LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la première branche du deuxième moyen du pourvoi principal et du pourvoi incident :
Vu les articles
1134 et
1184 du code civil, ensemble l'article 145 code de commerce">L. 145
1 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 mai 2007), que la SCI FRC, propriétaire de locaux à usage commercial, les a, par convention verbale, donnés en jouissance à MM. X... et Y... pour l'exploitation d'un restaurant après réalisation de travaux ; qu'un premier mois de loyer a été réglé ; qu'à la suite d'un incident de paiement du deuxième loyer mensuel, la bailleresse a repris possession des locaux en changeant les serrures ; que MM. X... et Y... l'ont assignée pour se voir reconnaître titulaires d'un bail commercial et indemnisés des conséquences de l'action de la bailleresse ;
Attendu que pour dire que la résiliation du bail commercial est aux torts de MM. X... et Y..., l'arrêt retient que la SCI FRC a résilié le bail en procédant au changement des serrures, que cependant la rupture a pour origine un chèque de loyer impayé et que la résiliation du bail, bien qu'émanant de la SCI FRC, est imputable à l'inexécution par les locataires du paiement du loyer ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a donné des effets de droit à l'action unilatérale de la bailleresse, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que MM. X... et Y... étaient titulaires d'un bail commercial, l'arrêt rendu le 22 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la SCI FRC aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi principal et incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de MM. X... et Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en indemnisation au titre des travaux exécutés dans le local appartenant à la SCI FRC ;
AUX MOTIFS QUE « les intimés portent la responsabilité de la rupture de sorte qu'ils ne sont pas fondés à demander à être indemnisés des travaux qu'ils ont exécutés dans le local selon leur convenance » ;
ALORS QUE, sauf clause d'accession contraire, le bailleur conservant les travaux de transformation ou d'amélioration faits par le preneur sans son autorisation doit en indemniser celui-ci ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a exclu toute indemnisation de monsieur X... au titre des travaux réalisés dans le local loué au prétexte qu'il portait la responsabilité de la rupture du contrat de bail ; qu'en statuant de la sorte, sans constater une stipulation contractuelle excluant le principe d'une indemnisation au titre des constructions réalisées et acquises par voie d'accession ni que les travaux avaient été réalisés avec l'autorisation du bailleur, la Cour d'appel a violé l'article
555 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande en indemnisation pour usage abusif du droit de rupture unilatérale ;
AUX MOTIFS QUE la SCI FRC a résilié le bail sans mise en demeure et en procédant au changement des serrures ; cependant, la rupture a pour origine le chèque impayé du deuxième mois de loyer remis par M. X... le 14 avril 2004 ; la résiliation du bail, bien qu'émanant de la SCI FRC, est imputable à l'inexécution par les locataires du paiement du loyer qui constitue leur obligation essentielle ; contrairement à ce qui a été jugé par le Tribunal, la résiliation du bail doit être prononcée aux torts de M. Y... et de M. X... ; les intimés portent la responsabilité de la rupture de sorte qu'ils ne sont pas fondés à revendiquer un préjudice moral ; la SCI FRC a procédé à un changement de serrure sans prévenir les intéressés et sans leur laisser la possibilité de reprendre leurs biens ; elle a ainsi commis une faute dans l'exercice de son droit de rupture ;
1°) ALORS QUE le propriétaire d'un local donné à bail commercial ne peut résilier unilatéralement le contrat en reprenant les lieux en dehors de tout cas légal de reprise et sans délivrer la moindre mise en demeure d'exécuter les obligations pesant sur le preneur ; qu'en considérant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles
1134 et
1184 du Code civil ;
2°) ALORS subsidiairement QUE seule la particulière gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ; qu'en conséquence, le juge ne peut valider une telle initiative en se contentant de constater une simple inexécution des obligations contractuelles ; qu'en l'espèce, afin de dire que la résiliation devait être prononcée aux torts de messieurs X... et Y..., la Cour d'appel a seulement constaté que la résiliation du bail était imputable à l'inexécution de l'obligation de payer le loyer ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si le comportement des preneurs revêtait une gravité suffisante pour justifier la rupture unilatérale d'ores et déjà décidée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1184 du Code civil ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE, tenu de motiver sa décision, le juge du fond ne peut procéder par voie de simple affirmation sans préciser l'origine de ses constatations ; qu'en l'espèce, la Cour a prétendu que les chèques remis à la SCI FRC étaient demeurés impayés non pour une insuffisance ponctuelle de provision, mais en ce que monsieur X... était interdit bancaire ; qu'en ne visant ni analysant les pièces d'où elle a tiré une telle « constatation », la Cour a violé l'article
455 du Code de procédure civile ;
4°) ALORS subsidiairement encore QUE, fut-elle justifiée par la particulière gravité du comportement du cocontractant, la rupture unilatérale d'un contrat synallagmatique, notamment dans le domaine commercial, doit être décidée sans brutalité ni soudaineté ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la SCI FRC avait procédé à un changement de serrure sans prévenir les intéressés et sans leur laisser la possibilité de reprendre leurs biens ; qu'elle en a déduit que le bailleur avait commis une faute dans l'exercice de son droit de rupture ; qu'en déboutant cependant monsieur X... de sa demande en indemnisation pour abus du droit de rupture unilatérale du contrat au prétexte que les preneurs portaient la responsabilité de cette rupture, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales s'en évinçant et a violé les articles
1134,
1147 et
1184 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR, s'agissant des climatiseurs entreposés dans les lieux loués, condamné la SCI FRC au paiement de la seule facture de 7.700 euros ;
AUX MOTIFS QUE, « sur les matériels non récupérés, il est invoqué deux factures du 18 mars 2004 portant, pour l'une, deux climatiseurs pour 7.700 euros et, pour l'autre, cinq climatiseurs pour 7.500 euros, factures libellées au nom de la société BL et portant la mention « payé » ; selon les intimés, ces climatiseurs avaient vocation à se trouver dans le local dans le cadre des travaux et en l'attente de la constitution de la société BL ; deux témoins attestent avoir vu des cartons de climatisation dans les lieux ; la SCI FRC, qui conteste l'existence de ces climatiseurs, a empêché tout constat contradictoire en interdisant l'accès aux lieux ; elle s'est privée, par sa faute, de la possibilité de contester utilement la présence des matériels ; toutefois, le nombre de ces climatiseurs est très élevé au regard des déclarations de M. X... qui a parlé d'un climatiseur lors du constat du 12 mai 2004 » ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté qu'ayant empêché toute constatation contradictoire en interdisant l'accès aux lieux, la SCI FRC s'était privée, par sa faute, de la possibilité de contester utilement la présence des matériels ; que, cependant, la Cour d'appel, suivant en cela l'argumentation de la SCI FRC et, dès lors, sa contestation de la présence des climatiseurs (conclusions d'appel, p. 12 et 13), a estimé que le nombre des climatiseurs était très élevé au regard des déclarations de monsieur X..., celui-ci ayant parlé d'un seul climatiseur lors du constat du 12 mai 2004 ; qu'en excluant ainsi puis en admettant le droit de la SCI FRC de contester la présence des sept climatiseurs, la Cour d'appel a violé l'article
455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE, de même, la facture retenue par la Cour d'appel portait sur l'achat de deux climatiseurs ; qu'en refusant à monsieur X... le droit d'obtenir le paiement de la seconde facture portant sur cinq autres climatiseurs au prétexte qu'il l'avait évoqué, dans le constat du 12 mai 2004, qu'un seul climatiseur, la Cour d'appel a de nouveau entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article
455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE, si, dans le constat du 12 mai 2004, monsieur X... évoquait la présence d'un seul climatiseur, cela ne concernait qu'une partie du local loué, cette partie étant dénommée le « petit local » ; qu'il s'en évince que monsieur X... n'avait jamais reconnu la présence d'un seul et unique climatiseur dans l'ensemble des locaux loués, petit local et local principal ; qu'en déduisant de ce constat l'impossibilité d'indemniser monsieur X... à hauteur des sept climatiseurs sensés se trouver dans les lieux loués pour y avoir été livrés, la Cour d'appel a déduit un motif dépourvu de valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles
544,
1134,
1927 et
1932 du Code civil ;
4°) ALORS enfin QUE le détenteur de la chose d'autrui lui en doit restitution ; qu'il suffit donc d'établir la détention pour admettre le droit à restitution ; qu'en déboutant monsieur X... de sa demande en restitution de la valeur de ses biens demeurés dans les lieux loués au prétexte que le nombre des climatiseurs était très élevé, la Cour d'appel a de nouveau déduit un motif dépourvu de toute valeur et a privé sa décision de base légale au regard des articles
544,
1134,
1927 et
1932 du Code civil.