Cour administrative d'appel de Paris, 5ème Chambre, 9 avril 2015, 13PA00442

Mots clés contributions et taxes · taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées Taxe sur la valeur ajoutée Exemptions et exonérations · société · taxe · service · presse · opérations · impôts

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro affaire : 13PA00442
Type de recours : Plein contentieux
Président : M. FORMERY
Rapporteur : M. Philippe BLANC
Rapporteur public : M. LEMAIRE
Avocat(s) : SELARL CABINET MATTEI

Texte

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour la société par action simplifiée DF Presse, dont le siège social est situé, 4, impasse Mont Louis, ZA de l'habitat, à Paris (75011), par Me Mattei, avocat à la Cour ; la société DF Presse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1113392/2-3 du 20 décembre 2012, en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, ainsi que des pénalités appliquées en vertu des articles 1729 et 1788 A du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 21 juillet 2009 n'est pas suffisamment motivée en ce qui concerne tant le redressement relatif au profit sur le Trésor que celui se rapportant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée ; le service ne mentionne qu'une motivation globale, alors que chaque rappel de taxe sur la valeur ajoutée constituant un profit sur le Trésor indépendant, il appartenait au vérificateur de reprendre chacun de ses rappels pour justifier leur incidence sur la base d'imposition retenue en matière d'impôt sur les sociétés ; le service a, par ailleurs, procédé à une reconstitution de ses recettes, en substituant aux bases déclarées à la taxe sur la valeur ajoutée celles déclarées à l'impôt sur les sociétés, sans pour autant indiquer dans la proposition de rectification les motifs du rejet de sa comptabilité, ni préciser lesquels de ses encaissements devaient être regardés comme des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; dès lors que la motivation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée est insuffisante, celle du redressement se rapportant au profit sur le Trésor est elle-même insuffisante ;

- elle était fondée à déterminer, à partir des états établis par les messageries de presse, une taxe sur la valeur ajoutée déductible se rapportant aux prestations d'entremise, alors même qu'elle n'était pas mentionnée sur ces documents valant factures ; en application de l'article 298 undecies du code général des impôts, les opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu de ces dispositions, sont, pour le calcul des droits à déduction, considérées comme ayant été taxées ; dès lors, si les éditeurs des périodiques doivent acquitter la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente au public, la rémunération de l'entremise versée aux messageries de presse ouvre droit au bénéfice des éditeurs à un droit à déduction calculé sur le montant de cette rémunération ;

- elle était fondée à calculer les bases de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 298 undecies du code général des impôts, non pas en déduisant de la taxe dont elle était redevable, le montant de la taxe déductible, mais en retenant une base nette, après imputation de la commission versée aux messageries de presse ; le montant de la taxe due au Trésor public est, quelle que soit la méthode retenue, identique ;

- contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, elle a respecté au cours des années 2006 et 2007 les règles prévues par les dispositions de l'article 269 du code général des impôts pour la détermination du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, en mentionnant dans ses déclarations mensuelles, les recettes réalisées par l'intermédiaire des messageries de presse à l'expiration des périodes auxquelles se rapportent les décomptes fournis par celles-ci ; en application du a bis du 2 de l'article 269 du code général des impôts, le fait générateur de la taxe intervient à l'expiration des périodes auxquelles se rapportent les états établis par les messageries de presse, nonobstant la circonstance que les faits générateurs propres à chaque bien ou prestation de service, auraient été différents dans le cas où ces opérations auraient été réalisés sans l'intermédiaire des messageries de presse ;

- l'administration a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires, sans démontrer au préalable que sa comptabilité n'aurait pas permis d'établir la consistance des recettes déclarées ; les erreurs relevées par le service ne justifiaient pas que sa comptabilité soit globalement écartée ; la reconstitution de ses recettes par rapprochement entre les recettes comptabilisées dans le compte d'exploitation pour la détermination de l'impôt sur les sociétés et celle résultant de ses déclarations est, dès lors, irrégulière ;

- la reconstitution de ses recettes à laquelle a procédé le service est vicie dans son principe et conduit à des exagérations manifestes de ses bases imposables ; le service n'a pas tenu compte d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre des commissions versées aux messageries de presse ; le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, en application du a bis du 1 de l'article 269 du code général des impôts, intervient à l'expiration de la période à laquelle se rapporte le décompte établi par les MLP ;

- le vérificateur n'a formulé aucune critique à l'égard du mode de détermination de la taxe sur la valeur ajoutée nette, ni sur le fait générateur de la taxe due au titre de l'année 1999, lors de la vérification dont elle a fait l'objet en 2002 ; il a été admis que les états A et F établis par les messageries de presse permettaient de servir de factures justificatives de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; par ailleurs, le mode de détermination de la taxe sur la valeur ajoutée retenue par la société Bravo Presse, qui est une société soeur, exerçant une activité d'édition et tenant une comptabilité dans des conditions identiques, n'a pas été remis en cause lors des vérifications de comptabilité dont cette société a également fait l'objet ;

