Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET
DU 28 MARS 2012
(n° 95 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22353
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2009
Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006028744
APPELANTES
S.A. GENERALI IARD nouvelle dénomination de GENERALI ASSURANCES IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 6]
S.A. GAN EUROCOURTAGE venant aux droits de GROUPAMA TRANSPORT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 4]
S.A. AXA CORPORATE SOLUTIONS
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : la SCP SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)
assistées de Maître Pierre-Yves GUERIN, avocat au barreau de PARIS - toque P276
INTIMEES
Société WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE GMBH & CO KGen liquidation représentée par son liquidateur amiable, la société BETEILINGUNG WALWEST-AFRIKA LINIEN GMBH & Co
agissant poursuites et diligences de ses représentnants légaux
[Adresse 2]
[Localité 11] ALLEMAGNE
Rep/assistant : la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)
assistée de Maître Frédérique LE BERRE, avocat au barreau de PARIS - toque R218
Société guinéenne GETMA GUINEE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Adresse 8] Guinée
Rep/assistant : la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J071)
Ayant pour conseil Maître Alpha DIALLO, avocat au barreau de CONAKRY - Guinée
dépôt de dossier
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 février 2012 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Mme LUC, conformément aux dispositions de l'article
785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.ROCHE, président
- M.VERT, conseiller
- Mme LUC, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. ROCHE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par M. ROCHE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement en date du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a condamné les sociétés GENERALI IARD (dont l'ancienne dénomination est GENERALI ASSURANCES IARD), GROUPAMA TRANSPORT et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer, sous le régime de l'exécution provisoire, à la société WAL WEST-AFRIKA la somme de 747 860,55 euros, outre celle de 20 000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 3 novembre 2009 par les sociétés GENERALI IARD, GAN EUROCOURTAGE (venant aux droits de GROUPAMA TRANSPORT) et AXA CORPORATE SOLUTIONS et leurs conclusions enregistrées le 21 février 2012, tendant à faire infirmer le jugement entrepris, dire les intimés irrecevables en leurs demandes pour prescription, constater que les responsabilités découlant de l'activité d'affréteur de navire sont exclues de leur garantie et que le jugement du Tribunal de HAMBOURG ne peut être reconnu, très subsidiairement dire et juger que chacune des compagnies ne peut être recherchée que pour sa part, sans solidarité entre elles et en tout état de cause, condamner in solidum les sociétés WAL WEST-AFRICA LINIEN DIENSTE et BETEILIGUNG WAL WEST-AFRIKA LINIEN DIENSTE à payer à chacune des compagnies la somme de 10 000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE, en liquidation amiable, et de son liquidateur amiable, la société BETEILIGUNG WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE, ci-après les « sociétés WAL », enregistrées le 21 février 2012, tendant à la confirmation du jugement déféré et sollicitant la condamnation des appelantes à leur verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société GETMA GUINEE enregistrées le 9 février 2012, dans lesquelles elle sollicite l'infirmation du jugement prononcé, sa mise hors de cause, en l'absence de toute faute qui lui soit imputable et la condamnation des sociétés WAL WEST-AFRICA LINIEN DIENSTE et BETEILIGUNG WAL WEST-AFRIKA LINIEN DIENSTE à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile
;
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE (ci-après WAL), transporteur maritime, a été chargée, par le groupe belge HOTTLET SUGAR TRADING (ci-après HST), du transport par mer, entre [Localité 11] et [Localité 10], de sept expéditions de 183 conteneurs chargés de sucre, à destination du groupe guinéen SOGECILE, sous couvert de sept connaissements émis par la société WAL. La livraison a eu lieu entre septembre et décembre 2001. La société GETMA intervenait comme agent de la société WAL pour la livraison à [Localité 10], selon un contrat d'agent maritime pour le trafic entre le nord-ouest de l'Europe et l'Afrique de l'Ouest, conclu le 20 mai 1999. A [Localité 10], la société GETMA s'est contentée, pour autoriser la livraison de la marchandise, de la présentation de chèques par le destinataire, qui se sont révélés sans provision, sans exiger les connaissements originaux (endossés par la banque de SOGECILE, ECOBANK), contrairement à l'addendum IV du contrat prévoyant que la livraison de la marchandise ne pouvait se faire que contre la présentation des connaissements originaux. La société SOGECICLE a donc pu prendre possession des marchandises, sans présenter les connaissements endossés par sa banque.
