INPI, 3 février 2022, OP 21-3495
Mots clés
produits · risque · programmes · informatiques · audiovisuels · spectacles · transmission · réseaux · location · production · télévision · télécommunications · renommée · ordinateurs · films
Synthèse
Juridiction : INPI
Numéro affaire : OP 21-3495
Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
Marques : Citizen +
Numéros d'enregistrement : 4764715 ; 1025864
Parties : GROUPE CANAL + SA / B
Texte
OP21-3495 03/02/2022
DECISION
STATUANT SUR UNE OPPOSITION
LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
Vu l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques révisé du 14 avril 1891, le Protocole relatif à cet Arrangement adopté le 27 juin 1989 et le règlement d'exécution du 1er avril 1996 ;
Vu le règlement (UE) n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 ;
Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L 411-4, L 411-5, L 712-3 à L 712-5-1, L 712-7, L-713-2, L 713-3, R 411-17, R 712-13 à R 712-19, R 712-21, R 712-26 et R 718-2 à R 718-5 ;
Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié, relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle ;
Vu la décision modifiée n° 2014-142 bis du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux conditions de présentation et au contenu du dossier des demandes d'enregistrement de marques ;
Vu la décision n° 2019-158 du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure d’opposition à enregistrement d’une marque.
I.-
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur P B a déposé le 7 mai 2021, la demande d’enregistrement n° 4 764 715 portant sur le signe verbal CITIZEN +.
Le 28 juillet 2021, la société GROUPE CANAL + (société anonyme à directoire et conseil de surveillance) a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de l’enregistrement international désignant l’Union européenne déposée le 15 septembre 2009 et enregistrée sous le n° 1 025 864, dont l’opposant indique être devenu propriétaire suite à une transmission de propriété, inscrite au registre et régulièrement renouvelée, sur le fondement d’un risque de confusion et sur le fondement d’une atteinte à sa renommée.
L'opposition a été notifiée à la titulaire de la demande d’enregistrement. Cette notification l’invitait à présenter des observations en réponse à l'opposition dans un délai de deux mois.
Aucune observation en réponse à l'opposition n'ayant été présentée à l'Institut dans le délai imparti, la phase d’instruction a pris fin, ce dont les parties ont été informées.
1II.- DECISION
A. Sur le risque de confusion
Le risque de confusion s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion comprend le risque d’association.
L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de nombreux facteurs qui incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.
Sur la comparaison des produits et services
Pour apprécier la similitude entre les produits et services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits et services. Les facteurs pertinents concernant la comparaison des produits ou services incluent, en particulier, leur nature, leur fonction, leur destination ainsi que leur caractère complémentaire.
L’opposition est formée contre les services suivants : « Télécommunications; mise à disposition d'informations en matière de télécommunications; communications par terminaux d'ordinateurs; communications par réseaux de fibres optiques; communications radiophoniques; communications téléphoniques; radiotéléphonie mobile; fourniture d'accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux; mise à disposition de forums en ligne; fourniture d'accès à des bases de données; services d'affichage électronique (télécommunications); raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; agences de presse; agences d'informations (nouvelles); location d'appareils de télécommunication; radiodiffusion; télédiffusion; services de téléconférences; services de visioconférence; services de messagerie électronique; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux ; éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d'informations en matière de divertissement; mise à disposition d'informations en matière d'éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; services de jeux d'argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ».
La marque antérieure a été enregistrée pour les produits et services suivants : « Décodeurs ; logiciels (programmes enregistrés) en lien avec des programmes TV ; Logiciels (programmes enregistrés) en lien avec des programmes de presse, audio, audiovisuels, cinématographiques et multimédias ; Papier et carton (brut, mi-ouvré) ; produits de la papeterie ; produits de l'imprimerie ; objets d'art gravés ; objets d'art lithographiés ; billets (tickets) ; photographies ; catalogues, journaux, périodiques, magazines, revues, livres, marques pour livres manuels, albums, brochures ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier et en matières plastiques pour l'emballage ; rubans adhésifs pour le papeterie ou le ménage ; cartes d'abonnement (non magnétiques) ; cartes de crédit (non magnétiques) ; caractères d'imprimerie ; clichés ; stylos, instruments d'écriture ; cartes de visite, cartes postales, cahiers, blocs- notes ; carnets ; chéquiers ; portechéquiers ; porte-plumes, plumes à écrire, plumes à dessin ; affiches ; calendriers ; corbeilles à courrier ; guides de programmes de télévision et de radio ; linge de table et serviettes en papier ; nappes en papier ; papier hygiénique ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; drapeaux en papier ; autocollants (articles de papeterie) ; timbres-
2poste ; boîtes en carton u en papier ; enveloppes (papeterie), faire-part (papeterie) ; fournitures scolaires ; papiers à lettres. ; 35 Conseils en affaires ; assistance et conseils professionnels dans l'organisation et la gestion des affaires pour entreprises industrielles et commerciales ; conseils et informations en matière commerciale ; conseils commerciaux destinés aux consommateurs (à savoir informations de consommation) liés au choix d'équipements informatiques et de télécommunication ; collecte et organisation de données dans des fichiers ; publicité ; location d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'opérations promotionnelles et publicitaires en vue de fidéliser la clientèle ; rédaction de courriers publicitaires ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; publipostage ; services d'abonnement à des programmes audiovisuels, à des programmes audio, radio, à des journaux ; services d'abonnement à des vidéogrammes, à des enregistrements phonographiques, à tous supports audio et audiovisuels ; services d'abonnement à tous supports d'informations, de textes, de sons et/ou d'images et notamment sous la forme de publications électroniques ou non, numériques, de produits multimédias ; services d'abonnement à une chaîne de télévision ; services d'abonnement à un service téléphonique ou informatique (Internet) ; publication de textes publicitaires ; publicité radiophonique et télévisée ; publicité interactive ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; informations ou renseignements d'affaires ; recherches pour affaires ; aide à la direction d'entreprises commerciales ou industrielles ; bureaux de placement ; estimation en affaires commerciales ou industrielles ; comptabilité ; reproduction de documents ; gestion de fichiers informatiques ; services de gestion de bases de données ; services de saisie et de traitement de données à savoir saisie, recueil, systématisation de données, location de fichiers informatiques ; organisation d'expositions et de manifestations à buts commerciaux ou de publicité ; promotion des ventes pour des tiers ; recherche de marché ; ventes aux enchères ; télé- promotion avec offre de vente ; gestion administrative de lieux d'exposition à but commercial ou de publicité ; relations publiques ; location de temps publicitaire (sur tout moyen de communication) ; vente au détail et en gros d'articles vestimentaires, maroquinerie, bijouterie, stylos, papeterie, jeux, jouets, articles de sport ; vente au détail et en gros de produits audiovisuels, informatiques et de télécommunications à savoir bandes vidéo, téléviseurs, magnétoscopes, baladeurs, magnétophones, radio, matériel haute-fidélité (Hi-Fi), décodeurs, téléphones portables, ordinateurs, bandes (rubans) magnétiques, changeurs de disques (informatique), circuits imprimés, circuits intégrés, claviers d'ordinateurs, disques compacts (audio-vidéo), disques optiques compacts, coupleurs (informatique), disquettes souples, supports de données magnétiques, écrans vidéo, scanneurs, imprimantes d'ordinateurs, interfaces (informatique), lecteurs (informatique), logiciels (programmes enregistrés), microprocesseurs, modems, moniteurs (matériel), moniteurs, (programmes d'ordinateurs), ordinateurs, mémoires d'ordinateurs, périphériques d'ordinateurs, programmes d'ordinateurs enregistrés, processeurs (unités centrales de traitement), programmes du système d'exploitation enregistrés (pour ordinateurs), puces (circuits intégrés), vente au détail d'antennes ; services de revues de presse. ; Télédiffusion ; télétransmission ; émissions télévisées ; diffusion de programmes TV par satellite, par câble, par réseaux informatiques (notamment par Internet), par réseaux radiotéléphoniques ; diffusion de programmes TV audio, audiovisuels, cinématographiques, de multimédia (textes et/ou images (fixes ou animées) et/ou de sons musicaux ou non, de sonneries) à usage interactif ou non ; location de dispositifs d'accès (appareils) à des programmes interactifs audiovisuels ; services de téléchargement en ligne de films et autres programmes audio et audiovisuels ; services de transmission de programmes et de sélections de chaînes de télévision ; services de transmission et réception d'images vidéo via l'Internet par le biais d'un ordinateur ou d'un téléphone mobile ; fourniture d'accès à des sites Web sur l'Internet contenant toute œuvre audiovisuelle ; diffusion de programmes par satellite, par câble, par réseaux informatiques (notamment par Internet), par réseaux radiotéléphoniques ; diffusion de programmes audio, audiovisuels, cinématographiques, de multimédia (textes et/ou images ; location d'antennes et de paraboles. ; Divertissement par le biais de la télévision et de l'internet ; divertissements télévisés sur tout support à savoir téléviseur, ordinateur, baladeur, baladeur vidéo, assistant personnel, téléphone mobile, réseaux informatiques, Internet ; production de spectacles, de films, de téléfilms, d'émissions télévisées, de reportages, de débats, de vidéogrammes TV ; location de décodeurs ; production de spectacles, de films, de programmes TV audiovisuels, radiophoniques et multimédia ; location de vidéogrammes, de films ; location de films cinématographiques. ; Recherche et développement de nouveaux produits ; recherches techniques ; expertises (travaux d'ingénieurs), consultations professionnelles en matière d'ordinateurs, de téléphonie, de programmes vidéo, d'Internet ; services d'exploitation de moteurs de recherche sur l'Internet ; conception, élaboration, mise à jour et location
3de logiciels informatiques ; consultations en matière d'ordinateurs, de location d'ordinateurs ; services photographiques, à savoir prises de vues photographiques, reportages photographiques ; conception (élaboration) de systèmes de cryptage, décryptage, de contrôle d'accès à des programmes télévisés, radiodiffusés, notamment nomades et de tout système de transmission d'informations ; conception (élaboration) de programmes et d'appareils interactifs ; services d'établissement de normes (standardisation) techniques, services de normalisation à savoir élaboration (conception) de normes techniques de produits manufacturés et de services de télécommunication ; services d'informations météorologiques ; recherche et développement de systèmes électroniques, informatiques et audiovisuels, d'embrouillage et de contrôle d'accès dans le domaine de la télévision, de l'informatique, des télécommunications, de l'audiovisuel ; services d'authentification (recherche d'origine) de messages électroniques ; informations en matière d'informatique appliquée aux télécommunications ; mise en forme informatique de textes et/ou d'images, fixes à usage interactif ou non ».
La société opposante soutient que les services de la demande d’enregistrement sont identiques ou similaires à certains des produits et services de la marque antérieure invoquée.
Les services de la demande d’enregistrement contestée apparaissent identiques et similaires, notamment à l’évidence, à certains des produits et services invoqués de la marque antérieure, ce qui n’est pas contesté par le déposant.
Sur la comparaison des signes
La demande d’enregistrement contestée porte sur le signe verbal CITIZEN +, ci-dessous reproduit :
L’enregistrement international antérieur porte sur le signe complexe +, reproduit ci-dessous :
L’opposant soutient que les signes en cause sont similaires.
L'appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.
Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.
Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes, que le signe contesté est composé d’un élément verbal et du symbole +, et la marque antérieure est quant à elle constituée du signe arithmétique + inscrit dans un carré noir.
Ces signes ont en commun le symbole +.
Toutefois, cette seule circonstance ne saurait suffire à leur conférer une même impression d’ensemble tant ils diffèrent visuellement et phonétiquement.
4En effet visuellement, ces signes diffèrent radicalement par leurs structures, longueur et présentation (un élément verbal pour le signe contesté se terminant par un signe arithmétique, un signe arithmétique adoptant une présentation particulière pour la marque antérieure), ainsi que par leur attaque (la dénomination CITIZEN pour le signe contesté, + pour la marque antérieure).
En particulier, la représentation du symbole + commun aux deux signes, diffère radicalement dans les deux signes (représentation de petite taille et de couleur noire placée dans le prolongement de la dénomination CITIZEN dans le signe contesté ; représentation avec de grosses bandes blanches et droites se croisant à angle droit dans un carré noir dans la marque antérieure), ce qui engendre des différences manifestes de physionomie.
Phonétiquement, ces dénominations ne présentent pas le même rythme (quatre temps pour le signe contesté et un seul temps pour la marque antérieure) ni les mêmes sonorités d’attaque en raison de la présence du terme CITIZEN dans le signe contesté, ce qui leur confère une prononciation radicalement différente.
