CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Vilaca, 17 décembre 1987, 327/85, 238/86
Mots clés
contrôles · commission · rapport · requérant · règlement · jours · production · recours · pays · communautaire · aides · addenda · synthèse · infraction · produits
Synthèse
Juridiction : CJUE
Numéro affaire : 327/85, 238/86
Date de dépôt : 06 novembre 1985
Titre : FEOGA - Aides au lait écrémé - Fréquence des contrôles.
Rapporteur : Schockweiler
Avocat général : Cruz Vilaça
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1987:570
Texte
Avis juridique important
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61985C0327
Conclusions jointes de l'Avocat général Vilaca présentées le 17 décembre 1987. - Royaume des Pays-Bas contre Commission des Communautés européennes. - FEOGA - Aides au lait écrémé - Fréquence des contrôles. - Affaires 327/85 et 238/86.
Recueil de jurisprudence 1988 page 01065
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . L' objet des recours
1 . Les recours que nous allons examiner ont été introduits par le royaume des Pays-Bas en vue d' obtenir l' annulation de trois décisions de la Commission relatives à l' apurement des comptes du FEOGA . Il s' agit concrètement des décisions 85/463/CEE et 85/464/CEE, du 28 août 1985, relatives respectivement aux exercices financiers 1980 et 1981 ( 1 ) ( affaire 327/85 ), et de la décision 86/443/CEE du 1er juillet 1986 relative à l' exercice financier 1982 ( 2 ) ( affaire 238/86 ).
2 . Ce qui est en cause, c' est le refus de la Commission de financer certaines dépenses liées aux aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait en poudre destiné à l' alimentation des veaux .
3 . Les décisions entreprises sont similaires, le requérant est le même, et les moyens et arguments des parties sont identiques : c' est pourquoi nous traiterons les deux recours conjointement .
2 . Résumé des faits et du droit applicable
4 . Le règlement n° 1725/79 de la Commission, du 26 juillet 1979 ( 3 ), a défini les règles d' octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des veaux . Pour assurer leur respect, il a institué un système de contrôles physiques et sur documents, comprenant, d' une part, l' inspection sur place des conditions de production des entreprises et, d' autre part, l' examen complémentaire de leur comptabilité et des documents commerciaux; ces contrôles doivent être inopinés et être effectués avec une périodicité minimale déterminée, stipulée par le règlement .
5 . L' article 10, paragraphe 2, sous c ), prévoit que les contrôles physiques doivent être effectués fréquemment, au minimum une fois tous les quatorze jours de fabrication; selon le paragraphe 2, sous d ), de ce même article, le contrôle approfondi de la comptabilité et des documents commerciaux est effectué, en principe, au moins tous les douze mois, mais, s' il est effectué au moins tous les trois mois, le rythme des contrôles physiques peut être ramené d' un minimum de quatorze jours à un minimum de vingt-huit jours de fabrication (( paragraphe 2, sous e ) )).
6 . Les services de la Commission ont décelé plusieurs cas de non-respect de ces délais .
7 . Le rapport de synthèse du 22 octobre 1984 a relevé qu' un contrôle qui devait être effectué le 11 octobre 1981 au plus tard n' avait eu lieu que le 3 novembre 1981; par conséquent, le financement n' a pas été admis pour la période correspondante ( du 12 octobre au 2 novembre ), ce qui s' est traduit par une déduction d' un montant de 3 060 405,36 HFL sur les dépenses .
8 . Dans l' addenda 1 du rapport de synthèse, du 15 avril 1985, les services ont procédé à une nouvelle déduction, cette fois d' un montant de 66 167 616,62 HFL pour 1980 et de 19 324 624,21 HFL pour 1981, après avoir constaté les violations de délais suivantes : en 1980, 45 cas d' inobservation du délai de quatorze jours et 5 du délai de vingt-huit jours; en 1981, 8 cas de violation du délai de vingt-huit jours .
9 . Dans l' addenda 3 du 24 mai 1985, tenant compte des résultats de contrôles trimestriels effectués a posteriori par les Pays-Bas en 1985 qui n' avaient pas révélé de grandes anomalies, les services de la Commission ont suggéré la possibilité d' assimiler la pratique néerlandaise à l' application du régime de l' article 10, paragraphe 2, sous e ) ( périodicité minimale de vingt-huit jours ). Cette hypothèse entraînerait des réductions moins importantes : pour 1980, une réduction de 6 482 249,09 HFL; pour 1981, une réduction de 19 324 624,21 HFL .
10 . Cette suggestion n' a toutefois pas été adoptée par la Commission; c' est pourquoi les décisions définitives présentement entreprises se sont fondées sur les montants ressortant de l' addenda 1 du 15 avril 1985 .
11 . Dans le rapport de synthèse du 15 janvier 1986 relatif aux comptes de 1982, la Commission a indiqué que le système néerlandais de contrôle décrit dans le rapport de synthèse pour 1980-1981 ( périodes de vingt-huit jours avec contrôles trimestriels des documents ) avait été appliqué à toutes les entreprises des Pays-Bas entre février-mars 1981 et le 30 avril 1984, et qu' elle maintenait à son égard la position déjà adoptée dans l' addenda 1 du rapport de synthèse pour 1980-1981 .
12 . Par conséquent, la Commission a refusé, par la décision 86/443/CEE, de mettre à la charge du FEOGA un montant de 27 214 850,08 HFL pour l' année 1982 .
3 .
Examen des moyens
des recours
A - Violation de formes substantielles pour insuffisance des motifs
13 . Le gouvernement des Pays-Bas soutient que les décisions ne sont pas suffisamment motivées, ce qui est contraire à l' article 190 du traité .
14 . Le gouvernement requérant reconnaît que ses services et ceux de la Commission se sont concertés à propos de l' apurement des comptes pour les trois années en cause .
15 . Il estime cependant que, compte tenu de l' existence d' addenda postérieurs au rapport de synthèse pour 1980-1981 - et en particulier de la proposition figurant dans l' addenda 3 -, la Commission aurait dû expliquer pour quelle raison elle a opté pour l' une des possibilités qui y figuraient, alors qu' il ne fait pas de doute qu' il existait entre elles des différences significatives . D' autre part, en ce qui concerne l' exercice 1982, le gouvernement des Pays-Bas condamne le renvoi fait dans le rapport de synthèse concerné au rapport pour 1980-1981; reprenant la critique qu' il avait faite à propos de ce dernier, il s' élève contre le défaut de motifs propres de la décision .
16 . Disons en premier lieu sur ce grief que, conformément à la jurisprudence de la Cour, "la mesure de l' obligation de motiver, consacrée par l' article 190 du traité, dépend de la nature de l' acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté" ( 4 ).
17 . Or, dans le cas présent - ainsi que cela se produit couramment dans le cadre des procédures d' apurement des comptes -, le gouvernement requérant a été étroitement associé à la procédure d' élaboration de la décision entreprise, comme en témoignent les différentes lettres et autres documents échangés à ce propos par les autorités néerlandaises et les services de la Commission .
18 . Le rapport de synthèse du 22 octobre 1984 retrace d' ailleurs brièvement cette procédure de consultation .
19 . On trouve du reste dans ce même rapport et dans l' addenda 1 les considérations qui suffisent à expliquer les motifs de la décision adoptée .
20 . En particulier, l' addenda 1 motive de façon claire et détaillée les montants auxquels il parvient, et il ne fait pas de doute que c' est sur la base des données qui en ressortent que les décisions relatives aux comptes de 1980 et 1981 ont été prises .
21 . De la même façon, le renvoi fait dans le rapport de synthèse relatif à 1982 au rapport de 1980-1981 était de nature à permettre au gouvernement des Pays-Bas de connaître pleinement les raisons pour lesquelles la Commission estimait que le montant contesté pour l' année en cause ne devait pas être mis à la charge du FEOGA .
22 . Le gouvernement des Pays-Bas conteste cependant le fait que la Commission n' ait pas indiqué les motifs qui l' ont conduite à ne pas accueillir la suggestion faite par ses services dans l' addenda 3 au rapport pour 1980-1981, lui préférant la solution figurant dans l' addenda 1 .
23 . Il ne nous paraît pas que le requérant ait raison .
24 . Les motifs qu' exige l' article 190 du traité sont ceux de la décision effectivement adoptée et il serait en principe manifestement excessif d' exiger de la Commission qu' elle explique les raisons pour lesquelles elle n' a pas préféré quelque autre décision différente de celle qu' elle a effectivement adoptée .
25 . Il nous semble au contraire que c' est au requérant qu' incombe la charge de démontrer que la solution adoptée aurait dû être différente .
26 . Nous estimons donc que ce premier moyen du recours doit être rejeté .
B - Violation des dispositions combinées des règlements n°s 729/70 et 1725/79
27 . a ) Le royaume des Pays-Bas soutient que les décisions de la Commission se fondent sur une interprétation erronée de l' article 10, paragraphe 2, sous c ), du règlement n° 1725/79, et c' est pourquoi le financement des aides en cause ne devrait pas être refusé en vertu de l' article 3 du règlement n° 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune ( 5 ). Selon le gouvernement néerlandais, l' expression "une fois tous les quatorze jours de fabrication" ne signifie pas, comme le prétend la Commission, qu' il ne peut pas s' écouler plus de quatorze jours entre deux contrôles, mais simplement qu' un contrôle doit être effectué au moins une fois au cours de chaque période de quatorze jours de fabrication . Ce serait également mutatis mutandis le sens de l' expression "un minimum de vingt-huit jours de fabrication" employée à l' article 10, paragraphe 2, sous e ).
28 . L' interprétation du requérant permettrait donc que s' écoule entre deux contrôles successifs un laps de temps supérieur à quatorze jours; cela se produirait par exemple à chaque fois que, dans une entreprise donnée, le premier contrôle aurait été effectué au début d' une première période de quatorze jours et le suivant à la fin de la période suivante de quatorze jours .
29 . Le gouvernement requérant présente à l' appui de sa position différents arguments dont le rapport d' audience fait la synthèse .
30 . Il ne nous paraît pas que ces arguments soient fondés .
31 . b ) Du point de vue purement littéral, l' interprétation de la Commission nous semble raisonnable lorsqu' elle affirme que le libellé de l' article 10, paragraphe 2, sous c ), du règlement n° 1725/79 ne signifie pas "une fois au minimum dans chaque période de quatorze jours de fabrication" mais bien, comme il est écrit, très précisément, "au minimum une fois tous les quatorze jours de fabrication ". En effet, rien dans le texte du règlement ne permet de dire que celui-ci a entendu individualiser des périodes de quatorze jours en permettant que le contrôle ait lieu à n' importe quel moment durant cette période; il ressort au contraire de la lettre du texte qu' il fixe le délai maximal pouvant s' écouler entre deux contrôles .
32 . On nous a du reste expliqué à l' audience qu' il n' existe pas, dans le processus de fabrication en cause, de cycles techniques de production qui pourraient être à la base de la référence à une période de production de quatorze jours, comme s' il s' agissait d' une unité de temps autonome dotée d' une logique propre dans le cadre de la production des entreprises .
33 . Un élément d' ordre logique renforce cet argument . En effet, l' article 10, paragraphe 2, sous c ), alinéa 2, se réfère aux entreprises qui n' utilisent pas le lait écrémé de façon permanente; son alinéa 1 est donc consacré aux contrôles à appliquer aux entreprises utilisant ce lait de façon continue, sans intervalles ou interruptions des cycles de production, ce qui ne paraît pas compatible avec l' idée de périodes autonomes de quatorze jours et avec la seule exigence d' un contrôle pour chacune d' elles .
34 . Il est certain que la cadence préconisée par le requérant et celle que défend la Commission sont l' une et l' autre compatibles avec la réalisation de contrôles inopinés . Mais, ne serait-ce que du point de vue de l' efficacité préventive des deux systèmes de calcul par rapport à l' objectif de prévention de la fraude, le second doit être préféré au premier .
35 . Dans l' optique des Pays-Bas, plus grand serait l' intervalle de temps écoulé depuis le contrôle antérieur, plus grands seraient non seulement la probabilité d' un nouveau contrôle, mais aussi le risque, en cas d' irrégularité, que l' entreprise perde tout le bénéfice de l' aide à compter du dernier contrôle positif effectué antérieurement .
36 . La Commission souligne en contrepartie que le risque que les fraudes ne soient pas détectables augmente également . Dans ce cas, l' effet dissuasif varie de façon inversement proportionnelle au laps de temps écoulé depuis le dernier contrôle, et c' est pourquoi il est préférable de miser sur la possibilité de détecter les fraudes plutôt que de stimuler la mauvaise volonté ou la mauvaise foi des opérateurs fondée sur la prévision de contrôles plus espacés .
37 . Le souci de contrôler les opérations qui peuvent donner lieu à des aides financées par le FEOGA est du reste bien présent dans le préambule du règlement n° 1725/79 .
38 . Celui-ci prend acte de la nécessité "d' augmenter l' efficacité des prescriptions visant à assurer la destination spécifique du lait écrémé et du lait écrémé en poudre"; à cette fin, il admet qu' il convient "de rendre plus strictes certaines exigences techniques concernant la dénaturation et l' utilisation du lait écrémé en poudre et de renforcer les mesures de contrôle" ( deuxième considérant ).
39 . De la même façon, le souci de contrôle qui domine le règlement est exprimé dans pratiquement tous les autres considérants .
40 . Pour toutes ces raisons, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait conférer une importance spéciale à la particularité de la formulation utilisée dans la version néerlandaise du règlement; l' expression : contrôles "fréquents" y est traduite par "regelmatig", ce que la Commission elle-même admet n' être pas la formule la plus parfaite, puisqu' elle correspondrait plutôt à : contrôles "réguliers ".
41 . Disons cependant tout d' abord que, selon la jurisprudence constante de la Cour ( 6 ), les différentes versions linguistiques d' un texte communautaire doivent être interprétées de manière uniforme en fonction des objectifs et de l' économie générale du texte .
42 . Or, non seulement l' interprétation de la Commission est celle qui respecte le mieux les termes mêmes de la deuxième phrase de l' article 10, paragraphe 2, sous c ) (" au minimum une fois tous les quatorze jours "), et les objectifs qui président à la définition des structures du système de contrôle consacré par le règlement n° 1725/79, mais on ne voit pas en outre en quoi la version néerlandaise, même considérée isolément, irait dans le sens d' une interprétation différente . Au contraire, même si on devait en tirer quelque argument particulier, il nous paraît plutôt que celui-ci irait dans le sens de l' interprétation défendue par la Commission .
43 . En effet, l' utilisation d' un terme correspondant à "réguliers" ne peut s' opposer à l' idée d' imprévisibilité qui résulte du vocabulaire qui lui est associé (" contrôles ... fréquents et inopinés ") et qui est la condition même de l' efficacité des contrôles . Dans ce contexte, l' utilisation d' une formule de ce type ne pourrait signifier autre chose que des "contrôles inopinés effectués au rythme minimal d' un tous les quatorze jours ".
44 . Par conséquent, on ne saurait davantage admettre la validité de l' argument tiré par le requérant ( dans l' affaire 238/86 ) de la formulation utilisée à l' article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2409/86 de la Commission, du 30 juillet 1986, relatif à la vente de beurre d' intervention destiné à l' incorporation dans les aliments composés pour animaux ( 7 ).
45 . c ) La deuxième observation du requérant concernant la violation des règlements n°s 1725/79 et 729/70 porte sur l' attitude de la Commission au cours de la procédure d' apurement des comptes .
46 . Le gouvernement des Pays-Bas allègue que, depuis le contrôle effectué le 15 novembre 1982 et les rapports de l' organisme néerlandais de contrôle ( l' AID : service général d' inspection ), la Commission connaissait la méthode de contrôle utilisée aux Pays-Bas; elle aurait cependant gardé le silence en ne faisant pas connaître son point de vue en temps utile . Elle ne l' aurait fait ni dans la lettre du 4 juillet 1983 ( relative au contrôle du 15 novembre 1982 ) ni dans celle du 2 avril 1985 ( relative au contrôle du 30 janvier 1984 ); elle ne se serait manifestée qu' en 1985 lors de l' élaboration de l' addenda 1 . Par cette attitude, elle aurait contrevenu aux propositions de la Cour des comptes et aux observations formulées par le Parlement européen en 1985, selon lesquelles la Commission devrait inciter les États membres à corriger rapidement les erreurs constatées .
47 . Cet argument soulève deux problèmes : en premier lieu, une question de preuve; ensuite, la question de son utilité .
48 . La Commission affirme qu' il est inexact que ses services n' aient pas réagi à la pratique néerlandaise; elle invoque à cet effet les déclarations verbales faites lors du contrôle de novembre 1982, le rapport officiel interne relatif à cette inspection, les termes de la lettre du 4 juillet 1983 et un télex postérieur, où elle aurait toujours mis en cause le nombre de jours écoulés entre les contrôles . Et elle souligne que, en cas de doute, le gouvernement néerlandais aurait dû solliciter de la Commission une note interprétative .
49 . Or, à ce propos, il faut tout d' abord reconnaître que le rapport interne de novembre 1982, bien qu' il n' ait pas été communiqué au requérant, relève que les agents du FEOGA ont contesté dès le moment de l' inspection que l' interprétation néerlandaise fût correcte, sans que la réponse du gouvernement néerlandais permette de conclure qu' il ait formellement démenti ce fait précis; d' autre part, il faut reconnaître que les indications données sous les points A 3 et A 4 de l' annexe de la lettre du 4 juillet 1983 étaient de nature à jeter quelque peu le doute sur la compatibilité des interprétations données par les deux parties, ce qui justifiait éventuellement une demande d' éclaircissement de la part du gouvernement destinataire .
50 . Mais, et cela est plus important que la preuve que la Commission a alerté le gouvernement des Pays-Bas sur l' illégalité de son système, quel intérêt convient-il d' attribuer à une hypothétique omission? En réalité, semble-t-il, le requérant vise par cet argument non pas tant à étayer la légalité de son action qu' à attirer l' attention sur l' attitude de la Commission à cet égard . Or, même si on était en présence d' une inertie prouvée de la part de celle-ci, ce comportement ne serait en principe pas de nature à absoudre les irrégularités éventuelles commises antérieurement par le requérant dans l' application du droit communautaire .
51 . C' est là la conclusion qui découle de la jurisprudence de la Cour, qui a refusé aux États membres la possibilité de se justifier du manquement à leurs obligations en invoquant un éventuel manquement commis par les organes communautaires ( 8 ).
52 . En outre, on ne décèle dans le cas présent rien dans le comportement de la Commission qui ait été susceptible de produire chez le requérant la conviction légitime que l' interprétation qu' il suivait était la seule correcte .
53 . d ) En troisième lieu, le requérant prétend que la Commission a commis une erreur en refusant d' adopter la solution préconisée à l' addenda 3 du rapport de synthèse pour 1980-1981, dès lors que les contrôles administratifs effectués par les services nationaux en 1985 - qui seraient aussi efficaces que s' ils avaient été faits à l' époque des opérations en cause - n' avaient pas révélé l' existence d' irrégularités . La Commission aurait du reste admis l' efficacité d' un contrôle a posteriori dans le cas de l' Irlande .
54 . Mais il ne semble pas que cette allégation soit fondée . Comme le souligne la Commission, le refus de financement ne découle pas du fait que les aides auraient été indûment perçues, mais du fait que les contrôles n' ont pas été effectués dans les délais prescrits ( 9 ).
55 . Il semble certain également que l' effet combiné des contrôles physiques et sur documents recherché par le règlement ne peut être atteint par un contrôle administratif qui a lieu quatre années plus tard : l' élément dissuasif fait défaut .
56 . L' obligation de contrôler est imposée impérativement à l' État membre par le règlement et sa violation équivaut à l' inobservation d' une règle communautaire destinée à garantir la régularité des opérations à financer, et c' est cette inobservation qui, en vertu de l' article 2 du règlement n° 729/70, entraîne le refus de financement par le FEOGA .
57 . Le requérant tente à ce propos de contester l' idée que les contrôles administratifs ne peuvent être efficaces sans les contrôles physiques . Il s' appuie principalement sur les termes d' une lettre du 3 mars 1981 de la direction générale de l' agriculture de la Commission, qui admettait le rôle déterminant du contrôle administratif en cas de divergence avec les résultats des contrôles physiques .
58 . Cette argumentation ne nous semble pas non plus convaincante .
59 . Il ressort en fait des termes du règlement que celui-ci n' a pas entendu renoncer à l' articulation des deux contrôles; dans ces conditions, l' éventuelle efficacité du contrôle exclusif sur documents ne peut faire oublier l' inobservation de la loi .
60 . En réponse à une question posée par écrit par la Cour, la Commission a fourni des indications sur la nature et la quantité des irrégularités que les contrôles visent à éviter : la dimension que peuvent revêtir ces irrégularités ( compte tenu de surcroît du fait que, dans le domaine en cause, le montant de l' aide représente environ 55 % du prix d' intervention pour le lait écrémé en poudre ) confirme l' importance du double contrôle prévu par la réglementation communautaire .
61 . En particulier, les contrôles physiques portent notamment sur la qualité des matières premières et des produits intermédiaires ( par exemple teneur en matières grasses et en eau, absence de produits ayant déjà bénéficié d' aides dans le cadre d' autres réglementations communautaires ), sur le processus de fabrication des aliments composés et la qualité du produit fini ( teneur minimale en lait écrémé en poudre, critères de qualité, présence des produits de dénaturation prescrits ), etc .
62 . Les contrôles à effectuer incluent notamment l' examen des matières premières transformées, le contrôle des quantités vendues et achetées, l' analyse des échantillons du produit, la vérification de la comptabilité .
63 . Dans ces conditions, il est difficile de concevoir que ces contrôles puissent être négligés et remplacés par des contrôles sur documents a posteriori .
64 . Comme la Commission l' indique dans sa réponse déjà évoquée à la question de la Cour, les deux types de contrôles sont nécessaires parce que ni le contrôle physique seul ni le contrôle sur documents seul ne sont susceptibles de fournir une garantie suffisante du respect des dispositions communautaires .
65 . D' autre part, le raisonnement de la Commission prive de leur valeur les arguments que le requérant tire de la lettre du 3 mars 1981 : alors que, dans la lettre citée, c' est la supériorité du contrôle sur documents sur le contrôle physique qui était en cause, il s' agit en l' espèce de savoir si on peut admettre un contrôle limité aux documents sans que les contrôles sur place aient été effectués . Or, si ce contrôle était suffisant, le règlement n' aurait pas imposé d' autres contrôles : s' il l' a fait, c' est parce que cela a été jugé nécessaire, et penser que le simple contrôle sur documents remplace les contrôles physiques équivaudrait à juger ceux-ci superflus .
66 . Il est du reste difficile de croire que le retard apporté dans les contrôles physiques puisse être réparé par la réalisation de contrôles sur documents, eux-mêmes également effectués bien après que les délais requis sont écoulés, et donc également en infraction aux dispositions du droit communautaire .
67 . Et le cas de l' Irlande n' est pas exactement de la même nature, puisque, selon les informations fournies par la Commission, ce pays effectuait les contrôles en permanence et c' est pour cela seulement qu' elle avait jugé le contrôle annuel superflu .
68 . e ) Le gouvernement requérant se plaint encore qu' on ne lui ait pas donné la même possibilité, que l' article 9, paragraphe 4, du règlement n° 1725/79 accorde aux entreprises en infraction d' obtenir au moyen d' une enquête spéciale une réduction du montant dont le financement est refusé .
69 . Cette analogie paraît cependant absolument non fondée . Réfuter la présomption selon laquelle, entre deux contrôles favorables, toutes les aides reçues par l' entreprise l' ont été indûment est autre chose qu' accepter que les contrôles auxquels l' État membre était tenu et qui permettraient de fonder cette présomption soient effectués avec retard .
70 . f ) Enfin, le requérant prétend que, si une correction financière devait être effectuée, elle ne devrait pas entraîner le refus intégral du montant correspondant à la période qui s' est écoulée depuis le dernier contrôle effectué, mais seulement de celui qui correspondrait aux jours de dépassement du délai .
71 . Nous ne voyons pas non plus que cette suggestion puisse être acceptée . Procéder ainsi impliquerait qu' on présume que toute la production jusqu' à la date où le contrôle aurait légalement dû avoir lieu . Or, le contrôle avait pour fonction d' attester cela même durant cette période . Sur ce point, nous renvoyons encore aux considérations exposées par la Commission dans le rapport de synthèse relatif à 1980-1981 .
C - Violation du principe de proportionnalité
72 . Le requérant soutient que, alors qu' on a relevé de simples vices de forme et qu' il est établi qu' aucune irrégularité matérielle n' a été commise, la Commission a appliqué sur l' ensemble des trois années une réduction de 115 millions de HFL, ce qui serait disproportionné par rapport à l' irrégularité commise . Il invoque à l' appui de sa thèse l' arrêt du 24 septembre 1985 ( affaire 181/84, Man Sugar, Rec . p . 2889 ) concernant le caractère disproportionné d' une sanction de perte de caution, et affirme que la Commission a un certain pouvoir discrétionnaire, comme le montrerait la présentation des alternatives figurant dans les addenda des rapports de synthèse .
73 . Nous pensons que la disproportion alléguée n' a en fait de sens que si un véritable pouvoir discrétionnaire est reconnu à la Commission dans ce domaine .
74 . Or, nous sommes convaincu que tel n' est pas le cas .
75 . Il n' appartient pas à la Commission d' apprécier l' importance des règles violées et il n' est pas question qu' elle choisisse parmi un quelconque éventail de pénalités celle qui serait appropriée à la gravité de l' infraction .
76 . Comme la Cour l' a déjà jugé ( 10 ), les articles 2 et 3 du règlement n° 729/70 "ne permettent à la Commission de prendre en charge pour le FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles, laissant à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de l' organisation commune des marchés ". Dans le cas contraire, les différences dans la sévérité avec laquelle chaque norme serait appliquée par les différents États membres mettraient en péril l' égalité nécessaire des conditions de concurrence entre les opérateurs économiques, favorisant ceux d' un État membre au détriment des autres .
77 . Et, de façon plus nette encore, la Cour a précisé dans son arrêt du 14 janvier 1981 dans l' affaire 819/79, Allemagne/Commission ( Rec . p . 21 ), que "l' objet d' une décision de la Commission relative à l' apurement des comptes au titre des dépenses financées par le FEOGA est de constater et de reconnaître que les dépenses ont été effectuées par les services nationaux en conformité avec les dispositions communautaires . Dans les cas où la réglementation communautaire n' autorise le paiement d' une aide qu' à la condition que certaines formalités de preuve ou de contrôle soient observées, une aide versée en méconnaissance de cette condition n' est pas conforme au droit communautaire et la dépense y afférente ne saurait donc, en principe, être mise à la charge du FEOGA" ( point 8 ) ( 11 ).
78 . A cet égard, l' arrêt du 7 février 1979 dans les affaires jointes 15 et 16/76, France/Commission ( 12 ), est également éloquent; il en ressort que la procédure d' apurement des comptes "vise, dans l' état actuel du droit communautaire, à constater non seulement la réalité et la régularité des dépenses, mais aussi la répartition correcte, entre les États membres et la Communauté, des charges financières résultant de la politique agricole commune, la Commission ne jouissant pas, à cet égard, d' un pouvoir d' appréciation lui permettant de déroger aux règles régissant cette répartition des charges ".
79 . A cela s' ajoute que ce n' est pas véritablement l' application d' une sanction qui est en cause, mais la reconnaissance du fait qu' une aide donnée a été accordée en méconnaissance du droit communautaire, et qu' il convient d' en tirer les conséquences nécessaires sur le plan financier comme le requiert ce même droit communautaire .
80 . Puisqu' il n' est pas du ressort de la Commission de graduer les implications financières de la violation des règles communautaires qui imposent les contrôles omis, ces implications ne pourraient être hypothétiquement évitées qu' en contestant la validité des normes qui les imposent, ce qui ne s' est manifestement pas produit .
81 . Il est certain qu' on peut songer à faire une distinction entre des irrégularités substantielles et de simples vices de forme, étant entendu qu' il peut être excessif de considérer qu' une infraction mineure à des règles purement accessoires et secondaires entraîne le refus de financement .
82 . Dans le cas présent, la distinction ne paraît pas pertinente : la stricte observation des contrôles ne peut manquer d' être considérée comme une condition essentielle de la légalité de l' attribution de l' aide, d' autant plus qu' il n' a pas été prouvé que les contrôles a posteriori soient aussi efficaces pour juger de la régularité des actes qui sont à l' origine de l' intervention ( 13 ). Même s' ils l' étaient, le fait de reconnaître qu' ils sont suffisants atténuerait fortement l' effet dissuasif des contrôles et créerait un précédent dangereux quant au respect qui est dû à la législation communautaire en général, et à celle qui réglemente l' octroi des aides en particulier .
D - Conclusion
83 . Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d' avis que le recours doit être jugé non fondé, et que le royaume des Pays-Bas doit être condamné à supporter les dépens des deux affaires en vertu de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure .
(*) Traduit du portugais .
( 1 ) JO L 267 du 9 . 10 . 1985, p . 43 et 46 .
( 2 ) JO L 256 du 9 . 9 . 1986, p . 29 .
( 3 ) JO L 199 du 7 . 8 . 1979, p . 1 .
( 4 ) Arrêt du 14 janvier 1981 dans l' affaire 819/79, Allemagne/Commission, Rec . p . 21, 36, point 19 ; voir également l' arrêt du 27 janvier 1981 dans l' affaire 1251/79, Italie/Commission, Rec . p . 205, p . 221 et 222 .
( 5 ) JO L 94 du 28 . 4 . 1970, p . 13 .
( 6 ) Voir l' arrêt du 27 octobre 1977 dans l' affaire 30/77, Bouchereau, Rec . p . 1999, 2010, point 14 ; voir également l' arrêt du 3 mars 1977 dans l' affaire 80/76, North Kerry Milk, Rec . p . 425, 435 ; les arrêts du 7 février 1979 dans les affaires 11/76, Pays-Bas/Commission, Rec . p . 245, 278, et 18/76, république fédérale d' Allemagne/Commission, Rec . p . 343, 383 ; l' arrêt du 12 juillet 1979, dans l' affaire 9/79, Koschniske/Raad van Arbeid, Rec . p . 2717, point 1 du sommaire, et p . 2724 .
( 7 ) JO L 208 du 31 . 7 . 1986, p . 29 .
( 8 ) Voir l' arrêt du 13 novembre 1964 dans les affaires jointes 90 et 91/63, Commission/Luxembourg et Belgique, Rec . p . 1217, 1232 .
( 9 ) Situation semblable à celle qui a été récemment jugée par la Cour dans les arrêts du 25 novembre 1987 dans les affaires 342/85 et 343/85, Italie/Commission, Rec . p . 0000, respectivement points 20, 22, 27 et 28, et 20, 22, 28, 29 et 31 .
( 10 ) Arrêts du 7 février 1979 dans les affaires 11/76, Pays-Bas/Commission, Rec . p . 245, point 8, et 18/76, Allemagne/Commission, Rec . p.343, point 7 ; arrêt du 27 février 1985 dans l' affaire 55/83, Italie/Commission, Rec . p . 683, 699, point 31 .
( 11 ) Voir également l' arrêt du 27 février 1985, Italie/Commission, op . cit ., point 21, et l' arrêt du 7 février 1979, dans les affaires jointes 15 et 16/76, France/Commission, Rec . p . 321, points 9 et 10 .
( 12 ) Rec . 1979, p . 321, 339, point 28 .
( 13 ) Voir, dans le même sens, les arrêts du 7 février 1979, France/Commission, op . cit ., points 12 et 17, et du 25 novembre 1987 dans les affaires 342/85 et 343/85, Italie/Commission, déjà cités .