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CEDH, Cour (Quatrième Section), AFFAIRE MASELLI c. ITALIE (n° 2), 27 juillet 2010, 61211/00

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    61211/00
  • Importance : Faible
  • État défendeur : Italie
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2010:0727JUD006121100
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-100174
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Résumé

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Texte intégral

QUATRIÈME SECTION AFFAIRE MASELLI c. ITALIE (No 2) (Requête no 61211/00) ARRÊT (Satisfaction équitable) STRASBOURG 27 juillet 2010 DÉFINITIF 27/10/2010 Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Maselli c. Italie (no 2), La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de : Nicolas Bratza, président, Lech Garlicki, Giovanni Bonello, Ljiljana Mijović, Päivi Hirvelä, Ledi Bianku, Guido Raimondi, juges, et de Lawrence Early, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 juillet 2010, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 61211/00) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Giuseppe Maselli (« le requérant »), a saisi la Cour le 1er février 2000 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Par un arrêt du 11 juillet 2006 (« l'arrêt au principal »), la Cour a jugé que la perte de toute disponibilité du terrain, combinée avec l'impossibilité de remédier à la situation incriminée, a engendré des conséquences assez graves pour que le requérant ait subi une expropriation de fait, incompatible avec son droit au respect de ses biens et non conforme au principe de prééminence du droit (Maselli c. Italie (no 2), no 61211/00, § 38, 11 juillet 2006). 3. En s'appuyant sur l'article 41 de la Convention, le requérant réclamait une satisfaction équitable de 96 558 euros (EUR), somme correspondant à la valeur actuelle du terrain ainsi que 215 000 EUR correspondant à la plus-value entraînée, selon lui, par les changements (constructions) intervenus dans le quartier. En outre, le requérant réclamait 56 000 EUR pour les dommages subis par la maison dont il était encore propriétaire, 187 453,20 EUR pour avoir dû arrêter l'exploitation agricole et 58 000 EUR pour manque à gagner. Il sollicitait en outre une indemnité pour dommage moral et demandait le remboursement des frais et dépens pour la procédure devant les juridictions nationales et pour celles devant la Cour. 4. La question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l'a réservée et a invité le Gouvernement et le requérant à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 49, et point 3 du dispositif). 5. Le délai fixé pour permettre aux parties de parvenir à un accord amiable est échu sans que les parties n'aboutissent à un tel accord. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations. 6. Le 27 octobre 2006, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de nommer chacune un expert chargé d'évaluer le préjudice matériel et de déposer un rapport d'expertise avant le 24 janvier 2007. 7. Lesdits rapports d'expertise ont été déposés dans le délai imparti. EN FAIT 8. Les faits survenus après l'arrêt au principal peuvent se résumer comme suit. 9. Le 11 avril 2007, l'administration exécuta l'arrêt de la cour d'appel de Bari (paragraphe 20 de l'arrêt au principal) et paya à la requérante l'indemnité fixée plus les intérêts.

EN DROIT

10. Aux termes de l'article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. » A. Dommage 11. Le requérant sollicite 96 558 EUR, somme correspondant à la valeur actuelle du terrain ainsi que 215 000 EUR correspondant à la plus-value entraînée, selon lui, par les changements (constructions) intervenus dans le quartier. En outre, le requérant réclame 56 000 EUR pour les dommages subis par la maison dont il est encore propriétaire, 187 453,20 EUR pour avoir dû arrêter l'exploitation agricole et 58 000 EUR pour manque à gagner. 12. Le Gouvernement considère que la Cour ne doit accorder que la somme correspondant à la valeur du terrain litigieux au moment de l'occupation matérielle. Il fait valoir que, le 11 avril 2007, l'administration paya au requérant la somme fixée en 2005 par la cour d'appel de Naples, plus les intérêts. 13. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'État défendeur l'obligation de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). 14. Elle rappelle que dans l'affaire Guiso-Gallisay c. Italie ((satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, 22 décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour concernant les critères d'indemnisation dans les affaires d'expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a décidé d'écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains à la date de l'arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l'État sur les terrains. 15. Selon les nouveaux critères fixés par la Grande Chambre, l'indemnisation doit correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété, telle qu'établie par l'expertise ordonné par la juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l'on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit être actualisé pour compenser les effets de l'inflation. Il faut aussi l'assortir d'intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s'est écoulé depuis la dépossession des terrains. Ces intérêts doivent correspondre à l'intérêt légal simple appliqué au capital progressivement réévalué. 16. La Cour observe que le requérant a reçu au niveau national une somme correspondant à la valeur vénale de son terrain, réévaluée et assortie d'intérêts à compter de la date de la perte de la propriété, soit le 22 octobre 1994 (voir paragraphe 20 de l'arrêt au principal). Selon elle, l'intéressé a ainsi déjà obtenu une somme suffisante à satisfaire les critères d'indemnisation suscités. 17. Reste à évaluer la perte de chances subie à la suite de l'expropriation litigieuse. Statuant en équité, la Cour alloue au requérant 3 000 EUR de ce chef. B. Dommage moral 18. Le requérant demandent le versement d'une indemnité de 153 000 EUR au titre de préjudice moral. 19. Le Gouvernement estime qu'aucune somme n'est due au titre du préjudice moral, puisque ce type de préjudice ne saurait découler de la violation de l'article 1 du Protocole no 1 mais uniquement de la violation du « délai raisonnable ». 20. La Cour estime que le sentiment d'impuissance et de frustration face à la dépossession illégale de son bien a causé au requérant un préjudice moral important, qu'il y a lieu de réparer de manière adéquate. 21. Statuant en équité, la Cour accorde au requérant la somme de 5 000 EUR au titre du préjudice moral. C. Frais et dépens 22. Le requérant demande le remboursement des frais encours devant les juridictions nationales (58 379, 65 EUR) et de ceux exposés devant la Cour (79 601 EUR). 23. Le Gouvernement observe que les prétentions du requérant sont exorbitantes. 24. La Cour rappelle que l'allocation des frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (Van de Hurk c. Pays-Bas, arrêt du 19 avril 1994, série A no 288, § 66). 25. La Cour ne doute pas de la nécessité d'engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors qu'il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d'allouer un montant de 20 000 EUR pour l'ensemble des frais exposés. C. Intérêts moratoires 26. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, À L'UNANIMITÉ, 1. Dit, a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes : i. 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage matériel ; ii. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ; iii. 20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt au requérant, pour frais et dépens ; b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 2. Rejette, la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué par écrit le 27 juillet 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement. Lawrence Early Nicolas Bratza Greffier Président

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