Il en résulte une impression d’ensemble distincte entre les signes, laquelle n’est pas remise en cause par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants, contrairement à ce qu’indique l’opposante.
En effet, au sein du signe contesté, le signe + apparaît intrinsèquement faiblement distinctif en ce qu’il présente un caractère laudatif, évoquant un caractère supérieur, une haute qualité des services rendus.
En outre, contrairement à ce que soutient la société opposante, l’élément très court + n’apparaît pas dominant dans le signe contesté, en ce qu’il est précédé de la longue dénomination CITIZEN, laquelle apparaît parfaitement distinctive au regard des services en cause, dès lors qu’elle ne présente aucun lien direct et concret avec ces services, ni n’en désigne une caractéristique précise : c’est donc cet élément verbal qui retiendra immédiatement l’attention du public.
A cet égard, à supposer que le terme CITIZEN puisse être « aisément compris du public français comme signifiant « citoyen » » - ce qui n’est nullement avéré – et soit donc évocateur de l’objet ou de la destination de certains services en cause, cette circonstance ne saurait pour autant conférer au signe + du signe contesté un caractère distinctif et dominant ou essentiel.
Ainsi, compte tenu des différences d’ensemble entre les signes et de la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants, il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public. Ce dernier n’est notamment pas fondé à associer les deux marques en les rattachant à une origine commune, contrairement à ce que soutient la société opposante.
Le signe verbal contesté CITIZEN + n’est donc pas similaire à la marque complexe antérieure complexe +.
Sur l'appréciation globale du risque de confusion
L'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés ; ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.
De plus, le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause.
5L’opposante invoque, comme facteur aggravant du risque de confusion, « la renommée/connaissance particulière dont bénéficie la marque antérieure aux yeux du consommateur français, en particulier dans le domaine des médias, de l’audiovisuel, des télécommunications et du divertissement ». Il revendique en outre une famille de marques (enregistrées pour désigner notamment des produits et services des classes 9, 16, 35, 38, 41 et 42), formées de l’association d’un élément verbal et du symbole « + ». Elle estime à cet égard que le signe contesté présente des caractéristiques susceptibles de faire naître dans l’esprit des consommateurs l’association avec sa famille de marques. Elle en déduit que le signe contesté sera perçu comme une déclinaison de sa marque antérieure. Elle fournit de nombreux documents à l’appui de son argumentation.
En l’espèce, l’ensemble des documents produits par l’opposant permet d’établir la grande connaissance de la marque antérieure dans le domaine des medias et plus particulièrement dans l’univers télévisuel, lui conférant ainsi un caractère distinctif accru pour désigner une chaîne de télévision et les services qui lui sont directement liés.
Toutefois, cette connaissance de la marque antérieure ne saurait avoir pour effet de créer en l'espèce un risque de confusion entre les marques en présence, du fait de l’impression d’ensemble très distincte entre les signes, comme relevé précédemment, et ce même au regard des produits et services qui sont considérés comme identiques ou similaires à ceux de la marque antérieure.
Ainsi, contrairement aux arguments développés par l’opposante, la connaissance particulière de la marque antérieure au regard de certains des produits et services en cause ne saurait suffire à établir un risque de confusion ou d’association, du seul fait de la présence du symbole + au sein du signe contesté.
A cet égard, la connaissance de la marque antérieure ne peut lui conférer un monopole de nature à lui permettre de s’opposer à l’utilisation du symbole +, au surplus présenté de manière très différente de la marque antérieure, au sein d’un signe aussi différent de sa propre marque que l’est le signe contesté.
En conséquence, en raison de l’absence de similarité entre les signes, il n’existe pas globalement de risque de confusion sur l’origine de ces marques et ce, malgré l’identité et la similarité des produits et services en cause, et de la grande connaissance de la marque antérieure établie dans le domaine des medias et plus particulièrement dans l’univers télévisuel, pour désigner une chaîne de télévision et les services qui lui sont directement liés.
Enfin, ne saurait être retenu l’argument de l’opposante relatif à sa famille de marques pour reconnaître l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.
En effet, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence communautaire que c’est dans l’hypothèse où l’opposition serait fondée sur l’existence de plusieurs marques qui présentent des caractéristiques communes permettant de les considérer comme faisant partie d’une même famille qu’il conviendrait de tenir compte de cette famille de marques afin d’apprécier l’existence d’un lien entre les marques en présence dans l’esprit du public.
