour chaque machine à sous mise à disposition, une sanction administrative d'un montant de 30 000 euros ainsi que, sur le fondement de l'article 16 du VStG, applicable dans le cadre de la procédure contentieuse administrative en vertu de l'article 38 de la loi sur la procédure du contentieux administratif, dans sa version applicable au litige au principal, une peine privative de liberté de substitution de sept jours, soit au total, pour les dix machines à sous, une amende de 300 000 euros et une peine privative de liberté de substitution de 70 jours. Elle lui a également imposé, en vertu de l'article 64, paragraphe 2, du VStG, le paiement d'un montant de 30 000 euros à titre de contribution aux frais de la procédure.
14 RM a formé un recours contre cette décision de sanction devant le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie, Autriche), la juridiction de renvoi.
15 Cette juridiction relève que son appréciation de la légalité de la sanction dépend du point de savoir si les dispositions du GSpG, combinées à celles du VStG, qu'elle doit appliquer aux fins de déterminer la sanction applicable, sont conformes à l'article 56 TFUE et, le cas échéant, à l'article 49, paragraphe 3, de la Charte.
16 Dans ces conditions, le Landesverwaltungsgericht Steiermark (tribunal administratif régional de Styrie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Dans le cadre d'une procédure de sanction visant à protéger un régime de monopole, la juridiction nationale doit-elle examiner la règle en matière de sanction qu'elle doit appliquer au regard de la libre prestation des services, lorsqu'elle a précédemment déjà contrôlé le régime de monopole conformément aux critères établis par la Cour [...] et que cet examen a montré que le régime de monopole était justifié ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question :
a) L'article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit impérativement une amende par machine à sous sans plafond absolu du montant total des amendes infligées ?
b) L'article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit impérativement une amende minimale de 6 000 euros par machine à sous ?
c) L'article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit une peine privative de liberté de substitution par machine à sous sans plafond absolu de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution infligées ?
d) L'article 56 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de sanction infligée en raison de la mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit une contribution aux frais de la procédure de sanction s'élevant à 10 % des amendes infligées ?
3) En cas de réponse négative à la première question :
a) L'article 49, paragraphe 3, de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit impérativement une amende par machine à sous sans plafond absolu du montant total des amendes infligées ?
b) L'article 49, paragraphe 3, de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit impérativement une amende minimale de 6 000 euros par machine à sous ?
c) L'article 49, paragraphe 3, de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit une peine privative de liberté de substitution par machine à sous sans plafond absolu de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution infligées ?
d) L'article 49, paragraphe 3, de la [Charte] doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui, en cas de sanction infligée en raison de la mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites en vertu [du GSpG], prévoit une contribution aux frais de la procédure de sanction s'élevant à 10 % des amendes infligées ? »
Sur les questions préjudicielles
17 Conformément à l'article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu'une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, décider de statuer par voie d'ordonnance motivée.
18 La réponse aux questions posées par la juridiction de renvoi pouvant être clairement déduite de la jurisprudence de la Cour et, en particulier, de l'arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous) (C-231/20, EU:C:2021:845), il y a lieu de faire application de la disposition procédurale susmentionnée.
Sur la première question
19 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une procédure relative à l'imposition de sanctions pour violation d'un monopole dans le domaine des jeux de hasard, le juge national, saisi de l'appréciation de la légalité d'une sanction imposée pour une telle violation, doit spécifiquement apprécier la compatibilité avec l'article 56 TFUE des sanctions prévues par la réglementation applicable, lorsque l'établissement d'un tel régime de monopole a déjà été jugé compatible avec cette disposition.
20 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà jugé, s'agissant de réglementations d'un État membre subordonnant l'exercice dans cet État d'une activité dans le secteur des jeux de hasard notamment à l'obligation de disposer d'une concession et d'une autorisation de police et prévoyant des sanctions pénales en cas de non-respect de la législation en cause, qu'il convient d'examiner séparément pour chacune des restrictions imposées par la législation nationale, y compris les sanctions prévues par celle-ci, notamment si elle est propre à garantir la réalisation du ou des objectifs invoqués par l'État membre en cause et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 27 et jurisprudence citée].
21 Il s'ensuit que le juge national, saisi de l'appréciation de la légalité d'une sanction imposée pour violation d'un monopole dans le domaine des jeux de hasard, doit spécifiquement apprécier la compatibilité avec l'article 56 TFUE de cette restriction [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 28 et jurisprudence citée].
22 Il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la vérification de la compatibilité d'une réglementation restrictive avec l'article 56 TFUE, la juridiction nationale est déjà tenue d'effectuer une appréciation globale des circonstances entourant non seulement l'adoption de cette réglementation, mais également la mise en œuvre de celle-ci, ce qui inclut nécessairement le régime de sanctions prévu spécifiquement par cette réglementation, sur la base duquel a été adoptée la décision de sanction [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 29 et jurisprudence citée].
23 Toutefois, ainsi qu'il ressort de la décision de renvoi, les sanctions imposées au requérant au principal ont été déterminées non seulement sur le fondement de l'article 52 du GSpG, mais également sur celui des articles 16 et 64 du VStG, applicables aux procédures contentieuses administratives, qui prévoient l'imposition, concomitante à toute décision prononçant une sanction, d'une peine privative de liberté de substitution et d'une contribution aux frais de la procédure de sanction administrative.
24 Or, quant à la circonstance qu'elles sont prévues non pas par le GSpG, mais par les dispositions générales contenues dans le VStG, il y a lieu de rappeler que de telles sanctions doivent, dans chaque cas d'espèce, eu égard aux modalités concrètes de détermination de celles-ci, être conformes au droit de l'Union et respecter les libertés fondamentales garanties par ce droit [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 33 et jurisprudence citée].
25 Dès lors, il y a lieu de procéder à un examen particulier du régime de sanction en cause au principal au regard de l'article 56 TFUE [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 34].
26 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une procédure relative à l'imposition de sanctions pour violation d'un monopole dans le domaine des jeux de hasard, le juge national, saisi de l'appréciation de la légalité d'une sanction imposée pour une telle violation, doit spécifiquement apprécier la compatibilité avec l'article 56 TFUE des sanctions prévues par la réglementation applicable, eu égard aux modalités concrètes de détermination de celles-ci.
Sur la deuxième question
27 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale prévoyant impérativement, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites :
- l'imposition d'une amende minimale par machine à sous non autorisée, sans plafond du montant total des amendes infligées ;
- l'imposition d'une peine privative de substitution par machine à sous non autorisée sans plafond de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution infligées, et
- une contribution aux frais de procédure s'élevant à 10 % des amendes infligées.
28 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, si la réglementation en matière de sanctions dans le domaine des jeux de hasard relève de la compétence des États membres, il est de jurisprudence constante que le droit de l'Union impose des limites à cette compétence, une telle législation ne pouvant, en effet, restreindre les libertés fondamentales garanties par ce même droit [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 37 et jurisprudence citée].
29 Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, doivent être considérées comme des restrictions à la libre prestation des services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l'exercice de cette liberté [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 38 et jurisprudence citée].
30 À cet égard, une réglementation nationale prévoyant des sanctions à l'égard du prestataire de services concerné en cas de non-respect d'obligations qui, par elles-mêmes, constituent des restrictions à la libre prestation des services, telle que celle en cause au principal, est susceptible de rendre moins attrayant l'exercice d'une telle liberté et, partant, constitue une restriction à la libre prestation des services [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 39 et jurisprudence citée].
31 Cela étant, il résulte également d'une jurisprudence bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice des libertés fondamentales garanties par le traité FUE peuvent être admises dès lors qu'elles répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 40 et jurisprudence citée].
32 La Cour a par ailleurs précisé que les États membres étaient libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché. Toutefois, les restrictions qu'ils imposent doivent satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 41 et jurisprudence citée].
33 En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu'un État membre invoque des raisons impérieuses d'intérêt général pour justifier une réglementation qui est de nature à entraver l'exercice de la libre prestation des services, cette justification, prévue par le droit de l'Union, doit être interprétée à la lumière des principes généraux du droit de l'Union et, notamment, des droits fondamentaux désormais garantis par la Charte. Ainsi, la réglementation nationale en cause ne pourra bénéficier des exceptions prévues que si elle est conforme aux droits fondamentaux dont la Cour assure le respect [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 42 et jurisprudence citée].
34 À cet égard, il y a lieu de considérer, premièrement, que, dans la mesure où le droit de l'Union autorise les États membres à déroger à l'article 56 TFUE et à imposer des restrictions sur la fourniture de services de jeux de hasard, et pour autant que ces restrictions répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général, qu'elles sont propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et qu'elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, l'imposition de sanctions administratives ou pénales afin de faire appliquer celles-ci doit être considérée comme répondant aux mêmes raisons impérieuses d'intérêt général que lesdites restrictions [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 43].
35 Deuxièmement, force est de constater que, par principe, l'imposition de sanctions administratives ou pénales pour violation d'une réglementation restrictive sur la fourniture de services de jeux de hasard est de nature à garantir le respect de cette réglementation et, partant, qu'elle est propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi à cet égard [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 44].
36 Encore faut-il, troisièmement, que la rigueur des sanctions imposées soit en adéquation avec la gravité des violations qu'elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en n'allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ledit objectif, une telle exigence découlant notamment du principe de proportionnalité des peines inscrit à l'article 49, paragraphe 3, de la Charte [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 45 et jurisprudence citée].
37 S'agissant, en premier lieu, de l'imposition d'une amende minimale par machine à sous non autorisée, une telle sanction n'apparaît pas, en soi, comme étant disproportionnée au regard de la gravité des infractions en cause, les offres illégales de jeux de hasard par machines à sous, qui échappent, par nature, au contrôle des autorités administratives et pour lesquelles le respect des mesures imposées par la loi pour protéger les joueurs ne peut pas être vérifié, étant susceptibles de produire des effets nocifs particulièrement graves pour la société, la Cour ayant déjà relevé que les loteries constituent une incitation à la dépense qui peut avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 46 et jurisprudence citée].
38 Pour ce qui concerne le montant de cette amende minimale, il incombe à la juridiction nationale, aux fins d'apprécier sa proportionnalité, de tenir compte du rapport entre le montant de l'amende susceptible d'être infligée et l'avantage économique découlant de l'infraction commise, afin de décourager les contrevenants de commettre une telle infraction. Elle doit toutefois s'assurer, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce, que le montant minimal ainsi imposé n'est pas démesuré par rapport à cet avantage [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 47 et jurisprudence citée].
39 Quant à la circonstance que la réglementation nationale en cause au principal ne prévoit pas de plafond du montant total des amendes infligées, il convient de relever que, certes, la combinaison de l'imposition d'un montant minimal d'amende avec le cumul sans plafond des amendes lorsque l'infraction concerne plusieurs machines à sous non autorisées peut aboutir à l'imposition de sanctions pécuniaires d'un montant considérable [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 48].
40 Toutefois, une telle mesure permet notamment de contrecarrer l'avantage économique que pourraient procurer les infractions sanctionnées et de rendre ainsi l'offre illégale de moins en moins attractive, de sorte que, en soi, elle ne méconnaît pas le principe de proportionnalité. Il incombe toutefois également à la juridiction nationale de s'assurer que le montant total des amendes infligées n'est pas démesuré par rapport à cet avantage [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 49].
41 Pour ce qui concerne, en deuxième lieu, l'imposition d'une peine privative de liberté de substitution, il y a lieu de considérer que l'imposition d'une telle sanction n'apparaît pas non plus, en soi, comme étant disproportionnée au regard de la nature et de la gravité des infractions en cause, celle-ci visant à garantir que ces infractions puissent être effectivement sanctionnées en cas d'impossibilité de recouvrer l'amende [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 50].
42 Il y a lieu, toutefois, de relever que l'imposition d'une telle sanction doit, dans chaque cas, être justifiée par de solides motifs d'intérêt public, celle-ci présentant un caractère particulièrement sévère au regard des conséquences qui en résultent pour la personne concernée [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 51 et jurisprudence citée].
43 En l'occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, s'agissant d'infractions telles que celles en cause au principal, la peine privative de liberté de substitution ne peut excéder deux semaines au maximum par infraction.
44 À cet égard, force est de constater que, dès lors que chaque machine à sous ou objet contraire à la réglementation est susceptible de fonder l'imposition d'une telle peine privative de liberté et que la réglementation applicable ne prévoit pas de plafond de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution qui peuvent être infligées, le cumul de telles sanctions est susceptible de conduire à l'imposition d'une peine privative de liberté de substitution d'une durée considérable, laquelle pourrait ne pas être en adéquation avec la gravité des infractions constatées, pour lesquelles la réglementation applicable ne prévoit que des peines d'amendes. C'est à la juridiction de renvoi qu'il incombe de déterminer si tel est le cas, au regard de la durée de la peine privative de liberté de substitution effectivement infligée [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 53].
45 En troisième lieu, s'agissant de l'imposition d'une contribution aux frais de procédure s'élevant à 10 % des amendes infligées, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la perception de frais de justice contribue, en principe, au bon fonctionnement du système juridictionnel dans la mesure où elle constitue une source de financement de l'activité juridictionnelle des États membres. Il ne saurait, dès lors, être considéré que l'imposition d'une telle contribution, en soi, méconnaisse le principe de proportionnalité [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 56 et jurisprudence citée].
46 Il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de s'assurer que, en ce que la contribution auxdits frais est fixée sur la base d'un pourcentage du montant de l'amende infligée, une telle contribution, dans la fixation concrète de son montant, et eu égard à l'absence de plafond de cette amende, ne soit pas excessive au regard du coût réel d'une telle procédure ni ne méconnaisse le droit d'accès aux tribunaux consacré à l'article 47 de la Charte [arrêt du 14 octobre 2021, Landespolizeidirektion Steiermark (Machines à sous), C-231/20, EU:C:2021:845, point 57 et jurisprudence citée].
47 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale prévoyant impérativement, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites :
- l'imposition d'une amende minimale par machine à sous non autorisée, sans plafond du montant total des amendes infligées, pour autant que le montant total des amendes infligées ne soit pas démesuré par rapport à l'avantage économique que pourraient procurer les infractions sanctionnées ;
- l'imposition d'une peine privative de liberté de substitution par machine à sous non autorisée sans plafond de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution infligées, pour autant que la durée de la peine privative de liberté de substitution effectivement infligée ne soit pas excessive au regard de la gravité des infractions constatées, et
- une contribution aux frais de procédure s'élevant à 10 % des amendes infligées, pour autant que cette contribution ne soit pas excessive au regard du coût réel d'une telle procédure ni ne méconnaisse le droit d'accès aux tribunaux consacré à l'article 47 de la Charte.
Sur la troisième question
48 Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.
Sur les dépens
49 La procédure
revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs
, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
1) L'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une procédure relative à l'imposition de sanctions pour violation d'un monopole dans le domaine des jeux de hasard, le juge national, saisi de l'appréciation de la légalité d'une sanction imposée pour une telle violation, doit spécifiquement apprécier la compatibilité avec l'article 56 TFUE des sanctions prévues par la réglementation applicable, eu égard aux modalités concrètes de détermination de celles-ci.
2) L'article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une réglementation nationale prévoyant impérativement, en cas de mise à disposition à des fins commerciales de loteries interdites :
- l'imposition d'une amende minimale par machine à sous non autorisée, sans plafond du montant total des amendes infligées, pour autant que le montant total des amendes infligées ne soit pas démesuré par rapport à l'avantage économique que pourraient procurer les infractions sanctionnées ;
- l'imposition d'une peine privative de liberté de substitution par machine à sous non autorisée sans plafond de la durée totale des peines privatives de liberté de substitution infligées, pour autant que la durée de la peine privative de liberté de substitution effectivement infligée ne soit pas excessive au regard de la gravité des infractions constatées, et
- une contribution aux frais de procédure s'élevant à 10 % des amendes infligées, pour autant que cette contribution ne soit pas excessive au regard du coût réel d'une telle procédure ni ne méconnaisse le droit d'accès aux tribunaux consacré à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Signatures
* Langue de procédure : l'allemand.