Trois juridictions ont été saisies du litige : une action devant les tribunaux guinéens a été lancée en 2002, puis la victime des pratiques, la société HST, a assigné en février 2004 le transporteur WAL devant le Tribunal de HAMBOURG, qui a, à son tour, appelé son préposé GETMA en garantie devant ce même Tribunal, en novembre 2006.
Entre temps, les juridictions françaises étaient saisies les 11 et 12 avril 2006, par les sociétés WAL, d'une action contre les assureurs de la société GETMA, les sociétés GENERALI, GROUPAMA TRANSPORT et AXA CORPORATE SOLUTIONS.
La procédure guinéenne
Le 27 novembre 2002, la société GETMA, agissant en son nom propre, et au nom des sociétés WAL, a assigné la société SOGECILE devant les tribunaux guinéens.
Après un premier arrêt d'appel cassé par la Cour de cassation de CONAKRY, la Cour d'appel de CONAKRY a, dans un arrêt du 28 août 2007 aujourd'hui définitif, condamné la société SOGECILE à payer à la société HOTTLET la somme de 967 778,47 USD, montant de la cargaison, a condamné en retour la société HOTTLET à payer à la société SOCECILE la somme de 1 428 256,37 USD corespondant à un arriéré de dettes, et a ordonné la compensation de ces deux créances. Il a également condamné la société SOGECILE à payer à la société GETMA la somme de 109 011 523 USD au titre des frais de manutention.
La procédure allemande
Parallèlement, la société HST, se déclarant toujours impayée de sa cargaison par la société SOGECILE a, le 18 février 2004, assigné son transporteur, la société WAL WEST-AFRIKA-LINIEN DIENSTE et le liquidateur amiable de celle-ci, la société BETEILIGING WAL WEST-AFRIKA LINIEN DIENSTE, devant le Tribunal de HAMBOURG en dommages-intérêts, pour « perte de marchandises » due à la délivrance des marchandises sans connaissements et a appelé l'agent maritime, la société GETMA, d'une part, et les assureurs de GETMA, d'autre part (à savoir les sociétés LE CONTINENT, GROUPAMA TRANSPORT, GENERALI et AXA CORPORATE SOLUTIONS), en intervention forcée, par actes des 21 avril, 11 et 23 juin 2004. Ces sociétés n'ont pas comparu.
Par jugement du 18 septembre 2006, les sociétés WAL ont été condamnées à payer à la société HOTTLET les sommes de 1 041 885 USD, correspondant à la valeur de la marchandise, et 261 047,98 euros au titre des coûts de stockage et des temps d'attente. Dans ce jugement, le Tribunal de HAMBOURG a retenu la responsabilité des sociétés WAL dans le litige, à cause du rôle joué par la société GETMA, son préposé, dans la perte de la marchandise, à la suite du défaut de présentation des connaissements. La société GETMA a été entendue comme témoin durant cette procédure, ainsi qu'il ressort des termes mêmes du jugement. Devant le Tribunal de HAMBOURG, la société WAL avait opposé aux prétentions de la société HST (HOTTLET) la compensation entre le prix de la marchandise et les dettes antérieures de la société HST à l'égard de SOGECILE. Le Tribunal a écarté explicitement dans son jugement toute possibilité de compensation entre les sommes garanties par connaissements, à savoir le montant de la marchandise, et d'autres créances, le but du recours à un connaissement étant précisément de fournir une garantie contre toute compensation. Il a souligné en outre « dans le présent litige, il est en effet établi que SOGECILE n'a en tout cas pas effectué de versement sur les factures et ne s'en est pas acquittée ». Il a aussi remarqué que la société HST n'était pas représentée dans l'instance guinéenne, GETMA ayant prétendu agir pour le compte de HST sans être mandatée pour ce faire. Le Tribunal précisait encore : « c'est précisément pour éviter l'objection d'une compensation (') que (HOTTLET) a assujetti la remise des connaissements, comme transfert formel de propriété, à un paiement comme seul moyen d'exécution admissible. Cet intérêt est coercitif pour le fréteur qui a la garde de la marchandise. S'il contrevient à cet intérêt de son commettant, il n'est que juste de lui faire supporter le risque afférent à la réalisation de l'avantage présumé à compenser plutôt que d'y exposer son commettant ».
Par accord du 27 avril 2007, la société HST a renoncé à faire exécuter immédiatement le jugement du Tribunal de HAMBOURG, jusqu'à ce que l'arrêt d'appel intervienne, les sociétés WAL connaissant des difficultés. Elle s'est vue en retour, temporairement céder les droits des sociétés WAL contre la société GETMA et ses assureurs français.
Le Tribunal supérieur de La Hanse a confirmé en appel le jugement du Tribunal de HAMBOURG, par arrêts des 5 novembre et 3 décembre 2007, définitifs, reprenant les motifs du Tribunal : « Les défenderesses ne peuvent pas renvoyer la plaignante à d'éventuels trop perçus qui ont eu lieu par le passé car c'est pour échapper justement à l'objection de passation en compte maintenant soulevée que la plaignante a associé la remise du connaissement à un paiement comme seul acte d'exécution admissible ». Ce jugement a été notifié à la société GETMA.
Le 29 novembre 2007, les sociétés WAL et HST ont transigé pour un montant de 748 200 euros, somme acquittée par la société WAL à la société HST le 30 décembre 2007.
Le 16 novembre 2006, les sociétés WAL ont assigné la société GETMA devant le Tribunal de HAMBOURG afin que celle-ci soit condamnée à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre. La société GETMA a refusé de prendre le document de signification de l'assignation qui lui a été remis en Guinée selon les procédures du Code civil allemand. Elle a été condamnée par défaut le 19 juin 2008, à garantir les sociétés WAL des montants mis à leur charge par le jugement du 18 septembre 2006, outre intérêts, par un jugement définitif.
La procédure française
Les 11 et 12 avril 2006, la société WAL a assigné les assureurs de la société GETMA, les sociétés GENERALI, GROUPAMA TRANSPORT et AXA CORPORATE SOLUTIONS en indemnisation de son préjudice, soit la somme transigée, 748 200 euros avec intérêts. La société GETMA s'est portée intervenant volontaire à l'instance.
Le Tribunal de commerce a fait droit à cette demande après avoir écarté les moyens d'irrecevabilité et au fond des assureurs et de la société GETMA. Il a rejeté la demande tendant à voir écarter des débats les pièces produites en langue étrangère par la société WAL, a rejeté les exceptions de prescription de l'instance et a écarté le moyen selon lequel les jugements du Tribunal de HAMBOURG des 18 septembre 2006 et 19 juin 2008 n'auraient pas force exécutoire en France. Il a enfin rejeté le moyen selon lequel la police souscrite par la société GETMA ne couvrait pas le litige.
SUR L'IRRECEVABILITE DES DEMANDES
Considérant que les assureurs de la société GETMA soulève l'irrecevabilité des demandes des sociétés WAL pour défaut d'intérêt à agir et pour prescription ;
Sur la prescription
Considérant que l'action de WAL dirigée contre les assureurs fraçais de la société GETMA est régie par la loi française ; qu'en vertu de l'article
L.124-3 du Code des assurances, « Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable » ; que cette action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercé contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 114-1 et 124-3 du Code des assurances, que l'action directe des sociétés WAL contre les assureurs de leur préposé, la société GETMA, est recevable pendant deux ans à compter de l'assignation en responsabilité délivrée par les sociétés WAL contre la société GETMA ;
Considérant que le contrat d'agence signé entre la société WAL et la société GETMA est soumis à la loi allemande, en raison de la clause d'attribution de compétence de l'article 12 du contrat prévoyant que l'accord était soumis à la loi allemande et « tout litige entre la Compagnie et l'Agent sera soumis à la compétence exclusive des juridictions compétentes de HAMBOURG, avec l'exception que la Compagnie pourra aussi poursuivre l'Agent au lieu de son activité » ; que les règles de prescription de l'action principale de WAL contre GETMA sont les règles de procédure allemandes, lesquelles prévoient un délai de prescription de trois ans à compter de la fin de l'année au cours de laquelle la réclamation a pris naissance ; que la société GETMA a accordé à la société WAL plusieurs reports de precription relatifs au litige, le dernier report expirant le 30 avril 2007 ; que l'action des sociétés WAL engagée contre la société GETMA a été lancée par l'assignation du 16 novembre 2006, date survenant en période non prescrite ;
Considérant que l'action directe contre les assureurs appelants se prescrivait deux ans après cette assignation, soit le 16 novembre 2008 ; que les assureurs ont été assignés les 11 et 12 avril 2006, soit en période non prescrite ;
Considérant qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le moyen de prescription soulevé par les appelants ;
Sur l'intérêt à agir des sociétés WAL
Considérant que si les appelants te la société GETMA soulèvent le défaut d'intérêt à agir des sociétés WAL, le litige principal ayant été réglé par les tribunaux guinéens et la transaction intervenue entre la société HST et la société WAL étant inopposable aux assureurs de la société GETMA, il convient de souligner que les sociétés WAL ont été condamnées à indemniser la société HST, et la société GETMA à garantir les sociétés WAL, respectivement par l'arrêt du Tribunal supérieur de La Hanse du 5 novembre 2007 et par le jugement du Tribunal de HAMBOURG du 19 juin 2008, les deux étant définitifs ; que la circonstance que le dommage de la société HST ait été prétendument réparé par la société SOGECILE à la suite de la procédure guinéenne n'est pas opposable aux sociétés WAL et GETMA ;
Considérant encore que la transaction intervenue entre les sociétés WAL et HST a réduit le montant de l'indemnité mise à la charge de la société GETMA à 748 200 euros, puisque celle-ci est tenue de la somme mise à la charge de la société WAL, alors que le jugement les avait condamnées au paiement du montant cumulé de 1 041 885 USD et 261 047 euros, ce qui est favorable aux assureurs ; que les assureurs ne sauraient pas davantage exciper la cession de droits du 3 septembre 2007 des sociétés WAL à la société HST contre la société GETMA et ses assureurs français, cette cession, garantissant les droits de la société HST pendant la procédure d'appel ; que cette transaction a expiré le 30 décembre 2007, soit après l'arrêt du Tribunal supérieur de La Hanse du 5 novembre 2007 ; qu'en définitive, la seule contestation valable des assureurs se confond avec la discussion sur la valeur des jugements des juridictions allemandes, examinée à la suite ;
Sur l'irrégularité de la procédure allemande
Considérant que, selon les dispositions des paragraphes 1 et 3 de l'article 33 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, « 1. Les décisions rendues dans un Etat-membre sont reconnues dans les autres Etats-membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. (') 3. Si la reconnaissance est invoquée de façon incidente devant une juridiction d'un Etat membre, celle-ci est compétente pour en connaître » ;
Considérant que, par exception à ce principe de reconnaissance automatique et sans formalité des décisions rendues dans les Etats membres, celles-ci ne sont pas reconnues quand un des quatre cas limitativement énumérés à l'article 34 du même règlement est constitué : « Une décision n'est pas reconnue si : 1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis ;2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire ; 3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis ; 4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis » ;
Considérant que selon les assureurs appelants et la société GETMA, le jugement rendu le 19 juin 2008 par le Tribunal de HAMBOURGà l'encontre de la société GETMA ne pourrait bénéficier de la reconnaissance prévue par le règlement, car il aurait été rendu en fraude à l'ordre public guinéen, car dès le 28 août 2007, la cour d'appel de CONAKRY avait réglé le litige principal en ordonnant une compensation judiciaire entre les créances réciproques de la société HST et de la société SOGECILE ; que cet arrêt guinéen aurait donc mis un terme à l'action de la société HST, dument dédommagée et privée d'action contre les sociétés WAL ; que ces sociétés auraient donc réglé la somme de 700 000 euros à la société HST, à la suite d'une transaction irrégulière; que les appelants soulèvent également que la société GETMA n'a pas été régulièrement attraite dans la procédure devant le Tribunal de HAMBOURG, n'ayant pas reçu notification de l'assignation conformément au droit guinéen ;
Considérant, en premier lieu, que la demande principale au présent litige émanant des sociétés WAL, le Tribunal de commerce s'est, à juste titre, estimé compétent pour juger de la reconnaissance de deux jugements du Tribunal de HAMBOURG, cette « reconnaissance étant invoquée de façon incidente » en réponse à l'irrecevabilité soutenue par les appelants;
Considérant, en deuxième lieu, que la prétendue non conformité du jugement du 19 juin 2008 du Tribunal de HAMBOURG à l'ordre public guinéen, alléguée par les appelants (exception de l'article 34-1), est inopérante en l'espèce, puisque seul l'ordre public de l'Etat requis est concerné, soit celui de l'Allemagne, le contrat d'agence signé entre WAL et GETMA prévoyant en son article 14 la compétence du Tribunal de HAMBOURG ; qu'il convient donc de vérifier si l'assignation délivrée à l'encontre de la société GETMA l'a été dans les formes régulières requises par la loi allemande, dans des conditions telles que cette société a pu exercer ses droits de la défense (exception de l'article 34-2) ;
Considérant que conformément au droit allemand, la signification d'une assignation à un défendeur non domicilié dans un Etat membre de l'Union européenne est effectuée, à la diligence du Tribunal, par l'intermédiaire des autorités locales du pays défendeur ; que si cette signification n'intervient pas dans un délai de six mois, le Tribunal peut, à la requête du demandeur, vérifier les diligences effectuées et, si la signification ordinaire n'a pas eu lieu, accorder la notification publique de l'assignation qui consiste en son affichage au Tribunal ; qu'en l'espèce, ces formalités ont été respectées, selon les énonciations même du jugement du 19 juin 2008 qui précise que « le 7 février (2008), un membre de l'Ambassade d'Allemagne à [Localité 10] s'est présenté dans les locaux commerciaux de la plaignante et a tenté de remettre la plainte et les injonctions judiciaires au directeur de la défenderesse, Monsieur [C] [P]. Celui-ci a refusé cette remise » ; que le Tribunal a alors procédé à la notification publique ; qu'une copie de l'assignation du 15 novembre 2006, délivrée par la société WAL à la société GETMA devant le Tribunal de HAMBOURG, a été communiquée à la société GETMA par la société WAL par bordereau de communication de pièces du 13 septembre 2007, au cours de la procédure du Tribunal de commerce; qu'il en résulte que le jugement du 19 juin 2008 du Tribunal de Hambourg a été rendu, ainsi que l'ont fort justement souligné les Premiers Juges, quatre mois après le refus de notification, deux mois et demi après la notification publique de l'assignation, et près de neuf mois après la communication à la société GETMA, dans le cadre de la présente procédure, de l'assignation délivrée contre elle dans la procédure allemande ; qu'ainsi, la société GETMA a été mise en cause dans des conditions garantissant pleinement ses droits de la défense, ayant choisi délibéremment de ne pas se défendre devant le Tribunal de HAMBOURG ; que de plus, la société GETMA n'a formé aucune opposition contre le jugement par défaut du 19 juin 2008 qui lui a été signifié le 18 juillet 2008 ; qu'il convient enfin de souligner que la société GETMA et ses assureurs avaient été appelés en intervention forcée devant le Tribunal de HAMBOURG dans la procédure dirigée contre les sociétés WAL et ayant abouti à l'arrêt du 18 septembre 2006 ; qu'elle aurait pu, ici encore, faire valoir ses arguments en défense ;
Considérant en troisième lieu que les appelants prétendent encore que le jugements du Tribunal de HAMBOURG du 18 septembre 2006 serait inconciliable avec l'arrêt de la Cour d'appel de CONAKRY qui aurait mis fin au litige le 28 août 2007 en condamnant la société SOGECILE à payer la société HST, puis en compensant cette dette avec ses propres créances, ce qui constituerait l'exception à la reconnaissance de ce jugement, prévue à l'article 34-4 ;
Mais considérant que pour que cet article soit applicable, il faut que le jugement dont la reconnaissance est demandée et celui rendu par l'Etat tiers l'aient été entre les mêmes parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, la société GETMA, partie à la procédure guinéenne, ne l'était pas dans la procédure allemande, bien qu'appelée en intervention forcée en avril 2004, cette société n'ayant été entendue que comme témoin ; que les sociétés WAL, partie à la procédure allemande, n'étaient pas parties à la procédure guinéenne, la société GETMA n'ayant pas reçu mandat pour les représenter ;
Considérant enfin, concernant la prétendue fraude au jugement qui aurait été commise par le Tribunal de HAMBOURG en méconnaissance de l'arrêt de la Cour d'appel de CONAKRY, que cet arrêt est intervenu après le jugement du Tribunal de HAMBOURG du 18 septembre 2006 et n'a été communiqué aux sociétés WAL que le 11 juin 2008, soit postérieurement à l'arrêt du Tribunal de la Hanse du 3 décembre 2007, statuant en appel sur cet arrêt ; qu'aucune fraude au jugement ne peut donc être imputée aux juridictions allemandes ;
Considérant qu'il convient donc d'approuver le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a écarté ces exceptions au principe de reconnaissance des jugements, par une motivation minutieuse et pertinente que la Cour approuve et adopte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que l'intérêt des sociétés WAL à la présente action est bien constitué et qu'il convient d'écarter les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les sociétés appelantes ;
SUR LE PRINCIPE DE LA CONTRADICTION DES DEBATS
Considérant que si les assureurs appelants soulèvent l'absence de contradiction des débats, le Tribunal de commerce ayant écarté des débats des pièces communiquées à sa demande par l'avocat de la société GETMA, ils n'en tirent aucune conséquence sur la validité de la procédure ; qu'au surplus, il apparaît que ces pièces ont été écartées car elles n'ont pas été signifiées aux autres parties, ce qui est conforme au principe de la contradiction garanti par l'article
16 du Code de procédure civile ; que les appelants ne démontrent pas en quoi les pièces écartées des débats leur auraient été nécessaires pour préparer leur défense, le Tribunal ayant demandé la preuve de la compensation des créances entre les sociétés SOGECILE et HST à l'issue de la procédure guinéeene, qui est indifférente à la résolution du présent litige, comme il a été vu plus haut ; qu'enfin les contestations relatives aux pièces communiquées dans une version anglaise n'ont plus d 'objet, toutes les pièces étant traduites en français dans le dossier transmis à la Cour et aux parties ;
SUR LE CHAMP DE LA GARANTIE SOUSCRITE PAR LA SOCIETE GETMA
Considérant que les assureurs de la société GETMA prétendent que la police n° 99.0920 conclue le 1er janvier 2001 exclut les fautes délictuelles et quasi délictuelles du champ de garantie (article 4.2), ainsi que les responsabilités découlant de l'activité d'affréteur de navire ou de transporteur maritime, sauf dans le cas où l'assuré exerce une activité de NVOCC (c'est-à-dire de « non vessel operating common carrier » (ou acheteur de capacités maritimes) (article 4.17) ;