- la position retenue par le vérificateur méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée en soumettant les éditeurs à une taxation deux fois supérieure à celle applicable aux autres professions ;

- elle est fondée à demander la décharge du redressement opéré au titre du profit sur le Trésor, dès lors que l'administration n'a pas établi que le profit correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'aurait pas été comptabilisé sous une autre forme ;

- dès lors qu'elle a également fait l'objet d'un contrôle de la part des services des douanes, qui lui ont reproché de ne pas avoir souscrit de déclarations d'échanges de bien, l'administration fiscale ne pouvait légalement lui appliquer une amende, à ce titre en vertu de l'article 1788 A du code général des impôts ;

- ni l'importance du rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de l'année 2007, ni les carences comptables reprochées par l'administration ne suffisent à établir un manquement délibéré de sa part, ni par conséquent à justifier l'application d'une majoration de 40 % en vertu de l'article 1729 du code général des impôts ; aucune intention d'éluder l'impôt ne peut lui être reprochée, dès lors que son dirigeant était en droit de penser qu'il agissait conformément à la loi ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 21 juillet 2009 répond aux exigences prescrites par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; le service a indiqué à la société, en se référant à la jurisprudence applicable, que le non paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, qui était due, constitue un profit sur le Trésor qui doit être réintégré au résultat imposable ; le service a, par ailleurs, fait référence aux différents rappels effectués en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée qui représentent un profit réalisé par l'entreprise, à l'exception d'un montant de 281 554 euros, déjà implicitement comptabilisé ;

- le service n'a pas procédé à une reconstitution des recettes de la société requérante mais s'est borné à effectuer un rapprochement entre les montants portés sur les déclarations CA 3 et ceux enregistrés en comptabilité par l'entreprise ;

- la société requérante a déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée dont elle était redevable en tenant compte, à tort, d'une date d'exigibilité de la taxe à l'encaissement pour toutes les opérations réalisées, alors qu'une partie de ces opérations consistent en des livraisons de biens meubles corporels pour lesquelles l'exigibilité de la taxe intervient à la livraison, à savoir les ventes réalisés par l'intermédiaire des MLP soumises aux taux de 5,5 % et de 19,6 %, les ventes par correspondance, les ventes de librairie, les ventes de K7 et DVD et les ventes de magazines au taux de 5,5 % ; les rappels ont été établis par application des règles d'exigibilité prévues par les articles 269 et 298 nonies du code général des impôts ;

- les opérations de contrôle ont, par ailleurs, révélé que la société requérante a imputé à tort sur le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée, une taxe déductible calculée fictivement sur les commissions versées aux messageries de presse, alors même que cette taxe ne lui a pas été facturée ;

- s'agissant des ventes comptabilisées au compte " vente MLP 19,6% ", la base taxable correspond à l'ensemble des sommes perçues par la société, sans possibilité de retrancher de ce montant celui de la commission versée à l'intermédiaire ; en application tant des dispositions du 1 a) de l'article 266 du code général des impôts que des dispositions de l'article 298 undecies du même code, le chiffre d'affaires imposable qui donne mandat à une entreprise de messagerie d'assurer la distribution de périodiques, mais ne lui en transfère pas la propriété est constitué par le montant total du produit des ventes au public, sans qu'il y ait lieu d'en retrancher la fraction attribuée à l'entreprise de messagerie en rémunération des services qu'elle rend à l'éditeur ; la société requérante ne pouvait pas non plus déduire du montant de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable, une taxe calculée fictivement sur la rémunération des messageries de presse ;

- la circonstance que la société requérante ou une société soeur n'auraient pas fait l'objet d'un redressement quant au mode de détermination de la taxe sur la valeur ajoutée lors de précédents contrôles n'a pas d'incidence sur le bien-fondé des rappels litigieux ;

- la société DF Presse comptabilisant ses opérations hors taxes ne saurait contester que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée et non liquidée constitue une majoration du poste des disponibilités à l'actif du bilan de clôture de l'exercice où les créances ont été acquises puisque l'encaissement de cette taxe n'a pas été contrebalancé par un décaissement au profit du le Trésor ;

- la mise en recouvrement de l'amende appliquée en vertu de l'article 1788 A du code général des impôts est régulière, dès lors que cette amende a été notifiée à la société requérante préalablement à l'engagement du contrôle diligenté par le service des douanes ;

