Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 3 juillet et le 25 juillet 2024, la société Casino de Thonon-les-Bains, ayant pour avocats Me Kohler-Magne et Me Ducloyer, demande au juge des référés :
1°) d'enjoindre à la commune de Thonon-les-Bains de lui communiquer, sans délai, diverses informations et documents se rapportant à la procédure de passation du contrat de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation du casino de Thonon-les-Bains ;
2°) d'annuler la décision du 24 juin 2024 par laquelle la Commune de Thonon-les-Bains a rejeté son offre remise en vue de la passation d'un contrat de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation du casino de Thonon-les-Bains ;
3°) d'annuler la procédure d'attribution de ce contrat ;
4°) de suspendre toute décision relative à l'attribution de ce contrat ;
5°) d'ordonner à la commune de Thonon-les-Bains, si elle entend donner suite à cette consultation, de reprendre la procédure d'attribution de ce contrat, à un stade lui permettant de se conformer à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Thonon-les-Bains la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune a méconnu l'obligation d'information des candidats évincés;
- le juge des référés doit enjoindre à la commune de communiquer à la société Casino de Thonon-les-Bains les pièces du marché sollicitées ;
- le groupement attributaire ne bénéficiait pas de l'expérience suffisante pour que sa candidature soit retenue ;
- le critère évaluant la valeur financière du contrat est irrégulier ;
- la méthode de notation du critère évaluant la valeur financière est irrégulière ;
- le critère de la valeur architecturale et urbaine est irrégulier ;
- la pondération des sous-critères du critère de la valeur architecturale et urbaine n'a pas été portée à la connaissance des candidats ;
- la négociation a conduit la commune à modifier irrégulièrement les critères d'attribution de est irrégulière ;
- les vices invoqués l'ont nécessairement lésées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2024, la commune de Thonon-les-Bains, représentée par Me Salamand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Casino de Thonon-les-Bains une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ensemble des informations concernant le rejet de la candidature telles qu'imposées par les dispositions juridiques en vigueur ont été transmises, dans un délai suffisant, à la société requérante ;
- l'attributaire a fourni suffisamment de références techniques au regard du règlement de la concession ;
- le moyen tiré de ce que le critère financier aurait été examiné au regard des seules déclarations des candidats manque en fait dès lors que la valeur financière des offres a été appréciée à l'aune du montant de la redevance d'occupation et de la contribution aux manifestations artistiques de qualité ;
- des documents de la consultation excluaient que le produit brut des jeux, fondé sur les seules déclarations des candidats, puisse être intégré dans l'appréciation de la valeur financière des offres ;
- les documents de la concession et les échanges intervenus au cours des négociations permettaient aux soumissionnaires de connaître les attentes de la commune ;
- la méthode de notation ne conduisait pas à créer des écarts injustifiés entre les notes attribuées ;
- les modalités d'appréciation du critère de la valeur architecturale et urbaine ont été définies de manière suffisamment précise dans le règlement de consultation ainsi que dans les courriers adressés aux candidats ;
- la modération foncière du projet et la qualité architecturale du projet de construction ont constitué des éléments d'appréciation de la valeur architecturale et urbaine et non pas des sous-critères qui, au demeurant, n'auraient pas eu à faire l'objet d'une pondération ;
- la société requérante n'établit pas avoir été lésée au titre des prétendus manquements relatifs aux critères de sélections des offres.
Le " Groupement Golden Palace " a présenté des écritures enregistrées le 24 juillet 2024.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête tendant à la suspension de toute décision relative à l'attribution du contrat litigieux.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Argentin pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 25 juillet 2024, en présence de M. Morand, greffier d'audience, M. Argentin a lu son rapport.
Ont été entendues les observations de :
- Me Marthelet, représentant la société Casino de Thonon les Bains ;
- Me Romatier et M. A, représentant la commune de Thonon les Bains ;
- Me Constantini, pour le " Groupement Golden Palace ".
La clôture de l'instruction a été différée au 25 juillet 2024 à 23h59. Les parties en ont été avisées à l'audience.
Par un mémoire distinct, enregistré le 25 juillet 2024 à 20h03 et présenté au titre des dispositions des articles
R. 412-2-1 et
R. 611-30 du code de justice administrative, la commune de Thonon-les-Bains a produit un mémoire dans lequel elle expose les motifs fondant son refus de transmission aux autres parties du rapport d'analyse des candidatures et de la convention de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation du casino de Thonon-les-Bains. Ces deux derniers documents, produits par la commune de Thonon-les-Bains, ont été enregistrés au greffer du tribunal administratif de Grenoble le 26 juillet 2024.
Les pièces communiquées au greffe du tribunal administratif de Grenoble au titre des dispositions des articles
R. 412-2-1 et
R. 611-30 du code de justice administrative ont été renvoyées à la commune de Thonon-les-Bains qui a été invitée, par un courrier du 26 juillet 2024, à transmettre au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles
R. 414-1 et
R. 414-2 du code de justice administrative l'extrait du rapport d'analyse comportant les informations relatives à la capacité technique du groupement attributaire.
Suite à l'invitation qui lui a été faire, la commune de Thonon-les-Bains a, le 26 juillet 2024, versé dans la procédure contradictoire l'extrait du rapport d'analyse des candidatures comportant les informations relatives à la capacité technique du groupement attributaire.
Par une ordonnance du 26 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juillet 2024 à 20h00.
Le " Groupement Golden Palace " a présenté des écritures enregistrées le 26 juillet 2024.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un avis de concession publié au journal officiel de l'Union européenne le 3 mai 2023, la commune de Thonon-les-Bains a lancé une consultation pour la passation d'un contrat de délégation de service public portant sur la construction et l'exploitation d'un casino. La société Casino de Thonon-les-Bains a été informée, par courrier daté du 25 mai 2024, du rejet de son offre. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal le 3 juillet 2024, la société Casino de Thonon-les-Bains a saisi le président du tribunal administratif de Grenoble d'un référé précontractuel sur le fondement des dispositions des articles
L. 551-1 et suivants du code de justice administrative afin que soit prononcé l'annulation de la procédure de passation de ce contrat.
Sur les écritures produites par le " Groupement Golden Palace " :
2. Il résulte des observations intervenues à l'audience du 25 juillet 2024 que le " Groupement Golden Palace ", qui s'est présenté comme défendeur à l'instance, correspond à la seule dénomination informelle des sociétés membres du groupement attributaire de la concession. Ce groupement ne disposant pas de la personnalité juridique, il y a lieu d'écarter ses écritures des débats.
Sur les conclusions tendant à la suspension de toute décision se rapportant à l'attribution du contrat de délégation de service public :
3. Aux termes de l'article
L. 551-4 du code de justice administrative : " Le contrat ne peut être signé à compter de la saisine du tribunal administratif et jusqu'à la notification au pouvoir adjudicateur de la décision juridictionnelle ". Il en résulte que les conclusions de la requête tendant à la suspension de toute décision relative à l'attribution du contrat litigieux sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables.
Sur les conclusions tendant à la communication de documents de la procédure de passation du contrat :
4. La société demande que le juge des référés enjoigne à la commune de Thonon-les-Bains de lui communiquer divers documents de la procédure de passation du contrat. Toutefois, il n'entre pas dans l'office du juge du référé précontractuel, tel que défini par l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, d'ordonner à la commune défenderesse la communication, au bénéfice de la société requérante, des documents sollicités par cette dernière dans son courrier du 28 juin 2024. Il y a lieu dès lors de rejeter la demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet () la délégation d'un service public () ".
6. En vertu des dispositions de l'article
L. 551-1 code de justice administrative, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
En ce qui concerne l'irrégularité de la candidature de l'attributaire :
7. Aux termes de l'article
L. 3123-19 du code de la commande publique : " Après examen des capacités et aptitudes des candidats, l'autorité concédante élimine les candidatures incomplètes ou irrecevables et dresse la liste des candidats admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession. ". Aux termes de l'article
R. 3123-19 du même code : " Si le candidat s'appuie sur les capacités et aptitudes d'autres opérateurs économiques, il justifie des capacités et aptitudes de ces opérateurs économiques et apporte la preuve qu'il en disposera pendant toute l'exécution du contrat. Cette preuve peut être apportée par tout moyen approprié. ()". Aux termes de l'article
R. 3123-21 du même code : " Ne sont pas admis à participer à la suite de la procédure de passation du contrat de concession : 1° Les candidats qui produisent une candidature incomplète () 2° Les candidats qui produisent une candidature irrecevable. ". Aux termes du d) de l'article 9 du règlement de consultation de la concession en cause les candidats devaient présenter : " () trois références détaillées et argumentées () dans les domaines d'activités intéressant l'objet de la concession ou dans les domaines ayant un intérêt relatif à cet objet ".
8. Aux termes de l'article
L. 320-1 du code de la sécurité intérieure : " () Sont réputés jeux d'argent et de hasard () toutes opérations offertes au public () pour faire naître l'espérance d'un gain () et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants. () ". Aux termes de l'article
R. 321-1 du même code : " Les casinos () sont des établissements autorisés à exploiter tout ou partie des jeux d'argent et de hasard () ". L'article
D. 321-13 du code de la sécurité intérieure précise les jeux susceptibles d'être autorisés dans les casinos.
9. La prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d'un candidat est susceptible de fausser l'appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et ainsi de porter atteinte au principe d'égalité de traitement entre les candidats.
10. La société requérante soutient que les quatre sociétés filiales du groupe " Golden Palace " membres du groupement attributaire se trouvaient, nécessairement, dans l'impossibilité de justifier trois références en matière d'exploitation de Casino dès lors que le groupe " Golden Palace " n'exploite pas trois établissements comportant, chacun, des tables de jeux. Toutefois, la société requérante ne se prévaut, au soutien de ses allégations d'aucune disposition juridique de nature à réserver la qualification de casino aux établissements exploitant des tables de jeux. Il résulte, au contraire, des dispositions précitées au point 8 que les casinos se définissent par l'exploitation de tout ou partie de jeux d'argent et de hasard et non par l'autorisation de l'une des modalités d'exercice de jeux que constituent les tables de jeux. Par suite, cette première branche du moyen doit être écartée.
11. Il résulte des termes du règlement de consultation de la concession en cause cité au point 7 que les candidats devaient produire, compte tenu de l'objet du contrat en cause, trois références dans les domaines de la construction et trois références dans les domaines de l'exploitation des casinos. Les candidats pouvaient également présenter des références dans les domaines ayant, selon la formule d'usage, " un intérêt relatif à cet objet ".
12. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'extrait du rapport d'analyse des candidatures dont la teneur n'est pas contestée, que le groupement attributaire a produit, au regard des dispositions précitées de l'article
R. 3123-19 du code de la commande publique, le nombre de références attendues dans les domaines intéressant l'objet de la concession à savoir l'activité de construction et l'activité de casino. Dès lors la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la candidature du groupement attributaire était irrecevable à défaut de justifier trois références détaillées dans les domaines d'activités de la concession. Par suite, cette seconde branche du moyen doit être écartée.
En ce qui concerne l'irrégularité du critère évaluant la valeur financière de l'offre :
13. Aux termes de l'article
L. 3124-5 du code de la commande publique : " Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l'avantage économique global pour l'autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du contrat de concession ou à ses conditions d'exécution () Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'autorité concédante et garantissent une concurrence effective. () ". Aux termes de l'article
R. 3124-4 du même code : " () Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. ".
14. La société requérante fait valoir que la commune de Thonon-les-Bains n'a pas précisé les modalités d'appréciation du critère de la valeur financière des offres et que, en l'espèce, ce critère n'était pas pertinent pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse dès lors qu'il était seulement fondé sur les déclarations non engageantes des candidats.
15. D'une part, il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait que la valeur financière de l'offre serait appréciée au regard de " l'estimation des montants perçus par la ville, minorée des éventuelles contributions publiques ". A l'occasion de la sélection de la candidature de la société requérante la commune l'a invitée, par un courrier du 16 août 2023, à transmettre une offre initiale laquelle devait comporter, notamment, une annexe à compléter relative aux cadres financiers. Ces derniers comportaient un point 6 dont l'objet était de chiffrer le montant total des redevances proposées par le candidat selon trois catégories à savoir la " redevance fixe " (correspondant au montant proposé par le candidat et dont le minimum était fixé à 40 000 euros), la " redevance variable " (correspondant au pourcentage proposé par le candidat d'un chiffre d'affaires théorique déterminé par la commune) et la " contribution financière à l'animation de la ville " (correspondant au montant que les candidats s'engageaient à verser à ce titre). Il n'est pas contesté que lors de la réunion de négociation, la commune a également précisé à la société requérante que les redevances et contributions déterminaient la note des candidats. A la suite de la réunion de négociation, la commune de Thonon-les-Bains a, par un courrier du 8 janvier 2024, invité la société requérante à remettre une nouvelle offre initiale. A cette occasion, la commune a attiré l'attention de la société requérante sur le montant des redevances à percevoir ce qui a conduit cette dernière à modifier son offre initiale. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce critère était entaché d'imprécision.
16. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment des articles 33 à 35 du projet de convention de délégation du service public, tel que figurant dans les pièces du marché, que le concessionnaire s'engageait à verser au concédant une redevance annuelle d'occupation du domaine public comportant une partie fixe et variable ainsi qu'une contribution financière correspondant aux propositions formulées dans l'annexe du cadre financier du marché. Les dispositions du projet de convention prévoient la révision, dans les mêmes conditions, de la part fixe de la redevance et de la redevance annuelle selon un critère indépendant de la volonté des parties à savoir, en l'espèce, l'évolution de l'indice Insee des loyers commerciaux. Dans ces circonstances la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le critère financier serait irrégulier en ce qu'il reposerait sur les seules déclarations des soumissionnaires sans engagement contractuel de leur part.
17. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du critère financier doit être écarté dans ses deux branches.
En ce qui concerne l'irrégularité de la méthode de notation du critère évaluant la valeur financière des offres :
18. Les méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.
19. La société requérante fait valoir que la méthode de notation de la valeur financière des offres est irrégulière en ce qu'elle a pour effet d'accroître les écarts entre les notes obtenues par les candidats.
20. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des écritures de la commune de Thonon-les-Bains que cette dernière a utilisé une méthode de notation permettant de comparer les propositions des candidats par référence au candidat le mieux-disant. En retenant une telle méthode de notation la commune de Thonon-les-Bains n'a pas manqué à ses obligations de mise en concurrence. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.
En ce qui concerne le caractère irrégulier du critère évaluant la valeur architecturale et urbaine des offres :
21. La société requérante fait valoir le caractère imprécis de ce critère.
22. Il résulte de l'instruction que le règlement de la consultation prévoyait que la valeur architecturale et urbaine de l'offre serait appréciée au regard, d'une part, de la " modération foncière : cet aspect sera apprécié en fonction de l'économie de surface au sol occupée par les constructions prévue dans l'offre de chaque candidat et plus globalement de la limitation de l'artificialisation des sols du terrain mis à disposition " et, d'autre part, de la " qualité architecturale du projet de construction et intégration dans l'environnement. ". Les éléments d'appréciation ont été précisés dans le courrier du 16 août 2023 par lequel la commune a invité les candidats admis à présenter une offre à remettre leur offre initiale lequel mentionnait la production d'un mémoire composé, notamment, d'une note de présentation générale et d'organisation du projet ainsi que la production d'une note explicative. A cette occasion, et s'agissant de la qualité architecturale, la commune de Thonon-les-Bains a précisé ses attentes au regard de l'intégration dans le site, de l'aménagement urbain, des perspectives paysagères et architecturaux. En conséquence, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Thonon-les-Bains a décidé de rejeter son offre sur le fondement d'un critère purement esthétique et subjectif. S'agissant de la modération foncière, le courrier précité du 16 août 2023 mentionnait l'attention qui serait portée à l'utilisation du tènement foncier notamment à l'égard de la partie " Ouest ". En outre, dans son courrier du 8 janvier 2024, faisant suite à la réunion de négociation, la commune de Thonon-les-Bains a demandé à la société requérante un certain nombre de précisions notamment s'agissant du traitement de la réserve foncière. Enfin, pour l'examen de ce critère, il a été demandé aux candidats de renseigner le détail des surfaces du cadre financier 1 lequel comportait, notamment, l'identification des surfaces artificialisées et non artificialisées. Ces informations se rattachaient nécessairement à l'appréciation de la modération financière telle que figurant dans le règlement de consultation. En outre, il n'est pas contesté que la société requérante n'a pas, au cours de la procédure, interrogé ou demandé des éclaircissements à la commune. Dans ces circonstances, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ce critère était insuffisamment précis. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.
En ce qui concerne l'irrégularité de la procédure de négociation :
23. Aux termes de l'article
L. 3124-1 du code de la commande publique : " Lorsque l'autorité concédante recourt à la négociation pour attribuer le contrat de concession, elle organise librement la négociation avec un ou plusieurs soumissionnaires (). La négociation ne peut porter sur l'objet de la concession, les critères d'attribution ou les conditions et caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation. ".
24. Le principe d'égalité de traitement des candidats lors de la phase de négociation implique que le concédant offre les mêmes possibilités aux candidats de discuter de leur offre et d'en affiner et améliorer les caractéristiques afin de répondre au mieux à ses attentes.
25. La société requérante fait valoir que la commune de Thonon-les-Bains n'a pas conduit loyalement les négociations à défaut de l'informer sur ses attentes ou en modifiant les critères d'attribution ou bien les caractéristiques indiquées dans les documents de consultation.
26. En premier lieu, la société requérante soutient que la commune a valorisé la transformation de l'emprise ouest du projet retenu en contradiction avec les documents de la consultation. Toutefois, d'une part, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des termes du communiqué de presse produit, compte tenu de son objet promotionnel, pour établir, sur ce point, une irrégularité de la négociation. D'autre part, contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de l'instruction, et notamment des termes du courrier du 8 janvier 2024, que la commune de Thonon-les-Bains attendait, de sa part, des propositions et des précisions concernant la réserve foncière.
27. En deuxième lieu, la société requérante soutient que la commune a valorisé la qualité environnementale de l'offre de l'attributaire. Toutefois, d'une part, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des termes du communiqué de presse produit, compte tenu de son objet promotionnel, pour établir, sur ce point, une irrégularité de la négociation. D'autre part, en se bornant à renvoyer aux termes du courrier du 19 juillet 2024, par lesquels la commune a mentionné que les propositions de mise en place de panneaux solaires de l'attributaire répondaient aux attentes de la commune en matière d'intégration dans l'environnement, la société requérante n'établit pas que le concédant aurait entaché la procédure de négociation d'irrégularité en évaluant un critère environnemental dont elle n'avait pas connaissance.
28. En troisième lieu, la société requérante soutient que l'offre de stationnement du groupement attributaire ne respecte pas les prescriptions des documents de consultation lesquels prévoyaient un " minimum de 100 places de stationnement en ouvrage ". Toutefois, il y a lieu de considérer, selon l'acception communément admise, qu'en désignant un stationnement " en ouvrage " la commune entendait la création de places de stationnement autres qu'en voirie. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant la possibilité de proposer des places de stationnement sur un espace vert (dénommées " parking evergreen "), la commune aurait, au cours de la négociation, modifié les caractéristiques de la consultation.
29. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de négociation doit être écarté.
En ce qui concerne l'absence d'information concernant la pondération des sous-critères du critère de la valeur architecturale et urbaine :
30. Aux termes de l'article
R. 3124-4 du code de la commande publique : " Pour attribuer le contrat de concession, l'autorité concédante se fonde () sur une pluralité de critères non discriminatoires. Au nombre de ces critères, peuvent figurer notamment des critères environnementaux, sociaux, relatifs à l'innovation. Les critères et leur description sont indiqués dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation ". Aux termes de l'article
R. 3124-5 du même code : " L'autorité concédante fixe les critères d'attribution par ordre décroissant d'importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l'avis de concession, dans l'invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. () ".
31. La société requérante fait valoir que la commune de Thonon-les-Bains n'a pas porté à la connaissance des candidats la pondération des sous-critères du critère de la valeur architecturale et urbaine.
32. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité concédante n'est pas tenue de procéder à la pondération des critères d'attribution des offres et a pour seule obligation d'indiquer et de décrire ces critères et, pour les contrats supérieurs aux seuils européens, de les hiérarchiser. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la commune de Thonon-les-Bains a choisi de procéder à la pondération du critère de la valeur architecturale et urbaine sans cependant élaborer, comme le soutient la société requérante, des sous-critères pondérés. En outre, à supposer même que les éléments d'appréciation de ces critères dont elle a informé les candidats puissent être qualifiés de sous-critères, la commune n'était pas tenue de les pondérer. En conséquence, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune aurait méconnu ses obligations de transparence de la procédure. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.
En ce qui concerne la méconnaissance de l'obligation d'information des candidats évincés :
33. Aux termes de l'article
L. 3125-1 du code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue () ". Aux termes de l'article
R. 3125-1 du même code : " L'autorité concédante notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. Cette notification précise les motifs de ce rejet et, pour les soumissionnaires, le nom du ou des attributaires ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de l'offre. ". Aux termes de l'article
R. 3125-3 du même code : " L'autorité concédante communique aux soumissionnaires ayant présenté une offre qui n'a pas été éliminée en application de l'article L. 3124-2 les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue, dans les quinze jours de la réception d'une demande à cette fin. ".
34. Une méconnaissance de l'obligation de communication qui incombe au pouvoir adjudicateur constitue une atteinte aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de léser cette société en l'empêchant de contester utilement le rejet de son offre. Le manquement n'est toutefois plus constitué si l'ensemble des informations mentionnées aux articles précités a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.
35. Il résulte de l'instruction que le courrier du 25 mai 2024 adressé par la commune de Thonon-les-Bains à la société Casino de Thonon-les-Bains pour lui notifier le rejet de son offre précisait les motifs de ce rejet, le nom de la société attributaire, les notes qui lui ont été attribuées ainsi que celles obtenues par la société attributaire. Par un courrier du 28 juin 2024, la société Casino de Thonon-les-Bains a demandé à la commune de Thonon-les-Bains, sur le fondement des dispositions précitées au point 33, la communication d'informations supplémentaires. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 19 juillet 2024, la commune de Thonon-les-Bains a informé la société requérante des caractéristiques et des avantages de l'offre retenue. Dans ces circonstances, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Thonon-les-Bains a méconnu ses obligations de communication. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.
36. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation de la décision par laquelle l'offre de la société Casino de Thonon-les-Bains a été rejetée ainsi que les conclusions en annulation de la procédure de passation de la concession de service public portant sur la construction et l'exploitation du casino de Thonon-les-Bains doivent être rejetées.
37. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, accessoires des conclusions à fin d'annulation de la procédure d'attribution du contrat, doivent également être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
38. Il résulte des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
39. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Thonon-les-Bains qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Casino de Thonon-les-Bains la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Thonon-les-Bains en application desdites dispositions.
ORDONNE
Article 1er : La requête de la société Casino de Thonon-les-Bains est rejetée.
Article 2 : La société Casino de Thonon-les-Bains versera la somme de 1 500 euros à la commune de Thonon-les-Bains en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Casino de Thonon-les-Bains et à la commune de Thonon-les-Bains.
Fait à Grenoble, le 29 juillet 2024.
Le juge des référés,
S. Argentin
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2404799