Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 29 octobre 2015
Cour de cassation 01 juin 2017

Cour de cassation, Première chambre civile, 1 juin 2017, 16-13729

Mots clés société · contrat · arbitrage · arbitral · nullité · procédure civile · règlement · exception · sentence · rapport · transmission · contradiction · experts · principal · procès

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 16-13729
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 29 octobre 2015
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Ortscheidt
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:C100677

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 29 octobre 2015
Cour de cassation 01 juin 2017

Texte

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 juin 2013, n° 12-16.224) que la société égyptienne National Gas Company (NATGAS) a signé, le 6 janvier 1999 avec avenant du 24 septembre 2001, un contrat d'adduction de gaz naturel pour l'alimentation de deux régions à l'Est de l'Egypte avec la société Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC), établissement public de droit égyptien gérant les activités relatives au gaz et au pétrole en Egypte ; qu'en cours d'exécution du contrat, un nouvel établissement a été créé, la société Egas, qui s'est substitué à la société EGPC pour prendre en charge certaines de ses activités ; que la parité de la livre égyptienne ayant été modifiée par décret du 28 janvier 2003 des autorités égyptiennes, la société NATGAS a tenté de négocier un accord en raison de l'accroissement de ses charges financières ; que, face au refus de son co-contractant, elle a mis en oeuvre la clause d'arbitrage insérée au contrat ; que, par sentence du 12 septembre 2009, le tribunal arbitral a condamné la société EGPC à payer à la société NATGAS diverses sommes ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais

sur le second moyen

:

Vu les articles 1520, 1°, et 1525 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il incombe au juge de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance d'exequatur de la sentence, l'arrêt retient que la circonstance, à la supposer établie, que le contrat ait été transmis, n'affecte pas l'efficacité de la clause d'arbitrage, mais détermine, le cas échéant, la qualité à défendre à la procédure de la société EGPC, ce qu'il appartenait au tribunal arbitral d'apprécier et qui ne peut être contesté devant le juge de l'exequatur sur le fondement de l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société National Gas Company aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Egyptian General Petroleum Corporation la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Egyptian General Petroleum Corporation.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur du 19 mai 2010 du tribunal de grande instance de Paris d'une sentence rendue au Caire le 12 septembre 2009 par le tribunal arbitral composé de MM. Issa et Zein-El-Abidine, arbitres, et de M. Affaki, président ;

AUX MOTIFS QUE la société EGPC, demanderesse à la saisine, sollicite l'infirmation de l'ordonnance ayant accordé l'exequatur en faisant grief à la sentence arbitrale d'avoir violé le principe de la contradiction en méconnaissance des articles 1502, 4°, devenu 1520, 4°, du code de procédure civile, ainsi que de l'article 26 de la loi égyptienne n° 27 de 1994 sur l'arbitrage, et de l'article 15 du règlement d'arbitrage du CRCICA ; que la société EGPC fait en premier lieu grief à la sentence arbitrale d'avoir, d'office et sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ce point, fait application des dispositions du règlement d'arbitrage du CRCICA selon lequel l'exception d'incompétence doit être présentée au tribunal arbitral au plus tard à la date de présentation des conclusions de la défense, ou à une date n'excédant pas la réponse aux demandes reconventionnelles s'il en existe , pour rejeter le moyen d'incompétence qu'elle avait soulevée, faute de l'avoir présenté dans le délai imparti par ce texte ; qu'elle fait, en second lieu, grief au tribunal arbitral d'avoir accepté que soient produits aux débats, lors de la première journée d'audience, des centaines de documents, sans fixer un nouveau calendrier de procédure pour permettre leur examen ni ordonner la mesure d'expertise qu'elle sollicitait, tout en fondant son évaluation du préjudice de NATGAS sur ces éléments, en méconnaissance des exigences de la contradiction et de l'égalité des armes ; qu'elle fait ainsi valoir qu'ont été versés au débats le 12 avril 2009, première journée d'audience, de très nombreuses pièces, constituées de billets à ordre, sur la base desquels a été établi le rapport de l'expert mandaté par la société NATGAS, rapport déposé le 10 mars 2009 ; que la société EGPC considère ainsi que les experts qu'elle a elle-même mandatés n'ont pu produire en connaissance de cause leur rapport, déposé le 23 mars 2009, et que l'interrogation et les débats des experts des deux parties lors de l'audience du 12 avril 2009 n'ont pu avoir lieu de façon utile ; que, en premier lieu, que s'il est constant que la société NATGAS n'a pas invoqué les dispositions de l'article 21 du règlement d'arbitrage du CRCICA, il n'est pas davantage discuté que cette société a invoqué l'article 22 de la loi égyptienne n° 27 de 1994 sur l'arbitrage, selon lequel Le tribunal arbitral tranche les exceptions portant sur son incompétence incluant les exceptions tirées de l'inexistence, l'extinction ou la nullité d'une convention d'arbitrage; (..) Ces exceptions doivent être soutenues à une date ne dépassant pas celle de présentation par le défendeur de sa défense mentionnée à l'article 30 de la présente loi pour réfuter l'exception soulevée à la fin de l'audience de plaidoiries, le 28 mai 2009 ; que dans son mémoire post audience du même jour, la société NATGAS rappelait qu'il est, en tout état de cause, interdit à la défenderesse de se prévaloir maintenant d'une quelconque cause de nullité ; qu'après avoir rappelé les dispositions susvisées de l'article 22 de la loi égyptienne sur l'arbitrage, la société NATGAS poursuivait en indiquant : Attendu que le délai pour la présentation du mémoire a expiré le 7 octobre 2008. Et attendu que des audiences de plaidoiries ont eu lieu et durant lesquelles la défenderesse ne s'est (pas) prévalu(e) d'une quelconque exception de nullité de la convention d'arbitrage ou de l'incompétence du tribunal arbitral mais qu'au contraire la défenderesse a confirmé au début de l'ensemble des audiences qu'elle n'avait aucune objection sur la façon dont s'est déroulée la procédure (...) Par conséquent, le droit de la défenderesse de se prévaloir de l'exception de nullité de la convention d'arbitrage est tombé. Au surplus, il n'existe aucune excuse valable qui justifierait d'invoquer une telle exception tardivement. Nous insistons donc sur l'irrecevabilité d'une telle exception ; que cette circonstance, non révélée au cours de l'instance devant la Cour de cassation par suite d'une erreur de traduction de la sentence, permet de considérer que le moyen tiré de la tardiveté de l'exception soulevée par la société EGPC était dans le débat, d'où il suit qu'en déclarant cette exception tardive tant au regard de l'article 22 de la loi n° 27 de 1994 sur l'arbitrage, qu'au regard de l'article 21 du règlement d'arbitrage du CRCICA, le tribunal arbitral n'a pas manqué au respect du principe de la contradiction ; que c'est en vain que la société EGPC prétend qu'elle aurait été privée de toute possibilité de répondre à ce moyen, dès lors que, en soulevant la nullité de la clause d'arbitrage et l'incompétence du tribunal arbitral, son conseil a, selon les énonciations de la sentence, envisagé la question de la tardiveté de cette exception en indiquant que ce moyen peut être soulevé à une étape aussi tardive du procès, vu qu'il touche - prétendument - à l'ordre public et que la procédure est toujours à l'étape des plaidoiries, même si celles-ci se déroulent par échange de mémoires ; que la cour ne peut que constater que la société EGPC n'invoque aucune circonstance de nature à justifier le caractère tardif de l'exception qu'elle a soulevée, le défaut d'approbation du ministre compétent à la clause d'arbitrage, sur lequel elle repose, étant connu dès la signature du contrat ; que la société EGPC se borne à affirmer, sans en justifier autrement, que le caractère d'ordre public de ce moyen permettait qu'il soit soulevé en tout état de cause ; qu'en second lieu, qu'il ressort de la sentence que le tribunal arbitral a décidé qu'après l'échange des mémoires, il tiendrait une audience de plaidoiries les 12 et 13 avril 2009 et que par lettre du 21 janvier 2009, il a invité les parties à lui faire connaître, avant le 10 février 2009, les témoins ou les experts auxquels elles entendaient faire appel ; que s'il est constant que la société NATGAS a produit le premier jour d'audience de nombreuses pièces comptables, lesquelles étaient constituées de billets à ordres, il apparaît, d'une part, qu'au cours des deux journées d'audience, les parties ont pu interroger leurs experts respectifs et débattre des expertises produites, et, d'autre part, que le deuxième jour d'audience, les parties ont déclaré n'avoir aucune objection ou réserve à formuler sur la procédure suivie jusqu'alors, déclaration qui a été notée au procès-verbal de séance ; que les arbitres ont, en outre, permis aux parties de présenter un mémoire final pour répondre, le cas échéant, sur les points soulevés pendant les plaidoiries ; qu'il apparaît ainsi que les parties ont été mises en mesure de discuter l'ensemble des moyens, arguments et pièces produites ; qu'il ne saurait, dès lors, être reproché aux arbitres d'avoir violé le principe de la contradiction en estimant que les débats rendaient inutile le recours à une mesure d'expertise et que la demande présentée à cet effet à la fin de l'audience des plaidoiries du 13 avril 2009 par la société EGPC, dont l'expert comptable s'était longuement expliqué sur les pièces produites, était tardive et dilatoire ; que concernant spécifiquement le souhait formulé par la société EGPC de confier à un collège d'experts le soin de relever les dates des billets à ordre utilisés par la société NATGAS pour procéder au remboursement du prêt et de dire s'ils sont antérieurs ou non à la conclusion du contrat, le tribunal arbitral a estimé qu'une telle mission était inutile par le fait que la société NATGAS avait présenté des copies des billets à ordre en question avec les originaux des attestations délivrées par la banque concernée donnant à leur sujet les renseignements nécessaires, et a relevé qu'aucune inscription de faux n'avait été effectuée à l'encontre de ces pièces ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen pris d'une violation du principe de la contradiction doit être écarté ;

1°) ALORS QUE rien de ce qui sert à fonder la décision de l'arbitre ne doit échapper au débat contradictoire et que le tribunal arbitral ne peut relever d'office un moyen de fait ou de droit sans que les parties aient été invitées à présenter leurs observations ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté qu'il est « constant que la société NATGAS n'a pas invoqué les dispositions de l'article 21 du règlement d'arbitrage du CRCICA », motifs pris que « le moyen tiré de la tardiveté de l'exception soulevé par la société EGPC était dans le débat » dès lors que la société NATGAS a « invoqué l'article 22 de la loi égyptienne n° 27 de 1994 sur l'arbitrage » et « qu'en déclarant cette exception tardive tant au regard de l'article 22 de la loi n° 27 de 1994 sur l'arbitrage, qu'au regard de l'article 21 du règlement d'arbitrage du CRCICA, le tribunal arbitral n'a pas manqué au respect du principe de la contradiction », le tribunal arbitral ayant, sans débat contradictoire, fondé sa décision sur les dispositions non invoquées de l'article 21 du règlement d'arbitrage du CRCICA, la cour d'appel a violé les articles 1520.4° et 1525 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en estimant que le tribunal arbitral n'a pas manqué au respect du principe de la contradiction, dès lors que, dans son mémoire « post-audience » du 28 mai 2009, la société NATGAS s'est prévalue de l'article 22 de la loi égyptienne sur l'arbitrage pour conclure à l'irrecevabilité de l'exception de nullité de la convention d'arbitrage invoquée par la société EGPC et que « en soulevant la nullité de la clause d'arbitrage et l'incompétence du tribunal arbitral, son conseil a, selon les énonciations de la sentence, envisagé la question de la tardivité de cette exception en indiquant que ce moyen peut être soulevé à une étape aussi tardive du procès, touche - prétendument - à l'ordre public et que la procédure est toujours à l'étape des plaidoiries, même si celles-ci se déroulent par échange de mémoires » (arrêt attaqué p. 6, in limine), sans constater que la société EGPC s'était effectivement vu offrir la possibilité, après le 28 mai 2009, de présenter ses observations sur l'applicabilité de l'article 22 de la loi égyptienne n° 27 de 1994 sur l'arbitrage à l'exception d'incompétence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520.4° et 1525 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE le respect du principe de la contradiction et du principe d'égalité des parties suppose que chaque partie ait été en mesure de discuter utilement l'intégralité des pièces portées à la connaissance du tribunal arbitral et sur lesquelles il s'est fondé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté « que la société NATGAS a produit le premier jour d'audience de nombreuses pièces comptables, lesquelles étaient constituées de billets à ordre », qu'au cours des deux journées d'audience, les parties ont pu interroger leurs experts respectifs et débattre des expertises produites, que le deuxième jour d'audience, elles ont déclaré n'avoir aucune « objection ou réserve à formuler sur la procédure suivie jusqu'alors » et que les arbitres ont permis aux parties de présenter un mémoire final pour répondre le cas échéant sur les points soulevés pendant les plaidoiries, sans constater que la société EGPC, qui avait reçu le premier jour de l'audience des centaines de documents avait bénéficié du temps suffisant pour les discuter utilement, avant que le tribunal ne se fonde sur celles-ci pour rendre sa sentence, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1520.4° et 1525 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance d'exequatur du 19 mai 2010 du tribunal de grande instance de Paris d'une sentence rendue au Caire le 12 septembre 2009 par le tribunal arbitral composé de MM. Issa et Zein-El-Abidine, arbitres, et de M. Affaki, président ;

AUX MOTIFS QUE la circonstance, à la supposer établie, que le contrat aurait été transmis, n'affectait pas l'efficacité de la clause d'arbitrage prévue au contrat du 6 janvier 1999, mais déterminait, le cas échéant, la qualité à défendre à la procédure de la société EGPC, ce qu'il appartenait au tribunal arbitral d'apprécier et qui ne peut être contesté devant le juge de l'exéquatur sur le fondement de l'article 1520.1 du code de procédure civile ;

ALORS QUE l'ordonnance qui statue sur une demande de reconnaissance ou d'exequatur d'une sentence arbitrale rendue à l'étranger est susceptible d'appel ; que l'appel est ouvert lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ; que se déclare à tort compétent le tribunal arbitral qui statue sans convention d'arbitrage à raison de sa transmission à un tiers, par l'effet de la transmission du contrat principal ; qu'en écartant le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral à raison de la transmission, avant la naissance du litige et le début de l'arbitrage, de la clause compromissoire avec le contrat principal, de la société EGPC à la société EGAS, par l'effet d'un décret présidentiel du conseil des ministres du 19 juillet 2001 et d'un arrêté du ministère égyptien du pétrole du 9 août 2001, au motif erroné que « la circonstance, à la supposer établie, que le contrat aurait été transmis, n'affectait pas l'efficacité de la clause d'arbitrage prévue au contrat du 6 janvier 1999, mais déterminait, le cas échéant, la qualité à défendre à la procédure de la société EGPC, ce qu'il appartenait au tribunal arbitral d'apprécier et qui ne peut être contesté devant le juge de l'exequatur », la cour d'appel a violé les articles 1520.1° et 1525 du code de procédure civile.