Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Grenoble 26 juin 2018
Cour de cassation 14 novembre 2019

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 14 novembre 2019, 18-22937

Mots clés requête · société · débauchage · procédure civile · sociétés · clause de non concurrence · preuve · protocole · salariés · clause de non-concurrence · transports · concurrence déloyale · saisie · rétracter · rôle

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-22937
Dispositif : Cassation sans renvoi
Décision précédente : Cour d'appel de Grenoble, 26 juin 2018
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Coutard et Munier-Apaire
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C201959

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Grenoble 26 juin 2018
Cour de cassation 14 novembre 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. V... et Z... D... et les sociétés D..., D... distribution et D... maintenance, se plaignant de manquements de M. O... à ses obligations relatives à un protocole d'accord signé le 20 décembre 2013, ont, par requête du 26 juillet 2017, obtenu du président d'un tribunal de grande instance la désignation d'un huissier de justice par ordonnance du même jour ; que, par ordonnance de référé du 21 novembre 2017, le président de ce tribunal a rétracté cette ordonnance ; que les demandeurs à la mesure ont interjeté appel ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique pris en ses trois premières branches, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu de rétracter l'ordonnance du 26 juillet 2017, l'arrêt retient que, s'agissant de la dérogation au principe de la contradiction, les appelants soutiennent à juste titre que l'efficacité de la mesure dépend de l'effet de surprise et qu'ils étaient fondés à agir non contradictoirement, afin d'éviter la disparition des éléments de preuve recherchés ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que ni la requête ni l'ordonnance ne faisaient état de circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne MM. D... et les sociétés D..., D... distribution et D... maintenance aux dépens devant les juges du fond et la Cour de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. D... et les sociétés D..., D... distribution et D... maintenance à payer à M. O... la somme de 5 000 euros devant les juridictions du fond et celle de 3 000 euros devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. O....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu de rétracter l'ordonnance du 26 juillet 2017 et que les termes de l'ordonnance du 26 juillet 2017 seront maintenus sauf à prévoir que sont exclus de la saisie tous les documents contenant le nom et les coordonnées des avocats de M. O... et tous les documents contenant le mot « Volupal » ;

AUX MOTIFS QUE « c'est très exactement que le juge des référés a rappelé que dans le cadre de l'instance en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 26 juillet 2017, il lui appartenait de vérifier le motif légitime de la mesure d'instruction demandée et la justification de la dérogation au principe de la contradiction ; que c'est également à bon droit qu'il a dit que X... D... et Z... D..., signataires du protocole transactionnel du 20 décembre 2013 et la SNC D... Maintenance qui se prétend victime du débauchage de salariés, ont intérêt à agir ; que les appelants exposent que constituent autant de motifs légitimes à la requête déposée, les actes avérés et/ou soupçonnés de concurrence déloyale et de violation de la clause de non concurrence figurant dans le protocole transactionnel du 20 décembre 2013 ; qu'il convient de rechercher la légitimité de la mesure sollicitée au regard des points développés dans la requête ; que les requérants reprochent à M... O... de s'être associé avec C... N... courant 2014 pour le rachat de la société TSE France ; que la société TSE France, créée en 1996 a notamment pour activité le transport public de Marchandises ; qu'elle est également commissionnaire de transport ; que son siège social est à Genas (69740) ; que l'article 4 du protocole transactionnel prévoit : "pendant une durée de 3 ans à compter de ce jour, les parties conviennent ce qui suit : (...) Pendant cette durée et sur le territoire des Régions (au sens administratif du terme) dans lesquelles les sociétés citées ont un établissement, Monsieur M... O... et la société T... s'interdisent de collaborer, sous quelque forme que ce soit, comme de prendre, seule ou avec d'autres personnes, directement ou indirectement, une participation ou un intérêt quelconque dans une société qui exercerait une activité concurrente à celle des sociétés Transports D... Voitures, B.R. Transports [transport de voitures], Amelog [commissionnaire de transport] et Transports D... Froid. [transport frigorifique]" ; que les pièces de la procédure démontrent que le 5 mai 2014, M... O... et C... N... se sont associés pour créer la société Gold Investissements dont le siège social est à Bourgoin Jallieu et dont les associés sont la Sarl T... créée en 2007 par M... O... et la Sarl Elonna créée le 12 mai 2014 par C... N... ; que la société Gold Investissements détient la totalité du capital social de la société TSE France, de sorte qu'il doit être considéré que dans le temps où il était lié par la clause de non-concurrence, M... O... a indirectement pris une participation dans une société ayant une activité concurrente à celle des trois sociétés mentionnées au protocole ; que cela constituait un acte autorisant les sociétés D... à se prévaloir de la violation de la clause de non concurrence et il est indifférent à cet égard de rechercher à quelle date M... O... et C... N... ont conçu leur projet, qui - sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation sur ce point - a forcément nécessité quelques semaines, voire mois, de maturation ; que les sociétés D... reprochent à M... O... un débauchage massif de leurs salariés, dont certains à des postes stratégiques ; que l'article 4 du protocole transactionnel prévoit : "Monsieur M... O... et la société T..., s'interdisent pendant cette durée, d'accomplir quelque acte de débauchage de salariés ou agents de la société TPS ou des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement." ; qu'en l'état de la rédaction de cette stipulation, il n'est pas nécessaire que le débauchage soit massif pour constituer une violation de la clause de non concurrence ; que les pièces versées à l'appui de la requête et notamment la pièce 18, révèlent que du mois de janvier 2014 au mois de décembre 2016, une quinzaine de salariés a quitté les sociétés D... pour la société TSE France ; que M... O... réplique à juste titre qu'il ne faut pas confondre débauchage et circulation normale des salariés ; mais qu'il ressort de la liste produite par les appelantes (pièce 18) que tous ces salariés ont démissionné, ce que M... O... ne conteste pas, même s'il explique les raisons de leur démission au cas par cas ; que parmi eux, quatre sont des directeurs d'agence qui occupent, ainsi que le soulignent les appelants, des postes stratégiques ; que dans un courrier du 8 décembre 2016, un salarié récemment licencié pour faute grave par la société D... (H... W...) indiquait à son ex-employeur qu'il avait récemment refusé un poste chez le concurrent TSE ; que les appelants justifient encore (pièce 20) que le 12 mai 2014, S... R..., directeur d'agence démissionnaire de la société D..., mais encore à son service le temps du préavis, a envoyé de sa boîte mail professionnelle sur sa boîte mail personnelle, toute une série de documents concernant le groupe D... ; que Steve Q..., salarié démissionnaire de la société D... a procédé de la même manière le 17 février 2016 en adressant à son adresse électronique personnelle toute une série de documents (statistiques, modèles de fichiers, tarifs) qui n'ont rien à voir avec les astreintes qu'il devait assurer ; que tous ces éléments confrontés les uns aux autres rendent vraisemblable le rôle actif joué par M... O... dans le départ des salariés du groupe D... et dans la captation d'éléments se rattachant à la politique de l'entreprise ; qu'ils légitiment la requête déposée ; que les appelants invoquent également une activité avec des clients directs et indirects des sociétés D..., en violation de l'article 4 du protocole ; que sur ce point, M... O... a dans ses écritures devant le premier juge, reconnu la réalisation de prestations par la société TSE pour au moins un client direct des sociétés D... ; que même s'il a qualifié le chiffre d'affaires ainsi réalisé d'insignifiant, la reconnaissance de l'exécution d'une prestation en violation de la clause de non concurrence, justifie à elle seule la demande des sociétés D... de procéder à des investigations supplémentaires, sans qu'il soit nécessaire, à ce stade de la procédure, de procéder à l'analyse exhaustive de la liste des clients produite aux débats ; que pour ordonner la rétractation de l'ordonnance du 26 juillet 2017, le premier juge a notamment stigmatisé une présentation par les demandeurs "très restrictive et rapide, voire quelque peu tronquée du protocole dont les clauses sont en réalité plus nuancées et détaillées." ; mais que le grief ne résiste pas à l'examen dès lors que le protocole transactionnel constituait la pièce 8 des pièces annexées à la requête et qu'il suffisait de s'y reporter pour appréhender la clause dans son intégralité et sa subtilité ; qu'il ne peut être reproché aux sociétés D... d'avoir tenté de tromper le juge auquel la requête a été soumise par la présentation d'éléments tronqués ; que les faits énoncés dans la requête du 26 juillet 2017 tels qu'ils viennent d'être analysés constituent au vu des pièces annexées, un motif légitime de la mesure d'instruction demandée ; que compte tenu de la diversité de ces faits, de leur déroulement dans le temps, la mesure sollicitée n'apparaît pas disproportionnée et la référence au secret des affaires, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ; qu'il importe peu que la requête ait été déposée quelques mois après que la clause de non concurrence a cessé de produire ses effets, dès lors que les faits invoqués se situent entre le 20 décembre 2013 et le 20 décembre 2016 ; que s'agissant à la dérogation au principe de la contradiction, les appelants soutiennent à juste titre que l'efficacité de la mesure dépend de l'effet de surprise et qu'ils étaient fondés à agir non contradictoirement, afin d'éviter la disparition des éléments de preuve recherchés ; que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a ordonnée la rétractation de l'ordonnance du 26 juillet 2017 ; que les termes de l'ordonnance du 26 juillet 2017 seront maintenus sauf à prévoir, comme les appelantes le demandent, que sont exclus de la saisie : - tous les documents contenant le nom et les coordonnées des avocats de M... O..., - tous les documents contenant le mot "Volupal" » ;

1°) ALORS QU' en retenant, pour apprécier l'existence d'une violation de la clause de non-concurrence et, en conséquence, la légitimité de la mesure sollicitée par les sociétés D... et MM. X... et Z... D..., que M. M... O... avait indirectement pris une participation dans une société ayant une activité concurrente à celle des trois sociétés mentionnées au protocole d'accord du 20 décembre 2013, sans prendre en compte, comme il lui était demandé, la circonstance que la société TSE France, qui était spécialisée dans le domaine des transports de petits lots palettisés, n'exerçait aucune activité concurrente des sociétés du Groupe D... visées dans la clause de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le débauchage illicite suppose d'établir l'existence de manoeuvres déloyales ayant entraîné la désorganisation du fonctionnement de l'entreprise concurrente ; qu'en se contentant de relever qu'il y avait preuve de suspicions d'actes de débauchage dès lors qu'un certain nombre de salariés démissionnaires ou licenciés étaient venus travailler au sein de la société TSE France, sans vérifier, comme il lui était demandé (p. 68 des concl. De M. O...), si le rôle prétendument joué par Monsieur O... dans le départ de salariés du Groupe D... était susceptible de caractériser des actes de débauchage ayant entraîné la désorganisation des sociétés du Groupe D... et constitutifs de concurrence déloyale, susceptible de légitimer la requête, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU' en retenant qu'il ne pouvait être reproché aux sociétés D... d'avoir tenté de tromper le juge auquel la requête a été soumise par la présentation d'éléments tronqués, motifs pris que le protocole transactionnel avait été annexé à la requête et qu'il suffisait de s'y reporter, cependant que le juge, qui est tenu de statuer au vu des motifs exposés dans la requête, ne peut se fonder sur les éléments produits à l'appui de la requête qu'à la condition que ceux-ci corroborent les motifs exposés par les requérants, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la requête et l'ordonnance doivent énoncer expressément les circonstances de chaque cas d'espèce susceptibles d'autoriser une dérogation au principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour dire que la dérogation au principe du contradictoire était justifiée, que les sociétés du Groupe D... et Messieurs Z... et X... D... soutiennent à juste titre que l'efficacité de la mesure dépend de l'effet de surprise et qu'ils étaient fondés à agir non contradictoirement, afin d'éviter la disparition des éléments de preuve recherchés, sans constater que la requête et l'ordonnance se référaient à des circonstances concrètes et suffisantes de l'espèce, susceptibles de justifier que la mesure soit diligentée de manière non-contradictoire, la cour d'appel, qui a ainsi statué par un motif d'ordre général dépourvu du caractère concret nécessaire, a violé les articles 145, 493 et 494 du code de procédure civile.