Tribunal de grande instance de Paris, 8 juillet 2010, 2009/10879

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/10879
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : COTE COEUR SARL / VANITEX SARL

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2011-05-27
Tribunal de grande instance de Paris
2010-07-08

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS3ème chambre 4ème sectionN° RG : 09/10879Assignation du : 02 Juillet 2009 JUGEMENT rendu le 08 Juillet 2010 DEMANDERESSES.A.R.L. COTE COEUR[...]75002 PARISreprésentée par Me Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS-SELARL H, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C610 DÉFENDERESSES.A.R.L. VANITEX[...]75002 PARISreprésentée par Me Corinne CHAMPAGNER KATZ, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #C1864 COMPOSITION DU TRIBUNALMarie-Claude H, Vice-PrésidenteAgnès MARCADE, JugeRémy MONCORGE, Jugeassistés de Katia CARDINALE, Greffier DÉBATSA l'audience du 09 Juin 2010 tenue publiquement JUGEMENTRendu par mise à disposition au greffeContradictoirementen premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

La société COTE CŒUR expose avoir pour activité principale la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements et indique avoir créé en 2007 un modèle de tunique qu'elle a intitulé « BOUBOU ».Alors que la société VANITEX avait jusqu'en septembre 2008 commandé à plusieurs reprises ce modèle auprès de la société COTE CŒUR, cette dernière indique avoir constaté début 2009 que la société VANITEX commercialisait des tuniques reproduisant servilement son modèle « BOUBOU ». A la suite de l'envoi, le 21 avril 2009, d'une lettre de mise en demeure restée sans effet, la société COTE CŒUR a assigné la société VANITEX devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire par acte d'huissier en date du 2 juillet 2009. Dans ses dernières écritures du 4 février 2010, la société COTE CŒUR prétend qu'elle justifie être titulaire du droit d'auteur sur le modèle « BOUBOU » en faisant valoir qu'elle produit aux débats une fiche de présentation du modèle, une fiche technique et une fiche consommation attestant du processus créatif qu'elle aurait effectué. Elle ajoute avoir divulgué sous son nom ce modèle et avoir effectué un dépôt FIDEALIS le 27 mai 2008 permettant d'établir le lien entre le modèle présenté au tribunal et celui référencé « BOUBOU ». Elle soutient ensuite que ce modèle présente une combinaison de caractéristiques originales qui le rend protégeable par le droit d'auteur, à savoir : deux pans rectangulaires de tissu assemblés du col jusqu'au coude, d'une part, et de chaque côté de la poitrine tout le long du buste jusqu'au niveau des hanches, d'autre part, une profonde encolure en V, une forme ample, une base droite, une ouverture sur les côtés à 1/3 du bord du tissu constituant ainsi les manches, un lien de resserrage tressé d'un coloris identique aux motifs ornant le modèle et une longueur mi-cuisses. Cette combinaison conférerait au modèle une impression d'ensemble à la fois aérienne et structurée dont l'originalité ne serait remise en cause par aucune des antériorités produites par la société défenderesse car celles-ci seraient postérieures ou présenteraient une physionomie et une forme différentes de celles du modèle « BOUBOU ». Le modèle de tunique commercialisé par la société VANITEX constituerait la copie servile du modèle créé par la société COTE CŒUR car même si le tissu imprimé est différent, le patron serait identique. La société COTE CŒUR fait valoir, en conséquence, que la fabrication et la commercialisation d'une tunique reprenant l'ensemble des caractéristiques originales du modèle « BOUBOU » caractérisent de la part de la société VANITEX des actes de contrefaçon dudit modèle. En outre, après avoir acheté à plusieurs reprises auprès de la société COTE CŒUR des exemplaires du modèle « BOUBOU », la société VANITEX a, selon la société demanderesse, choisi de copier le patron de ce modèle pour le faire fabriquer par ses propres moyens, ce qui engendre non seulement un risque de confusion entre les tuniques commercialisées par les deux sociétés mais encore désorganise la société COTE CŒUR pour qui le modèle « BOUBOU » est un modèle phare, comportement qui relève de la concurrence déloyale. Selon la société COTE COEUR, la commercialisation d'un modèle identique au modèle « BOUBOU » constitue également un acte de parasitisme en ce que la société VANITEX a sciemment profité des investissements humains et financiers effectués par la société COTE CŒUR pour créer, fabriquer et commercialiser ce modèle.

En conséquence

, la société COTE CŒUR demande, outre des mesures d'interdiction, de publication et d'affichage, la condamnation de la société VANITEX au paiement de la somme de 30.000 € au titre de la contrefaçon, de la somme de 40.000 € en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que celle de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Par conclusions récapitulatives signifiées le 21 mai 2010, la société VANITEX soulève, à titre principal, l'irrecevabilité à agir de la société COTE CŒUR en faisant valoir qu'elle ne justifie pas être titulaire du droit d'auteur sur le modèle qu'elle invoque. En effet, la société COTE CŒUR ne rapporterait pas la preuve de la création du modèle « BOUBOU », les trois fiches, le dépôt FIDEALIS et les factures produites par la demanderesse ne comportant pas d'indications suffisantes pour établir un processus créatif de la part de cette dernière. En outre, la société VANITEX soutient que la société COTE CŒUR ne peut pas se prévaloir de la présomption de titularité issue de l'article L. 113 -1 du Code de la propriété intellectuelle au motif qu'elle ne verse aux débats aucun document externe venant corroborer les pièces produites. A titre subsidiaire, elle conteste l'originalité du modèle « BOUBOU » en soutenant qu'il ne présente aucune particularité par rapport aux modèles classiques de caftans existants antérieurement sur le marché. A l'appui de ses allégations, la société VANITEX verse aux débats plusieurs antériorités qui présenteraient les mêmes caractéristiques que le modèle « BOUBOU ». S'agissant de la concurrence déloyale, la société VANITEX prétend que la société COTE CŒUR ne rapporte pas la preuve de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon. En outre, elle soutient qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les tuniques des deux sociétés compte tenu des différences de motifs et de coloris, que le fait de s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur n'est pas en soi fautif et qu'il n'y aurait pas davantage de faute à commercialiser un modèle dépourvu d'originalité. La société VANITEX conteste également tout parasitisme en faisant valoir que la société COTE CŒUR ne rapporte pas la preuve d'une atteinte à sa notoriété ni du détournement des investissements qu'elle aurait effectués. La société VANITEX prétend, enfin, que la société COTE CŒUR ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle dit avoir subi. Elle conclut donc au débouté de l'ensemble des demandes de la société COTE CŒUR et demande, à titre reconventionnel, sa condamnation au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2010. MOTIFS Sur l'irrecevabilité de la demande de la société COTE COEUR au titre de la contrefaçon II appartient à celui qui se prétend auteur d'une oeuvre de l'esprit de rapporter la preuve de sa qualité de créateur. En l'espèce, il résulte de l'extrait K bis de la société COTE COEUR qu'elle exerce une activité de commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé. La société COTE COEUR revendique la création, courant 2007, dans le cadre de ses activités, d'un modèle de tunique référencé « BOUBOU » Elle verse aux débats, pour le démontrer, une fiche de présentation n°031 associée à une fiche technique n° 031 et à une fiche consomm ation n° 031. Cependant, ces fiches ne font pas apparaître le nom de la société COTE COEUR de sorte qu'il est impossible de les rattacher objectivement à cette société, étant observé que seuls y figurent le nom du modèle « BOUBOU », une date, le 16 juin 2007, et le prénom du modéliste (Boris) et de la styliste (Marina) dont il n'est pas établi qu'ils sont les salariés de la société COTE COEUR. Par ailleurs, force est de constater que ces fiches ne présentent que des photographies du produit fini et ne comportent aucun dessin ou croquis de nature à retracer le processus de création du modèle dont s'agit, la défenderesse soulignant à juste titre que cette création ne saurait se déduire de la présence d'un échantillon de tissu et d'un cordon agraphés à la fiche de présentation, étant ajouté que les trois fiches précitées ne mentionnent que la composition du tissu, la largeur de l'ourlet, la cote et le type d'assemblage. Dans ces conditions, ces fiches techniques ne permettent pas à la demanderesse d'établir qu'elle est bien la créatrice du modèle revendiqué. S'agissant du dépôt Fidealis, qui assure l'horodatage chez un huissier et via internet du dépôt d'un produit, il a été effectué en l'espèce le 27 mai 2008, soit près d'un an après la date de création du modèle alléguée par la société COTE COEUR et il est seulement déclaratif et non attributif de propriété et ne permet que de prouver la date et le contenu du document remis et non le processus de création du modèle revendiqué. En outre, la société COTE COEUR produit quelques factures manuscrites, peu lisibles et étrangement numérotées (la facture n° 1 8 est datée du 15 septembre 2008 et la facture 55 du 2 mai 2008) qui ne permettent pas de vérifier avec certitude l'identité du modèle concerné. Enfin, l'attestation d'achat du modèle « BOUBOU » versée aux débats qui émane de M. Boris B renvoie à une facture n° 87 du 18 juille t 2008 établie à l'attention du client « Vragar » domicile en Guadeloupe dont ignore les liens avec l'attestant lequel apparaît d'ailleurs sur les fiches susvisées en qualité de modéliste, ce qui enlève toute force probante à cette attestation. Dans ces conditions, ces pièces, qui ne sont corroborées par aucun élément de preuve extrinsèque suffisamment probant, ne permettent pas d'établir l'exploitation du modèle sous le nom de la demanderesse ni de lui donner date certaine. En outre, la modèle « BOUBOU » revendiqué est exploité sous le nom de GOA et non sous le nom COTE COEUR et cette dénomination GOA n'est ni le nom commercial ni l'enseigne de la société demanderesse, étant observé que ladite marque appartient à une société de droit américain GOAPPAREL qui exerce également ses activités dans le domaine de l'habillement. Il en résulte que la société COTE COEUR n'est pas fondée non plus à se prévaloir d'une présomption de titularité des droits sur le modèle en cause tenant à l'exploitation de l'oeuvre sous son nom et qu'elle est irrecevable en sa demande émise au titre de la contrefaçon. Sur la concurrence déloyale et parasitaire La société COTE COEUR rappelle que la société VANITEX a été sa cliente et qu'elle lui a notamment acheté le modèle « BOUBOU » jusqu'en septembre 2008. Elle lui fait grief de s'être ultérieurement approvisionnée auprès d'un autre fournisseur et de commercialiser un produit identique au modèle « BOUBOU » en profitant sans bourse délier de ses investissement et de son savoir-faire. Cependant, d'une part, les modèles commercialisés par chacune des parties sont visuellement différents, notamment en raison des motifs qui ornent les tuniques en cause, floral et vivement coloré chez VANITEX, géométrique, stylisé, dans des tons plus sombres chez COTE COEUR, de sorte qu'aucune confusion ne peut raisonnablement en résulter pour un consommateur d'attention moyenne. D'autre part, le fait de cesser de s'approvisionner auprès de la société COTE COEUR en s'adressant à un autre fournisseur ne saurait être imputé à faute à la société défenderesse et relève du principe de la liberté du commerce, étant observé que les relations commerciales que les deux parties ont entretenues ont été brèves (avril à septembre 2008) et que seules deux factures sont versées aux débats qui concernent également d'autres produits que le modèle « BOUBOU ». En outre, la société COTE COEUR ne rapporte pas la preuve des investissement qu'elle aurait engagés pour commercialiser le modèle « BOUBOU » ni du préjudice qu'elle prétend avoir subi en l'espèce. Par conséquent, il convient de la débouter de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Sur la demande reconventionnelle La société COTE COEUR, qui a pu se méprendre sur la portée de ses droits sur le modèle « BOUBOU », n'a pas abusé de son droit d'agir en justice et la société défenderesse sera donc déboutée de sa demande en dommages et intérêts à ce titre. L'équité commande l'allocation à la société V ANITEX de la somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire n'apparaît pas nécessaire et il n'y a pas lieu de l'ordonner.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement déposé au greffe, contradictoire et en premier ressort, Déclare la société COTE COEUR irrecevable à agir en sa demande au titre de la contrefaçon. Déboute la société COTE COEUR de sa demande en concurrence déloyale et parasitaire. Déboute la société V ANITEX de sa demande reconventionnnelle pour procédure abusive. Condamne la société COTE COEUR à payer à la société VANITEX la somme de 7.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Condamne la société COTE COEUR aux dépens de l'instance.