LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI
le 18 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 9 janvier 2023), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article
L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Evrard ZAOUCHE, candidat aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 1re circonscription du département du Gard, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-6019 AN.
Au vu des textes suivants
:
* la Constitution, notamment son article 59 ;
* l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
* le code électoral ;
* le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs notamment le troisième alinéa de son article 9-1 ;
Au vu des pièces suivantes :
* les observations présentées par M. ZAOUCHE en réponse à une mesure d'instruction ordonnée par le Conseil constitutionnel, enregistrées le 13 février 2023 ;
* la mesure d'instruction ordonnée par le Conseil constitutionnel le 18 avril 2023 ;
* les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur
;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l'article
L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l'article
L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l'article
L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables qui met le compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n'est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6.
2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article
L. 52-12.
3. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté que M. ZAOUCHE, qui a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, n'a pas déposé de compte de campagne alors qu'il y était tenu dans la mesure où, faute d'avoir restitué les carnets de reçus dons délivrés en préfecture à son mandataire, il ne pouvait donc pas être regardé comme n'ayant pas bénéficié de dons consentis par des personnes physiques.
4. L'absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Cependant, cette présomption peut être combattue par tous moyens. En l'espèce, si postérieurement à la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques du 9 janvier 2023, M. ZAOUCHE a restitué douze carnets de reçus-dons qui avaient été remis à son mandataire, il résulte toutefois de l'instruction que la préfecture du Gard lui avait remis treize carnets de reçus-dons. Bien qu'il ait été invité à le faire par le Conseil constitutionnel, M. ZAOUCHE n'a pas produit le carnet manquant. Dès lors, M. ZAOUCHE n'a pas présenté les justificatifs suffisants permettant de renverser cette présomption.
5. Il ne résulte pas de l'instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l'article
L. 52-12. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ce manquement, il y a lieu de prononcer l'inéligibilité de M. ZAOUCHE à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE
:
Article 1er. - M. Evrard ZAOUCHE est déclaré inéligible en application de l'article
L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.
Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 1er juin 2023.