Mais considérant que c'est la responsabilité contractuelle de la société GETMA qui est recherchée, sur le fondement de l'annexe IV de son contrat d'agence qui lui interdisait de remettre des cargaisons sans remise des connaissements originaux ; que c'est en contravention de cette obligation du contrat que la société GETMA a été condamnée, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à relever les sociétés WAL de leurs condamnations ; que la société GETMA avait l'activité d'agent consignataire, conformément à l'article 2.1 des conditions particulières de la police ; que seule la société WAL avait la qualité d'affréteur ; que de plus, les articles
L.171-3 et
L.171-4 du Code des assurances, qui exigent la preuve d'un préjudice direct de l'assuré, ne s'appliquent pas au présent litige, car ils concernent les contrats d'assurance maritime, ce que n'est pas la police de GETMA, et l'intérêt direct de l'assuré victime et non une action directe exercée par la victime contre l'assuré ; qu'ainsi la garantie des assureurs est due aux sociétés WAL et que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
SUR LE FOND
Considérant que la société WAL a été condamnée le 18 septembre 2006 par le Tribunal de HAMBOURG a payer à la société HST la somme de 1 0141 885 USD et 261 047, 98 euros ; que ce jugement a été confirmé par l'arrêt du Tribunal supérieur de la Hanse du 3 décembre 2007 ; que le Tribunal de HAMBOURG a condamné la société GETMA par jugement du 19 juin 2008 devenu définitif, à la relever indemne ; que cette société et ses assureurs aurait donc du être condamnés au paiement des sommes ci-dessus rappelées, outre intérêts ; que par transaction du 30 décembre 2007, la dette de la société WAL a été réduite à la somme de 748 200 euros ; que cette transaction n'a pas été faite en fraude des droits de la société GETMA et de ses assureurs, dont la dette à l'égard des sociétés WAL s'en est trouvée réduite d'autant ; qu'aucune faute ne saurait être imputée à la société WAL pour avoir transigé dans son intérêt et celui de ses créanciers ;
Considérant que si les appelants contestent le lien de causalité entre leur fait et le préjudice, celui-ci résulte directement des deux jugements cités plus haut ; que la responsabilité de la société GETMA dans le litige a été définitivement jugée par le Tribunal de HAMBOURG ; que cette société a été appelée en la cause selon les modalités décrites plus haut et qu'elle a eu le loisir de faire valoir ses moyens de défense ; que l'action directe des sociétés WAL contre les assureurs de la société GETMA est recevable en vertu des dispositions du présent arrêt ;
Considérant qu'il en résulte que les assureurs seront tenus de rembourser aux sociétés WAL la somme de 747 860,55 euros, conformément au jugement du Tribunal de commerce, qui sera intégralement confirmé ;
Considérant que les assureurs se prévalent, à titre subsidiaire de la clause d'apérition du chapitre XI de la police d'assurance selon laquelle « aucune obligation solidaire ou « in solidum » n'existe entre les co-assureurs, par suite chacun d'eux ne peut être tenu qu'à concurrence des engagements par lui souscrits » ; que la société GENERALI IARD, venant aux droits de la société GENERALI FRANCE, tenue à 40 % et de la société LE CONTINENT, tenue à 30 %, devra supporter 70 % de la somme de 747 860,55 euros, la société GAN-EUROCOURTAGE, venant aux droits de la société GAN-GROUPAMA, 20 % de cette somme et la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, 10 % ;
PAR CES MOTIFS
- Donne acte à la société GAN EUROCOURTAGE qu'elle vient aux droits de GROUPAMA TRANSPORT,
- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- Dit que la somme de 747 860,55 euros mise à la charge des sociétés GENERALI IARD, GAN EUROCOURTAGE (venant aux droits de GROUPAMA TRANSPORT) et AXA CORPORATE SOLUTIONS, portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 22 septembre 2009,
- Dit que la société GENERALI IARD, venant aux droits de la société GENERALI FRANCE et de la société LE CONTINENT devra s'acquitter de 70 % de la somme de 747 860,55 euros, la société GAN-EUROCOURTAGE, venant aux droits de la société GAN-GROUPAMA, de 20 % de cette somme et enfin la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, de 10 % de cette somme ;
- Condamne les sociétés GENERALI IARD, GAN EUROCOURTAGE (venant aux droits de GROUPAMA TRANSPORT) et AXA CORPORATE SOLUTIONS aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article
699 du Code de procédure civile,
- les condamne à payer aux sociétés WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE et BETEILIGUNG WAL WEST-AFRIKA LINIEN-DIENSTE,WAL la somme de 15 000 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT