Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème Chambre, 6 août 2020, 18LY03471

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    18LY03471
  • Type de recours : Fiscal
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, 13 juillet 2018
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000042238939
  • Rapporteur : Mme Camille VINET
  • Rapporteur public :
    Mme CONESA-TERRADE
  • Président : M. PRUVOST
  • Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Lyon
2020-08-06
Tribunal administratif de Clermont-Ferrand
2018-07-13

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure La SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la réduction des compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013 et la réduction de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015. Par un jugement n° 1501889-1700824 du 13 juillet 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 septembre 2018 et le 1er février 2019, la SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne, représentée par Me B... et Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 13 juillet 2018 ; 2°) de prononcer la réduction de ces impositions ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne soutient que : - le prix de revient de l'unité de lactosérum est de 110 435 euros ; - les outillages du lactosérum ne sont pas compris dans les matériels et objets mobiliers cédés pour 1 800 000 euros le 21 mars 2008, lequel vise seulement les matériels et objets mobiliers installés dans les bâtiments appartement à la mairie, et sont au contraire compris dans le montant de 500 000 euros pour lequel elle a inscrit le bâtiment en comptabilité ; - cette inscription pour un montant par ailleurs manifestement disproportionné pour un simple bâtiment nu, relève d'une erreur, compte tenu de la valeur des bâtiments industriels dans la région en 2013 ; elle aurait dû inscrire, d'une part, la valeur du bâtiment nu, d'autre part, la valeur des outillages ; - les agencements réalisés en 2008 et en 2011 dans l'unité de lactosérum, qui constituent des éléments intrinsèques des cuves et installations spécifiques de fabrication du petit lait, participent directement à l'activité de production et répondent à la définition des biens d'équipement spécialisés exclus de la valeur locative foncière ; en particulier, la tuyauterie qui permet de relier les différentes cuves de production entre elles constitue un outillage et non un accessoire immobilier la construction ; il en va de même des travaux d'isolation thermique et d'électricité ; - la valeur locative des agencements réalisés dans les bâtiments appartenant à la commune de Saint-Nectaire doit être calculée selon la méthode par comparaison utilisée pour ces bâtiments dès lors qu'il s'agit d'une unité foncière unique ; - l'application de deux méthodes de calcul différentes est contraire à l'instruction administrative référencée BOI-IF-TFB-20-10-50-20-20121210 §110. Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pruvost, président, - les conclusions de Mme E..., rapporteure publique, - et les observations de Me C..., représentant la SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne ;

Considérant ce qui suit

: 1. La SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne (SNLM), qui exerce à Saint-Nectaire une activité de fabrication de fromage dans des bâtiments lui appartenant ou pris à bail en vertu de contrats de crédit-bail immobiliers conclus en 1996, 2001 et 2007 entre la SA Laiterie de la montagne, à laquelle elle a succédé, et la commune de Saint-Nectaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a constaté, s'agissant de la cotisation foncière des entreprises, que seuls avaient été pris en compte dans la valeur locative foncière les biens objets du crédit-bail conclu le 23 mai 1996 et que n'avaient été soumis à cette imposition ni le bâtiment acquis le 8 décembre 2011 par voie de levée d'option dans le cadre de ce contrat, ni le bâtiment à usage de lactosérum acquis par acte notarié du 10 mars 2008. L'administration ayant rectifié la valeur locative foncière de ces biens, la SAS SNLM a été assujettie à des compléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010, 2011, 2012 et 2013. La cotisation foncière des entreprises de l'année 2015 a été établie selon ces modalités. La SAS SNLM relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de réduction des compléments de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2010, 2011, 2012, et 2013 de respectivement 19 748 euros, 23 635 euros, 23 647 euros et 24 791 euros et de réduction, à concurrence de 25 618 euros, de la cotisation primitive de cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2015. 2. D'une part, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " La cotisation foncière des entreprises a pour base : 1° la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 1380 du même code : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11°) les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés au 1° et 2° de l'article 1381 ". Aux termes de l'article 1381 du code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1°) Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ". Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts, les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels doivent, d'une part, participer directement à l'activité industrielle de l'établissement, d'autre part, être dissociables des immeubles. Sur la valeur locative du bâtiment à usage de lactosérum : 4. Il résulte de l'instruction que, par un acte du 10 mars 2008, la SAS SNLM a acquis de la société La laiterie de la montagne, qui faisait l'objet d'un plan de redressement décidé par jugement du tribunal de commerce du 7 septembre 2007, diverses parcelles d'une superficie de 6,30 ares ainsi qu'un bâtiment à usage d'unité de lactosérum, d'une superficie de 2,40 ares, situés à Saint-Nectaire, ainsi que des parcelles, de respectivement 3,73 hectares et de 3,22 ares, situées à Verrières et Grandeyrolles, pour un prix total de 500 000 euros. Par un acte enregistré le 21 mars 2008, elle a acquis de la société La laiterie de la montagne un fonds d'entreprise de fabrication de fromage moyennant un prix de 2 800 000 euros dont 1 000 000 euros pour les éléments incorporels et 1 800 000 euros pour les éléments corporels. L'administration, déduisant du prix des bâtiments acquis par la SAS SNLM la valeur d'origine des différentes parcelles du terrain s'élevant à 7 425 euros, a estimé la valeur du bâtiment à usage d'unité de lactosérum à 492 575 euros, cette valeur étant d'ailleurs celle que la société avait inscrite à l'actif du bilan au compte 213 " construction concentrateur ". 5. La SAS SNLM conteste cette valeur en invoquant une erreur d'inscription comptable, le prix de 492 575 euros incluant, selon elle, des biens d'équipement spécialisés devant être déduits du prix de revient du bâtiment en tant que tel. Si la société a fait procéder à une estimation de la valeur des biens dont elle demande la déduction, la présence de ces biens dans le bâtiment en cause à la date de cette évaluation, à la supposer établie, ne permet pas d'en conclure que la cession du 10 mars 2008 portait non seulement sur un bien immobilier, comme il est mentionné en objet dans l'acte, mais aussi sur des biens meubles, ce qui aurait dû être précisé le cas échéant. Par ailleurs, l'article 6 de l'acte de cession du fonds d'entreprise, relatif au prix, mentionne que les immeubles ont été rachetés pour un prix de 500 000 euros par l'acte de vente du 10 mars 2008, alors que son annexe 2 liste, après avoir relevé l'impossibilité de disposer de données totalement fiables, les éléments corporels cédés, notamment sous l'intitulé " unité de fabrication du fromage ", et dont il y a lieu de penser qu'ils correspondent aux équipements de la totalité des bâtiments exploités dans le cadre du fonds d'entreprise cédé. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'indication, dans l'acte de cession du 10 mars 2008, que le bâtiment cédé est " à usage d'unité de lactosérum ", ne permet pas d'en inférer que le prix d'acquisition du bâtiment comprend le prix des équipements spécialisés correspondants. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que le prix de 492 575 euros serait exagéré au regard de la valeur d'un bâtiment industriel nu dans le secteur ne permet pas davantage de considérer que l'acte de vente du bâtiment en cause ne mentionne pas la totalité des biens cédés, ni que le montant inscrit en comptabilité comme correspondant au prix d'achat du bâtiment est erroné. Par suite, l'administration était fondée de retenir la somme de 492 575 euros comme valeur locative foncière du bâtiment à usage d'unité de lactosérum. 6. La SAS SNLM soutient également que les agencements réalisés en 2008 dans l'unité de production de lactosérum, que l'administration a retenus à hauteur de 51 072 euros dans la valeur locative foncière de son installation, sont des éléments intrinsèques des cuves et installations spécifiques de fabrication du petit-lait qui ne constituent pas des agencements fonciers et doivent être exclus de la valeur locative foncière conformément au 11° de l'article 1382 du code général des impôts dès lors qu'ils participent directement à l'activité de production. 7. Il résulte de l'instruction que les agencements dont la prise en compte dans la valeur locative est contestée sont relatifs à des travaux effectués sur le concentrateur, portant sur la toiture, une tour de refroidissement, la pose d'un châssis de manutention, des travaux de bardage d'installation de cloisons, de faux plafond, la fourniture et la pose de rail et palan dans la charpente, des dalles de socles en béton et des châssis métalliques. Les factures produites par la société requérante, qui, au demeurant, n'apporte pas davantage de précisions sur ce point en appel qu'en première instance, ne permettent toutefois pas de considérer que ces éléments, non seulement participent directement à l'activité industrielle de l'établissement, mais sont en outre dissociables des immeubles passibles de la taxe foncière. 8. Il suit de là que la SAS SNLM ne peut prétendre, pour ces éléments, au bénéfice de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Sur la valeur locative des agencements réalisés dans les bâtiments appartenant à la commune de Saint-Nectaire : 9. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la commune de Saint-Nectaire a édifié des bâtiments à usage industriel qu'elle a donnés en location à la SAS SNLM pour les besoins de son activité industrielle de fabrique de fromage. Cette société, qui est soumise aux obligations déclaratives énoncées par l'article 53 A du code général des impôts, a procédé à la réalisation d'agencements fonciers sur ces biens pris en crédit-bail qu'elle a inscrits à l'actif de son bilan. L'administration a évalué la valeur locative de ces agencements en la calculant, non pas suivant les règles spécifiques définies à l'article 1498 du code général des impôts, mais selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 de ce code pour les établissements industriels, ce que la société requérante conteste en relevant que l'ensemble immobilier constitue une unité foncière unique pour en déduire que les agencements doivent être évalués de manière identique aux constructions. 10. Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients (2) qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (3). (...) ". Aux termes de l'article 1500 du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : /1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; /2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites. ". Selon l'article 1498 du code relatif aux locaux commerciaux et biens divers : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. ". 11. Il résulte des dispositions de l'article 1500 du code général des impôts que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du code général des impôts et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du même code. Néanmoins, lorsque le propriétaire de ces bâtiments ou terrains industriels n'est pas soumis aux obligations prévues à l'article 53 A, à la différence de l'exploitant, et que ce dernier n'a inscrit à l'actif de son bilan qu'une partie des immobilisations afférentes à ces bâtiments ou terrains sans que cette inscription partielle procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, il y a lieu de n'appliquer la méthode comptable de l'article 1499 précité qu'à ces seuls éléments et de procéder, pour l'évaluation de la partie qui ne figure pas à l'actif du bilan de l'exploitant, selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts, alors même que l'ensemble formerait une propriété destinée à une même utilisation, au sens des articles 1494 du code général des impôts et 324 A de l'annexe III à ce code. 12. Il suit de là que, sur le terrain de l'application de la loi fiscale, le moyen tiré de ce que la méthode comparative appliquée aux bâtiments appartenant à la commune de Saint-Nectaire aurait dû être mise en oeuvre pour le calcul de la valeur locative des agencements réalisés par la SAS SNLM dans ces bâtiments et inscrits à l'actif de son bilan ne peut qu'être écarté. 13. Si la SAS SNLM se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative de base 6 C 2521 n° 2 reprise au BOI-TF-TFB-20-10-50-20-20121210, n° 110, indiquant que, lorsqu'une méthode d'évaluation a été retenue conformément à la nature du bâtiment, " cette méthode est applicable, mutatis mutandis, aux aménagements effectués par locataire et faisant corps avec la construction ", ces termes ne comportent aucune interprétation différente de ces dispositions de celle qui résulte de ce qui a dit au point 12 ci-dessus, susceptible d'être opposée à l'administration pour faire échec aux rehaussements en litige. 14. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS SNLM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS SNLM est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Société nouvelle de la laiterie de la montagne et au ministre délégué en charge des comptes publics. Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme A... présidente-assesseure, Mme F..., première conseillère. Lu en audience publique le 6 août 2020. 2 N° 18LY03471 ld