En l’espèce, force est de constater que si l’opposante cite plusieurs marques antérieures dont elle serait titulaire et qui, selon elle, font partie d’une famille, elle a fondé son opposition uniquement sur la l’enregistrement international n° 1 025 864 désignant l’Union européenne. Ainsi, elle ne saurait se prévaloir de l’existence d’une famille de marques dans le cadre de la présente procédure.
6B. Sur l’atteinte à la renommée
Le titulaire d’une marque jouissant d’une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services soient identiques, similaires ou non similaires, et lorsque l’usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.
Cette protection élargie accordée à la marque de renommée suppose la réunion des conditions suivantes : premièrement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée, deuxièmement, l’identité ou la similitude des marques en conflit et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice ; ces trois conditions sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffisant à rendre inapplicable ce régime de protection.
Sur la renommée de la marque antérieure
La renommée implique un seuil de connaissance qui n'est atteint que lorsque la marque antérieure est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne. Le public au sein duquel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui concerné par cette marque, c'est-à-dire selon le produit ou service commercialisé, le grand public ou un public plus spécialisé.
Afin de déterminer le niveau de renommée de la marque, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.
En l’espèce l’opposante invoque la renommée de l’enregistrement international désignant l’Union européenne n°1 025 864 et portant sur le signe figuratif suivant :
Il revendique la renommée de cette marque pour les produits et services suivants : « Décodeurs ; logiciels (programmes enregistrés) en lien avec des programmes TV ; Logiciels (programmes enregistrés) en lien avec des programmes de presse, audio, audiovisuels, cinématographiques et multimédias. ; Conseils commerciaux destinés aux consommateurs (à savoir informations de consommation) liés au choix d'équipements informatiques et de télécommunication ; services d'abonnement à des programmes audiovisuels ; services d'abonnement à des vidéogrammes, à des enregistrements phonographiques, à tous supports audio et audiovisuels ; services d'abonnement à tous supports d'informations, de textes, de sons et/ou d'images et notamment sous la forme de publications électroniques ou non, numériques, de produits multimédias ; services d'abonnement à une chaîne de télévision. ; Télédiffusion ; télétransmission ; émissions télévisées ; diffusion de programmes TV par satellite, par câble, par réseaux informatiques (notamment par Internet), par réseaux radiotéléphoniques ; diffusion de programmes TV audio, audiovisuels, cinématographiques, de multimédia (textes et/ou images (fixes ou animées) et/ou de sons musicaux ou non, de sonneries) à usage interactif ou non ; location de dispositifs d'accès (appareils) à des programmes interactifs audiovisuels ; services de téléchargement en ligne de films et autres programmes audio et audiovisuels ; services de transmission de programmes et de sélections de chaînes de télévision ; services de transmission et réception d'images vidéo via l'Internet par le biais d'un ordinateur ou d'un téléphone mobile ; fourniture d'accès à des sites Web sur l'Internet contenant toute œuvre
7audiovisuelle ; diffusion de programmes par satellite, par câble, par réseaux informatiques (notamment par Internet), par réseaux radiotéléphoniques ; diffusion de programmes audio, audiovisuels, cinématographiques, de multimédia (textes et/ou images ; location d'antennes et de paraboles. ; Divertissement par le biais de la télévision et de l'internet ; divertissements télévisés sur tout support à savoir téléviseur, ordinateur, baladeur, baladeur vidéo, assistant personnel, téléphone mobile, réseaux informatiques, Internet ; production de spectacles, de films, de téléfilms, d'émissions télévisées, de reportages, de débats, de vidéogrammes TV ; location de décodeurs ; production de spectacles, de films, de programmes TV audiovisuels, radiophoniques et multimédia ; location de vidéogrammes, de films ; location de films cinématographiques. ; Consultations professionnelles en matière de programmes vidéo ; services photographiques, à savoir prises de vues photographiques, reportages photographiques ; conception (élaboration) de systèmes de cryptage, décryptage, de contrôle d'accès à des programmes télévisés, radiodiffusés, notamment nomades et de tout système de transmission d'information ; conception (élaboration) de programmes et d'appareils interactifs ; services d'établissement de normes (standardisation) techniques, services de normalisation à savoir élaboration (conception) de normes techniques de produits manufacturés et de services de télécommunication ; recherche et développement de systèmes électroniques, informatiques et audiovisuels, d'embrouillage et de contrôle d'accès dans le domaine de la télévision, de l'informatique, des télécommunications, de l'audiovisuel ; informations en matières d'informatique appliquée aux télécommunications ».
