CJUE, Conclusions de l'avocat général Cosmas, 15 juillet 1997, C-200/92
Mots clés
commission · règlement · pourvoi · preuve · avancé · indices · orale · société · réouverture · point · adoption · vices · recours · question · suggérer
Synthèse
Juridiction : CJUE
Numéro affaire : C-200/92
Date de dépôt : 15 mai 1992
Titre : Pourvoi - Règlement de procédure du Tribunal - Réouverture de la procédure orale - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission.
Rapporteur : Mancini
Avocat général : Cosmas
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1997:359
Texte
Avis juridique important
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61992C0200
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 15 juillet 1997. - Imperial Chemical Industries plc (ICI) contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Règlement de procédure du Tribunal - Réouverture de la procédure orale - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission. - Affaire C-200/92 P.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-04399
Conclusions de l'avocat général
Dans la présente affaire, la Cour est invitée à statuer sur le pourvoi formé en vertu de l'article 49 du statut CEE de la Cour de justice par la société Imperial Chemical Industries plc (ci-après «ICI») et visant à l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 (1). L'arrêt attaqué avait rejeté le recours en annulation de la décision de la Commission, du 23 avril 1986 (2) (ci-après la «décision polypropylène»), formé par la requérante au pourvoi au titre de l'article 173 du traité CEE (ci-après le «traité»). Cette décision concernait l'application de l'article 85 du traité dans le secteur de la production de polypropylène.$
I - Les faits et le déroulement de la procédure devant le Tribunal de première instance
1 En ce qui concerne les faits de la cause et le déroulement de la procédure devant le Tribunal, l'arrêt attaqué fait apparaître les éléments suivants: avant 1977, le marché ouest-européen du polypropylène était approvisionné presque exclusivement par dix producteurs, parmi lesquels figurait ICI (un de ceux qui étaient considérés comme les «quatre grands»), dont la part de marché oscillait entre 10,6 et 11,4 %. Après 1977, à la suite de l'expiration des brevets de la société Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus sur le marché, avec une importante capacité de production. Ce fait ne s'est pas accompagné d'un accroissement correspondant de la demande, de sorte qu'il n'y avait pas d'équilibre entre l'offre et la demande, du moins jusqu'en 1982. D'une manière plus générale, le marché du polypropylène se caractérisait, au cours de la majeure partie de la période 1977-1983, par un faible rendement et/ou des pertes importantes.
2 Les 13 et 14 octobre 1983, des agents de la Commission ont procédé, en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962 (3), à des vérifications simultanées dans les locaux d'une série d'entreprises opérant dans le secteur de la production de polypropylène. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé, en vertu de l'article 11 du règlement n_ 17, des demandes de renseignements aux entreprises précitées ainsi qu'à d'autres sociétés ayant un objet connexe. Les informations recueillies dans le cadre de ces vérifications et de ces demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure que, entre 1977 et 1983, certains producteurs, dont ICI, avaient agi en violation de l'article 85 du traité. Le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 et a communiqué ses griefs par écrit aux entreprises concernées.
3 A l'issue de cette procédure, la Commission a arrêté, le 23 avril 1986, la décision précitée, contenant le dispositif suivant:
«Article premier
[Les entreprises] ... ICI plc ... ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant:
...
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins,
...
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun:
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;
b) ont fixé périodiquement des prix `cibles' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'`account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un `quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
...
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:
... viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 £;
...»
4 Sur les quinze entreprises destinataires de la décision polypropylène, quatorze - dont la requérante au pourvoi - ont formé un recours en annulation de la décision précitée de la Commission. Lors de la procédure orale qui a eu lieu devant le Tribunal du 10 au 15 décembre 1990, les parties ont plaidé leur cause et ont répondu aux questions du Tribunal.
5 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 1992, et alors que la procédure orale et la procédure écrite étaient achevées, mais, en tout cas, avant que l'arrêt ne fût rendu, ICI a demandé au Tribunal d'ordonner la réouverture de la procédure orale. A l'appui de sa demande, elle a avancé un certain nombre d'éléments de fait dont, selon elle, elle n'a eu connaissance qu'après la clôture de la procédure orale, plus particulièrement après qu'a été rendu l'arrêt BASF e.a./Commission (ci-après les «affaires PVC») (4). ICI a fait valoir qu'il résultait de ces éléments que la décision attaquée de la Commission était entachée de vices de forme substantiels, dont l'examen requérait de nouvelles mesures d'instruction.
Dans son arrêt du 10 mars 1992, le Tribunal, après avoir entendu de nouveau l'avocat général sur ce point, a rejeté la demande de réouverture de la procédure orale; il a en même temps réduit l'amende et rejeté le recours pour le surplus.
6 ICI a formé le pourvoi en cause contre cet arrêt en demandant à la Cour d'annuler cet arrêt et de constater l'inexistence de la décision polypropylène de la Commission, ou de l'annuler, ou encore, subsidiairement, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal. Elle a demandé en même temps que la défenderesse soit condamnée aux dépens. Dans ses observations dans le cadre du pourvoi, ICI a déclaré que, à la suite de l'arrêt Commission/BASF e.a. de la Cour (5), elle n'invoquait plus l'inexistence de la décision polypropylène, mais elle maintenait de toute façon ses allégations relatives à la nullité de cette décision.
La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.
La société DSM NV est intervenue dans l'affaire pendante à l'appui des conclusions d'ICI.
II - La recevabilité de l'intervention
7 En ce qui concerne la recevabilité de l'intervention de la société DSM dans la présente affaire, les considérations que nous avons exposées aux points pertinents de nos conclusions dans l'affaire connexe Hüls/Commission (6), auxquelles nous renvoyons, sont en principe applicables. De cette analyse, il ressort ce qui suit:
L'intervention de la société DSM dans la présente affaire pourrait être jugée partiellement recevable, pour la partie où l'intervenante se rallie à la requérante au pourvoi, dans la mesure où celle-ci demande à la Cour, après avoir annulé l'arrêt rendu en première instance, de constater l'inexistence de la décision litigieuse polypropylène. Les autres chefs de conclusion de la partie intervenante, ou les arguments qu'elle avance à l'appui d'autres chefs de conclusion de la requérante, ne doivent de toute façon pas être examinés quant à leur bien-fondé, étant donné qu'ils sont irrecevables.
Toutefois, dans son mémoire en réplique dans la présente affaire, la requérante a retiré ses allégations concernant l'inexistence de la décision polypropylène; en d'autres termes, elle a restreint ses chefs de conclusion et elle sollicite désormais non plus la constatation de l'inexistence de ladite décision, mais son annulation. Par conséquent, l'intervention de la société DSM est devenue irrecevable, faute d'intérêt légitime.
III - Les dispositions décisives et la jurisprudence PVC de la Cour
Nous renvoyons aux points 19 à 23 des nos conclusions dans l'affaire Hüls/Commission, précitée.
IV - L'arrêt attaqué
8 Le Tribunal a rejeté les chefs de conclusion figurant dans le mémoire que la requérante a déposé le 4 mars 1992, et cela pour les motifs suivants, qui figurent au point 401 de l'arrêt attaqué:
«Il y a lieu de relever que l'arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315), ne justifie pas en lui-même la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En effet, le Tribunal constate qu'un acte notifié et publié doit être présumé valide. Il incombe donc à celui qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l'inexistence d'un acte de fournir au Tribunal des raisons de passer outre à l'apparence de validité de l'acte formellement notifié et publié. En l'espèce, les requérantes dans la présente affaire n'ont avancé aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège. En particulier, contrairement aux affaires PVC (arrêt du 27 février 1992, précité, T-79/89, T-84/89 à T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, points 32 et suivants), les requérantes n'ont avancé, en l'espèce, aucun indice de ce que le principe de l'intangibilité de l'acte adopté a été violé par une modification du texte de la décision après la réunion du collège des commissaires au cours de laquelle celle-ci a été adoptée».
V - Les moyens de pourvoi
A - Les arguments des parties
a) Les allégations de la requérante
9 Dans ses pièces de procédure, ICI invoque, d'une part, des irrégularités entachant la procédure suivie devant le Tribunal et, d'autre part, des violations du droit communautaire que, selon elle, le Tribunal a commises au cours du procès. Plus précisément, elle soutient que, en refusant de rouvrir la procédure orale et d'ordonner de nouvelles mesures d'organisation de la procédure, comme il y avait été invité, le Tribunal a violé des règles matérielles et procédurales du droit communautaire, lésant ainsi les droits de la défense de la requérante. Elle estime que, pour ce qui est du rejet de la demande de réouverture de la procédure orale, l'arrêt attaqué se fonde sur une motivation erronée en droit. En tout état de cause, le Tribunal était tenu, selon elle, d'accueillir les chefs de conclusion contenus dans son mémoire du 4 mars 1992, étant donné qu'ils s'appuyaient sur des éléments factuels et des allégations d'une importance décisive pour la solution du litige et qu'il n'avait pas été possible de faire valoir à un stade antérieur de la procédure; en donnant une réponse négative à ce mémoire, le Tribunal ne s'est pas acquitté de son obligation d'exercer dûment les compétences que lui confère le règlement de procédure du Tribunal.
10 A titre subsidiaire, la requérante soutient que le Tribunal aurait dû annuler d'office la décision polypropylène pour violation des formes substantielles. En outre, dans la mesure où les vices de forme substantiels en question relèvent de la catégorie des moyens d'annulation qui sont contrôlés d'office, la Cour est tenue de les examiner d'office et de prendre les mesures nécessaires pour pouvoir se prononcer à leur égard. Plus particulièrement, la requérante prétend que les motifs qui figurent au point 401 de l'arrêt attaqué et sur la base desquels sa demande de réouverture de la procédure orale et d'adoption de mesures d'organisation de la procédure a été rejetée sont erronés en droit.
11 ICI observe tout d'abord que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'elle s'était prévalue de l'arrêt PVC du Tribunal (7) à l'appui des demandes précitées. L'élément décisif qu'elle avait avancé dans son mémoire n'était pas l'arrêt PVC, mais les déclarations faites par les agents de la Commission au cours de la procédure orale dans les affaires PVC. Il ressortait de ces déclarations que la Commission avait délibérément omis de se conformer à toute une série de règles de procédure, tant lors de l'adoption de la décision PVC que lors de l'adoption d'autres décisions connexes, telles que la décision polypropylène.
12 En outre, la requérante estime que le motif du Tribunal, selon lequel elle n'a pas avancé d'indices de nature à suggérer que la décision polypropylène n'avait pas été adoptée par les membres de la Commission agissant comme collège, est dénué de fondement dans la mesure où il ressortait clairement des déclarations précitées, faites par les agents de la Commission au cours de la procédure orale dans les affaires PVC devant le Tribunal, que la Commission ne respectait plus la forme prescrite par l'article 12 du règlement intérieur lorsqu'elle arrêtait ses décisions; les mêmes agents de la Commission ont défendu la pratique de la Commission qui consiste à modifier le contenu de ses décisions postérieurement à leur adoption et à déléguer à un de ses membres la rédaction du texte de ses décisions dans certaines langues authentiques. Il existait donc, de l'avis d'ICI, des indices de nature à suggérer que ces irrégularités ont également existé lors de l'adoption de la décision litigieuse polypropylène.
13 La requérante juge erronés les motifs de l'arrêt attaqué selon lesquels c'est à la partie qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l'inexistence d'une décision qu'il incombe de fournir au juge les raisons de passer outre à l'«apparence de validité» qui s'attache à cette décision par le seul fait qu'elle a été notifiée et publiée. Elle considère que ce raisonnement est erroné en droit. Dans la mesure où seule la Commission disposait des données de nature à faire apparaître l'existence de vices de forme entachant la décision polypropylène, sans qu'ICI ait accès à ces données, il est contraire aux principes d'équité, d'égalité de traitement entre les parties et de sécurité juridique d'empêcher que la validité d'une décision soit contestée au motif que les requérantes n'étaient pas en mesure de connaître les éléments de preuve décisifs au moment approprié, de manière à pouvoir les contester dans les délais. En tout état de cause, la requérante estime que les éléments qu'elle avait exposés dans son mémoire du 4 mars 1992 suffisaient à mettre en cause l'«apparence de validité» de cette décision.
14 En ce qui concerne le point de l'arrêt attaqué selon lequel la requérante n'a, en première instance, avancé aucun indice de ce que «le principe d'intangibilité de l'acte adopté a été violé...», ICI fait remarquer qu'elle a effectivement omis d'avancer des éléments de nature à faire apparaître que le contenu de la décision a été modifié après son adoption. Toutefois, cette omission s'explique par le fait que, contrairement à ce qui s'était passé dans les affaires PVC, le texte de la décision polypropylène qui lui avait été notifié ne contenait pas d'altérations ni de modifications flagrantes. Il n'en demeure pas moins que tant les déclarations faites par les agents de la Commission dans les affaires PVC que le fait que beaucoup de temps s'est écoulé entre l'adoption de la décision (23 avril 1986) et sa notification (22 mai 1986) donnent à penser que cette décision a fait l'objet de modifications. Or, ICI précise en tout état de cause que, compte tenu de ce que la Cour a admis dans l'arrêt PVC, l'absence d'indices de ce que la décision a été modifiée ne pouvait pas justifier le rejet de la demande de réouverture de la procédure orale, dans la mesure où la question décisive était celle du respect de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission; dès lors qu'il ne subsistait plus de doutes à ce sujet, après les déclarations des agents de la Commission dans les affaires PVC, le Tribunal devait ordonner la réouverture de la procédure.
15 Plus particulièrement, la requérante observe que, selon l'arrêt PVC de la Cour, l'authentification des décisions de la Commission au titre de l'article 12 de son règlement intérieur est une forme substantielle dont la violation est à elle seule une raison suffisante pour annuler la décision non authentifiée, sans qu'il faille produire des preuves supplémentaires afin de renverser la présomption de légalité dont jouit cette décision ou d'établir que son contenu a été modifié après son adoption. La solution donnée par l'arrêt attaqué, selon laquelle la violation de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission n'entraîne pas ipso facto l'annulation de la décision entachée de cette irrégularité, est erronée en droit et doit dès lors être annulée.
16 En outre, la requérante fait remarquer que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu'elle n'avait pas fourni dans son mémoire les «indices» nécessaires, de nature à établir le bien-fondé de sa demande de réouverture de la procédure orale. S'agissant de la question des éléments qu'elle devait produire à l'appui des chefs de conclusion figurant dans son mémoire, elle observe ce qui suit: tout d'abord, il n'était à son avis pas nécessaire d'avancer un quelconque élément de preuve; en effet, aussi bien le Tribunal dans un premier temps que la Cour au stade du pourvoi peuvent recueillir de leur propre initiative les éléments de preuve décisifs et annuler d'office la décision polypropylène pour violation d'une forme substantielle. Or, ICI estime en tout état de cause qu'elle s'est conformée aux règles relatives à la charge de la preuve et qu'elle a avancé les éléments et les indices que, selon ces règles, elle devait avancer. A cet égard, elle juge utile de reprendre les solutions données dans des arrêts récents du Tribunal, dans lesquels celui-ci a été confronté exactement au même problème juridique que celui qui se pose dans la présente affaire (8).
17 La requérante juge encore utile de souligner que les arguments relatifs aux vices de forme précités, entachant la décision polypropylène, n'ont pas été soulevés tardivement et hors délai; par conséquent, le Tribunal aurait dû les apprécier. Elle invoque les dispositions précitées de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal qui, selon l'interprétation qu'elle juge la plus correcte, permettent de produire de nouveaux moyens à chaque stade de l'instance dès lors qu'ils sont fondés sur des faits qui se sont révélés au cours de la procédure. Elle soutient que la procédure ne se termine que par le prononcé de l'arrêt définitif du Tribunal, de sorte que, le 4 mars 1992, date du dépôt de son mémoire au Tribunal, elle avait parfaitement le droit d'invoquer des éléments dont elle a pris connaissance après la clôture de la procédure orale et de produire de nouveaux moyens. La possibilité de compléter ses allégations jusqu'à la date de l'arrêt du Tribunal ressort également du libellé des articles 49 et 62 du règlement de procédure. Par ailleurs, ICI relève que, dans les affaires PVC, PEBD (9), AAC e.a./Commission (10) et «Carbonate de soude» (11), le Tribunal a accepté d'examiner exactement les mêmes arguments que ceux avancés par les sociétés requérantes dans ces affaires, bien qu'ils n'aient pas été avancés au moment approprié. En outre, dans les affaires PVC, la Cour ne s'est pas penchée sur le fait, constaté par le Tribunal, que l'une des sociétés concernées (Montedison, pour la citer) n'avait pas allégué les vices de forme de la décision attaquée au cours de la procédure écrite, mais les avait invoqués pour la première fois à l'audience. La requérante déduit du point de vue adopté par la Cour dans l'arrêt PVC que, sous l'angle procédural, il est possible d'alléguer des vices de forme entachant la décision attaquée même après la clôture de la procédure écrite. Enfin, elle ajoute que, en tout état de cause, la question du dépôt tardif de son mémoire et du recours aux arguments que celui-ci contient n'a aucune importance pratique, dans la mesure où le Tribunal devait examiner ces arguments d'office.
18 En ce qui concerne l'obligation de rechercher d'office les vices de procédure des décisions attaquées en dehors des délais de procédure prescrits, la requérante observe qu'elle est fondée sur les principes d'économie de la procédure et de bonne administration de la justice et qu'elle est reconnue par la jurisprudence (12).
b) Les allégations de la défenderesse
19 Pour sa part, la Commission adopte une approche différente quant à l'interprétation tant des dispositions pertinentes du droit communautaire que des conclusions qu'il convient de tirer de la jurisprudence PVC de la Cour. Selon la Commission, il ne fait aucun doute que c'est aux parties qui ont un intérêt légitime qu'il incombe d'invoquer les vices de procédure entachant la décision qu'elles ont attaquée et de produire en temps utile les preuves s'y rapportant. D'un point de vue procédural, il convient d'invoquer ces vices dès la requête introductive d'instance, à moins que les allégations y relatives ne soient fondées sur des éléments de preuve qui sont apparus au cours de la procédure. En particulier, dans le cas où c'est le non-respect de l'exigence procédurale que constitue l'authentification des décisions de la Commission, conformément à l'article 12 de son règlement intérieur, qui est invoqué, la mise en cause du respect de cette exigence doit être fondée sur des indices décisifs, allégués en temps utile par la partie qui a la charge de la preuve et permettant de mettre en doute l'existence d'un original authentifié de la décision de la Commission; la défenderesse tire cette conclusion des points 73 à 76 de l'arrêt PVC de la Cour. Pour ce qui est des recours formés contre sa décision polypropylène, la Commission soutient que les requérantes n'ont pas avancé les indices décisifs au sens précité et que, en tout état de cause, elles ne l'ont pas fait en temps utile (13).
20 Pour ce qui est en particulier du présent pourvoi, la Commission fait remarquer ce qui suit: le rejet par le Tribunal de la demande de réouverture de la procédure orale, présentée par ICI, rejet contre lequel est dirigé le présent pourvoi, est fondé sur deux motifs, indiqués au point 401 de l'arrêt attaqué. D'une part, le Tribunal précise que le fait qu'ICI invoque l'arrêt PVC ne justifie pas à lui seul la réouverture de la procédure orale. D'autre part, il a jugé qu'ICI n'avait avancé aucun indice de nature à suggérer que la décision litigieuse polypropylène n'avait pas été adoptée légalement par les membres de la Commission agissant comme collège ou qu'elle a été modifiée postérieurement à son adoption.
21 En ce qui concerne le premier motif, la Commission souscrit au point de vue du Tribunal et précise que c'est à bon droit que l'arrêt PVC du Tribunal n'a pas été considéré comme un élément de preuve décisif, de nature à justifier la réouverture de la procédure orale. Elle ajoute que c'est à tort que la requérante allègue que sa demande de réouverture de la procédure orale n'était pas fondée sur l'arrêt PVC du Tribunal, mais sur des éléments de fait de nature distincte. A cet effet, elle se prévaut du libellé de la demande présentée par ICI au Tribunal le 4 mars 1992; elle observe que cette demande fait expressément référence à l'arrêt PVC du Tribunal. Par ailleurs, si ICI voulait vraiment fonder sa demande non pas sur l'arrêt précité, mais sur les déclarations faites par les agents de la Commission dans la procédure orale dans les affaires PVC, elle n'aurait pas attendu le prononcé de l'arrêt, mais l'aurait introduite immédiatement après que ces déclarations ont été faites, c'est-à-dire immédiatement après le 10 décembre 1991.
22 Quant aux griefs d'ICI dirigés contre le deuxième motif figurant au point 401 de l'arrêt attaqué, la Commission estime qu'ils sont irrecevables. Plus précisément, ce motif s'appuie sur la constatation du Tribunal selon laquelle, dans sa demande du 4 mars 1992, ICI n'a avancé aucun indice de nature à suggérer que la décision polypropylène de la Commission n'a pas été adoptée par les membres de la Commission agissant comme collège ou a été modifiée après son adoption. La Commission relève qu'une simple lecture de la demande présentée par ICI le 4 mars 1992 permet de conclure au défaut de production d'indices concrets d'une modification illégale du contenu de la décision polypropylène postérieurement à son adoption; la requérante ne le conteste du reste pas. En outre, la question de savoir si des indices suffisants ont été ou non avancés en ce qui concerne les vices plausibles de la décision en cause est une question de fait et non de droit. Par conséquent, elle ne peut pas faire l'objet d'un contrôle au stade du pourvoi.
Enfin, la défenderesse allègue que, en tout état de cause, en refusant de rouvrir la procédure orale et d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction, nonobstant la demande présentée en ce sens par ICI, le Tribunal n'a violé aucune règle, matérielle ou procédurale, du droit communautaire; les moyens invoqués à cet égard par la requérante doivent dès lors être rejetés comme non fondés. Selon la Commission, c'est à bon droit que le Tribunal a écarté la demande d'ICI, dans la mesure où elle n'était pas basée sur des moyens de fait ou de droit de nature à ébranler la présomption de légalité dont la décision polypropylène bénéficiait dès son adoption et sa notification. La Commission invoque l'arrêt PVC de la Cour, dont on peut dégager, selon elle, le principe d'interprétation selon lequel la présomption de légalité d'une décision d'une institution communautaire ne peut être ébranlée que si la partie qui justifie d'un intérêt légitime peut faire état de doutes sérieux et légitimes quant au respect des règles de procédure par l'auteur de la décision en question. En outre, ces doutes doivent être avancés en temps utile (14). La défenderesse applique ce principe d'interprétation aux données de la présente affaire et observe que c'est à bon droit que le Tribunal n'a pas ordonné la réouverture de la procédure orale, non seulement parce qu'ICI n'a pas avancé à l'appui de sa demande des indices suffisamment sérieux, de nature à suggérer les vices de procédure allégués de la décision polypropylène, mais aussi parce que ces indices ont été avancés tardivement. La Commission estime que ce motif transparaît dans la réponse négative que le Tribunal a donnée à la demande de réouverture de la procédure, présentée par ICI. Cela ressort également du libellé des arrêts du Tribunal, publiés le même jour que l'arrêt attaqué, sur les autres recours formés contre la même décision et la Commission précise en conclusion que c'est à tort que la requérante prétend que le Tribunal a exigé d'elle que, pour que sa demande de réouverture de la procédure soit accueillie, elle produise des éléments de preuve complets, étant donné qu'elle n'explique pas pourquoi cette demande et les arguments qui l'étayent ont été présentés tardivement; sous cet angle, les critères utilisés en l'espèce par le Tribunal étaient légaux.
B - Appréciation des moyens d'annulation
23 a) Nous commencerons par la légalité du premier motif figurant au point 401 de l'arrêt attaqué. Le Tribunal a rejeté la demande de réouverture de la procédure orale, présentée par ICI, parce qu'il a considéré qu'ICI invoque dans sa demande, comme seul indice de nature à suggérer l'existence de vices de forme entachant la décision polypropylène, le contenu de l'arrêt PVC du Tribunal du 27 février 1992 (15). Selon la requérante, le Tribunal a mal apprécié le contenu de sa demande du 4 mars 1992; dans cette demande, l'élément décisif qui amène à s'interroger sur la validité formelle de la décision polypropylène était non pas l'arrêt PVC du Tribunal, mais les déclarations précitées des agents de la Commission au cours de l'audience dans les affaires PVC, qui a eu lieu le 10 décembre 1991 (16).
24 Or, il ressort du point 401 de l'arrêt attaqué que le Tribunal fonde sa réponse négative sur le fait qu'ICI n'a avancé «... aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège...». Aussi le Tribunal ne s'est-il pas borné dans son arrêt à préciser qu'il ne suffit pas d'invoquer l'arrêt PVC pour justifier la réouverture de la procédure, mais il a tenu compte de l'ensemble des moyens de fait et de droit qui figuraient dans la demande présentée par ICI le 4 mars 1992. Ce moyen est donc dénué de fondement.
25 b) Il convient ensuite d'examiner le deuxième motif figurant au point 401 de l'arrêt attaqué. Il faut tout d'abord se prononcer sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission contre les griefs d'ICI dirigés contre l'appréciation du Tribunal quant à l'absence d'indices de nature à suggérer l'existence de vices de forme entachant prétendument la décision polypropylène. La Commission soutient que cette appréciation du Tribunal porte sur des faits, c'est-à-dire qu'elle ne constitue pas une question juridique susceptible d'un contrôle au pourvoi. A notre avis, cette présentation des choses n'est pas correcte. La requérante ne conteste pas la constatation et l'appréciation des faits, effectuées par le Tribunal, mais prétend qu'il y a eu interprétation erronée de la loi. Plus précisément, elle soutient que le Tribunal a exigé d'elle qu'elle produise à l'appui de ses allégations des preuves excessives, dépassant ce qu'exigent normalement les règles relatives à la charge de la preuve. Elle soutient également que, en jugeant que le mémoire du 4 mars 1992 ne contenait «... aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège...», le Tribunal avait mal appliqué les règles, relatives à la charge de la preuve, aux faits. Par conséquent, ces arguments avancés par la requérante sont recevables.
26 En ce qui concerne le bien-fondé des griefs en question, nous renvoyons à notre analyse exposée aux points 50 à 57 de nos conclusions dans l'affaire Hüls/Commission. Il appert de cette analyse que le Tribunal ne pouvait exiger d'ICI qu'elle produise des éléments de preuve plus complets ou, pour être précis, des «indices» de l'existence d'éventuels vices de forme dans la décision polypropylène. En jugeant simplement que ladite société n'a avancé aucun indice de nature à suggérer l'existence de ces vices, il a commis une erreur de droit en méconnaissant les règles relatives à la charge de la preuve, si bien que ce point de l'arrêt attaqué n'est pas correct.
27 c) Il reste ensuite à examiner si le Tribunal pouvait rejeter la demande présentée par ICI le 4 mars 1992 en se fondant sur d'autres motifs. En d'autres termes, il reste à examiner dans quelle mesure le Tribunal devait, soit en accueillant la demande du 4 mars 1992 soit en agissant d'office, rouvrir la procédure orale et ordonner des mesures d'organisation de la procédure, afin d'examiner plus en détail si la décision polypropylène n'était pas entachée de vices de forme.
28 Il convient tout d'abord d'observer que la question soulevée par la requérante a un caractère juridique et est donc recevable au stade du pourvoi, contrairement à ce que prétend la Commission. Plus précisément, la question de savoir dans quelle mesure l'interprétation et l'application correctes des règles relatives à la charge de la preuve, en combinaison avec les dispositions des articles 48, 62 et 64 du règlement de procédure du Tribunal, imposaient ou non à celui-ci d'ordonner la réouverture de la procédure orale sur la seule base des indices invoqués par ICI dans son mémoire du 4 mars 1992 est une question juridique, qui concerne la soumission des faits constatés aux règles de droit applicables, de sorte qu'elle peut faire l'objet d'un contrôle dans le cadre du pourvoi.
29 Nous répondrons par la négative à cette question. Nous estimons que c'est à bon droit qu'il n'y a pas eu réouverture de la procédure étant donné que la demande de réouverture ne remplissait pas les conditions requises et qu'il n'y avait pas non plus d'obligation de réouverture découlant des règles du droit procédural communautaire sur le contrôle juridictionnel d'office de certaines questions juridiques. Ce point de vue s'appuie sur l'analyse développée aux points 58 à 79 de nos conclusions dans l'affaire Hüls/Commission, à laquelle nous renvoyons en l'espèce.
VI - Conclusion
30 Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour:
1) de rejeter intégralement le pourvoi formé par la société Imperial Chemical Industries plc;
2) de rejeter la requête en intervention;
3) de condamner la partie intervenante à ses propres dépens;
4) de condamner la requérante aux autres dépens.
(1) - ICI/Commission (T-13/89, Rec. p. II-1021).
(2) - IV/31.149 - Polypropylène (JO L 230, p. 1).
(3) - Premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).
(4) - Arrêt du 27 février 1992 (T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315).
(5) - Arrêt du 15 juin 1994, dit «PVC» (C-137/92 P, Rec. p. I-2555).
(6) - Points 10 à 15 de nos conclusions dans l'affaire C-199/92 P, présentées également ce jour.
(7) - Précité, note 4.
(8) - Selon ICI, les indices correspondants, avancés par les requérantes dans les affaires PVC (citées dans la note 4) et BASF e.a./ Commission (arrêt du 6 avril 1995, dit «PEBD», T-80/89, T-81/89, T-83/89, T-87/89, T-88/89, T-90/89, T-93/89, T-95/89, T-97/89, T-99/89, T-100/89, T-101/89, T-103/89, T-105/89, T-107/89 et T-112/89, Rec. p. II-729), avaient à l'évidence moins de poids que ceux qui ont été avancés dans la présente affaire; or, le Tribunal n'avait pas refusé de les prendre en considération et d'obliger la Commission à produire les éléments nécessaires pour établir le bien-fondé de ces allégations.
La requérante considère également que le Tribunal a déjà abandonné la solution adoptée dans cette affaire: le revirement de la jurisprudence apparaît dans les arrêts du 29 juin 1995, Solvay/Commission (T-32/91, Rec. p. II-1825), ICI/Commission (T-36/91, Rec. p. II-1847), et ICI/Commission (T-37/91, Rec. p. II-1901), dits «Carbonate de soude», dans lesquels, toujours selon ICI, le Tribunal a jugé, d'une part, que les déclarations des agents de la Commission dans les affaires PVC pouvaient être invoquées par les requérantes comme des indices de nature à suggérer l'existence d'un vice de forme substantiel entachant la décision attaquée et, d'autre part, que, par ces déclarations, la Commission a admis que, dans ses décisions antérieures à la fin de 1991, elle ne respectait pas les règles de procédure prescrites.
En outre, la requérante rappelle que, dans son arrêt du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T-77/92, Rec. p. II-549), le Tribunal avait invité la Commission à produire, préalablement à l'audience, l'original authentique de la décision attaquée.
(9) - Précitées, note 8.
(10) - Arrêt du 27 avril 1995 (T-442/93, Rec. p. II-1329).
(11) - Précitées, note 8. La requérante met en exergue les similitudes entre ces affaires et l'affaire en cause et elle estime que le raisonnement suivi dans ces affaires aurait dû l'être également lors de l'appréciation de son propre recours. Selon elle, dans les arrêts «Carbonate de soude», le Tribunal a jugé comme suit: il a admis que la requérante avait avancé le nouvel argument relatif à la présomption d'irrégularités de forme le plus rapidement possible; il a estimé aussi que la requérante ne pouvait pas prévoir la violation de l'article 12 du règlement intérieur de la Commission avant que ne soit connue la position des agents de la Commission lors de l'audience dans l'affaire PVC et que c'est à bon droit que la requérante avait attendu le prononcé de l'arrêt définitif PVC avant d'avancer ces nouveaux arguments.
(12) - La requérante renvoie à la solution donnée par le Tribunal dans les arrêts PVC et Carbonate de soude, précités dans la note 8, et aux arrêts du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité de la CECA (18/57, Rec. p. 89); du 7 mai 1991, Interhotel/Commission (C-291/89, Rec. p. I-2257), et Oliveira/Commission (C-304/89, Rec. p. I-2283).
(13) - La Commission estime que, même si les déclarations faites par les agents de la Commission à l'audience du Tribunal dans l'affaire PVC sont finalement considérées comme des indices décisifs pour trancher la présente affaire, c'est de nouveau à bon droit que ces indices n'ont pas été pris en considération au motif qu'ils ont été produits tardivement. Plus précisément, la Commission soutient, d'une part, que les déclarations en question ont été faites à l'audience du 20 novembre 1991, et non le 10 décembre 1991, comme le prétend la requérante; d'autre part, que, quand bien même on accepterait cette dernière date, le mémoire demandant la réouverture de la procédure orale a été déposé tardivement, à savoir seulement début mars 1992.
(14) - A l'appui de ses allégations, la Commission invoque les arrêts du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission (T-34/92, Rec. p. II-905), et Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957).
(15) - Il est indifférent que le Tribunal ait conclu à juste titre que les vices suggérés, à supposer qu'ils existent, ne rendaient pas la décision inexistante (voir à cet égard notre analyse de l'arrêt PVC de la Cour dans nos conclusions dans l'affaire Hüls/Commission, points 20 et suiv.). L'élément décisif, avancé par la requérante dans la procédure devant le Tribunal, ne réside pas dans la probabilité que l'acte attaqué soit inexistant, mais dans l'éventualité que les vices de forme consistant dans l'absence d'authentification de l'acte, la modification a posteriori de son contenu et la violation de son régime linguistique, soient rétablis. En d'autres termes, ce n'est pas la qualification juridique que les parties donnent des faits qui importe pour le juge communautaire, mais les faits eux-mêmes qu'elles invoquent. Cela vaut surtout lorsque la possibilité existe que ces faits, s'ils sont établis, ne rendent pas l'acte inexistant, mais n'en constituent pas moins une violation d'une forme substantielle de la procédure lors de l'adoption de la décision litigieuse.
(16) - Il convient de faire remarquer que cette allégation de la requérante est recevable au stade du pourvoi. S'il est vrai que le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, il ne peut toutefois pas méconnaître une allégation de fait, légalement invoquée devant lui par l'une des parties.