Cour d'appel de Versailles, Chambre 15, 14 mai 2014, 13/01657

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    13/01657
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt, 12 mars 2013
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/615e0d6ec25a97f0381f4d4a
  • Président : Madame Patricia RICHET
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-11-23
Cour d'appel de Versailles
2014-05-14
Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt
2013-03-12

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 15ème chambre

ARRET

N° contradictoire DU 14 MAI 2014 R.G. N° 13/01657 AFFAIRE : [X] [E] C/ SASU SOFRES COMMUNICATION Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 12 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Activités diverses N° RG : 11/01497 Copies exécutoires délivrées à : Me Claude BERNARD la SELARL CAPSTAN LMS Copies certifiées conformes délivrées à : [X] [E] SASU SOFRES COMMUNICATION le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE QUATORZE MAI DEUX MILLE QUATORZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Madame [X] [E] [Adresse 2] [Localité 1] comparante en personne, assistée de Me Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1205 APPELANTE **************** SASU SOFRES COMMUNICATION [Adresse 1] [Localité 2] représentée par Me Frédéric AKNIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020 substituée par Me Mohamed CHERIF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K020 INTIMÉE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nathalie BOUTARD, Vice-Président placé, chargé(e) d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de : Madame Patricia RICHET, Présidente, Monsieur François LEPLAT, Conseiller, Madame Nathalie BOUTARD, Vice-Président placé, Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI, EXPOSE DU LITIGE La société Sofres Communication a pour activité principale la réalisation de sondages, d'enquêtes d'opinion et d'études marketing. Mme [E] a été engagée sous contrats à durée déterminée successifs en qualité d'enquêteur vacataire, coefficient 230, par la société du 11 avril 2007 au 31 mars 2011, date à laquelle le contrat liant la société et le Syndicat des Transports d'Ile de France a pris fin, la salariée étant exclusivement affectée à la réalisation de comptage dans les transports publics. Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite SYNTEC. La société Sofres Communication employait habituellement au moins onze salariés au moment de la rupture des relations contractuelles. Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 6 septembre 2011 afin d'obtenir, selon le dernier état de sa demande et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la fixation de son salaire au minimum conventionnel à savoir 1 254,38 €, la requalification des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation de la société Sofres Communication au paiement des sommes suivantes : * 1 254,28 € au titre de l'indemnité de requalification, * 38 895,47 € au titre de rappel de salaire, * 3 889,54 € au titre des congés payés afférents, * 7 525,68 € au titre de la rupture abusive des contrats sur le fondement de l'article L 1235-5 et suivants du code du travail, * 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 12 mars 2013, le conseil a débouté Mme [E] de toutes ses demandes et condamné la société au paiement des sommes suivantes: * 5 539,42 € au titre de rappel de salaires, * 553,94 € au titre des congés payés afférents, * 950 € au titre de l'article 700, ainsi qu'aux dépens comprenant le timbre fiscal. Pour se déterminer ainsi, les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas été établi que l'emploi de Mme [E] avait pour objet de pourvoir durablement un emploi, le contrat STIF n'ayant pas été renouvelé et constaté que cette dernière était à la disposition permanente de l'employeur. Mme [E], ayant régulièrement interjeté appel demande à la cour de requalifier les contrats en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, et réitère ses demandes financières sauf à ramener les rappels de salaires et congés payés afférents aux sommes respectives de 28 895,47 € et 2 889,54 €. La société Sofres Communication demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner Mme [E] au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 19 mars 2014.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Sur la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein : Mme [E] soutient essentiellement que les contrats à durée déterminée, intitulées 'offres d'emploi', ne mentionnaient pas les horaires nécessairement variables au regard des enquêtes demandées, qu'elle était à la disposition permanente de son employeur et que, si le domaine d'activité de la société permettait le recours à de tels contrats, son emploi relevait de l'activité normale et permanente de l'entreprise, au service d'un seul et même client. La société Sofres Communication soutient essentiellement que l'activité de comptage pour laquelle Mme [E] a été engagée était par nature temporaire, car limitée dans le temps, répondant ainsi aux exigences légales et réglementaires de recours aux contrats à durée déterminée d'usage, également parfaitement valables sur la forme. Elle conteste la disposition permanente de la salariée, celle-ci pouvant accepter ou refuser la mission proposée, et le contrat étant à temps partiel : sur un total de douze mois, Mme [E] n'a effectué que 24,4 heures par mois. S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1243-11 et D.1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi. Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, la convention collective applicable et l'article D 1242-1 du code du travail autorisent dans le secteur d'activité de la société Sofres Communication le recours à des contrats à durée déterminée d'usage pour l'accomplissement de tâches précises et temporaires. Cependant, contrairement à ce que soutient la société, l'indication sur les contrats du nom de l'étude et du numéro de contrat est insuffisante pour répondre aux exigences légales concernant la mention dans tout contrat à durée déterminée du motif précis justifiant le recours à un tel contrat. Par ailleurs, il ressort des éléments de la procédure que Mme [E] s'est vue régulièrement confier par la société Sofres Communication des missions d'enquête et d'études de terrain qui répondent exactement à l'objet de l'activité normale et permanente de cette société, qui n'invoque aucun motif valable justifiant le recours aux contrats temporaires vacataires ainsi conclus avec Mme [E]. En conséquence, en l'absence de mention de la définition précise du motif de recours à un contrat à durée déterminée et faute pour la société Sofres Communication d'établir la nature temporaire de l'emploi occupé par Mme [E], il convient d'infirmer le jugement déféré et de requalifier l'ensemble des contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée. Concernant la requalification à temps plein, il ressort des éléments de la procédure qu'aucune mission n'était effectuée entre les mois de mai et d'octobre ni pendant les périodes de vacances scolaires ; au regard du faible nombre des heures effectuées par Mme [E], la nature du travail à temps partiel n'apparaît pas discutable, cette dernière ne produisant aucun élément étayant l'indisponibilité dans laquelle elle prétend avoir été tenue ni aucun élément relatif à ses ressources relatives à la période litigieuse. En conséquence, il convient d'infirmer le jugement de ce chef et de débouter Mme [E] de ses demandes afférentes au rappel de salaires. Sur l'indemnité de requalification : Il résulte de l'article L.1245-2 du code du travail que lorsqu'il est fait droit à la demande du salarié tendant à voir requalifier un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il est alloué à ce dernier une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ; la base de calcul de cette indemnité est celle du dernier salaire mensuel perçu par la salariée, soit en l'espèce 327,99 €. En conséquence, il convient d'allouer à Mme [E] une somme de 327,99 € à titre d'indemnité de requalification. Sur l'indemnité au titre de la rupture abusive du contrat de travail : La cessation du contrat de travail requalifié en contrat à durée indéterminée implique pour la société Sofres Communication l'obligation d'indemniser l'intéressée du préjudice consécutif à la rupture contractuelle qui lui est imputable, pour avoir cessé de fournir du travail à sa salariée. Il ressort des bulletins de paye produits que Mme [E] a perçu les douze derniers mois précédant la rupture une somme nette de 1 819,44 €, soit une moyenne mensuelle de 259,92 €, au regard de l'absence d'activité entre les mois de mai et de septembre. Mme [E] ne produit aucun élément au soutien du préjudice qu'elle allègue : en conséquence, au regard de son ancienneté et du salaire perçu, il convient de lui allouer la somme de 1 500 € en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail. La demande de Mme [E] sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail sera rejetée, cette dernière n'établissant pas l'application des dispositions en l'espèce. Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure Mme [E], qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, devra supporter les dépens et sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société Sofres Communication les frais irrépétibles par elle exposés .

PAR CES MOTIFS

: La COUR, Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE, Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 12 mars 2013 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés : Requalifie les contrats à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, Déboute Mme [E] de ses demandes de requalification à temps complet et de rappel de salaires afférent, Condamne la SAS Sofres Communication à verser à Mme [E] les sommes suivantes : * 327,99 € à titre d'indemnité de requalification. * 1 500 € en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail, Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ; Y ajoutant : Déboute Mme [E] et la SAS Sofres Communication de leur demande d'indemnité de procédure ; Condamne Mme [E] aux dépens. - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,