Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2022, l'association Cergy-Pontoise basket-ball et M. B A, représentés par la SELARL Derby Avocats, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 22 octobre 2021 par laquelle la commission fédérale des agents sportifs de la Fédération française de basket-ball (FFBB) a prononcé à son encontre une pénalité financière de 10 000 euros ferme et une suspension ferme de trois mois des fonctions de président de l'association à l'encontre de M. B A ;
2°) et de mettre à la charge de la FFBB la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est illégale dès lors qu'il n'était pas possible de sanctionner M. A en tant que président de l'association, ce dernier n'étant pas titulaire d'une licence de dirigeant ;
- les sanctions prononcées à l'encontre de M. A et de l'association sont disproportionnées au regard des manquements constatés ;
- la décision est entachée de détournement de pouvoir pour un motif syndical dès lors que M. A était président du syndicat national des basketteurs à la date de la décision attaquée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2022, la FFBB, représentée par Me Domat, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de d'une somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- les règlements généraux de la Fédération française de basket-ball ;
- le règlement disciplinaire de la Fédération française de basket-ball ;
- le règlement des agents sportifs de la Fédération française de basket-ball ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pény,
- les conclusions de M. Cicmen, rapporteur public,
- et les observations de Me Jamet, représentant la Fédération française de basket-ball.
Considérant ce qui suit
:
1. L'association Cergy-Pontoise basket-ball évolue, depuis la saison 2021/2022 en championnat de Nationale 1 masculine, organisé par la Fédération française de basket-ball (FFBB). Le 3 septembre 2021, la commission " contrôle de gestion " a saisi la commission fédérale des agents sportif, conformément à l'article 703 des règlements généraux et à l'article 22.4 du règlement fédéral des agents sportifs de la Fédération, afin qu'elle ouvre une procédure disciplinaire à l'encontre du club, et de toute personne susceptible de voir sa responsabilité disciplinaire engagée. Le 6 octobre 2021, la commission fédérale a ouvert une procédure à l'encontre du club et de M. B A, en qualité de président de l'association. Par une décision du 22 octobre 2021, la commission, après avoir constaté qu'au cours des trois dernières saisons le club avait eu recours aux services de plusieurs intermédiaires exerçant l'activité d'agent sportif sans être titulaire de la licence délivrée par la FFBB, a prononcé à son encontre une pénalité financière de 10 000 euros ferme et une suspension ferme de trois mois des fonctions de président de l'association à l'encontre de M. A. Par courriels du 10 décembre 2021, le club ainsi que M. A, ont saisi le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) aux fins de mise en œuvre de la procédure préalable de conciliation prévue aux articles
L. 141-4 et
R. 141-5 et suivants du code du sport. Le 7 février 2022, le conciliateur désigné a proposé à la Fédération d'assortir la pénalité financière de 10 000 euros infligée au club, d'un sursis à hauteur de 5 000 euros, et de s'en tenir à la sanction infligée à M. A. Le 17 février 2022, le président de la FFBB a fait part de son acceptation des deux propositions formulées par la conciliatrice, mais l'association et M. A ont fait part de leur opposition à celles-ci. Par la présente requête, l'association Cergy-Pontoise basket-ball et M. A demandent au tribunal d'annuler la décision du 22 octobre 2021 de la commission fédérale des agents sportifs de la FFBB.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, selon l'article 404 des règlements généraux de la FFBB : " La licence se compose d'un socle commun qui peut être complété par des aptitudes médicales, des aptitudes métiers et des extensions de pratique afin de permettre à tout licencié de personnaliser sa pratique et ses activités de BASKETBALL. / 1. Le socle constitue la base de la licence et permet : / - De participer à la vie fédérale et de bénéficier des droits et avantages des licenciés FFBB ; / - D'exercer la fonction de dirigeant () ". L'article 21.2 du règlement des agents sportifs de la FFBB prévoit que : " La Commission peut, en cas de violation des articles () L. 222-7 () du code du sport prononcer à l'égard des associations et sociétés affiliées à la Fédération Française de Basketball ou à la ligue professionnelle qu'elle a constituée ainsi que de ses licenciés les sanctions suivantes : () / 2°- Une sanction pécuniaire qui, lorsqu'elle est infligée à un licencié, ne peut excéder le montant des amendes prévues pour les contraventions de 5ème classe ; / 3°- Une sanction sportive : / à l'encontre d'un licencié : / () la suspension d'exercice de fonctions () ".
3. L'association soutient que la décision attaquée est illégale dès lors qu'il n'était pas possible de sanctionner M. A en tant que président de l'association dès lors que ce dernier n'était pas titulaire d'une licence de dirigeant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A est titulaire d'une licence " compétition " délivrée par la Fédération, au sein du club Paris Basketball Association, club affilié à la FFFB. En application des dispositions précitées de l'article 404 des règlements généraux de la Fédération, cette licence lui permettait également d'exercer la fonction de dirigeant d'un club, sans que les textes n'imposent la possession d'une licence distincte. Ainsi, la seule circonstance que M. A disposait d'une licence " compétition ", quand bien même il était par ailleurs dirigeant de l'association, permettait à la Fédération de lui infliger la sanction en litige. En outre, contrairement à ce qu'affirme l'association requérante, les dispositions de l'article 21.2 du règlement des agents sportifs de la FFBB prévoient que la Fédération peut infliger une sanction à l'ensemble de ses licenciés et non pas seulement à ceux d'entre eux qui sont rattachés, en tant que joueur, à des associations et sociétés affiliées à la Fédération. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article
L. 222-7 du code du sport : " L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif. La licence est délivrée, suspendue et retirée, selon la discipline concernée, par la fédération délégataire compétente ". Aux termes de l'article
L. 222-19 du même code : " Les fédérations délégataires compétentes édictent des sanctions à l'encontre des agents sportifs, des licenciés et des associations et sociétés affiliées, en cas de : () / 2° Non-respect des articles
L. 222-5 et
L. 222-7 à
L. 222-18 () ". Aux termes de l'article
R. 222-1 de ce code : " Chacune des fédérations délégataires concernées par l'application du présent chapitre, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé des sports, constitue une commission des agents sportifs et désigne un délégué aux agents sportifs. Le président et les membres de la commission des agents sportifs, ainsi que le délégué aux agents sportifs, sont nommés par l'instance dirigeante compétente. () ". Ce même article dispose en outre que cette commission " prononce les sanctions disciplinaires () " et que le délégué aux agents sportifs " contrôle l'activité des agents sportifs et engage les procédures susceptibles de déboucher sur le prononcé des sanctions () ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours des trois dernières saisons précédant le championnat 2021/2022, l'association Cergy-Pontoise basket-ball club a eu recours aux services de trois intermédiaires exerçant l'activité d'agent sportif sans être titulaires de la licence délivrée par la Fédération en vertu des dispositions précitées de l'article
L. 222-7 du code du sport. Si l'association ne conteste pas sérieusement les manquements qui lui sont reprochés, elle fait valoir que ces faits résultent d'une méconnaissance des règlements ainsi que d'un excès de confiance accordé aux agents sportifs, lesquels s'étaient abstenus de préciser qu'ils n'étaient pas titulaires d'une licence lors de la signature des documents contractuels avec le club, de sorte que les manquements ne revêtent pas de caractère délibéré. Elle indique également n'avoir effectué qu'une seule contractualisation avec chacun des trois intermédiaires concernés et qu'elle est la seule association à avoir fait l'objet de sanctions, alors que ces agents travaillaient régulièrement et depuis de nombreuses années avec des clubs de basket professionnels et amateurs en France, et vantaient leurs services sur internet et les réseaux sociaux. Enfin, elle se prévaut de ce qu'elle n'a jamais été sanctionnée auparavant à raison de faits de même nature et que son budget d'environ 915 000 euros pour la saison 2021/2022, de sorte que la pénalité financière qui lui a été infligée pèsera fortement sur ses finances. Au regard de l'ensemble de ces considérations, l'association soutient que les sanctions en cause ne sont pas proportionnées aux manquements constatés.
6. Toutefois, d'une part, l'association requérante ne saurait utilement invoquer sa méconnaissance des dispositions du code du sport ainsi que des règlements fédéraux et du règlement des agents sportifs de la Fédération, ces textes imposant, sans ambiguïté, à toute personne souhaitant exercer l'activité d'intermédiaire entre les joueurs et les clubs recruteurs, de disposer d'une licence d'agent sportif, et alors, en outre, que son dirigeant est licencié au sein de la Fédération depuis la saison 1999/2000, président du syndicat national des basketteurs, et membre du comité de la ligue nationale de basketball et de la commission fédérale des agents sportifs de la Fédération, et dispose ainsi nécessairement d'une expérience significative et d'une connaissance des problématiques liées aux agents sportifs. De la même manière, l'association ne peut utilement invoquer la circonstance que M. A aurait délégué l'ensemble du recrutement et de son suivi aux dirigeants de l'association, mandatés à cet effet, dès lors qu'il lui appartenait au contraire, en tant que dirigeant de cette association, et quand bien même il n'aurait pas été directement impliqué dans la négociation d'un contrat conclu avec un joueur, de s'assurer de la régularité du processus conduisant à la signature d'un contrat, et notamment la vérification du statut de l'intermédiaire sportif impliqué. Pour ce même motif, la circonstance que les agents sportifs en cause étaient connus dans le milieu du basket-ball ne dispensait pas les instances dirigeantes du club, dont M. A, de vérifier que ces personnes disposaient effectivement d'une licence d'agent sportif délivrée par la Fédération.
7. D'autre part, la circonstance, au demeurant non établie, selon laquelle d'autres clubs ayant également eu recours à des agents sportifs non titulaires d'une licence n'auraient pas fait l'objet de contrôles de la part des instances fédérales, est sans incidence sur la légalité de la sanction infligée à l'association et à son président. En tout état de cause, la Fédération fait valoir, sans être sérieusement contestée sur ce point, qu'elle a, dans un premier temps, entre 2016 et 2020, privilégier une démarche pédagogique plutôt que répressive afin de prévenir ce type de manquements, ce qui peut expliquer l'absence antérieure de procédures disciplinaires à l'encontre d'autres clubs.
8. Enfin, s'il est constant que l'association n'avait auparavant jamais fait l'objet d'une procédure disciplinaire s'agissant de faits de même nature, le quantum de la sanction qui lui a été infligée, y compris mis en perspective avec son budget d'environ 915 000 euros pour la saison 2021/2022, soit dans la moyenne du budget des clubs évoluant au sein du championnat de National 1 masculine, apparaît proportionnée aux manquements constatés. Il en va de même de la sanction de suspension de trois mois prise à l'encontre de M. A.
9. Au regard de ces éléments, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions citées au point 4, que la commission fédérale des agents sportifs de la FFBB a pu infliger une pénalité financière de 10 000 euros ferme à l'association requérante et une suspension ferme de trois mois des fonctions de président de l'association à l'encontre de M. A.
10. En dernier lieu, le moyen tiré du détournement de pouvoir au motif que M. A était président du syndicat national des basketteurs à la date de la décision attaquée n'est assortie d'aucune allégation sérieuse permettant d'en établir le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par l'association Cergy-Pontoise basket-ball doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la FFBB au titre des frais exposés par l'association Cergy-Pontoise basket-ball et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Cergy-Pontoise basket-ball et de M. A une somme globale de 1 500 euros à verser à la FFBB au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Cergy-Pontoise basket-ball est rejetée.
Article 2 : L'association Cergy-Pontoise basket-ball et M. A verseront ensemble à la Fédération française de basket-ball une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'association Cergy-Pontoise basket-ball, à M. B A et à la Fédération française de basket-ball.
Copie en sera adressée au Comité national olympique et sportif français.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Delesalle, président,
- M. Pény, premier conseiller,
- M. Doan, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.
Le rapporteur,
A. Pény
Le président,
H. Delesalle
La greffière,
A. Cardon
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 2205607/6-3