Cour d'appel de Paris, Chambre 1-2, 31 mars 2016, 15/04272

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    15/04272
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Créteil, 9 février 2015
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/603590134f8a04b4e40c8090
  • Président : Monsieur Frédéric CHARLON
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-04-20
Cour d'appel de Paris
2016-03-31
Tribunal de grande instance de Créteil
2015-02-09

Texte intégral

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 2

ARRET

DU 31 MARS 2016 (n° 232, 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04272 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/00081 APPELANTE SOCIÉTÉ MUTUALISTE DES ETUDIANTS DE LA REGION PARISIENNE SMEREP, société mutuelle soumise aux dispositions du Livre II du Code de la mutualité, immatriculée au RNM sous le n° 775 684 780 et agissant poursuites et diligences de son Président en exercice et/ou tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1] [Localité 1] Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 Assistée de Me Marie SOULEZ, avocat au barreau de Paris - toque : E241 INTIMEE LA MUTUELLE DES ÉTUDIANTS (LMDE) procédure de sauvegarde ouverte par jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 9 février 2015. [Adresse 2] [Localité 2] N° SIRET : 431 79 1 6 722 Représentée par Me Anne-laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Frédéric CHARLON, président de chambre et Odette-Luce BOUVIER, conseillère Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Frédéric CHARLON, Président de chambre Madame Evelyne LOUYS, conseillère Madame Odette-Luce BOUVIER, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Frédéric CHARLON, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier. Affirmant être victime d'agissements déloyaux et d'actes de dénigrement de la part de la Société mutualiste des étudiants de la région parisienne (SMEREP) par la voie d'affichages publicitaires, la société La Mutuelle des étudiants (LMDE) a présenté une requête le 23 mai 2013 devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil afin que soit ordonné un constat sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile. Par ordonnance rendue le 23 mai 2013, le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Créteil a autorisé la LMDE à se rendre dans les locaux de l'Université [Localité 3] ([Localité 4]), [Adresse 3] et : - de constater que la SMEREP expose et/ou distribue une affiche sur laquelle figure la mention suivante : - La LMDE est en crise - Le changement c'est MAINTENANT - "cf dans la presse et sur le web/LMDE en difficulté financière" - "dès à présent auprès de votre service scolarité, demandez votre inscription au Centre 617 SMEREP de sécurité sociale étudiante, n°1 en qualité de service" - "ou à la prochaine rentrée, cochez 617 SMEREP sur votre dossier d'inscription dans l'enseignement supérieur" - de constater le nombre d'affiches "affichées" ou distribuées - de dresser un procès-verbal de ses constatations en y annexant la documentation que VITTAVI distribue ou met à la disposition des étudiants ou bachelier lors des manifestations. Maître [B] a dressé procès-verbal du constat réalisé le 24 mai 2013 dans les locaux de l'Université [Localité 3] ([Localité 4]). Par acte du 24 décembre 2014, la SMEREP a assigné en référé la LMDE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil afin que soit déclarée nulle la signification du 24 mai 2013 de l'ordonnance sur requête rendue le 23 mai 2013, de rétractation de l'ordonnance et par voie de conséquence, d'annulation des opérations subséquentes, notamment du procès-verbal de constat réalisé en exécution de cette décision. Par ordonnance de référé contradictoire rendue le 9 février 2015, le juge de la rétractation, retenant que l'ordonnance a été signifiée à l'université [Localité 3], contrairement à ce que prétend la SMEREP dans son assignation ; que, sur la régularité de la signification, le moyen tiré de sa nullité, lequel correspond à un simple vice de forme, ne fait état, comme l'impose l'article 114 du code de procédure civile, d'aucun grief résultant de l'irrégularité prétendue, que la demande tendant à la nullité de la signification sera rejetée ; que par ailleurs, il se déduit des mentions du procès-verbal du 24 mai 2013 (en particulier de celle libellée "agissant en vertu d'une ordonnance du 23 mai 2013") que l'huissier était nécessairement porteur de la minute de l'ordonnance ; que, l'ordonnance du 23 mai 2014 et son exécution n'étant pas autrement critiquées, la société SMEREP sera déboutée de l'intégralité de ses demandes, a : - rejeté les demandes formulées par la SMEREP ; - condamné la SMEREP à payer à la LMDE une indemnité de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné la SMEREP aux dépens. La SMEREP a interjeté appel de cette ordonnance le 23 février 2015. Dans ses dernières conclusions transmises le 16 septembre 2015, la SMEREP, appelante, demande à la cour de : - déclarer recevable et bien fondée la SMEREP en son appel ; - débouter la LMDE de son appel incident ; - confirmer l'ordonnance de référé du 9 février 2015 en ce qu'elle a déclaré la SMEREP recevable en son action ; - infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau : - déclarer la SMEREP bien fondée en l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions, y faire droit et en conséquence, - dire et juger que la requête et l'ordonnance rendue sur requête de la LMDE par le président du tribunal de grande instance de Créteil le 23 mai 2013 n'ont été ni remises ni notifiées à la SMEREP ; - déclarer nulle la signification du 24 mai 2013 dans les locaux de la SMEREP situés [Adresse 3] de l'ordonnance du 23 mai 2013 rendue sur requête ; - dire et juger qu'aucun élément ne permet de s'assurer que l'huissier était porteur de la minute de l'ordonnance rendue sur requête de la LMDE par le président du tribunal de grande instance de Créteil le 23 mai 2013 lors de la réalisation de ses opérations de constat ; - ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête du 23 mai 2013 ; - annuler l'ensemble des opérations subséquentes et notamment le procès-verbal de constat sur ordonnance du 24 mai 2013 ; - condamner la LMDE à payer à la SMEREP, la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamner la LMDE aux dépens. L'appelante fait valoir : - que sa demande est recevable car elle tend à démontrer des irrégularités lui portant grief ; que l'absence de notification de l'ordonnance sur requête lui a porté grief car elle n'a pas pu être présente et faire valoir ses droits lors du constat d'huissier de justice ; que cette absence de notification entache d'invalidité la procédure de constat ; - que la signification de l'ordonnance à l'étude de l'huissier est en date du 24 mai 2013 et sans qu'ait été tentée une signification au siège social de la SMEREP ; que, la SMEREP étant la personne qui supporte la mesure, la signification de l'ordonnance aurait dû lui être faite ; - que le procès-verbal de constat est nul en raison de l'absence de mention relative à la minute alors que si une ordonnance sur requête est exécutoire sur minute, il est exigé que cette pièce soit présentée à la personne à laquelle on veut l'opposer. Dans ses dernières conclusions transmises le 26 janvier 2016, la LMDE, intimée et appelante incidente, demande à la cour de : A titre principal, - déclarer irrecevable la demande de la SMEREP. A titre subsidiaire, -confirmer l'ordonnance de référé du 9 février 2015 en ce qu'elle a rejeté les demandes formulée par la SMEREP. En tout état de cause - condamner la SMEREP à lui payer à la LMDE une somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et condamner la SMEREP aux dépens de l'instance. - condamner la SMEREP aux entiers dépens. La LMDE fait valoir : - que le juge de la rétractation ne peut se voir saisi d'un litige exclusivement porté sur l'irrégularité de la notification d'une ordonnance et non sur l'ordonnance elle-même ; en qu'elle tend seulement à critiquer les modalités de signification de l'ordonnance du 23 mai 2013 ainsi qu'il résulte du dispositif des conclusions de la SMEREP qui demande à la cour de « déclarer nulle la signification du 24 mai 2013 dans les locaux de la SMEREP situés [Adresse 3] de l'ordonnance du 23 mai 2013 rendu sur requête » : une telle demande n'entre pas dans le champ des attributions du juge de la rétractation ; que la demande de la SMEREP est donc irrecevable ; - à titre subsidiaire, que la LMDE disposait d'un "intérêt" légitime à conserver avant tout procès la preuve de l'affichage litigieux par la SMEREP au sein de l'université [Localité 3] conformément à l'article 145 du code de procédure civile ; - que l'article 493 du code de procédure civile dispose que la copie de la requête et de l'ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée, cette personne étant celle qui supporte l'exécution de la mesure ; qu'en l'espèce, seule l'université [Localité 3] dans les locaux de laquelle le constat a eu lieu devait se voir notifier la requête et l'ordonnance sur requête ; - que l'absence de mention dans le procès-verbal de constat ne permet pas d'assurer que l'huissier n'était pas porteur de la minute.

SUR CE,

LA COUR, Sur la recevabilité de l'action en rétractation engagée par la SMEREP : L'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile, prévoit que : "Sil est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance". L'article 497 du même code précise que "le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire". En l'espèce, la SMEREP, intéressée par la requête formée par la LMDE en ce que cette procédure non contradictoire est destinée à recueillir des éléments de preuve sur des faits de concurrence déloyale et de dénigrement reprochés à la SMEREP par une autre mutuelle, sollicite la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 23 mai 2013 au regard d'irrégularités alléguées lors des opérations de constat et notamment des modalités de signification de cette ordonnance ; Une telle demande relève des pouvoirs du juge de la rétractation dès lors que le non-respect des modalités procédurales de remise de copie de la requête et de l'ordonnance rendue sur requête, telles que fixées par la loi afin de préserver la tenue d'un débat contradictoire, est susceptible de fonder la rétractation prévue par les articles 496 et 497 sus visés. Il s'en déduit qu'est recevable la demande en rétractation formée par la SMEREP . Au principal : Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; Il résulte de l'article 145 sus visé que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions ; L'article 875 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ; Il résulte des articles 145, 496 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé ayant rejeté la demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue ; qu'elle est tenue d'apprécier elle-même, au jour où elle statue, les mérites de la requête au regard de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement. En l'espèce, sur le recours à une procédure non contradictoire, la cour relève d'office que dans sa requête présentée le 23 mai 2013, expressément visée par l'ordonnance du même jour du juge des requêtes saisi, la société LMDE soutient que : "Pour être efficace, la mesure d'instruction ne peut pas être sollicité de façon contradictoire ; Compte tenu de l'objet de la requête, il est précisément impossible d'organiser un débat contradictoire avec la SMEREP, qui avertie, s'empresserait de faire disparaître les affiches "litigieux" et/ou de faire cesser leur distribution le temps de la présence de l'huissier de justice ". En se bornant à expliquer par cette seule affirmation, assimilable à une clause de style car non étayée par des circonstances propres à l'espèce justifiant la crainte évoquée, sans plus de précisions, d'un risque de disparition des preuves de la pratique concurrentielle déloyale et des dénigrements allégués, la requérante n'a pas justifié de la nécessité de déroger au principe de la contradiction, étant relevé par la cour que l'affiche litigieuse de la SMEREP avait été photographiée "sur la vitrine de leur agence dans l'université [Localité 3]" et envoyée par courriel du 23 mai 2013 par Mme [H] [K], le seul témoin cité par la requérante et que les constatations requises concernent des affichages et supports imprimés et accessibles au public qui ne sont pas, par nature, susceptibles de disparaître et pouvaient donc être obtenus dans le cadre d'un débat contradictoire. La société LMDE n'établissant pas les circonstances justifiant qu'il ne soit pas procédé contradictoirement aux mesures requises, il convient d'infirmer en conséquence l'ordonnance du 9 février 2015 et, statuant à nouveau, de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 23 mai 2013 et d'annuler l'ensemble des opérations subséquentes et notamment le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 24 mai 2013. L'équité commande de faire droit à la demande de la SMEREP présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société LMDE est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision. Partie perdante, la société LMDE ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

DIT recevable la demande en rétractation formée par la Société mutualiste des étudiants de la région parisienne (SMEREP) et déboute la société La Mutuelle des étudiants (LMDE) de sa fin de non-recevoir, INFIRME l'ordonnance entreprise en l'ensemble de ses dispositions, Statuant à nouveau, RÉTRACTE l'ordonnance rendue le 23 mai 2013 par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Créteil, ANNULE en conséquence l'ensemble des opérations subséquentes et notamment le procès-verbal de constat d'huissier de justice du 24 mai 2013, CONDAMNE la société La Mutuelle des étudiants (LMDE) à verser à la Société mutualiste des étudiants de la région parisienne (SMEREP) la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société La Mutuelle des étudiants (LMDE) aux dépens, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,