Tribunal de Grande Instance de Paris, 7 avril 2009, 2007/03882

Mots clés contrats · contrat de licence exclusive de marque · manquement aux obligations contractuelles · obligation d'exclusivité · contrat de communication de savoir-faire · résiliation · obligation d¿exécution de bonne foi · préjudice · preuve

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2007/03882
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PASCAL ROSIER
Parties : R (Pascal) / GEORGES LALO SA
Président : Mme BELFORT

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 07 Avril 2009

3ème chambre 1ère section N° RG : 07/03882

DEMANDEUR

Monsieur Pascal R représenté par Me Stéphane CAMUZEAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C252

DÉFENDERESSE

S.A. GEORGES LALO [...] 75010 PARIS représentée par Me Franck VALENTIN, - SELAS DE GAULLE FLEURANCE & Associés avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine C. Vice Présidente Anne CHAPLY, Juge Cécile VITON, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS

A l'audience du 03 Mars 2009, tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition de la décision au greffe Contradictoirement en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

.

M. Pascal R et la société GEORGES LALO ont conclu le 7 septembre 2005 une licence d'usage et d'exploitation de la marque PASCAL ROSIER déposée à l'INPI sous le n° 98 732 571 ainsi qu'une licence de savoir faire.

Le 19 juin 2006, la société GEORGES LALO a demandé à M. Pascal R de donner des explications sur la fabrication et la distribution de produits de moulage supportant la marque PASCAL ROSIER par le GIE PEBEO et a sollicité une modification sur l'exclusivité et la liste des produits à jour. M. Pascal R a par courriel répondu qu'il avait été lié au GIE PEBEO selon contrat de licence de marque et de savoir faire qui a été résilié en 2001 et a demandé à son ancien co-contractant de cesser toute diffusion des produits supportant sa marque.

Le 25 juillet 2006, la société GEORGES LALO adressait à M. Pascal R un projet que ce dernier interprétait comme étant un nouveau contrat et non un avenant, contrat qu'il contestait.

Par acte en date du 4 octobre 2006, la société GEORGES LALO a adressé une mise en demeure à M. Pascal R qui y a répondu le 8 octobre 2006.

Le 9 novembre 2006, la société GEORGES LALO a adressé deux lettres à M. Pascal R, l'une demandant la suite à réserver au contrat et l'autre résiliant le contrat du 7 septembre 2005 aux torts de M. Pascal R.

Par acte du 29 novembre 2006, M. Pascal R a fait assigner la société GEORGES LALO afin que le tribunal : Dise que la société GEORGES LALO a de façon abusive procédé unilatéralement à la résiliation du contrat du 7 septembre 2005. La déclare responsable des préjudices subis de ce fait par M. Pascal R. La condamne à payer à M. Pascal R : *40.000 euros à titre de dommages et intérêts représentant les redevances minima non perçues du fait de la résiliation avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2006,

*2.925 euros en remboursement des frais de dépôt de marque exposés par M. Pascal R auprès de l'INPI en exécution du contrat, * 16.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du préjudice commercial subi du fait de la résiliation, Dise que les intérêts porteront intérêt au taux légal en application de l'article 1154 du Code civil, Constate que la présente assignation emporte sommation pour la société GEORGES LALO d'avoir, dès lors qu'elle s'estime délivrée du contrat à ses risques et périls, à restituer sans délai l'intégralité de la documentation remise et notamment un CD ROM complet remis à la société GEORGES LALO lors de la signature du contrat et un CD ROM photos remis par M. Pascal R à M. C représentant de l'Agence de Communication de la société GEORGES LALO, Ordonne l'exécution provisoire de la décision à intervenir, Condamne la société GEORGES LALO à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société GEORGES LALO aux entiers dépens dont distraction au profit de M° C, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. L'affaire ayant d'abord été distribuée à la 3 ème Chambre 3 ème section a été re-distribuée à la 3 ème chambre l ère section, Mme BELFORT, présidente de la 3 eme section ayant statué en référé sur les demandes formées par M. Pascal R.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 janvier 2009, M. Pascal R a fait valoir que seul le contrat conclu en septembre 2005 peut recevoir application, que la clause d'exclusivité est limitée aux fabricants dont le code APE est 212G.

Il a ajouté qu'il a pour sa part signé et exécuté le contrat de bonne foi dans la mesure où il avait informé la société défenderesse avant la signature du contrat de licence qu'il avait consenti un contrat de licence de marque au GIE PEBEO INDUSTRIES le 19 mai 1998 qui exploitait une gamme de produits sous cette marque, que ce contrat avait été résilié le 29 juin 2001 à effet du 19 mai 2001, que les courriers de la société PEBEO montrent que celle-ci a reconnu avoir écoulé par erreur plus de 5ans après la résiliation du contrat d'anciens stocks. Il a précisé que cette transaction a été publiée à l'INPI en juin 2006 à la demande de la société GEORGES LALO. Il a encore soutenu que le grief relatif au produit UTILE PLAST est sans objet car il s'agit d'une part d'un produit qui n'est pas nouveau et qui d'autre part est réservé au bricolage, que celui relatif au retard n'est pas davantage pertinent car aucun délai n'était prévu pour le travail de conseil que devait réaliser M. Pascal R.

Pour le surplus, il a repris ses demandes en demandant le débouté des demandes reconventionnelles de la société GEORGES LALO et en augmentant la somme sollicitée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de 5.000 à 15.000 euros.

Dans ses conclusions récapitulatives du 11 février 2009, la société GEORGES LALO a contesté les demandes de M. Pascal R en précisant que lorsqu'il avait été averti de la présence auprès des distributeurs de produits fournis par la société GEDEO, concurrent direct de la société GEORGES LALO , et supportant la marque PASCAL ROSIER, il s'était contenté de dire qu'il s'agissait de boites résiduelles et que sa marque était pratiquement illisible et invisible ; que le juge des référés en appel a rejeté par arrêt du 6 juillet 2007, les demandes de provision formées par M. Pascal R au motif que l'exception d'inexécution soulevée par la société GEORGES LALO méritait un examen préalable du juge du fond. Elle a maintenu que M. Pascal R avait violé l'exclusivité concédée sur la marque PASCAL ROSIER, qu'il a toléré la fabrication et la distribution par la société PEBEO de produits contrefaisants et n'a fait publier le protocole transactionnel pourtant confidentiel qu'en juin 2006 auprès de l'INPI. Elle a formé des demandes reconventionnelles relatives au préjudice subi du fait des investissements consentis à perte.

La société GEORGES LALO a sollicité du tribunal de : Constater la résiliation du contrat de M. Pascal R à ses torts exclusifs. Débouter M. Pascal R de l'ensemble de ses demandes. Reconventionnellement Condamner M. Pascal R à verser à la société GEORGES LALO la somme de 160.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat aux torts exclusifs de M. Pascal R comprenant notamment les frais d'agence de communication et la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires conséquent. Ordonner la publication du jugement à intervenir dans quatre journaux ou revues au choix de la M. Pascal R et aux frais de la société GEORGES LALO, dans la limite de 5.000 Euros HT par insertion, et ce sous astreinte de 500 euros par jouir de retard à compter de la signification du jugement. Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir. Condamner M. Pascal R à payer à la société GEORGES LALO la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamner M. Pascal R aux dépens dont distraction au profit de la SELAS DE GAULLE, FLEURANCE et ASSOCIES en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le 18 février 2009. MOTIFS

sur les demandes de M. Pascal R.

Le contrat objet du litige est bien le contrat du 7 septembre 2005 ce que ne contestent pas les parties et notamment son article 5 sur l'exclusivité.

II précise en son préambule que M. Pascal R est co-titulaire de la marque PASCAL ROSIER (mais le ou les autres co-titulaires ne sont pas présents ni représentés au contrat) ; qu'il a accordé à la société CIRON une licence d'exploitation d'une autre marque "PASCAL ROSIER MOULAGE"selon contrat de licence du 11 novembre 1999, qu'il détient un savoir faire dans le domaine du moulage et des activités manuelles en général.

Le contrat précédent conclu le 19 mai 1998 avec la société PEBEO devenue GEDEO n'est pas visé au contrat même si la société GEORGES LALO ne conteste pas en avoir eu connaissance lors des pourparlers.

*sur l'exclusivité. L'article 5 intitulé EXCLUSIVITÉ prévoit : 5.1 La présente licence est consentie pour le territoire défini à l'article 4 du présent contrat et à titre exclusif pour le secteur des fabricants de produits pour les beaux arts, les travaux manuels et les loisirs et notamment pour le code dont relève le licencié au jour de la signature des présentes : 212G-Fabrication d'articles de papeterie.

5-2 Le concédant peut concéder des licences similaires à celle faisant l'objet du présent contrat à des secteurs différents notamment des fabricants de produits pour professionnels ou ne relevant pas du même code ape que le licencié ou à d'autres réseaux de distribution.

Il ressort des deux procès-verbaux de constat des 21 et 25 septembre 2006 régulièrement mis au débat que les réseaux de distribution de produits de moulage et modelage pour les baux arts, activités manuelles et loisirs , en l'espèce ART et CIE à Herblay et Loisirs et Créations à Paris 12° offrent à la vente des coffrets GEDEO intitulés "multipliez vos décors" avec la pâte à moduler silicone revêtus de la marque PASCAL ROSIER.

Il apparaît encore que M. Pascal R alerté par la société GEORGES LALO dès juin 2006 n'a pas sommé la société GEDEO de cesser de distribuer les coffrets litigieux portant sa marque et n'a pas fait en sorte que son nouveau licencié puisse exploiter paisiblement la marque pour laquelle il versait néanmoins des redevances.

Le simple courriel adressé à la société GEDEO est insuffisant à mettre en oeuvre le respect des droits du nouveau licencié d'autant que la société GEDEO disposait à compter de mai 2001 de 6 mois pour écouler les stocks de produits supportant cette mention.

Il est peu vraisemblable que les produits trouvés auprès des deux distributeurs constituent l'écoulement des stocks de la société GEDEO mais bien plus vraisemblable que celle-ci a continué à fabriquer les coffrets en apposant la marque litigieuse sans que M. Pascal R ne surveille sérieusement les agissements de son ancien co-contractant.

En tout état de cause, il appartenait à M. Pascal R de mettre en demeure et de sommer la société GEDEO de retirer tous ces produits de la vente. En répondant à la lettre de juin 2006 adressée à lui par la société GEORGES LALO que les coffrets trouvés chez les distributeurs revêtus de la marque litigieuse sont des produits résiduels qui ne causent pas un grand préjudice à la société GEORGES LALO au lieu de se préoccuper de faire respecter l'exclusivité consentie, M. Pascal R n'a pas rempli son obligation.

Le moyen selon lequel il pouvait consentir d'autres licences à d'autres personnes est sans intérêt car ces autres personnes doivent intervenir dans d'autres domaines que celui de la société GEORGES LALO et il n'est pas contesté que la société GEDEO est un concurrent direct de la société GEORGES LALO ; de plus, M. Pascal R n'a pas consenti à la société GEDEO une licence au visa de l'article 5.2 du contrat concomitamment à celle conclue avec la société GEORGES LALO.

Enfin, l'argument du code APE de la société défenderesse est également inopérant car il n'a manifestement été cité que pour préciser le domaine d'exclusivité de la licence et pour interdire en conséquence toute autre contrat avec des sociétés concurrentes.

*sur la proposition de produits.

L'article 3.2B précise que le concédant concède au licencié une licence de son savoir faire concernant la mise au point des produits. Ce savoir faire fera l'objet pour chacun d'eux de la communication par le concédant d'un dossier complet comprenant : une description, des applications détaillées et un argumentaire de vente.

L'article 6 décrit les obligations du concédant et notamment l'obligation de proposer des produits de modelage et de moulage.

M. Pascal R reconnaît ne pas avoir proposé une gamme de nouveaux produits ou même un seul nouveau produit à la société GEORGES LALO et ne verse au débat aucun élément relatif à un tel produit.

Il prétend que le retard est imputable à la seule société GEORGES LALO et verse au débat des mails échangés.

La société GEORGES LALO pour sa part produit également des mails établissant son impatience à voir les nouveaux produits arrivés.

Ainsi, si une part du retard peut être retenu à rencontre de la société GEORGES LALO, ceci ne peut justifier l'absence totale de présentation d'un nouveau produit susceptible d'être offert sur le marché dans les conditions prévues à l'article 6 du contrat du 7 septembre 2005.

Ainsi, M. Pascal R est totalement défaillant dans l'exécution de cette obligation. En conséquence, M. Pascal R n'a pas rempli loyalement les obligations mises à sa charge par le contrat du 7 septembre 2005 en tolérant que la société GEDEO continue de vendre des produits similaires à ceux qu'il a proposés à la société GEORGES LALO et supportant la marque PASCAL ROSIER et il n'a pas rempli son obligation tendant à faire profiter la société GEORGES LALO de son savoir faire en créant une gamme de produits de moulage. En résiliant le contrat du 7 septembre 2005, par lettre du 9 novembre 2006, la société GEORGES LALO n'a donc pas commis de faute.

En conséquence, M. Pascal R sera débouté de l'intégralité de ses demandes sauf celle de restitution des documents à laquelle il sera fait droit sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

sur les demandes reconventionnelles

La société GEORGES LALO prétend avoir subi un préjudice du fait de l'inexécution fautive de ses obligations contractuelles par M. Pascal R, qui ont motivé la résiliation du contrat du 7 septembre 2005 à ses torts exclusifs. Elle verse au débat le tableau prévisionnel du chiffre d'affaires de la gamme Herbin, le bulletin de paie du chef de projet s'occupant de la gamme Herbin et les factures de l'agence Caumont qui est son agence de communication.

Or si les 4 factures de 1'agence de communication Caumont datées d'avril, mai, juin et décembre 2006 portent bien sur des étiquettes de modelage et moulage, le tribunal ne peut apprécier s'il s'agit de produits qu'auraient créés M. Pascal R d'autant qu'il est argué par ailleurs que ce dernier n'a proposé aucun produit dans le cadre de son contrat de licence de savoir faire.

De la même façon, la production au débat des produits dits Herbin est sans caractère probant car le tribunal ne sait pas si ces produits ont été créés par M. Pascal R, à quelle date ils ont été créés et commercialisés et s'ils entrent dans le domaine prévu du contrat.

La production du bulletin de paie de M. B sans son contrat de travail et sans élément permettant de démontrer qu'il travaillait sur ce seul projet est également une preuve insuffisante.

Enfin, le document versé au débat en pièce 30 n'est pas un document comptable permettant de dégager un chiffre d'affaires prévisionnel ; en effet il s'agit d'une simple feuille reproduisant dans un tableau les noms de produits, leur prix maison, leur prix public et un nombre par an mais il ne porte pas de date et n'est pas attesté par un expert comptable.

En conséquence, à défaut de prouver l'étendue de son préjudice, la société GEORGES LALO sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat du 7 septembre 2005 par M. Pascal R.

La publication judiciaire étant une réparation complémentaire à une indemnisation ne sera en conséquence pas prononcée.

-sur les autres demandes. L'exécution provisoire est sans objet, elle ne sera pas ordonnée.

Les conditions sont réunies pour condamner M. Pascal R à payer à la société GEORGES LALO la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

. Le tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et par remise au greffe au jour du délibéré,

Dit que M. Pascal R n'a pas rempli ses obligations contractuelles telles que contenues dans le contrat du 7 septembre 2005.

En conséquence,

Constate la régularité de la résiliation intervenue le 9 décembre 2006 en application du contrat aux torts de M. Pascal R.

Déboute M. Pascal R de l'ensemble de ses demandes en paiement de dommages et intérêts.

Enjoint à la société GEORGES LALO de restituer sans délai l'intégralité de la documentation remise et notamment un CD ROM complet remis à la société GEORGES LALO lors de la signature du contrat et un CD ROM photos remis par M. Pascal R à M. C représentant de l'Agence de Communication de la société GEORGES LALO;

Déboute la société GEORGES LALO de sa demande de dommages et intérêts pour inexécution du contrat par M. Pascal R et de sa demande de publication judiciaire.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Condamne M. Pascal R à payer à la société GEORGES LALO la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne M. Pascal R aux dépens dont distraction au profit de la SELAS DE GAULLE, FLEURANCE et ASSOCIES, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.