Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Bourges 27 mars 2015
Cour de cassation 26 mai 2016

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 26 mai 2016, 15-18591

Mots clés rente · sécurité sociale · préjudice d'agrément · permanent · souffrances · déficit · préjudice · maladie · indemnisation · professionnelle · victime · accident du travail · réparation · société · consolidation

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 15-18591
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Bourges, 27 mars 2015
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:C200831

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bourges 27 mars 2015
Cour de cassation 26 mai 2016

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la société Aperam Alloys Imphy de ce qu'elle se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante et le ministre chargé de la sécurité sociale ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 434-1, L. 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte des trois premiers de ces textes que la rente majorée versée, en cas de faute inexcusable, à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; que le préjudice d'agrément réparable, en application du quatrième de ces textes, est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ; que sont réparables, en application du même texte, les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Nièvre ( la caisse) a pris en charge, à compter du 21 septembre 2010, au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles, la pathologie développée par Guy X..., salarié de la société Aperam Alloys Imphy (l'employeur) et le décès de celui-ci survenu le 23 décembre 2010 ; que Mme veuve X..., M. Eric X... et Mme Christine X..., ayants droit du défunt, ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance d'une faute inexcusable ;

Attendu que pour allouer aux ayants droit de la victime, au titre de l'action successorale, des indemnisations au titre des souffrances physiques, morales et du préjudice d'agrément, l'arrêt retient que la date de consolidation de la maladie développée par Guy X... a été fixée au 21 septembre 2010, date de première constatation médicale de la maladie ; que le déficit fonctionnel permanent ne recouvre pas la totalité des souffrances endurées mais les atteintes aux fonctions physiques ou physiologiques, tandis que les douleurs ressenties, soit l'ont été antérieurement à la consolidation, soit sont la conséquence de ces atteintes ; que le préjudice d'agrément est justifié au regard des attestations des proches du défunt, lequel ne pouvait plus jouer de la musique (piano et guitare), ni chanter ou entretenir son jardin ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les souffrances invoquées par les ayants droit de la victime n'étaient pas déjà indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent réparé par la rente d'accident du travail majorée et si, au titre du préjudice d'agrément, les ayants droits de la victime justifiaient d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l'indemnisation, au titre de l'action successorale, des souffrances physiques et morales, et d'un préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 27 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne Mme veuve X..., M. Eric X... et Mme Christine X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Aperam Alloys Imphy.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé, au titre de l'action successorale, l'indemnisation des préjudices personnels de M. X... aux sommes de 15.000 € pour les souffrances physiques, 15.000 € pour les souffrances morales et 5.000 € pour le préjudice d'agrément ;

AUX MOTIFS QUE « sur l'action successorale : l'indemnité forfaitaire de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale Cette disposition prévoit le versement d'une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation, si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100%. En l'occurrence il résulte du rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente que la date de consolidation de la maladie professionnelle de Monsieur X... a été fixée au 21 septembre 2010 ; qu'il n'avait pas d'antécédents médicaux ; et que son taux d'incapacité permanente a été fixé à cette date, soit avant son décès, à 100 %. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a alloué le bénéfice de cette indemnité forfaitaire. - la majoration de la rente d'ayant droit En application des dispositions de l'article L.452-2 du même code la majoration de la rente servie à Madame Blanche X... doit être fixée au maximum. Le jugement sera confirmé de ce chef.- l'évaluation des préjudices personnels de M. Guy X... Aux termes de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses souffrances esthétiques et d' agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Contrairement à ce que soutient l'employeur le déficit fonctionnel permanent ne recouvre pas la totalité des souffrances endurées mais les atteintes aux fonctions physiques ou physiologiques, tandis que les douleurs ressenties, soit l'ont été antérieurement à la consolidation, soit sont la conséquence de ces atteintes. Il convient en conséquence de les indemniser. L'employeur ne conteste pas leur existence mais seulement le fait qu'elles sont déjà indemnisées par l'octroi de la rente et de sa majoration. En l'absence d'expertise médicale du fait du décès de Monsieur X..., il résulte des pièces versées au débat, et notamment des attestations, que Monsieur X... est décédé trois mois après la déclaration de sa maladie à l'âge de 81 ans. Il a enduré pendant cette période des souffrances physiques et morales importantes du fait de l'évolution rapide de la maladie, de la dégradation de son état de santé et des traitements lourds et douloureux mis en oeuvre tout en se sachant perdu. Si ces souffrances ont été de courte durée la maladie ayant eu une issue fatale en trois mois, les appelants font justement grief aux premiers juges d'en avoir sous-estimé en partie l'importance. Dès lors en réparation des préjudices il sera alloué les sommes suivantes : - souffrances physiques : 15 000 €, - souffrances morales : 15 000 €, - préjudice esthétique résultant de l'amaigrissement de Monsieur X... de près de 25 kg et des conséquences des traitements : 5 000 €, - préjudice d'agrément, celui-ci étant justifié au regard des attestations des proches de Monsieur X... desquelles il résulte qu'il ne pouvait plus jouer de la musique (piano et guitare), ni chanter ou entretenir son jardin : 5 000 € » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente n'indemnise nécessairement que le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprend les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent ; qu'au cas présent, M. X... était âgé de 82 ans au moment de la survenance de la maladie qui n'avait aucune incidence professionnelle, de sorte que la rente majorée qui lui était versée au titre de la maladie indemnisait nécessairement son déficit fonctionnel permanent ; qu'en refusant, pour fixer le montant des réparations au titre des souffrances physiques et morales, de rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si les souffrances invoquées par les ayants droit de M. X... n'étaient pas déjà réparées, au moins partiellement, au titre du déficit fonctionnel permanent par le versement d'une rente majorée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, cette rente n'indemnise nécessairement que le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent comprend les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent ; qu'en allouant au titre de l'action successorale, en plus de la rente majorée indemnisant le déficit fonctionnel permanent, des indemnités au titre des souffrances physiques et morales subies aux motifs que ces douleurs sont la conséquence des « atteintes aux fonctions physiques ou physiologiques » couvertes par le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations en violation des articles L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'il incombe à la juridiction de sécurité sociale de déterminer, poste par poste, les préjudices dont elle fixe la réparation en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ; que le juge doit distinguer les souffrances temporaires subies pendant la période de soins des souffrances permanentes indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de la cour d'appel que la consolidation avait été fixée par la CPAM au 21 septembre 2010, soit au jour de la constatation de la maladie, et qu'elle lui avait attribué une rente à compter de cette date (arrêt p. 10), de sorte que, comme le faisait valoir l'exposante (Conclusions p. 9), il n'existait aucune souffrance temporaire distincte des souffrances permanentes postérieures à la consolidation et indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent ; qu'en estimant que les douleurs physiques et morales devaient faire l'objet d'une indemnisation, en plus de la rente majorée réparant le déficit fonctionnel permanent, au motif qu'elles auraient pour partie été subies antérieurement à la consolidation, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et violé les articles L. 434-1, 434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

ALORS, ENFIN, QUE le préjudice d'agrément est celui lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'il en résulte que la victime d'une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur ne peut obtenir une indemnisation complémentaire au titre d'un préjudice d'agrément qu'à condition d'établir judiciairement la pratique régulière d'une activité spécifique dont l'interruption consécutive au sinistre lui cause un préjudice distinct du déficit fonctionnel consécutif aux séquelles de la maladie ; qu'en se contentant, pour allouer une somme au titre d'un préjudice d'agrément, de faire état du fait que M. X... « ne pouvait plus jouer de la musique (piano et guitare), ni chanter ou entretenir son jardin », la cour d'appel n'a caractérisé aucune pratique effective et régulière d'une activité spécifique par la victime antérieurement à la survenance de la maladie et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 434-1, L .434-2, L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale.