Vu la requête
, enregistrée le 18 février 2010, présentée pour la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY, dont le siège est 2 bis rue Louis Armand à Paris (75015) ;
La SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806526 du 18 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision en date du 18 juillet 2008 par laquelle l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Lyon 2 a autorisé le licenciement de M. Madji A ;
2°) de rejeter la demande M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Elle soutient que :
- la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. A est suffisamment motivée ;
- que dès lors que le procureur de la République a refusé de délivrer à M. A l'agrément prévu par l'article
L. 282-8 du code de l'aviation civile, il ne pouvait plus continuer à exercer les fonctions d'agent de surveillance dans les conditions prévues par son contrat travail conclu le 20 août 2011 ; que, dès lors, c'est à tort, que les premiers juges ont estimé qu'il appartenait à l'inspecteur du travail de vérifier que des efforts de reclassement sur un poste d'agent de sécurité avaient été effectués ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 mai 2011, présenté pour M. A qui conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la décision autorisant son licenciement est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne mentionne pas les motifs pour lesquels la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY a sollicité l'autorisation de procéder à son licenciement et qu'elle ne fait pas apparaître que l'inspecteur du travail aurait vérifié les conditions de son reclassement au sein de ladite société ;
- que la décision de l'inspecteur du travail a été édictée selon une procédure irrégulière puisque la convocation pour la réunion du comité d'entreprise devant précéder son licenciement ne lui est parvenue qu'après la tenue de ladite réunion ;
- que l'inspecteur du travail a méconnu l'étendue de sa compétence puisqu'il ne ressort pas de sa décision qu'il a examiné si le licenciement envisagé était en rapport avec le mandat pour lequel il avait été candidat ;
- qu'en se bornant à constater qu'il ne remplissait plus les conditions nécessaires à l'exercice des missions d'opérateur de sûreté, le Tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit car cette seule circonstance ne pouvait pas suffire pour justifier la rupture de son contrat travail ;
- que dès lors qu'il satisfaisait aux conditions prévues par l'article 6 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, il pouvait, eu égard aux stipulations de son contrat travail, continuer à exercer les fonctions d'agent de sécurité ;
- que, compte tenu des stipulations de son contrat travail, son licenciement ne pouvait intervenir que dans le cas où son employeur était en mesure de démontrer qu'il ne pouvait pas lui proposer un poste d'agent de sécurité ; qu'il appartenait donc à l'inspecteur du travail de vérifier l'existence de cette circonstance avant de pouvoir envisager d'autoriser son licenciement ;
Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2010, présenté pour la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2011, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
du travail ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les observations de Me Taouli, avocat de M. A ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Taouli ;
Considérant que
M. A a été embauché en qualité d'agent de surveillance par la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY par contrat du 20 août 2001 ; que ce contrat a été complété par un avenant du même jour précisant que l'intéressé était affecté à l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry pour y exercer les fonctions d'agent de sûreté aéroportuaire au sein de l'agence Sécuritas ; que cet avenant a été renouvelé le 1er avril 2002 ; que la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY a présenté, le 23 juin 2008, une demande en vue d'être autorisée à procéder au licenciement de M. A, qui s'était porté candidat aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise et de délégué du personnel à l'occasion des élections organisées au sein de ladite société les 15 janvier et 1er février 2008 ; que, par décision du 18 juillet 2008, l'inspecteur du travail des transports de la subdivision de Lyon 2 a fait droit à cette demande ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision ;
Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives ou de mandats syndicaux bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est motivée par la circonstance que le salarié ne remplit pas les conditions légalement exigées pour l'exercice de l'emploi pour lequel il a été embauché, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la demande d'autorisation de licencier est sans lien avec les mandats détenus et que le motif avancé est établi et justifie le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des caractéristiques de l'emploi exercé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'aux termes de l'article
L. 2411-7 du code du travail : L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. (...) ; que l'article L. 2411-10 dudit code accorde la même garantie aux candidats aux fonctions de membre élu du comité d'entreprise ;
Considérant qu'aux termes de l'article
L. 282-8 du code de l'aviation civile : En vue d'assurer préventivement la sûreté des vols, tant en régime intérieur qu'international, d'une part les officiers de police judiciaire ainsi que, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints (...) et, d'autre part, les agents des douanes, peuvent procéder à la fouille et à la visite par tous moyens appropriés des personnes, des bagages, du fret, des colis postaux, des aéronefs et des véhicules pénétrant ou se trouvant dans les zones non librement accessibles au public des aérodromes et de leurs dépendances, ou sortant de celles-ci. Sont également habilités à procéder à ces fouilles et visites, sous le contrôle des officiers de police judiciaire ou des agents des douanes, les agents (...) désignés par les entreprises de transport aérien, les exploitants d'aérodromes ou les entreprises qui leur sont liées par contrat. Ces agents doivent être préalablement agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République. (...) Les agréments prévus au précédent alinéa sont refusés ou retirés lorsque la moralité de la personne ou son comportement ne présentent pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice des missions susmentionnées. (...) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée : Nul ne peut être employé pour participer à une activité mentionnée à l'article 1er : / 1° S'il n'a fait l'objet, préalablement à son embauche ou à son affectation, d'une déclaration auprès du préfet du département ou, à Paris, auprès du préfet de police ; / 2° S'il a fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, pour des motifs incompatibles avec l'exercice des fonctions ; (...) / 3° S'il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ; 4° S'il résulte de l'enquête administrative, ayant le cas échéant donné lieu à consultation des traitements de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales relevant des dispositions de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, à l'exception des fichiers d'identification, que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes moeurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; / 5° S'il ne justifie pas de son aptitude professionnelle selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. / La conclusion du contrat de travail est subordonnée à la transmission par le préfet de ses observations relatives aux obligations visées aux 2°, 3° et 4°. Le contrat de travail conclu en violation des dispositions des 2° à 5° est nul ; qu'aux termes de l'article l'article 6-2 de la même loi : Sous réserve des dispositions transitoires fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu au 5° de l'article 6, le contrat de travail du salarié qui cesse de remplir les conditions posées aux 2° à 5° de cet article est rompu de plein droit (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 26 mai 2004, M. A a fait l'objet d'un rappel à la loi pour dégradation de biens publics ; qu'en conséquence, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon a estimé que l'intéressé ne présentait pas les garanties de moralité requises pour obtenir l'agrément exigé, en vertu des dispositions précitées de l'article
L. 282-8 du code de l'aviation civile, pour exercer l'activité d'agent de sûreté aéroportuaire ; que, pour ce motif, qui était le seul invoqué par la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY à l'appui de sa demande, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée en se bornant à constater que M. A ne remplissait plus les conditions nécessaires à l'exercice des missions d'opérateur de sûreté ;
Considérant toutefois que, comme il a été précédemment indiqué, M. A a été recruté par contrat du 20 août 2001 en qualité d'agent de surveillance et qu'en vertu d'un avenant du même jour, renouvelé le 1er avril 2002, il a été affecté à des fonctions d'agent de sûreté aéroportuaire ; qu'il résulte expressément des stipulations de cet avenant que dans l'hypothèse où M. A ne remplirait plus les conditions requises pour exercer les fonctions d'agent de sûreté aéroportuaire, il serait réaffecté à un poste d'agent de surveillance sur un des sites de la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY situé dans l'agglomération lyonnaise ; que dans la mesure où les dispositions précitées de la loi du 12 juillet 1983 ne subordonnent pas l'exercice des fonctions d'agent de surveillance à un agrément du procureur de la République, c'est à tort, comme l'ont estimé les premiers juges, que l'inspecteur du travail a considéré que la décision de refus d'agrément prise par le procureur de la République faisait à elle seule obstacle à la poursuite du contrat de travail entre la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY et M. A ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail l'autorisant à licencier M. A ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY le versement à M. A d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SOCIETE SECURITAS TRANSPORTS AVIATION SECURITY, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et à M. Madji A.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2011.
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N° 10LY00721