- le service a suffisamment établi l'intention délibérée de la société requérante d'éluder l'impôt et justifié l'application d'une majoration de 40 % en vertu de l'article 1729 du code général des impôts, pour une partie du rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de l'année 2007 ; le service a constaté que les opérations enregistrées au compte 707114 " ventes MLP 19,6 % " pour un montant de 1 718 057,07 euros au titre de l'année 2007 ont été comptabilisées toutes taxes comprises et n'ont donc pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; la société requérante ne pouvait méconnaître les règles d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, dans la mesure où les mêmes ventes ont été correctement comptabilisées au titre de l'année précédente ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 décembre 2013, présenté pour la société DF Presse, par lequel celle-ci conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens et soutient en outre que :

- la procédure d'imposition suivie par le service est irrégulière ; le vérificateur n'a pas restitué plusieurs documents, assimilables à des documents comptables, qui lui avaient été remis lors des opérations de contrôle et qui n'existaient pas en tant que tels dans sa comptabilité ;

- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée établis au titre des années 2006 et 2007, le service, qui ne s'est pas borné à une simple opération de rapprochement, a procédé à une reconstitution extra comptable de son chiffre d'affaires au titre des exercices 2006 et 2007 de manière irrégulière, à partir des documents remis à sa demande au vérificateur, et qui n'existaient pas en tant que tels dans sa comptabilité, à savoir d'une part, l'état de rapprochement des chiffres d'affaires établis par le commissaire aux comptes de la société, et d'autre part, les divers états justificatifs et analyses de taxe sur la valeur ajoutée remis par la secrétaire de la société ;

- s'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant aux ventes de produits multimédias comptabilisées au compte " ventes MLP 19,6 % ", le service a méconnu l'article 298 undecies du code général des impôts en étendant l'exonération prévue par ces dispositions aux produits multimédias, alors qu'elle n'est applicable qu'aux seuls écrits périodiques ; pour les produits multimédias, la base d'imposition à retenir en application de l'article 266-1-A du code général des impôts est limitée à la somme nette que l'éditeur reçoit en contrepartie de la vente de ces produits ; la taxation des opérations d'entremise portant sur la livraison de produits multimédias n'est pas fondée à hauteur de 287 456 euros, s'agissant de l'année 2006, et à hauteur de 355 600 euros, s'agissant de l'année 2007 ;

- s'agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée établie au titre de l'année 2006, la base d'imposition doit également être calculée en application du a) du 1 de l'article 266 du code général des impôts, non pas sur la totalité du montant des ventes au public, mais sur la somme nette effectivement versée à la requérante par les messageries de presse, après déduction des commissions retenues par ces dernières ;

- elle est fondée à se prévaloir sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales de la prise de position formelle du service, telle que consignée dans la notification de redressement en date du 30 avril 2002, pour demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

- la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 qui lui a été appliquée au titre de l'année 2007 n'est pas fondée ; dès lors qu'elle doit bénéficier de la présomption d'innocence garantie par le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'administration fiscale n'est pas fondée à lui reprocher d'avoir eu conscience du caractère délictueux des faits qui motivent les rappels litigieux ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 2 septembre 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

- la société DF Presse ne démontre pas que le vérificateur aurait irrégulièrement procédé à l'emport de documents comptables, dès lors que les opérations de contrôle ont eu lieu dans ses propres locaux et que les attestations dont elle se prévaut sont dépourvues de valeur probante ;

- les dispositions de l'article 298 undecies du code général des impôts se bornent à rappeler la règle découlant des dispositions de portée générale du 1 a) de l'article 266 du même code ; les ventes réalisées par les MLP en qualité de mandataire, agissant au nom et pour le compte de la société requérante, doivent être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au nom de l'éditeur, sur la base du prix de vente au public, conformément à ce que prévoit le 1 a) de l'article 266 du code général des impôts ;

- l'absence non motivée de rehaussement à l'issue d'un précédent contrôle portant sur des années antérieures ne constitue pas une prise de position formelle sur une situation de fait, qui serait opposable à l'administration ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 2015 :

- le rapport de M. Blanc, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public ;

1. Considérant que la société DF Presse qui est exerce une activité d'édition et de vente de revues et de produits multimédias, a fait l'objet, au cours de l'année 2009, d'une vérification de comptabilité portant les exercices clos en 2006 et 2007 ; qu'à la suite de ce contrôle, plusieurs redressements ont été opérés par le service, selon une procédure de rectification contradictoire, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ; qu'en premier lieu, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée ont été réclamés à la société DF Presse au titre des années 2006 et 2007, au motif que les règles d'exigibilité de la taxe, en ce qui concerne notamment sa date d'exigibilité et la détermination de la base taxable, n'avaient pas été respectées par la société DF Presse ; qu'un rappel a également été établi au titre de l'année 2007, se rapportant à des opérations d'un montant total de 1 718 057,7 euros, pour lesquelles aucune taxe sur la valeur ajoutée collectée n'avait été comptabilisée par la société, ni déclarée par elle ; que la société DF Presse a, par ailleurs, été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés, après notamment rehaussement de son résultat imposable au titre des exercices litigieux, pour tenir compte, d'un profit sur le Trésor correspondant à une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société ; que la société DF Presse fait appel du jugement du 20 décembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, d'autre part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, enfin, des amendes appliquées en vertu des articles 1740 A et 1788 A du code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification du 21 juillet 2009 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " ; qu' aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société DF Presse reproche au service d'avoir procédé à une reconstitution extra comptable de ses recettes, en substituant aux bases déclarées à la taxe sur la valeur ajoutée celles déclarées au titre de l'impôt sur les sociétés, sans pour autant indiquer, dans la proposition de rectification qui lui a été adressée, les motifs du rejet de sa comptabilité, ni préciser lesquels de ses encaissements devaient être regardés comme des recettes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant qu'il ressort toutefois des termes de la proposition de rectification du 21 juillet 2009 que celle-ci comporte l'indication des faits sur lesquels s'est fondé le service pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société requérante ainsi que des règles de détermination de la date d'exigibilité de la taxe ou de la base imposable dont il a été fait application ; que le service vérificateur a également précisé, dans des tableaux récapitulatifs établis pour chaque année d'imposition et faisant référence aux écritures comptables de la société, les conditions dans lesquelles a été calculé le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due par la société requérante, en fonction de la nature de chacune des opérations soumises à la taxe et en excluant de ce calcul les opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; que s'il a remis en cause les conditions dans lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée exigible avait été comptabilisée par la société, le service ne s'est pas pour autant fondé sur des éléments extra comptables pour établir le montant de cette taxe, qui a été déterminé, ainsi qu'il a été dit, à partir du montant des produits comptabilisés par la société elle-même dans son compte d'exploitation ; qu'il a ainsi suffisamment indiqué les modalités de détermination des bases de taxe sur la valeur ajoutée assignées à la société ;

6. Considérant, en second lieu, que la société DF Presse fait valoir que le service a retenu, à tort, une motivation globale du redressement opéré au titre de profit sur le Trésor, alors que chaque rappel de taxe sur la valeur ajoutée constituant un profit indépendant, il appartenait au vérificateur de reprendre chacun de ces rappels pour justifier leur incidence sur la base d'imposition retenue en matière d'impôt sur les sociétés ;

7. Considérant qu'il ressort des termes de la proposition de rectification adressée à la société requérante que le service, faisant référence à la jurisprudence applicable en la matière, lui a indiqué que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période d'imposition litigieuse constituaient un profit sur le Trésor, devant être réintégré dans son résultat imposable, à l'exception de celui ayant déjà été implicitement comptabilisé ; que cette indication était accompagnée d'une référence explicite aux paragraphes de la proposition de rectification détaillant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis par le service, par année et par montant ; qu'il a également été précisé, s'agissant du rappel se rapportant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée non comptabilisée en 2007, que ce rappel ne donnait lieu à aucun redressement au titre de l'impôt sur les sociétés, au motif que le profit sur le Trésor avait déjà été implicitement comptabilisé ; qu'ainsi, l'administration fiscale a suffisamment indiqué à la société requérante la nature, les montants ainsi que les motifs de droit et de fait justifiant le redressement opéré au titre du profit sur le Trésor, pour chacun des exercices concernés ; que si la société DF Presse fait également valoir que la motivation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis par le service serait insuffisante pour en déduire que celle du redressement se rapportant au profit sur le Trésor serait elle-même insuffisante, la motivation des rappels litigieux n'était pas contestable ainsi qu'il a été dit au point précédent ; qu'il suit de là que la société DF Presse, qui a été mise à même de présenter ses observations, n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification en date du 21 juillet 2009 méconnaîtrait les dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant que si la société DF Presse fait également valoir que la motivation des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis par le service serait insuffisante pour en déduire que celle du redressement se rapportant au profit sur le Trésor serait elle-même insuffisante, la motivation des rappels litigieux n'était pas contestable ainsi qu'il a été dit au point précédent ; qu'il suit de là que la société DF Presse, qui a été mise à même de présenter ses observations, n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification en date du 21 juillet 2009 méconnaîtrait les dispositions précitées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'emport irrégulier de documents :

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées ; qu'en outre, cette pratique ne peut avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

10. Considérant que la société requérante reproche au vérificateur de ne pas avoir restitué plusieurs documents qui lui auraient été remis lors des opérations de contrôle et qui n'existaient pas en tant que tels dans sa comptabilité, notamment un document permettant un rapprochement des chiffres d'affaires réalisés en 2006 et 2007, un tableau des amortissements, un tableau énumérant les factures à établir au 31 décembre 2007, ainsi que divers états justificatifs et analyses de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2005 à 2008 ; que les attestations produites par la société requérante, qui invoque pour la première fois en cours d'instance d'appel que le vérificateur aurait irrégulièrement emporté des documents assimilables à des pièces comptables, ont été établies par un commissaire aux comptes et sa secrétaire, le 7 octobre 2013, soit plusieurs années après les opérations de contrôle ; qu'elles sont, en outre, très imprécises sur la nature exacte des documents qui auraient été établis à la demande du vérificateur ; qu'il n'est, en tout état de cause, pas démontré que les documents en question auraient été des documents originaux et non des documents édités à partir des éléments d'une comptabilité informatisée ; que, par suite, le moyen tiré d'un emport irrégulier de documents comptables doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

11. Considérant qu'au titre des années 2006 et 2007, le service a reproché à la société DF Presse d'avoir déclaré une taxe sur la valeur ajoutée collectée en tenant compte, comme date d'exigibilité de la taxe, de la date d'encaissement des sommes perçues, alors qu'une partie des opérations qu'elle a réalisées consistent en des livraisons de biens corporels pour lesquelles l'exigibilité de la taxe intervient dès la livraison ; que les rappels établis par le service au titre de la période litigieuse ont ainsi consisté à rétablir la date d'exigibilité de la taxe, à partir, d'une part, des produits comptabilisés au titre de l'impôt sur les sociétés, déduction faite de ceux exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, et d'autre part, des compte rendus de distribution établis par les messageries de presse ; que le service a calculé le montant de taxe sur la valeur ajoutée dont la société requérante était redevable au titre des années vérifiées, en procédant à une ventilation de ses opérations, selon leur nature, prestations de services ou livraison de meubles corporels, et selon leur objet, pour déterminer la date d'exigibilité et le taux applicable, dans chaque cas ; qu'au titre de l'année 2007, le service a également relevé que la société requérante avait, d'une part, tenu compte, à tort, d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible calculée fictivement sur les commissions dues aux messageries de presse, alors que cette taxe n'avait pas été facturée par cet intermédiaire sur les comptes rendus de distribution, et d'autre part, déterminé le montant de la taxe collectée dont elle était redevable, en imputant directement sur la taxe exigible au titre de la période litigieuse une taxe déductible, sans procéder à une comptabilisation séparée ;

12. Considérant que le service a, par ailleurs, reproché au titre de l'année 2007, à la société DF Presse d'avoir comptabilisé toutes taxes comprises le montant d'une partie des opérations inscrites au compte n° 707114 " vente MLP 19,6% ", pour un montant de 1 718 057,07 euros, alors que ces opérations auraient dû être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts ;

S'agissant de la base imposable :

13. Considérant, en premier lieu, que pour contester l'exagération des bases d'imposition retenues par le service, la société requérante soutient que l'administration a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires, sans démontrer au préalable que sa comptabilité n'aurait pas permis de justifier la consistance des recettes déclarées ;

14. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, que si le service a remis en cause les conditions dans lesquelles la société avait comptabilisé la taxe sur la valeur ajoutée collectée, il n'a pas pour autant fondé les rappels litigieux sur des éléments extérieurs à la comptabilité de l'entreprise et s'est borné à faire usage de son droit de rectifier les déclarations de chiffre d'affaires souscrites par la société contribuable à partir des recettes comptabilisées au compte produits, dont il a exclu ceux qui étaient exonérés de taxe ; qu'à supposer, par ailleurs, que, ainsi que le soutient la société requérante, le service ne se soit pas borné à utiliser les seules écritures retracées par son compte d'exploitation, il n'est, en tout état de cause, pas établi que les états ou tableaux utilisés par le vérificateur n'auraient pas été édités à partir d' éléments figurant dans la comptabilité de l'entreprise ; qu'ainsi, l'administration fiscale, contrairement à ce que soutient la société requérante, n'avait pas à écarter sa comptabilité, qu'elle n'avait d'ailleurs pas considérée comme dépourvue de caractère probant, pour procéder, à partir des produits comptabilisés, à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée exigible au titre des années d'imposition litigieuses ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire / ( ...) V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien (...) est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 du même code, dans la même rédaction : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) pour les livraisons de biens, (...) par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur (...) en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ; / b) pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 (...) " ; que les dispositions de l'article 298 undecies du code général des impôts, selon lesquelles les éditeurs de périodiques diffusés par des personnes justifiant de la qualité de mandataire, régulièrement inscrit au conseil supérieur des messageries de presse, " acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de vente au public ", se borne à rappeler la règle découlant, au cas particulier, des dispositions de portée générale du a) du 1. de l'article 266 ;

16. Considérant que les dispositions de l'article 298 undecies du code général des impôts, selon lesquelles les éditeurs de périodiques diffusés par des personnes justifiant de la qualité de mandataire, régulièrement inscrit au conseil supérieur des messageries de presse, " acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total de vente au public ", se borne à rappeler la règle découlant, au cas particulier, des dispositions de portée générale du a) du 1. de l'article 266 ;

17. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le chiffre d'affaires imposable de l'éditeur qui donne mandat à une entreprise de messagerie d'assurer la distribution d'un périodique ou de tout autre bien mais ne lui en transfère, à aucun moment, la propriété, est constitué par le montant total du produit des ventes au public, sans qu'il y ait lieu d'en retrancher la fraction attribuée à l'entreprise de messagerie en rémunération des services qu'elle rend à l'éditeur, dès lors que cette entreprise a alors agi au nom et pour le compte de cet éditeur ; qu'il n'en va différemment que si l'entreprise de messagerie a agi en son nom propre mais pour le compte de cet éditeur et a ainsi la qualité d'intermédiaire mentionné au V de l'article 256 du code général des impôts ; que cette entreprise est, dans ce cas, réputée avoir personnellement acquis et livré la publication ou le bien dont elle assure la distribution ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les MLP, qui ont assuré la distribution de publications et de produits multimédias édités ou vendus par la société DF Presse, en agissant au nom et pour le compte cette société, doivent être regardées comme un intermédiaire transparent, et non comme un intermédiaire opaque, dès lors qu'elles ne peuvent être réputées comme ayant été propriétaires à aucun moment des produits distribués ; qu'ainsi, la base d'imposition des opérations de vente réalisées par l'intermédiaire des MLP est constituée, en vertu des dispositions du 1 a) de l'article 266 précitées, par toutes les sommes perçues en contrepartie de l'opération d'entremise, sans pouvoir exclure de leur montant, les frais de commission, qui doivent être incorporés au chiffre d'affaires à soumettre à la taxe sur la valeur, au même titre que tous autres frais professionnels ;

19. Considérant que si la société DF Presse fait valoir que le vérificateur n'a formulé aucune critique sur le mode de détermination de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait retenu au titre de l'année 1999, ni sur le fait générateur de la taxe due, lors de la vérification dont elle a fait l'objet en 2002 ou encore lors de la vérification de comptabilité de la société Bravo Presse, qui est une société soeur, exerçant une activité d'édition et tenant une comptabilité dans des conditions identiques, l'absence de rehaussement lors d'un précédent contrôle, y compris dans le cas où il concerne le même contribuable, ne constitue pas une prise de position formelle de l'administration qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

S'agissant de l'exigibilité de la taxe :

20. Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit: / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de service est effectué/ a bis) Pour les livraisons autres que celles qui sont visées au c du 3° du II de l'article 256 ainsi que pour les prestations de services qui donnent lieu à l'établissement de décomptes ou à des encaissements successifs, au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou encaissements se rapportent (...) ; 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b, c, d et e du 1, lors de la réalisation du fait générateur ; (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. " ; qu'aux termes de l'article 298 nonies du même code : " L'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée intervient lors de l'encaissement des acomptes ou du prix en ce qui concerne les ventes des publications désignées à l'article 298 septies ainsi que les ventes de papier réalisées par la société professionnelle des papiers de presse (...) " ;

21. Considérant que la société DF Presse fait valoir qu'elle a respecté aux cours des années 2006 et 2007 les règles prévues par les dispositions de l'article 269 précitées pour la détermination du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, en mentionnant dans ses déclarations mensuelles les recettes réalisées par l'intermédiaire des messageries de presse à l'expiration des périodes auxquelles se rapportent les décomptes fournis par celles-ci ;

22. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société requérante a déclaré la taxe sur la valeur ajoutée collectée dont elle était redevable en tenant compte d'une date d'exigibilité de la taxe correspondant à celle de l'encaissement du prix pour toutes les opérations qu'elle a réalisées, alors qu'une partie de ces opérations (ventes réalisées par l'intermédiaire des MLP aux taux de 5,5 % et de 19,6 %, ventes par correspondance, ventes de librairie, ventes de K7 et DVD, ventes de magazines au taux de 5,5 %) consistent en des livraisons de biens meubles corporels, pour lesquelles l'exigibilité de la taxe intervient, dès la livraison ; qu'ainsi, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été établis à bon droit par le service au titre des années 2006 et 2007, après correction des déclarations de la société, en tenant compte, pour les opérations en cause, d'une date d'exigibilité de la taxe à la livraison, et non à l'encaissement du prix, en application des dispositions du 2 a de l'article 269 et de l'article 298 nonies du code général des impôts ;

23. Considérant que la circonstance que les prestations de services effectuées par les MLP auxquelles a eu recours la société DF Presse fassent l'objet de décomptes successifs ne fait pas obstacle à l'application de la règle posée par les dispositions de l'article 269.1 a) aux livraisons de biens, ou par celles de l'article 298 nonies, aux ventes de publication de presse ; que la société requérante n'est pas non plus fondée à se prévaloir des dispositions du a bis du I de l'article 269 précitées, dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables aux ventes qu'elle a réalisées par l'intermédiaire des messageries de presse, lesquelles ne correspondent pas, contrairement à ce qu'elle soutient, à des prestations ou à des livraisons à exécution échelonnée ;

S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

24. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 298 undecies dudit code : " Les opérations d'entremise accomplies par des personnes justifiant de la qualité de mandataire régulièrement inscrit au conseil supérieur des messageries de presse ne donnent pas lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elles concernent des écrits périodiques au sens de la loi du 29 juillet 1881. Les éditeurs des périodiques ainsi diffusés acquittent la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de vente total au public. Pour le calcul des droits à déduction, les opérations ci-dessus sont considérées comme ayant été effectivement taxées " ;

25. Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société requérante ne pouvait se prévaloir, en application des dispositions du 2 a) du II de l'article 271 précité, d'un droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée que dans les limites du montant de celle qui figurait expressément sur les états établis par les MLP, auxquelles elle a fait appel en tant qu'intermédiaire pour la distribution des revues et produits qu'elle commercialise ; qu'il est constant qu'en l'espèce, les comptes rendus de distribution établis par les messageries de presse, quel que soit l'objet des ventes réalisées par leur entremise, s'ils faisaient état du montant de la commission qui leur était due, ne mentionnait pas de taxe sur la valeur ajoutée facturée au titre de cette commission ; que, s'agissant en particulier des ventes de publications de presse, en dépit du fait que les messageries de presse auxquelles ils font appel sont soumises à un " régime de dispense de paiement " de la taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 298 undecies qui, par dérogation à celles de l'article 271, autorisent les entreprises de messagerie de presse, alors même qu'elles sont dispensées du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations d'entremise concernant des écrits périodiques au sens de la loi du 29 juillet 1881, à pratiquer la déduction et, s'il y a lieu, à obtenir le remboursement de la taxe ayant grevé les éléments du prix de ces opérations, ne peuvent aucunement être interprétées comme permettant aux éditeurs qui confient la distribution de tels écrits à ces entreprises de messagerie de presse de déduire une taxe équivalant à celle qui leur serait facturée par ces entreprises si ces dernières n'étaient pas dispensées de l'acquitter ; qu'ainsi, à défaut de justifier de factures des MLP, sur lesquelles aurait figuré une taxe sur la valeur ajoutée grevant la commission d'entremise, la société DF Presse ne pouvait prétendre à un droit à déduction à ce titre ;

26. Considérant que la société DF Presse soutient que la position retenue par le vérificateur, s'opposant à un calcul de la base de la taxe sur la valeur ajoutée sur un montant net des recettes, déduction faite de la commission reversée au messageries de presse, méconnaitrait le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée en soumettant les éditeurs à une taxation deux fois supérieure à celle applicable aux autres professions ;

27. Considérant toutefois que les dispositions du 1 a) de l'article 266 précitées ne s'opposent pas à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le montant de la commission dû par un éditeur à un intermédiaire transparent, au même titre que tout autre professionnel, à condition toutefois d'être en mesure de justifier que la taxe en cause lui a été facturée par cet intermédiaire ; qu'il est constant, en l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les comptes rendus de distribution établis par les MLP ne comportaient la mention d'aucune taxe sur la valeur ajoutée grevant leur commission ; qu'ainsi, la société DF Presse n'est, en tout état de cause, fondée à se prévaloir du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée pour contester la remise en cause de toute déduction à ce titre ;

En ce qui concerne les suppléments d'impôt sur les sociétés :

28. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôts sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés peuvent être rehaussées d'un " profit sur le Trésor " chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur les sociétés sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée ;

29. Considérant que la société DF Presse, qui a comptabilisé hors taxe la plupart des opérations réalisées au cours de la période d'imposition litigieuse, n'est pas fondée à contester que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée éludée et non liquidée constitue une majoration du poste des disponibilités à l'actif du bilan de clôture de l'exercice au cours duquel les créances ont été acquises, dès lors que l'encaissement de cette taxe dont elle a bénéficié n'a pas été compensé par le versement d'une taxe de sa part au profit du Trésor ; qu'il n'en va autrement que pour le rappel établi au titre de l'année 2007 se rapportant à des opérations comptabilisées sur le compte n° 707114 " ventes MLP 19,6 % ", pour un montant de 1 718 057,07 euros, qui n'ont pas été soumises à la taxe sur la valeur ajoutée par la société DF Presse, dès lors que le profit sur le Trésor a déjà été pris en compte par la comptabilisation toutes taxes comprises des opérations en cause ; qu'il ressort toutefois des termes de la proposition de rectification adressée à la société requérante, le 21 juillet 2009, qu'aucun rehaussement du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés n'a été effectué au titre de ce rappel par le service ;

30. Considérant, au demeurant, que la société DF Presse, qui, aux termes de sa requête, sollicite la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés mis en recouvrement à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, ne peut être regardée que comme demandant la décharge de la seule cotisation supplémentaire établie au titre de l'exercice clos en 2006, le service s'étant borné, pour l'exercice clos en 2007, à corriger son résultat qui est déficitaire ; que les moyens soulevés par la société requérante se rapportant aux redressements opérés au titre de l'exercice clos en 2007 n'auraient pu être utilement invoqués qu'au soutien d'une demande présentée en application du 2ème alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales tendant à la réparation des erreurs éventuellement commises par le service dans la détermination de son résultat déficitaire ; qu'ils ne peuvent, dès lors, en tout état de cause, être accueillis au soutien des conclusions à fin de décharge présentées par la société requérante, qui se rapportent à une cotisation d'impôt établie au titre d'un autre exercice ;

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts :

31. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1788 A du code général des impôts : " 1. Entraîne l'application d'une amende de 750 euros : a/ Le défaut de production dans les délais de la déclaration prévue à l'article 289 C./ L'amende est portée à 1 500 euros à défaut de production de la déclaration dans les trente jours d'une mise en demeure (...) 5. Les infractions prévues aux 1 à 3 peuvent être constatées par la direction générale des impôts ou la direction générale des douanes et droits indirects " ;

32. Considérant que l'administration a appliqué en vertu de ces dispositions à la société requérante des amendes au titre des exercices 2006 et 2007, pour des ventes effectuées au profit d'une société belge, à défaut pour la société DF Presse d'avoir souscrit les déclarations d'échanges de biens entre Etats membres prévues à l'article 289 C du code général des impôts ; que le service des impôts était compétent en application du 5 de l'article 1788 A précité pour constater le manquement de la société requérante à son obligation de déclaration et pour lui appliquer des amendes à ce titre ; que la circonstance que la société DF Presse ait, par ailleurs, fait l'objet d'un contrôle du service douanes est sans incidence sur le bien-fondé des pénalités litigieuses, dès lors qu'il n'est pas établi que ce service lui aurait également infligé des amendes pour les mêmes manquements ;

En ce qui concerne la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts :

33. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;

34. Considérant que le service a appliqué à la société DF Presse une majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts qu'au titre du seul rappel de taxe sur la valeur ajoutée se rapportant à une partie des opérations réalisées par l'intermédiaire des MLP, inscrites au compte 707114 " vente MLP 19,6 % ", pour lesquelles aucune taxe sur la valeur ajoutée n'avait été comptabilisée, ni déclarée par la société requérante en 2007 ;

35. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre l'année 2007, la société requérante n'a pas déclaré de taxe sur la valeur ajoutée pour les sommes perçues au titre des opérations en cause réalisées par l'intermédiaire des messageries de presse, à hauteur de 1 718 057,07 euros, alors que, par ailleurs, elle avait comptabilisé une taxe sur la valeur ajoutée collectée, au titre de la même année, pour des opérations réalisées également par l'intermédiaire des messageries de presse ; qu'ainsi, la société requérante ne pouvait ignorer que ces opérations devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée au même titre que les autres opérations réalisées par l'intermédiaire des messageries de presse au cours de la même année ou lors de l'année précédente ; que l'absence de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée pour ces opérations suffit à caractériser, dans les circonstances de l'espèce, l'intention de la société contribuable d'éluder l'impôt, en l'absence même de répétition d'un tel manquement ;

36. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société DF Presse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 et des pénalités appliquées en vertu des articles 1729 et 1788 A du code général des impôts ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

37. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, dans la présente instance, le versement à la société DF Presse d'une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, par ailleurs, de laisser à la charge de la société DF Presse la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :



Article 1er : La requête de la société DF Presse est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée DF Presse et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président,

- Mme Coiffet, président assesseur,

- M. Blanc, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 avril 2015.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

S.-L. FORMERYLe greffier,

S. JUSTINE

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA00442