Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Lyon 09 octobre 2009
Cour de cassation 22 mars 2011

Cour de cassation, Chambre sociale, 22 mars 2011, 09-71952

Mots clés chantier · société · licenciement · propos · salarié · grave · entreprise · employeur · mise à pied · préavis · preuve · tensions · missionné · racistes · absence

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 09-71952
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Lyon, 09 octobre 2009
Président : Mme Collomp (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Lyon 09 octobre 2009
Cour de cassation 22 mars 2011

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 octobre 2009), que M. X..., engagé le 26 février 2001 par la société Seitha (la société) en qualité de chef de chantier, a été licencié pour faute grave le 27 décembre 2005 ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave alors, selon le moyen :

1°/ que constitue une faute grave le manquement délibéré du salarié à ses obligations qui a généré un surcoût pour l'entreprise et une atteinte à son image de marque ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, à l'encontre du salarié, chef de chantier, « l'existence d'un nombre anormalement élevé de travaux restés inachevés », un « manque délibéré de prise en compte des intérêts de l'entreprise », le « surcoût » en résultant supporté par l'entreprise ainsi que « l'atteinte à son image de marque » ; qu'en écartant péremptoirement la faute grave du salarié, sans relever aucune circonstance permettant d'exclure que de tels faits puissent être ainsi qualifiés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

2°/ que constitue une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail le fait, pour un chef de chantier, de tenir des propos racistes à l'égard d'un salarié avec lequel il refuse de travailler en dépit des ordres de l'employeur ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque l'insulte vise une communauté largement présente sur le chantier et, partant, provoque une violente réaction nécessitant que le chef de chantier soit retiré du site en urgence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il était établi que M. X... avait tenu des propos racistes concernant M. Y..., i. e. « qu'il n'allait pas se faire commander par un melon », que ces propos étaient à l'origine d'une réaction communautariste sur le chantier et de vives tensions ayant justifié que le salarié soit évincé en urgence du chantier ; qu'en écartant la faute grave aux motifs inopérants que la lettre de licenciement n'évoquait pas la connotation « raciste » des propos litigieux, que l'insulte raciste n'avait pas été directement proférée à l'intéressé et qu'une tension existait entre les deux hommes, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3°/ en tout état de cause que le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement ; qu'en l'espèce, outre les graves carences du salarié dans le contrôle et le suivi du chantier, l'employeur lui reprochait une attitude inadmissible face au personnel, des propos ayant généré d'importantes tensions et un comportement indigne d'un professionnel ayant le devoir de se contrôler sur le chantier dont il a la charge ; qu'il lui était spécialement reproché à cet égard des insultes racistes visant M. Y...d'une part, des altercations avec M. Z...d'autre part, l'employeur produisant une attestation d'un chef d'équipe d'une autre entreprise, M. A..., dont il résultait que M. Z...avait dû être changé de poste pour pouvoir travailler ; qu'en s'abstenant totalement d'examiner le grief tiré des altercations du salarié avec M. Z..., la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que M. X..., chef de chantier, qui avait pour mission de contrôler les prestations réalisées par les sous-traitants, avait, par sa carence, permis qu'un nombre anormalement élevé de travaux reste inachevé de sorte qu'il avait fallu missionner du personnel en renfort pour lever les réserves, ce qui avait occasionné un surcoût et une atteinte à l'image de marque de l'entreprise ;

Attendu, ensuite, qu'elle a ajouté que si M. X... avait bien tenu, sur le chantier, des propos occasionnant des vives tensions, l'employeur lui même n'avait pas fait état d'une connotation raciste de ces propos dans la lettre de licenciement et que ces propos, ayant consisté à traiter un salarié de " melon ", avaient été seulement " marmonnés " et s'inscrivaient dans un contexte d'incidents antérieurs dans lesquels l'autre salarié portait une responsabilité ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, elle a pu en déduire que ces faits fautifs ne caractérisaient pas une faute d'une gravité telle qu'elle empêchait tout maintien du salarié dans l'entreprise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi principal de M. X... :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille onze.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre d'un montant de 30. 000 euros et de sa demande d'un montant de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE la faute grave est une faute professionnelle ou disciplinaire dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; que la charge de la preuve en incombe à l'employeur qui l'invoque et la détermination de la gravité de la faute est laissée à l'appréciation des juges qui restent tenus d'appliquer la législation d'ordre public énoncée par le Code du travail ; que la faute grave impliquant un licenciement disciplinaire, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance... » ; que cependant un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération s'il s'est répété ou poursuivi par la suite et lorsque les faits de même nature se reproduisent, l'employeur peut faire état de précédents, même s'ils n'ont pas été sanctionnés en leur temps (mais depuis moins de trois ans) pour justifier une sanction aggravée ; que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, elle doit énoncer le ou les motifs du licenciement, lesquels doivent être précis, objectifs, vérifiables et, en matière de faute, situés dans le temps ; que l'employeur ne peut justifier de griefs retenus dans la lettre de licenciement en s'appuyant sur des éléments de preuve portés postérieurement à sa connaissance ; que fixant les limites du litige, la lettre de licenciement est motivée comme suit : «... Au cours de l'entretien préalable du 21 décembre 2005, en présence de M. B...vous assistant, les faits suivants vous ont été reprochés. Affecté sur le chantier SANOFI, vous n ‘ avez pas assuré votre mission de chef de chantier consistant à encadrer et contrôler les différents intervenants que vous deviez coordonner. En effet, vous n'avez pas contrôlé l'avancement des travaux réalisés et vous avez laissé partir les intervenants sans signaler l'insuffisance des finitions. Ce n'est qu'une fois les sous-traitants partis, que l'état des travaux inachevés (128 réserves) a été établi dans l'urgence. Face aux délais du marché nous avons dû alors missionner nous même du personnel supplémentaire pour ces interventions de base (positionnement de grilles.) dont vous auriez dû assurer le contrôle. Cette faute a généré certes un surcoût, mais surtout une mauvaise image de notre entreprise auprès du client. Par ailleurs, votre attitude face au personnel missionné en renfort pour lever ces réserves sur le chantier a été inadmissible. Les propos qui vous avez tenus ont généré de telles tensions vis à vis des différents intervenants sur le chantier que, face à la gravité de la situation et aux risques que cela générait en terme de sécurité le chantier, nous avons du prendre la décision de vous retirer en urgence du site dans le cadre d'une mise à pied à titre conservatoire. Votre attitude est indigne d'un professionnel de votre expérience. Il est en effet de votre devoir de chef de chantier de savoir vous contrôler et de ne pas envenimer la situation. Par ailleurs les fautes évoquées sont d'autant plus graves que nous vous avions déjà fait part de notre mécontentement face à votre manque de sérieux professionnel. En effet vous aviez déjà fait l'objet de deux avertissements respectivement les 27 octobre 2004 pour absence de contrôle ayant généré dégât des eaux et pour consommations téléphoniques inconsidérées sur le téléphone du chantier, puis le 8 mars 2005 pour absence de respect des règles de sécurité et des procédures de commandes. Force est de constater que vous ne tenez pas compte des alertes qui vous ont été notifiées et que l'escalade de vos fautes professionnelles assorties d'un comportement inadmissible rendent impossible votre maintien dans votre entreprise sans préjudice pour notre entreprise. Aussi nous vous notifions votre licenciement pour fautes professionnelles graves. Les faits concernés s'étant déroulés après le 9 décembre, date de clôture de la paie de décembre, un bulletin rectificatif sera établi » ; que comme il a été vu ci-dessus, le licenciement querellé est articulé autour d'un défaut de suivi du chantier d'une part, de la tenue de propos ayant eu pour conséquence de générer de graves tensions entre les différents intervenants d'autre part ; qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'employeur l'a rappelé dans le courrier qu'il a adressé à son salarié en réponse à la contestation du licenciement élevée par lui, que Monsieur X... avait pour mission de contrôler les prestations réalisées par les soustraitants dans le respect du planning convenu ; qu'au cas d'espèce, la SAS SEITHA justifie, au travers de la production aux débats du document informatique produit par elle dont les énonciations n'ont pas été utilement querellées, de l'existence d'un nombre anormalement élevé de travaux restés inachevés et par voie de conséquence d'une carence du salarié au niveau du contrôle des prestations réalisées par les soustraitants ; qu'il n'est pas contesté, comme cela peut être vérifié au vu des pièces de la procédure, que confrontée a une telle situation, la SAS SEITHA a dû missionner du personnel en renfort pour lever ces réserves, ce qui a entraîné nécessairement un surcoût mais aussi porté atteinte à l'image de marque de l'entreprise ; que l'importance du nombre des travaux restés inachevés à l'issue du départ des soustraitants ne pouvant s'expliquer qu'au regard d'un manque délibéré de prise en compte des intérêts de l'entreprise, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que les manquements de Monsieur X... à ses obligations étaient bien constitutifs d'une faute ; qu'il est par ailleurs reproché à M. X... d'avoir tenu sans autre précision des propos ayant généré au sein des différents intervenants missionnés en renfort pour lever les réserves de telles tensions qu'il a été nécessaire de le retirer en urgence du site dans le cadre d'une mise à pied conservatoire et mis ce faisant en péril la bonne marche du chantier ; que, sur ce point, le premier juge a ordonné une enquête à l'occasion de laquelle il a été procédé à l'audition de Monsieur Y...présenté comme le salarié injurié et l'un des témoins des faits en la personne de Monsieur Z...; que Monsieur Y...relate en effet que Monsieur X... n'ayant pas accepté que sa direction ne fasse pas droit à sa demande tendant à le voir écarter du chantier, il aurait alors indiqué, en « ronchonnant », qu'il n'allait pas « se faire commander par un melon » ; que si Monsieur X... a toujours contesté avoir tenu de tels propos, Messieurs Y...et Z...ont de leur coté fourni des témoignages concordants sur la réalité du contenu des propos tenus à l'issue de la réunion organisée pour se prononcer sur la demande de Monsieur X... ; qu'il résulte par ailleurs du compte rendu de l'incident établi par Monsieur C...lui-même, conducteur de travaux au sein de la société SEITHA, que les propos litigieux ayant été « diffusés dans tout le chantier, d'autres personnes pour des raisons de communautarisme sont venues aggraver la situation », ce pourquoi pour calmer les esprits il a été décidé de retirer le salarié en urgence afin de le « sécuriser » ; qu'à cet égard, Monsieur Y...relate lors de l'instruction faite par le premier juge avoir dû personnellement intervenir pour éviter qu'il n'y ait des violences ; que si, en dépit de la contestation élevée, il est en réalité établi, au vu des pièces versées aux débats, que Monsieur X... a bien tenu les propos sus-rappelés ayant généré de vives tensions au sein du personnel missionné sur le chantier et justifié que l'appelant soit retiré en urgence du chantier où il avait été affecté, il reste que :- dans la lettre de licenciement, l'employeur s'est lui-même abstenu de faire état de la connotation raciste des propos reprochés à l'origine du trouble constaté au sein de l'entreprise ;- que Monsieur X... n'a pas invectivé directement Monsieur Y...lorsqu'il l'a traité de « melon » mais tenu ces propos en « marmonnant » (Monsieur C...fait encore état dans le compte rendu des faits établi par lui de « grommellements ») alors qu'il regagnait son bureau après s'être heurté au refus de la direction d'accéder a sa demande tendant à ce que Monsieur Y...soit affecté à un autre chantier ;- les faits s'inscrivent dans un contexte de vive tension entre les deux hommes ainsi que l'a rappelé Monsieur D... en faisant état d'incidents antérieurs à celui visé dans la lettre de licenciement et aussi d'un accrochage survenu le lendemain entre les deux hommes, tous incidents d'où il résulte que Monsieur Y...porte sa part de responsabilité ainsi qu'il résulte de ce que lors de l'un d'entre eux a fait suite a un croche-pattes de Monsieur Y...lorsque Monsieur X... passait devant lui (cf. témoignage de Monsieur C...) ; qu'au demeurant, en prenant l'initiative de demander aux deux hommes de ne plus travailler sur le chantier SANOFI, la société a mis un terme à tout risque de dégradation de la situation ; qu'il y a lieu en conséquence de dire que les deux faits ainsi reprochés, s'ils sont bien constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, ne sont pas pour autant constitutifs d'une faute grave ayant eu pour effet de rendre impossible le maintien de la relation contractuelle pendant le temps du préavis et de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à la demande au titre de la mise à pied conservatoire.

ALORS, sur le premier grief tiré d'un défaut de suivi du chantier, QU'un comportement fautif ne peut résulter que d'un fait imputable au salarié ; qu'en déduisant du nombre anormalement élevé de travaux restés inachevés une carence du salarié au niveau du contrôle des prestations réalisées par les sous6 traitants due au manque délibéré de prise en compte des intérêts de l'entreprise, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le document informatique constatant les anomalies du chantier permettait de déterminer l'imputabilité des réserves à Monsieur X..., si les non conformités n'étaient pas survenues durant son arrêt maladie et si les malfaçons n'étaient pas imputables aux autres salariés de l'entreprise intervenant sur le chantier, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1331-1 du Code du travail.

ALORS encore QU'en jugeant que le recrutement de personnel en renfort pour lever les réserves avait porté atteinte à l'image de marque de l'entreprise, sans caractériser en quoi la réputation de l'entreprise avait été ternie, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1331-1 du Code du travail.

ALORS, sur le second grief tiré de la tenue de propos ayant généré de graves tensions entre les intervenants, QUE l'employeur est tenu d'énoncer les motifs de licenciement dans la lettre de rupture qu'il adresse au salarié et que l'absence de motifs précis équivaut à une absence de motifs ; qu'en matière disciplinaire, aucun fait fautif ne pouvant donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, la lettre de licenciement doit comporter des précisions de dates sur les faits reprochés, sauf à priver le juge d'exercer son contrôle ; qu'en s'abstenant d'examiner, comme elle y était pourtant invitée, si la lettre de licenciement adressée à Monsieur X... exposait des faits précis et datés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1332-4 du Code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Seitha.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de monsieur X... ne reposait pas sur une faute grave et d'AVOIR en conséquence condamné la société SEITHA à lui verser 4. 200 euros à titre d'indemnité de préavis, 420 euros au titre des congés payés afférents, 1. 015, 00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 1229, 38 euros au titre de la mise à pied conservatoire, 122, 94 euros au titre des congés payés afférents et 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la contestation du licenciement pour faute grave. La faute grave est une faute professionnelle ou disciplinaire dont la gravité est telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis. La charge de la preuve en incombe à l'employeur qui l'invoque et la détermination de la gravité de la faute est laissée à l'appréciation des Juges qui restent tenus d'appliquer la législation d'ordre public énoncée par le Code du Travail. La faute grave impliquant un licenciement disciplinaire, " aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance... ". Cependant un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération s'il s'est répété ou poursuivi par la suite et lorsque les faits de même nature se reproduisent, l'employeur peut faire état de précédents, même s'ils n'ont pas été sanctionnés en leur temps (mais depuis moins de trois ans) pour justifier une sanction aggravée. La lettre de licenciement fixant les limites du litige, elle doit énoncer le ou les motifs du licenciement, lesquels doivent être précis, objectifs, vérifiables et, en matière de faute, situés dans le temps. L'employeur ne peut justifier de griefs retenus dans la lettre de licenciement en s'appuyant sur des éléments de preuve portés postérieurement à sa connaissance. Fixant les limites du litige, la lettre de licenciement est motivée comme suit "... Au cours de l'entretien préalable du 21 décembre 2005, en présence de M. B...vous assistant, les faits suivants vous ont été reprochés. Affecté sur le chantier SANOFI, vous n'avez pas assuré votre mission de chef de chantier consistant à encadrer et contrôler les différents intervenants que vous deviez coordonner. En effet, vous n'avez pas contrôlé l'avancement des travaux réalisés et vous avez laissé partir les intervenants sans signaler l'insuffisance des finitions. Ce n'est qu'une fois les soustraitants partis, que l'état des travaux inachevés (128 réserves) a été établi dans l'urgence. Face aux délais du marché nous avons dû alors missionner nous même du personnel supplémentaire pour ces interventions de base (positionnement de grilles.) dont vous auriez dû assurer le contrôle. Cette faute a généré certes un surcoût, mais surtout une mauvaise image de notre entreprise auprès du client. Par ailleurs, votre attitude face au personnel missionné en renfort pour lever ces réserves sur le chantier a été inadmissible. Les propos qu vous avez tenus ont généré de telles tensions vis à vis des différents intervenants sur le chantier que, face à la gravité de la situation et aux risques que cela générait en terme de sécurité le chantier, nous avons du prendre la décision de vous retirer en urgence du site dans le cadre d'une mise à pied à titre conservatoire. Votre attitude est indigne d'un professionnel de votre expérience. Il est en effet de votre devoir de chef de chantier de savoir vous contrôler et de ne pas envenimer la situation. Par ailleurs les fautes évoquées sont d'autant plus graves que nous vous avions déjà fait part de notre mécontentement face à votre manque de sérieux professionnel. En effet vous aviez déjà fait l'objet de deux avertissements respectivement les 27 octobre 2004 pour absence de contrôle ayant généré dégât des eaux et pour consommations téléphoniques inconsidérées sur le téléphone du chantier, puis le 8 mars 2005 pour absence de respect des règles de sécurité et des procédures de commandes. Force est de constater que vous ne tenez pas compte des alertes qui vous ont été notifiées et que l'escalade de vos fautes professionnelles assorties d'un comportement inadmissible rendent impossible votre maintien dans votre entreprise sans préjudice pour notre entreprise. Aussi nous vous notifions votre licenciement pour fautes professionnelles graves. Les faits concernés s'étant déroulés après le 9 décembre, date de clôture de la paie de décembre, un bulletin rectificatif sera établi. Comme il a été vu ci-dessus le licenciement querellé est articulé autour d'un défaut de suivi du chantier d'une part, de la tenue de propos ayant eu pour conséquence de générer de graves tensions entre les différents intervenants d'autre part ; Il n'est pas contesté, ainsi que l'employeur l'a rappelé dans le courrier qu'il a adressé à son salarié en réponse à la contestation du licenciement élevée par lui, que M. X... avait pour mission de contrôler les prestations réalisées par les sous-traitants dans le respect du planning convenu ; Au cas d'espèce, la SAS SEITHA justifie, au travers de la production aux débats du document informatique produit par elle dont les énonciations n'ont pas été utilement querellées, de l'existence d'un nombre anormalement élevé de travaux restés inachevés et par voie de conséquence d'une carence du salarié au niveau du contrôle des prestations réalisées par les sous-traitants ; Il n'est pas contesté comme cela peut être vérifié au vu des pièces de la procédure que confrontée a une telle situation, la SAS SEITHA a dû missionner du personnel en renfort pour lever ces réserves ce qui a entraîné nécessairement un surcoût mais aussi porté atteinte à l'image de marque de l'entreprise ; L'importance du nombre des travaux restés inachevés à l'issue du départ des sous-traitants ne pouvant s'expliquer qu'au regard d'un manque délibéré de prise en compte des intérêts de l'entreprise, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que les manquements de M. X... à ses obligations étaient bien constitutifs d'une faute ; Il est par ailleurs reproché à M. X... d'avoir tenu sans autre précision des propos ayant généré au sein des différents intervenants missionnés en renfort pour lever les réserves de telles tensions qu'il a été nécessaire de le retirer en urgence du site dans le cadre d'une mise à pied conservatoire et mis ce faisant en péril la bonne marche du chantier ; Sur ce point, le premier juge a ordonné une enquête à l'occasion de laquelle il a été procédé à l'audition de M. Y...présenté comme le salarié injurié et l'un des témoins des faits en la personne de M.. Z.... M. Y...relate en effet que M. X... n'ayant pas accepté que sa direction ne fasse pas droit à sa demande tendant à le voir écarter du chantier, il aurait alors indiqué, en " ronchonnant ", qu'il n'allait pas " se faire commander par un melon " ; Si M. X... a toujours contesté avoir tenu de tels propos, MM Y...et Z...ont de leur coté fourni des témoignages concordants sur la réalité du contenu des propos tenus à l'issue de la réunion organisée pour se prononcer sur la demande de M. X... ; Il résulte par ailleurs du compte rendu de l'incident établi par M C...lui-même conducteur de travaux au sein de la société SEITHA que les propos litigieux ayant été " diffusés dans tout le chantier, d'autres personnes pour des raisons de communautarisme sont venues aggraver la situation " ce pourquoi pour calmer les esprits il a été décidé de retirer le salarié en urgence afin de le " sécuriser " ; A cet égard, M. Y...relate lors de l'instruction faite par le premier juge avoir dû personnellement intervenir pour éviter qu'il n'y ait des violences ; Si en dépit de la contestation élevée, il est en réalité établi, au vu des pièces versées aux débats, que M. X... a bien tenu les propos sus-rappelés ayant généré de vives tensions au sein du personnel missionné sur le chantier et justifié que l'appelant soit retiré en urgence du chantier où il avait été affecté, il reste que dans la lettre de licenciement, l'employeur s'est lui-même abstenu de faire état de la connotation raciste des propos reprochés à l'origine du trouble constaté au sein de l'entreprise,- que M. X... n'a pas invectivé directement M. Y...lorsqu'il l'a traité de " melon " mais tenu ces propos en " marmonnant " (M. C...fait encore état dans le compte rendu des faits établi par lui de " grommellements ") alors qu'il regagnait son bureau après s'être heurté au refus de la direction d'accéder a sa demande tendant à ce que M. Y...soit affecté à un autre chantier ;- les faits s'inscrivent dans un contexte de vive tension entre les deux hommes ainsi que l'a rappelé M. D... en faisant état d'incidents antérieurs à celui visé dans la lettre de licenciement et aussi d'un accrochage survenu le lendemain entre les deux hommes, tous incidents d'où il résulte que M. Y...porte sa part de responsabilité ainsi qu'il résulte de ce que lors de l'un d'entre eux a fait suite a un croche-pattes de M. Y...lorsque M X... passait devant lui (cf témoignage de M. C...) ; Au demeurant, en prenant l'initiative de demander aux deux hommes de ne plus travailler sur le chantier SANOFI, la société a mis un terme à tout risque de dégradation de la situation ; Il y a lieu en conséquence de dire que les deux faits ainsi reprochés, s'ils sont bien constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, ne sont pas pour autant constitutifs d'une faute grave ayant eu pour effet de rendre impossible le maintien de la relation contractuelle pendant le temps du préavis et de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fait droit à la demande au titre de la mise à pied conservatoire ; » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur le licenciement. La société SEITHA a licencié Monsieur X...pour faute grave par courrier du 27. 12. 2005. La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige retient que les manquements et l'attitude face au personnel missionné seraient constitutifs de fautes disciplinaires. La société seitha qui a la charge de la preuve des faits allégués en matière de faute grave. Concernant le motif de manquement dans le suivi des chantiers, la société seitha verse aux débats un tableau de suivi des chantiers et finitions pour le chantier SANOFI édité le janvier 2006. De nombreux retards y figurent. La société justifie que les éventuelles malfaçons y indiquées ont été la conséquence du travail de monsieur X...entaché de manquements. La société verse aux débats une attestation de monsieur Y...pour étayer le motif de propos racistes tenus par Monsieur X.... Le conseil a convoqué Messieurs Y..., Z..., D...et C...afin de procéder à leur audition le 23. 03. 2008. Seul Monsieur Y...s'est rendu à la convocation. Lors de son audition, ce dernier explique que lorsque Monsieur D...a expliqué à Monsieur X...que Monsieur Y...devait travailler sur le bâtiment B, 5ème étage, celui-ci s'est énervé. Monsieur Y...témoigne qu'à ce moment là, il est sorti pour récupérer son casque et qu'il a entendu une altercation entre d'autres salariés, qu'il a entendu Monsieur X... « ronchonner », qu'il n'a pas entendu la phrase litigieuse en son entier, seulement le mot « melon ». L'écriture de Monsieur Y...du 10. 04. 2006 ne reprend pas les termes de l'audition du 25 mars 2008. En effet, le 10 avril 2006, Monsieur Y...atteste avoir été insulté par Monsieur X..., qui aurait employé des termes racistes en lui disant : « c'est pas un melon qui va me commander ». Le témoignage de Monsieur Y...ne corrobore aucunement les propos racistes retenus par l'employeur. La lettre de licenciement ne peut constituer la preuve des faits qu'elle énonce. Le déroulement exact des faits du 13 décembre 2005 n'est pas établi et il n'est pas justifié que Monsieur X... ait gravement agressé Monsieur Y...en lui disant : « c'est pas un melon qui va me commander ». En application de l'article L 122. 14. 3 du code du Travail, le doute doit profiter au salarié et ce motif ne sera pas retenu. La faute grave n'est pas établie, mais le conseil sur le premier motif, retiendra que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Il est dû à Monsieur X... les sommes de : 4 200, 00 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 420, 00 euros au titre de congés payés sur préavis, 1015, 00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 1229, 38 € au titre de la mise à pied conservatoire, 122. 94 euros au titre des congés payés afférents. Monsieur X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts. L'équité commande qu'il soit allouée 750 euros à Monsieur X... au titre de frais irrépétibles exposés, la société Seitha qui succombe se verra déboutée de sa demande reconventionnelle ».

1. ALORS QUE constitue une faute grave le manquement délibéré du salarié à ses obligations qui a généré un surcoût pour l'entreprise et une atteinte à son image de marque ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé, à l'encontre du salarié, chef de chantier, « l'existence d'un nombre anormalement élevé de travaux restés inachevés », un « manque délibéré de prise en compte des intérêts de l'entreprise », le « surcoût » en résultant supporté par l'entreprise ainsi que « l'atteinte à son image de marque » ; qu'en écartant péremptoirement la faute grave du salarié, sans relever aucune circonstance permettant d'exclure que de tels faits puissent être ainsi qualifiés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

2. ALORS QUE constitue une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail le fait, pour un chef de chantier, de tenir des propos racistes à l'égard d'un salarié avec lequel il refuse de travailler en dépit des ordres de l'employeur ; qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque l'insulte vise une communauté largement présente sur le chantier et, partant, provoque une violente réaction nécessitant que le chef de chantier soit retiré du site en urgence ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé qu'il était établi que monsieur X... avait tenu des propos racistes concernant monsieur Y..., i. e. « qu'il n'allait pas se faire commander par un melon », que ces propos étaient à l'origine d'une réaction communautariste sur le chantier et de vives tensions ayant justifié que le salarié soit évincé en urgence du chantier ; qu'en écartant la faute grave aux motifs inopérants que la lettre de licenciement n'évoquait pas la connotation « raciste » des propos litigieux, que l'insulte raciste n'avait pas été directement proférée à l'intéressé et qu'une tension existait entre les deux hommes, la Cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;

3. ALORS en tout état de cause QUE le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement ; qu'en l'espèce, outre les graves carences du salarié dans le contrôle et le suivi du chantier, l'employeur lui reprochait une attitude inadmissible face au personnel, des propos ayant généré d'importantes tensions et un comportement indigne d'un professionnel ayant le devoir de se contrôler sur le chantier dont il a la charge ; qu'il lui était spécialement reproché à cet égard des insultes racistes visant monsieur Y...d'une part (voir conclusions p. 17), des altercations avec monsieur Z...d'autre part (voir conclusions p. 16), l'employeur produisant une attestation d'un chef d'équipe d'une autre entreprise, monsieur A..., dont il résultait que monsieur Z...avait dû être changé de poste pour pouvoir travailler ; qu'en s'abstenant totalement d'examiner le grief tiré des altercations du salarié avec monsieur Z..., la Cour d'appel a violé les articles L 1232-1 et L 1234-1 du Code du travail.