Vu la requête
enregistrée le 30 décembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mostafa X..., demeurant chez M. Y... Baba, Résidence Saint-Guilhem 2, porte 73, 364 Le Grand Mail à Montpellier (34080) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 1999 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 16 novembre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Le Bihan-Graf, Auditeur,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la
régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "L'étranger peut demander au président du tribunal ou à son délégué ( ...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision attaquée a été prise" ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X... ait demandé au président du tribunal administratif de Montpellier ou à son délégué la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles a été pris l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 16 novembre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le magistrat délégué aurait méconnu le principe du contradictoire en ne lui communiquant pas les pièces en cause ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ; que, selon de l'article 12 bis de la même ordonnance : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris en dehors des cas d'urgence absolue ou de nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle a été pris l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, M. X... justifiait résider habituellement en France depuis plus de dix ans et pouvait donc prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour en application des dispositions précitées du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet de l'Hérault ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, prendre à son encontre l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunaladministratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 16 novembre 1999 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 4 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er
: Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 14 décembre 1999 et l'arrêté du 16 novembre 1999 par lequel le préfet de l'Hérault a ordonné la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... la somme de 4 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mostafa X..., au préfet de l'Hérault et au ministre de l'intérieur.