A cet égard, l’opposante indique notamment que la marque antérieure jouit d’une forte notoriété en France « notamment dans les domaines de la télévision, de l’audiovisuel, des médias, des télécommunications, du numérique du divertissement et en relation avec tous les produits/services qui leur sont directement ou étroitement liés » et fournit 40 annexes parmi lesquelles :
- Annexe 13 : Extraits des réseaux sociaux Twitter, Facebook et Instagram : copies des divers réseaux sociaux de l’opposante sur lesquels est mise en exergue la marque figurative et dénombrant de très nombreux abonnés (plus de 2 900 000 abonnés Facebook en 2019, plus de 3 millions d’abonnés Twitter en 2019 et plus de 220 000 abonnés Instagram en 2019) ;
- Annexe 14 : Eléments démontrant l’usage du signe figuratif antérieur pour identifier l’application permettant d’accéder aux services de médias et divertissement ;
- Annexe 15 : Utilisation du signe figuratif antérieur sur des plateformes de diffusion de contenus sur l’Internet telles que Youtube et Dailymotion (par exemple, plus de 400 000 abonnés à la chaîne Youtube de l’opposante en 2019) ;
- Annexe 17 : Documents montrant l’usage de la marque antérieure en relation avec des décodeurs permettant d’accéder à des chaînes de télévision, dont celles du GROUPE CANAL+ ;
- Annexe 26 : Sondage, daté de 2014, évaluant le lien entre le signe + et le GROUPE CANAL+ ;
- Annexe 29 : Sondage, daté de mai 2017, évaluant le degré d’association les signes / « + » et le GROUPE CANAL+ ;
- Annexe 35 : Documents démontrant le déploiement des activités de l’opposante dans plusieurs pays de l’Union Européenne (autres que la France), notamment en Pologne, en Belgique et en Espagne.
Il ressort de ces pièces que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage intensif et qu’elle est connue du grand public pour désigner une chaîne de télévision et les produits et services qui lui sont directement liés, ce qui n’est pas contesté par le déposant.
En conséquence, il convient d’examiner l’atteinte portée par le signe contesté à la renommée de la marque antérieure pour les produits et services revendiqués suivants : « décodeurs; services d'abonnement à des programmes audiovisuels ; services d'abonnement à des vidéogrammes, à des enregistrements phonographiques, à tous supports audio et audiovisuels; services d'abonnement à
8tous supports d'informations, de textes, de sons et/ou d'images et notamment sous la forme de publications électroniques ou non, numériques, de produits multimédias; services d'abonnement à une chaîne de télévision ; télédiffusion; télétransmission; émissions télévisées ; diffusion de programmes par satellite, par câble, par réseaux informatiques (notamment par Internet), par réseaux radiotéléphoniques ; diffusion de programmes audio, audiovisuels, cinématographiques, de multimédia (textes et/ou images (fixes ou animées) et/ou de sons musicaux ou non, de sonneries) à usage interactif ou non; location d'antennes et de paraboles; location de dispositifs d'accès (appareils) à des programmes interactifs audiovisuels; services de téléchargement en ligne de films et autres programmes audio et audiovisuels; services de transmission de programmes et de sélections de chaînes de télévision; services de transmission et réception d'images vidéo via l'Internet par le biais d'un ordinateur ou d'un téléphone mobile; fourniture d'accès à des sites Web sur l'Internet contenant toute œuvre audiovisuelle; divertissement; divertissements télévisés sur tout support à savoir téléviseur, ordinateur, baladeur, baladeur vidéo, assistant personnel, téléphone mobile, réseaux informatiques, Internet; production de spectacles, de films, de téléfilms, d'émissions télévisées, de reportages, de débats, de vidéogrammes ; location de vidéogrammes, de films ; location de films cinématographiques; location de décodeurs ; production de spectacles, de films, de programmes audiovisuels, radiophoniques et multimédia; consultations professionnelles en matière de programmes vidéo ; conception (élaboration) de systèmes de cryptage, décryptage, de contrôle d'accès à des programmes télévisés, radiodiffusés, notamment nomades et de tout système de transmission d'informations ».
Sur la comparaison des signes
La demande d’enregistrement porte sur le signe verbal CITIZEN +, ci-dessous reproduit :
La marque antérieure porte sur le signe figuratif reproduit ci-dessous :
L’opposante soutient que les signes en cause sont similaires.
Pour les raisons développées précédemment et auxquelles il convient de se référer (voir A.), le signe contesté et la présente marque antérieure présentent des différences visuelles, phonétiques et intellectuelles prépondérantes, leurs similitudes n’étant que très faibles.
Sur le lien entre les signes dans l’esprit du public
Afin d’établir l’existence d’un risque de préjudice, il convient d’établir que, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le public concerné établira un lien entre les signes.
Les critères pertinents sont notamment le degré de similitude entre les signes, la nature des produits et des services ( y compris le degré de similitude ou de dissemblance de ces produits et services) ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, (afin de déterminer si celle-ci s’étend au-delà du public visé par cette marque), le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion s’il en existe un.
L’opposition fondée sur l’atteinte à la renommée de l’enregistrement international n°1 025 864 et désignant l’Union européenne est dirigée à l’encontre de la totalité des services de la demande
9d’enregistrement contestée, à savoir les services de « Télécommunications; mise à disposition d'informations en matière de télécommunications; communications par terminaux d'ordinateurs; communications par réseaux de fibres optiques; communications radiophoniques; communications téléphoniques; radiotéléphonie mobile; fourniture d'accès utilisateur à des réseaux informatiques mondiaux; mise à disposition de forums en ligne; fourniture d'accès à des bases de données; services d'affichage électronique (télécommunications); raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; agences de presse; agences d'informations (nouvelles); location d'appareils de télécommunication; radiodiffusion; télédiffusion; services de téléconférences; services de visioconférence; services de messagerie électronique; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux ; éducation; formation; divertissement; activités sportives et culturelles; mise à disposition d'informations en matière de divertissement; mise à disposition d'informations en matière d'éducation; recyclage professionnel; mise à disposition d'installations de loisirs; publication de livres; prêt de livres; mise à disposition de films, non téléchargeables, par le biais de services de vidéo à la demande; production de films cinématographiques; location de décors de spectacles; services de photographie; organisation de concours (éducation ou divertissement); organisation et conduite de colloques; organisation et conduite de conférences; organisation et conduite de congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; réservation de places de spectacles; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique; services de jeux d'argent; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ».
L’opposante soutient que « l’existence d’un lien/d’un risque d’association entre les signes [en cause] est indéniable (compte tenu notamment des fortes similitudes entre eux). Le signe [contesté] est en effet susceptible d’être perçu notamment comme une nouvelle déclinaison de la marque ou le résultat d’un partenariat entre l’ [opposante et le déposant] ».
En l’espèce, comme indiqué précédemment, la marque antérieure jouit d'une certaine renommée et les produits et services sont pour partie identiques et similaires. Toutefois, les signes sont si éloignés l’un de l’autre que le signe contesté ne risque pas d’évoquer à l’évidence la marque antérieure dans l’esprit du public concerné, aucun argument de l’opposante ne permettant d’en décider autrement.
A cet égard, il convient de préciser que les développements de l’opposante tenant à l’intention du déposant sont sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’un lien entre les signes dans l’esprit du public.
En conséquence, eu égard à l’ensemble des facteurs pertinents du cas d'espèce et après appréciation de ces derniers, il apparaît improbable que le public concerné établisse une connexion mentale entre les signes en conflit, c'est-à-dire qu’il établisse un « lien » entre ceux-ci.
L’existence d’un lien entre les marques dans l’esprit du public étant une des conditions nécessaires à l’application de la protection des marques de renommée, l’opposition doit être rejetée comme non fondée en ce qui concerne ce motif.
CONCLUSION
En conséquence, le signe verbal contesté CITIZEN + peut être adopté comme marque pour désigner des produits et services identiques et similaires, sans porter atteinte au droit antérieur de l’opposante sur l’enregistrement international complexe + n°1 025 864 et désignant l’Union européenne.
10PAR CES MOTIFS
DECIDE
Article unique : L'opposition est rejetée.
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