Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 21 octobre 2010, 09-68.235

Mots clés
préjudice • rente • trésor • recours • service • société • réparation • subrogation • prétention • preuve • recouvrement • remboursement • renvoi • tiers • assurance

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
21 octobre 2010
Cour d'appel de Bordeaux
30 mars 2009

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    09-68.235
  • Dispositif : Cassation
  • Publication : Inédit au recueil Lebon - Inédit au bulletin
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Bordeaux, 30 mars 2009
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CCASS:2010:C201873
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000022947349
  • Identifiant Judilibre :61372792cd5801467742ca3e
  • Président : M. Loriferne (président)
  • Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
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Résumé

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Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ. 25 janvier 2007, pourvoi n° 05-20.162) que le 23 octobre 1997, Mireille X... épouse Y..., institutrice, conductrice d'un véhicule terrestre à moteur se rendant à son travail, après un incident de circulation routière l'ayant opposée à M. Z..., citoyen espagnol conducteur d'un véhicule poids lourd en position irrégulière sur la chaussée, a été victime d'un accident vasculaire cérébral ayant provoqué une hémiplégie avec diverses séquelles entraînant un taux d'incapacité permanente de 70% ; qu'aucune infraction n'ayant été relevée, les époux Y..., leur fils M. Dominique Y..., et leur assureur, la société Mutuelle assurance des instituteurs de France (l'assureur) ont assigné en indemnisation M. Z..., son assureur la société FIATC Mutua de Seguros et le Bureau central français (BCF) ; que l'implication du véhicule de M. Z... dans la réalisation du dommage corporel de Mireille Y... a été définitivement jugée par un arrêt du 19 juin 2003 ordonnant avant dire droit une expertise médicale ; que l'Etat a attribué à Mme Y... une pension civile d'invalidité comportant une part "services" pour des arrérages d'un montant de 10 518,03 euros et une part "invalidité" dont le capital représentatif a été fixé à 222 085,91 euros ; que l'arrêt du 30 juin 2005 liquidant, après expertise, les indemnités réparant les préjudices des consorts Y... ayant été cassé, et Mireille Y... puis Dominique Y... étant décédés respectivement les 5 mars 2008 et 20 septembre 2009, l'instance sur renvoi a été poursuivie par Mme Karine A..., veuve Y... en son nom personnel comme héritière de Mireille Y... et ès qualités de représentant légal de ses enfants mineurs Sébastien et Simon Y... eux-mêmes héritiers de Dominique Y..., et par M. Jean-Bernard Y... comme héritier de Mireille Y... (les consorts Y...) ;

Sur le premier moyen

:

Vu

les articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans leur rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, l'ordonnance n° 59-244 du 7 janvier 1959, les articles L. 27 et L 28 du code des pensions civiles et militaires, ensemble le principe de la réparation intégrale ; Attendu, selon ces textes, que les recours des organismes tiers-payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion des postes de préjudice à caractère personnel, et que, si le tiers-payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; que la pension civile d'invalidité versée à la victime d'un accident de service indemnise, d'une part les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de cette pension, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel, s'il existe ;

Attendu que pour condamner

, in solidum, M. Z..., la société FIATC Mutua de Seguros et le BCF à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 128 187,86 euros en remboursement des débours de l'Etat, l'arrêt énonce que la rente viagère d'invalidité prévue par les articles L. 27 et L. 28 du code des pensons civiles et militaires indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité et doit, en conséquence, s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ; que si l'agent judiciaire du Trésor estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer son recours sur ce poste, il lui appartient d'établir que, pour une part de cette prestation, il a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ; que par conséquent, si, en son principe, la demande de l'agent judiciaire du Trésor d'imputer le capital de la rente en partie sur le préjudice extra-patrimonial lié au déficit fonctionnel permanent est recevable, dans la mesure où cette rente est susceptible d'indemniser aussi, en partie, l'invalidité permanente, en revanche, il appartient au Trésor public de prouver quelle est la part du préjudice personnel que la rente indemnise ; que faute pour lui de rapporter cette preuve, il y a lieu de rejeter cette prétention ; que la rente ne s'impute donc que sur les pertes de gains futurs et l'incidence professionnelle ; que la perte de gains professionnels futurs subie par Mireille Y... jusqu'à sa prise de retraite le 13 novembre 1999 s'élève à 10 578,03 euros correspondant au montant de la retraite anticipée qui lui a été versée par l'Etat ; que l'agent judiciaire du Trésor ne peut donc exercer son recours au titre de la rente servie que sur cette somme ;

Qu'en statuant ainsi

, après avoir constaté que Mireille Y... n'avait subi aucune incidence professionnelle du dommage, et que sa perte de gains professionnels futurs avait été limitée, ce dont il résultait que le surplus de la créance de l'Etat au titre de la pension civile d'invalidité servie à la victime s'imputait nécessairement sur l'indemnité réparant le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;

Et sur le second moyen

:

Vu

l'article 1153 du code civil ; Attendu que la créance du tiers-payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, se borne au paiement d'une certaine somme ; Attendu que l'arrêt énonce que les sommes allouées à l'Etat porteront intérêts au taux légal à compter de sa date ;

Qu'en statuant ainsi

, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu

l'article 625 du code de procédure civile ; Attendu que la cassation par arrêt de ce jour de l'arrêt du 30 mars 2009 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif du 23 novembre 2009 qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ; CONSTATE l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt rectificatif de la cour d'appel de Bordeaux du 23 novembre 2009 ; DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la MAIF, M. Jean-Bernard Y... et Mme Karine A..., veuve Y... ; Condamne le Bureau central français, la société FIATC Mutua de Seguros et M. Z... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette l'ensemble des demandes présentées de ce chef ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé et de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux conseils pour l'agent judiciaire du Trésor PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation in solidum de M. Z..., la société Fiatc Mutua de Seguros et le Bureau Central Français au profit de l'Agent judiciaire du Trésor à la somme de 128.187,86 euros, en remboursement de ses débours ; AUX MOTIFS QUE (…) 3) pertes de gains professionnels futurs (PGPF) les appelants font valoir qu'il s'agit d'indemniser une invalidité partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation ; Qu'ils évaluent ce poste de préjudice à la somme de 10.578,03 euros correspondant au montant de la retraite anticipée versé par l'Etat pendant la période allant du 1er mars 1999 au 13 novembre 1999 ; Qu'ils font, en outre, valoir que la créance de l'Etat ne peut s'imputer que sur le poste PGFP ; Que l'Agent judiciaire du Trésor fait valoir, quant à lui, qu'il a été concédé à Mme Y... à compter du 1er mars 1999, une pension civile d'invalidité et que le préjudice consécutif à l'octroi de cette pension s'établit comme suit : A/ Au titre de la part service En tenant compte du fait que Mme Y... aurait pu normalement faire valoir ses droits à la retraite le 13 novembre 1999, le montant des arrérages versés à ce titre pour la période du 1er mars 1999 (date d'entrée en jouissance) au 13 novembre 1999 s'élève à 10.578,03 euros ; B/ Au titre de la part d'invalidité Montant du capital : 222.085,91 euros Calculé à partir des éléments suivants Montant annuel : 19.855,69 euros Age de la victime : 55 ans Prix de l'euro de rente : 11,185 Sous total pension : 232.663,93 euros Charges patronales Afférentes à la période d'indisponibilité susvisée : (12.841,88 euros + 9.202,65 euros) = 22.044,52 euros Que l'Agent judiciaire du Trésor fait remarquer que la pension civile d'invalidité comporte une part services et une part invalidité ; Qu'en ce qui concerne la part service, l'attribution de cette pension n'est pas subordonnée à la fixation d'un taux minimum d'invalidité mais à la constatation de l'incapacité permanente dans laquelle se trouve placé le fonctionnaire qui ne peut poursuivre l'exercice de ses fonctions ; Que cette pension est calculée à raison de 2% par annuité de service du traitement indiciaire du dernier emploi ; Que cette prestation rémunérant les services compense donc la perte économique et doit être imputée sur le préjudice professionnel ; Qu'en ce qui concerne la part invalidité, elle s'ajoute à la pension civile d'invalidité dans les cas où l'invalidité résulte de l'exercice des fonctions et qu'elle indemnise un préjudice économique ; Qu'il soutient donc que la rente indemnisant l'invalidité du fonctionnaire et correspondant à la fraction du dernier traitement égal au pourcentage d'invalidité (reconnue par l'expert) dont reste atteint le fonctionnaire lors de sa radiation des cadres, comporte une part économique et une part physiologique à répartir entre les différents postes de préjudice patrimoniaux et extra patrimoniaux ; Que soutenant par ailleurs qu'il est impossible de quantifier exactement ces parts, il propose d'imputer le capital de la rente pour moitié sur les pertes de gains et l'incidence professionnelle et pour l'autre moitié sur le préjudice extrapatrimonial lié au déficit fonctionnel permanent ; Que l'article L 28 du code des pensions civiles et militaires énonce : « Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services. Le montant de la rente d'invalidité est fixé à la fraction du traitement défini à l'article L 15 égale au pourcentage d'invalidité. Le taux d'invalidité est déterminé compte tenu d'un barème indicatif fixé par décret. La rente d'invalidité ajoutée à la pension ne peut faire bénéficier le titulaire d'émoluments totaux supérieurs aux émoluments de base visés à l'article L 15. Elle est liquidée, concédée et payée dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités que la pension. » Que la rente viagère d'invalidité prévue par les articles L 27 et L 28 du Code des pensions civiles et militaires de retraite indemnise notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité et doit, en conséquence, s'imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ; Que si l'Agent judiciaire du Trésor estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer son recours sur ce poste, il lui appartient d'établir que, pour une part de cette prestation, il a, effectivement et préalablement, indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ; Que par conséquent si, en son principe, la demande de l'Agent judiciaire du Trésor d'imputer le capital de la rente en partie sur le préjudice extra patrimonial lié au déficit fonctionnel permanent est recevable, dans la mesure où cette rente est susceptible d'indemniser aussi, en partie, l'invalidité permanente, en revanche, il appartient au Trésor public de prouver quelle est la part du préjudice personnel que la rente indemnise ; Que faute pour lui de rapporter cette preuve, il y a lieu de rejeter cette prétention ; Que la rente ne s'impute donc que sur les pertes de gains futurs et l'incidence professionnelle ; Que la perte de gains professionnels futurs subis par Mme Y... jusqu'à sa prise de retraite le 13 novembre 1999 s'élève à 10.578, 03 euros correspondant au montant de la retraite anticipée qui lui a été versée par l'Etat ; Que l'Agent judiciaire du Trésor ne peut donc exercer son recours au titre de la rente servie que sur cette somme ; ALORS QUE la pension civile d'invalidité servie à un agent qui, par suite d'une invalidité imputable au service, n'est pas maintenue en activité, en application des articles L 27 et L 28 du Code des pensions civiles et militaires de retraite, indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; D'où il résulte que la Cour d'appel ne pouvait exclure tout recours subrogatoire de l'Etat au titre de la pension civile d'invalidité sur l'indemnisation allouée en réparation du déficit fonctionnel permanent, sans violer l'article 1382 du Code civil et le principe de la réparation intégrale, ensemble les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2006, l'ordonnance n°59-244 du 7 janvier 1959 et des articles L 27 et L 28 du Code des pensions civiles et militaires de retraite ; SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les sommes allouées à l'Etat porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; ALORS QUE la créance du tiers payeur, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans les droits de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une certaine somme ; le point de départ des intérêts se situe donc, en application de l'article 1153 du Code civil, au jour de la demande ; De sorte qu'en jugeant que les sommes allouées à l'Etat, tiers payeur, porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt, la Cour d'appel a violé le texte susvisé.