Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 6 avril 1993, 91-14.523

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1993-04-06
Cour d'appel de Toulouse
1991-02-18

Texte intégral

Sur le pourvoi formé par la Société Marseillaise de Crédit, société anonyme, dont le siège est ... (Bouches-du-Rhône), en cassation d'un arrêt rendu le 18 février 1991 par la cour d'appel de Toulouse (2ème chambre), au profit de la société anonyme Ateliers de Constructions Electriques du Midi (ACEM), dont le siège est ... (Haute-Garonne), défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt : LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 février 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la Société Marseillaise de Crédit, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte

de l'arrêt confirmatif déféré (Toulouse, 18 février 1991) que, le 17 juin 1983, la Société marseillaise de crédit (la banque) a enjoint à la société Ateliers de constructions électriques du Midi (société ACEM) de ne plus émettre de chèques à compter du 14 juin précédent, rompant, de ce fait, un crédit qu'elle avait consenti à cette entreprise ; que celle-ci a fait l'objet, le 28 juin suivant, d'un jugement d'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire, puis d'une décision d'homologation de concordat ; qu'au vu du rapport de l'expert qu'il avait désigné, le tribunal a estimé que la rupture de crédit avait été fautive ; Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 9 février 1990 en ce qu'il avait condamné la banque à payer à la société ACEM la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le pourvoi, d'une part, que prive sa décision de base légale au regard des articles 1146 et suivants du Code civil l'arrêt attaqué qui retient que la banque a, de façon brutale et fautive, enjoint à sa cliente de ne plus émettre de chèque le 17 juin 1983, faute d'avoir pris en considération diverses circonstances constatées par l'expert judiciaire dans son rapport et de nature à légitimer l'attitude de l'établissement bancaire (le compte de la cliente présentait alors un découvert moyen de 250 000 francs peu en rapport avec l'autorisation de principe de 80 000 francs) et avec le mouvement d'affaires ; la banque avait à bon droit, mais en vain, demandé avec insistance au directeur de l'entreprise un apport d'argent frais de 300 000 francs ; la politique d'encadrement du crédit qui sévissait au cours de cette période amenait la SMC à ne pas tolérer des "débordements" de crédit quelle qu'en soit d'ailleurs la nature ; que ce manque de base légale est d'autant plus caractérisé que la cour d'appel a relevé la constatation de l'expert selon laquelle "le dépôt de bilan aurait pu difficilement être évité" ; alors, d'autre part, que, ayant admis que "le dépôt de bilan aurait pu difficilement être évité", ne caractérise pas légalement au regard des articles 1146 et suivants du Code civil le préjudice allégué par la société ACEM, l'arrêt attaqué qui retient que "le dépôt de bilan n'était pas cependant "inévitable" ; et alors, enfin, que la défense à une action en justice comme l'exercice d'une action en justice, constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, de sorte que viole l'article 1382 du Code civil l'arrêt attaqué qui condamne la banque au paiement de dommages-intérêts au motif, adopté des premiers juges, que "la présente assignation, génératrice de frais et de temps perdu pouvait être évitée si la banque était allée en conciliation devant un expert", et sans constater l'abus qu'aurait commis la banque exposante dans le cours de la procédure ; Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel a condamné la banque au paiement de la somme de 100 000 francs en réparation du préjudice causé par une rupture brutale du crédit et non par un abus de procédure ; Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que les mises en garde verbales que la banque aurait adressées à la société ACEM étaient simplement alléguées et que l'absence de lettre d'avertissement accordant un court délai pour régulariser la situation équivalait, selon l'expert, "à l'arrêt de mort de la société et nécessitait le dépôt immédiat du bilan", l'arrêt retient que ce dépôt de bilan n'était pas inévitable, ainsi que le "confirme la lecture de la situation comptable établie au 30 septembre 1983 où, par exemple, valeurs d'actif à court terme et dettes à court terme, à l'exception des comptes d'associés, s'équilibrent à peu près, la société possédant un patrimoine immobilier d'une certaine importance" ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui pouvait rechercher dans le rapport d'expertise les éléments de nature à établir sa conviction sans être tenue de suivre l'expert dans toutes ses conclusions, a légalement justifié sa décision en retenant que le "comportement brutal" de la banque avait "causé un dommage à la société ACEM, en lui faisant perdre toute chance d'éviter un dépôt de bilan dont les conséquences ont été financièrement onéreuses" ; D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ;