Ch. civile A
ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 15/ 00790 JD-C
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance Référé, origine Président du TGI d'AJACCIO, décision attaquée en date du 15 Septembre 2015, enregistrée sous le no 15/ 00264
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Jean Baptiste X...
...
ayant pour avocat Me Christian GIOVANNANGELI, avocat au barreau de BASTIA
INTIME :
M. François Y...
...
ayant pour avocat Me Antoine Pierre CARLOTTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre,
Mme Judith DELTOUR, Conseiller
Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Nadège ERND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant une entrave à son droit de passage, par acte du 30 juin 2015, M. Jean Baptiste X... a fait assigner M. François Y... devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir en application des articles
2278 du code civil et
809 alinéa
1 du code de procédure civile, qu'il retire les blocs de pierre installés sur le chemin traversant la parcelle A 303 qu'il emprunte pour rejoindre sa propriété A 304 et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et le condamne au paiement des dépens et de 2. 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 15 septembre 2015, le juge des référés a :
- dit n'y avoir lieu à référé,
- débouté M. Jean-Baptiste X... de toutes ses demandes,
- débouté M. François Y... de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de M. Jean-Baptiste X....
Par déclaration reçue le 28 septembre 2015, M. X... a interjeté appel.
Par conclusions communiquées le 26 novembre 2015, M. X... a demandé, au visa des articles 809 alinéa 1er du code de procédure civile,
701 et
2278 du code civil de
-réformer l'ordonnance rendue le 15 septembre 2015, par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio et de
-constater qu'aux termes de son audition reçue le 24 mars 2015 par la gendarmerie de Zevaco, M. François Y... a indiqué qu'il accomplissait les actes d'administration concernant la maison cadastrée A303 qu'il possède en indivision,
- dire que son action est recevable en ce qu'elle n'est dirigée qu'à l'encontre de M. Y..., propriétaire indivis de la parcelle B 303,
Au principal, de
-constater que les actes de partage de 1915 et 1919 concernant leurs deux parcelles contiguës avaient prévu une servitude de passage lui permettant d'accéder à son fonds,
- constater que cette servitude de passage grevait le fonds servant appartenant à M. Y... au profit du fonds dominant lui appartenant,
- constater qu'il a été déposé des blocs de pierre empêchant l'exercice de la servitude de passage,
- constater qu'aux termes de l'article
701 du code civil, le propriétaire du fonds servant doit veiller à ce que le propriétaire du fonds dominant puisse accéder librement à sa propriété,
- constater que le propriétaire du fonds servant ne doit rien faire qui tende à diminuer l'usage de la servitude ou le rendre plus incommode,
En conséquence,
- d'ordonner à M. Y... de supprimer l'obstacle constitué par des blocs de pierre installés sur le chemin traversant la parcelle A 303 qu'il emprunte pour rejoindre sa propriété sise sur la parcelle mitoyenne cadastrée A 304, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
Subsidiairement, de
-constater que M. Y... est l'auteur de la voie de fait l'empêchant d'accéder à son fonds,
- constater que lors de son audition reçue le 24 mars 2015 par la gendarmerie de Zevaco, M. François Y... a reconnu avoir placé les blocs de rochers l'empêchant d'emprunter le chemin lui permettant d'accéder à son habitation,
En conséquence,
- d'ordonner à M. Y... de supprimer l'obstacle constitué par des blocs de pierre installés sur le chemin traversant la parcelle A 303 qu'il emprunte pour rejoindre sa propriété sise sur la parcelle mitoyenne cadastrée A 304, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause, de
-condamner M. Y... à lui payer la somme de 500 euros de dommages et intérêts,
- condamner M. Y... au paiement des dépens et de 2. 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
Il exposait l'imbrication des habitations et l'existence de servitudes lui permettant d'accéder à son fonds. Il considérait qu'il n'était pas tenu d'attraire les autres indivisaires, la décision leur étant seulement inopposable, que le premier juge avait faussement qualifié son action confessoire et méconnu les dispositions de l'article
701 du code civil et subsidiairement, qu'il démontrait l'existence d'une voie de fait, M. Y... reconnaissant avoir placé les blocs de pierre sur le chemin. Il estimait que ces éléments justifiaient sa demande reconventionnelle.
Par conclusions communiquées le 11 janvier 2016, M. François Y... a demandé de
-confirmer l'ordonnance de référé dont appel,
- débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes,
Reconventionnellement de
-condamner M. X... au paiement des dépens avec distraction et de 2. 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Il exposait qu'il n'était pas seul propriétaire de la parcelle litigieuse, que les demandes étaient nulles à défaut d'appel en la cause des autres indivisaires. Il rappelait la situation des immeubles et considérait que l'appelant ne démontrait pas les faits qu'il alléguait, que la voie de fait est liée à l'indivision. Il ajoutait que l'appelant avait reconnu être à l'origine du conflit et du blocage du passage, que ces éléments justifiaient sa demande reconventionnelle.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 mai 2016. L'affaire a été fixée à plaider au 19 mai 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, expressément visé, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, les exposés des parties sont concordants sur l'imbrication des propriétés au terme de laquelle M. X... est propriétaire d'une parcelle sur la commune de Zecavo et de la maison y édifiée, que M. Y... est propriétaire indivis d'une parcelle contiguë et de la maison y édifiée, qu'un acte du 6 août 1915 prévoit " un passage de deux mètres partant du mur de soutènement et prenant naissance au grand chemin de communication donnant accès à la maison pour se rendre à l'écurie Y... Sébastien ".
M. Y... ne conteste pas être propriétaire du fonds servant avec d'autres indivisaires. Les dispositions de l'article
701 du code civil, en référé, ne peuvent fonder la demande de M. X.... De plus, en invoquant la propriété du fonds servant, M. X... s'impose d'appeler en la cause, les autres indivisaires.
En revanche, il résulte des déclarations de M. Y..., devant les services de gendarmerie le 24 mars 2015, évoquant ses relations avec M. X..., qu'auparavant " [il ouvrait] même le portail pour qu'il puisse rentrer chez lui " et qu'après avoir enlevé son véhicule devant l'accès de la maison de M. X..., il a " matérialisé [sa] propriété par un plot de pierres ". Cet élément, prouvé également par les photographies versées au débat, non contestées par M. Y..., suffit à caractériser une voie de fait, c'est-à-dire un acte accompli au détriment d'autrui en violation de la loi civile, qui légitime la compétence du juge des référés. En effet, en bloquant le passage de M. X... avec des pierres, M. Y... limite son droit de passage, en réduisant l'emprise de la servitude prévue par l'acte de partage, caractérisant un trouble manifestement illicite.
L'ordonnance de référé doit être infirmée notamment en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé.
Sans qu'il soit besoin de procéder aux constats sollicités, dès lors que les demandes sont fondées sur l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner à M. Pierre Y... de supprimer l'obstacle constitué par des blocs de pierre installés sur le chemin traversant la parcelle A 303 emprunté par M. X... pour rejoindre sa propriété sise sur la parcelle mitoyenne cadastrée A 304. En l'état des relations entre les parties, cette décision sera assortie d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard dans les 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir. M. Y... sera débouté de ses demandes contraires.
Hors le fait d'avoir subi ce trouble manifestement illicite, M. X... ne justifie pas d'un préjudice consécutif, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
M. Pierre Y... qui succombe sera condamné au paiement des dépens et d'une somme de 1. 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
,
LA COUR :
- Infirme l'ordonnance de référé critiquée,
Statuant à nouveau,
- Ordonne à M. Pierre Y... de supprimer l'obstacle constitué par des blocs de pierre installés sur le chemin traversant la parcelle A 303 empruntée par M. François X... pour rejoindre sa propriété sise sur la parcelle mitoyenne cadastrée A 304, et ce sous astreinte provisoire de cinquante euros (50 euros) par jour de retard dans les 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir,
- Déboute M. Pierre Y... de ses demandes contraires,
- Déboute M. François X... du surplus de ses demandes,
- Condamne M. Pierre Y... au paiement des dépens,
- Condamne M. Pierre Y... à payer à M. François X... une somme de mille euros (1. 000 euros) en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT