Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Nanterre 30 septembre 2021
Cour d'appel de Versailles 12 mai 2022

Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 12 mai 2022, 21/06346

Mots clés Demande relative à une cession ou un nantissement de créances professionnelles · procédure civile · sociétés · procédure collective · tribunal de commerce · référé · credit · trouble · terme · déchéance · siège · contrat · société · sauvegarde

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro affaire : 21/06346
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Nanterre, 30 septembre 2021
Président : Madame Nicolette GUILLAUME

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Nanterre 30 septembre 2021
Cour d'appel de Versailles 12 mai 2022

Texte

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38A

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 MAI 2022

N° RG 21/06346 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UZIO

AFFAIRE :

Société HAYFIN CAPITAL MANAGEMENT L.L.P.

...

C/

SAS [N]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 30 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2021R00876

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 12.05.2022

à :

Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Julie GOURION, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Claire RICARD, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société HAYFIN CAPITAL MANAGEMENT L.L.P.

limited liability partnership, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

Immatriculée auprès du Registar of Companies for England and Wales sous le numéro OC346320

[Adresse 1] (Royaume-Uni),

agissant au nom et pour le compte de :

(A) HAYFIN BIG CYPRESS LUXCO

(B) HAYFIN CHIEF LUXCO

(C) HAYFIN SOF II LUXCO 2

(D) HAYFIN SOF III LUXCO

(E) HAYFIN HOSTPLUS

(F) SUNHAY LUXCO

SARL domiciliées [Adresse 3]

(G) HAYFIN OPAL 2020 (A) L.P.

(H) HAYFIN OPAL 2020 (B) L.P.,

Siège social situé [Adresse 19] (îles Caïmans)

Société KKR CREDIT ADVISORS (IRELAND) UNLIMITED COMPANY

private unlimited company immatriculée auprès du Registar of Companies irlandais sous le numéro 359742 - prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 13],

agissant au nom et pour le compte de :

(I) ABSALON CREDIT FUND DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

(J) KKR EUROPEAN CREDIT OPPORTUNITIES FUND II DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

[Adresse 6],

D01 P767 (Irlande)

(K) KKR European Credit Investment Funds plc

(fonds parapluie avec responsabilité séparée entre les sous-fonds (ou compartiments) et une partie, uniquement en ce qui concerne ses compartiments, Absalon Credit Fund Designated Activity Company et KKR European Credit Opportunities Fund II Designated Activity Company et aux fins de se conformer au Chapitre 2, Partie I, Section 1, vii, paragraphe 1(d) du Central Bank of Ireland's AIF Rulebook)

(L) AVOCA CREDIT OPPORTUNITIES PLC,

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 17] (Irlande)

Société KKR CREDIT ADVISORS (US) L.L.C.

Limited liability company, immatriculée au registre des sociétés de l'Etat du Delaware, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 20] (Etats-Unis),

agissant au nom et pour le compte de :

(M) SPRUCE INVESTORS III DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

[Adresse 8] (Irlande)

(N) KKR-MILTON CREDIT (KDOF) L.P.,

c/o 152928 Canada Inc., [Adresse 5] (Canada)

(O) KKR-NYC CREDIT C L.P.,

dont le siège social est situé [Adresse 9] (Etats-Unis)

Société ATTESTOR LIMITED

privated limited company, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, immatriculée auprès du Registar of Companies for England and Wales sous le numéro

[Adresse 11] (Royaume-Uni),

agissant au nom et pour le compte de :

(P) TRINITY INVESTMENTS DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

fourth floor [Adresse 7] (Irlande)

Société STRATEGIC VALUE PARTNERS L.L.C.

limited liability company immatriculée au registre des sociétés de l'Etat du Delaware, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège (« SVP »),

[Adresse 2] (Etats-Unis),

agissant au nom et pour le compte de :

EMERALD PASTURE DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

EMERALD MOOR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY,

dont le siège social est situé [Adresse 10] (Irlande)

Assistées de : Me Sam GOLSHANI du PARTNERSHIPS ORRICK HERRINGTON & SUTCLIFFE (Europe) LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0134 et Me Diane LAMARCHE du LLP WHITE AND CASE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Représentées par : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

S.A.S.U. [X]

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 18]

[Localité 14]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 2211119

Assistée de Me Guilhem BREMOND et Laura COZ, avocats plaidants au barreau de Paris

APPELANTES

****************

SAS [N]

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 16]

SAS COMÈTE HOLDING

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 16]

Société SASU COMEXPOSIUM HOLDING

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 16]

SAS COMEXPOSIUM

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 16]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2211539

Assistées de Me Bérangère RIVALS et Marc SANTONI, avocats plaidants au barreau de Paris

S.C.P. BTSG 2 ,

agissant es qualités de Commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de :

SAS COMEXPOSIUM

[Adresse 12], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 316 780 519,

SASU COMEXPOSIUM HOLDING

[Adresse 12], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 415 072 685,

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21512

SAS COMETE HOLDING,

[Adresse 12],

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 811 162 437,

SAS [N]

[Adresse 12], immatriculée

au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 848 563 417,

S.E.L.A.R.L. [R]. [F]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Adresse 15]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21512

Assistées de Me François KOPF et Me Mathieu DELLA VITTORIA, avocats plaidants au barreau de Paris

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 mars 2022, Madame Nicolette GUILLAUME, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe Comexposium, leader français et 4ème acteur mondial avec 332 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, est présent en Europe, en Asie et en Amérique du Nord dans le secteur de l'événementiel. Il a pour activité l'organisation de manifestations (salons, congrès ou expositions) et des missions d'études et de conseil dans ce secteur.

Le groupe exploité directement ou par l'intermédiaire de ses filiales, emploie environ 890 collaborateurs repartis dans 14 pays dans le monde et dispose d'un réseau commercial international dans 10 autres pays.

La SAS Comexposium (ci-après Comexposium) est la société opérationnelle principale du groupe en France. Elle emploie 310 salariés sur le territoire et a pour objet principal l'organisation de manifestations et salons.

La SAS [N] (ci-après [N]), tête du groupe Comexposium, est détenue par la société SIPAC, elle-même contrôlée par la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France, à hauteur de 49,16 % du capital et 49,99 % des droits de vote, par la société Predica (filiale du groupe Crédit Agricole Assurances) à hauteur de 49,18 % du capital et 50,01 % des droits de vote et par le management à hauteur de 1,65 % (les actions détenues par le management étant dépourvues de droit de vote).

[N] détient 100 % de la SAS Comète holding (ci-après Comète holding), qui détient elle-même 100 % de la SAS Comexposium holding (ci-après Comexposium holding), qui a son tour détient 100 % de Comexposium.

[N], Comète et Comexposium holding (qui ne comptent aucun salarié) sont les holding financières, sans activité opérationnelle.

L'endettement financier de [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium se compose d'un crédit à terme (Term Loan B), ainsi que d'un crédit revolving, les deux crédits étant issus du même contrat de Credits Seniors conclu le 28 mars 2019.

[N] et Comète holding ont souscrit au Term Loan B à hauteur d'un montant total de 483 millions, remboursable in fine à 7 ans, soit le 28 mars 2026.

Comexposium holding et Comexposium ont souscrit le crédit revolving à hauteur d'un montant de 90 millions, à échéance du 28 mars 2025.

La SAS SIAL (ci-après SIAL) et la SAS Comexposium Security (ci-après Comexposium Security) sont deux autres sociétés opérationnelles. SIAL est detenue à 99,96 % par Comexposium holding tandis que Comexposium Security est détenue à 100 % par Comexposium.

En garantie des sommes dues au titre du contrat Credits Seniors, [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que SIAL et Comexposium Security ont consenti des nantissements de comptes bancaires, de comptes-titres et de créances intragroupes. Ces nantissements ont fait 1'objet d'une convention de nantissement en date du 28 mars 2019, intitulée 'collateral agreement' avec [N] . Ces engagements ont été repris par chacune des sociétés aux termes d'actes intitulés 'additional security'.

La crise sanitaire liée au Covid-19 a entraîné des difficulté financières pour le groupe Comexposium et des procédures de sauvegarde ont été ouvertes à l'égard de [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium par plusieurs jugements rendus le 22 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a désigné la SCP [V] & [M], prise en la personne de Maître [B] [V], ainsi que la SELARL [W], prise en la personne de Maître-[S] [I], en qualité d'administrateurs judiciaires avec mission de surveillance, et la SELARL [R]. [F], prise en la personne de Maître [R] [F] et la SCP B.T.S.G., prise en la personne de Maitre [H] [A], en qualité de mandataires judiciaires.

La période d'observation, initialement prévue pour six mois, a été renouvelée le 16 mars 2021 jusqu'au 22 septembre 2021.

Le financement de la période d'observation a été assuré par les actionnaires au moyen d'un prêt d'associés en date du 12 novembre 2020 d'un montant de 75,4 millions, porté par différents avenants à un montant total maximum de 109,1 millions d'euros.

Par lettre du 8 octobre 2020, le Credit Agricole Corporate and Investment Bank (CACIB), en sa qualité d'agent du crédit, a notifié à [N] 'l'Accélération' au titre du contrat de Credits Seniors, invoquant des 'Cas de Défaut' et 'exigeant le paiement immédiat' de la 'Somme Due', soit 579 991 577,61 euros (ci-après la Notification d'Accélération).

Le 13 octobre suivant, [N], les autres sociétés Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que les organes de la procédure collective se trouvant en copie, faisant référence à l'ouverture des procédures collectives, a adressé au CACIB une lettre de contestation de cette Notification d'Accélération intervenue le 8 octobre 2020, contestant les Cas de Défaut et invitant les sociétés financières à déclarer la créance de la Somme Due auprès des mandataires judiciaires désignés par le tribunal de commerce.

Au mois d'octobre 2020, les fonds d'investissement, représentés par leurs sociétés de gestion Hayfin, Capital, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners se présentant comme détenant plus de 67% de la dette du Contrat de Credits Seniors, ont présenté une offre destinée à acquérir par voie de conversion le capital de [N] qui n'a pas été acceptée.

En avril 2021, [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium se sont vu notifier le remplacement de CACIB par la SAS [X] (ci-après, [X]) en qualité d'agent des sûretés.

Par lettres recommandées avec accusés de réception datées du 22 juillet 2021, reçues le 26 juillet 2021, [X] a notifié la survenance de Cas de Réalisation [ou Notifications de Blocage] prévu par le 'collateral agreement' à [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi qu'aux filiales débitrices de créances intra-groupe nanties, aux établissements bancaires teneurs de comptes bancaires nantis et aux établissements bancaires teneurs de comptes spéciaux de fruits et produits nantis (ci-après les Notifications de Blocage ou les Notifications de Cas de Réalisation).

Le 3 août 2021, autorisées par ordonnance rendue le 29 juillet 2021, [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ont fait assigner à heure indiquée, [X] en présence de la SCP [V] et [L] devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir principalement, de :

- ordonner l'arrêt des effets des notifications de Cas de Réalisation adressées par [X] selon lettres recommandées avec accusés de réception datées du 22 juillet 2021, reçues le 26 juillet 2021,

- faire interdiction aux établissements bancaires Teneurs de Comptes Bancaires de déférer aux instructions de [X] contenues dans les notifications de Cas de Réalisation ; lesdits établissements bancaires étant :

- Crédit Agricole Corporate and Investment Bank

- BNP Paribas

- Caisse d'Epargne

- Natixis Paris

- Arkea Banque Entreprise et Institutionnels

- Société Générale Securities Services

- Crédit Agricole Brie-Picardie,

- faire interdiction à CACIB, en sa qualité de Teneur de Comptes Fruits et Produits, de déférer aux instructions de [X] contenues dans les notifications de Cas de Réalisation,

- faire interdiction aux sociétés du Groupe Comexposium, débitrices de créances nanties, de déférer aux instructions de [X] contenues dans les notifications de Cas de Réalisation, lesdites sociétés étant, outre les sociétés demanderesses :

- Comexposium Australia Pty Limited

- Eurovet

- Silmo International

- Comexposium US

- Comexposium UK

- Comexposium NZ

- Comexposium Mexico s.a de c.v

- Coalition Media

- WSN Développement

- MFV Exposition,

- enjoindre à [X], sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance, de notifier à chacun des destinataires des notifications de Cas de Réalisation une lettre recommandée avec accusé de réception portant renonciation aux dites notifications,

- interdire à [X] toute nouvelle notification de Cas de Réalisation en cours des procédure de sauvegarde et d'exécution des plans de sauvegarde,

- leur donner acte qu'elles réservent leurs droits à dommages- intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'abus de droit commis par [X] au moyen des notifications de Cas de Réalisation,

- dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute,

- dire que l'ordonnance à intervenir sera notifiée :

- à [Adresse 18],

- aux établissements bancaires Teneurs de Comptes Bancaires nantis (voir tableau dans l'ordonnance),

- à l'établissement bancaire Teneur de Comptes fruits et produits nantis (voir tableau dans l'ordonnance),

- aux sociétés du Groupe Comexposium, débitrices de créances nanties (voir tableau dans l'ordonnance),

- condamner [X] à payer la somme de 20 000 euros à chacune d'elles,

- condamner [X] aux entiers dépens, en ce compris les frais de notification de l'ordonnance à intervenir.

L'ordonnance d'autorisation rendue le 29 juillet 2021 a également ordonné la suspension des Cas de Réalisation.

Les sociétés Hayfin Capital Management, KKRCredit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners (les sociétés de gestion des fonds d'investissement, Créanciers Senior ou membres du CoCom) sont intervenues volontairement.

Par ordonnance contradictoire rendue le 30 septembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit [X] et les sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners recevables mais mal fondées en leur exception d'incompétence territoriale, et s'est déclaré compétent,

- déclaré les sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners irrecevables en leur intervention volontaire,

- ordonné l'arrêt des effets des notifications de Cas de Réalisation adressées par [X] selon lettres recommandées avec accusés de réception datées du 22 juillet 2021, reçues le 26 juillet 2021,

- enjoint à [X], sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard à compter du 5ème jour ouvré suivant la signification de l'ordonnance par les sociétés demanderesses, de notifier à chacun des destinataires des notifications de Cas de Réalisation l'ordonnance accompagnée d'une lettre, émise par ses soins, de renonciation aux dites notifications de Cas de Réalisation ainsi qu'à tous leurs effets ; les destinataires des notifications de Cas de Réalisation étant :

1) les établissements bancaires Teneurs de Comptes Bancaires nantis,

- Credit Agricole Corporate and Investment Bank

- BNP Paribas

- Caisse d'Epargne

- Natixis Paris

- Arkea Banque Entreprise et Institutionnels

- Société Générale Securities Services

- Crédit AgricoIe Brie-Picardie ;

2) En qualité de Teneur de Comptes fruits et produits nantis,

- Crédit Agricole Corporate and Investment Bank ;

3) Les sociétés du Groupe Comexposium débitrices de créances nanties,

- Comexposium Australia Pty, Limited

- Eurovet

- Silmo International

- Comexposium US

- Comexposium UK

- Comexposium NZ

- Comexposium Mexico s.a de c.v

- Coalition Media

- WSN Développement

- MFV Exposition ;

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- fait interdiction à chacun des destinataires des notifications de Cas de Réalisation de déférer aux instructions de [X] contenues dans les notifications de Cas de Réalisation,

- interdit à [X] toute nouvelle notification de Cas de Réalisation en cours de période d'observation des procédures de sauvegarde et d'exécution des plans de sauvegarde,

- débouté [X] de toutes ses demandes,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné in solidum [X] et les sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners à payer la somme de 10 000 euros à chacune des demanderesses sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum [X] et les sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners à payer la somme de 10 000 euros à la SCP [V] et [L], prise en la personne de Maître [B] [V], ès qualités, et à la SELARL [W] prise en la personne de Maître [S] [I], ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné [X] aux entiers dépens,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 210,58 euros dont TVA 35,10 euros.

En parallèle, le 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a adopté les plans de sauvegarde des sociétés [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium, d'une durée de 3 ans, ceux-ci prenant fin au terme du dernier règlement de la dernière annuité.

Le tribunal de commerce a aussi mis fin à la mission de la SCP [V] & [M], prise en la personne de Maître [B] [V], ainsi que la SELARL [W], prise en la personne de Maître-[S] [I], en qualité d'administrateurs judiciaires, nommant, la SELARL [R]. [F], prise en la personne de Maître [R] [F] et la SCI B.T.S.G., prise en la personne de Maître [H] [A], en qualité de commissaires à l'exécution du plan, leur confiant une mission d'effectuer tout acte utile pour l'exécution du plan de sauvegarde, avec une procédure de médiation, en cas de différend, afin que les commissaires à l'exécution du plan, tentent de rapprocher les parties en vue de trouver une solution amiable au différend dans un délai de 30 jours ouvrés à compter du jour de leur saisine.

Ces jugements du 7 octobre 2021ont fait l'objet d'une procédure de tierce-opposition initiée par les Créanciers Senior le 27 octobre 2021.

Par déclaration reçue au greffe le 15 octobre 2021, [X] a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 30 septembre 2021 en tous ses chefs de disposition.

Le 14 janvier 2022, les sociétés Hayfin capital Management, KKRCredit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners qui n'ont pas été intimées, ont déposé leurs premières conclusions d'appel provoqué.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, [X] demande à la cour, au visa des articles 42, 43, 75, 90, 484, 488 et 873 du code de procédure civile, L. 521-3, L. 622-7, L. 622-13, L. 622-21, L. 622-29 et R. 662-3 du code de commerce, 1102, 1103, 1154, 2363, 2364 et 2365 du code civil, L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution et L. 211-20 du code monétaire et financier, de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel ;

y faisant droit,

1) In limine litis, sur l'exception d'incompétence :

- réformer l'ordonnance de référé du 30 septembre 2021 en ce que la formation collégiale statuant en état de référé du tribunal de commerce de Nanterre s'est déclarée compétente ;

en conséquence,

statuant à nouveau :

- la déclarer recevable et bien fondée en son exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris statuant en référé ;

en conséquence,

- renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;

2) sur les fins de non-recevoir :

- déclarer qu'en ordonnant l'arrêt des effets des notifications de Cas de Réalisation [notifications de blocage] adressées par elle-même selon lettres recommandées avec accusés de réception datées du 23 juillet 2021 et en lui interdisant toute nouvelle notification de Cas de Réalisation [notifications de blocage] en cours de période d'observation des procédures de sauvegarde et d'exécution des plans de sauvegarde, la formation collégiale statuant en état de référé du tribunal de commerce de Nanterre a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par les article 484, 488 et 873 du code de procédure civile ;

- déclarer que les conditions prévues par l'article 873 du code de procédure civile ne sont pas réunies ;

en conséquence :

- réformer l'ordonnance de référé du 30 septembre 2021 en toutes ses autres dispositions sur le fond,

en conséquence,

et statuant à nouveau :

- dire qu'il n'y a lieu à référé ;

- débouter [N], Comète Holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que les sociétés BTSG et [R]. [F] et de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions formées ;

3) en tout état de cause, et y ajoutant :

- condamner [N], Comète Holding, Comexposium holding et Comexposium à lui payer chacune, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés BTSG et [R]. [F] à lui payer chacune la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [N], Comète Holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que les sociétés BTSG et [R]. [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel :

- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 28 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners demandent à la cour, au visa des articles 42, 43, 66, 75, 90, 325, 546, 548, 549, 873, 484 et 488 du code de procédure civile, L. 521-3, L. 620-1, L. 622-7, L. 622-13, L. 622-21, L. 622-29, L. 640-1, L. 654-8 et R. 662-3 du code de commerce, 1103, 1989, 2360, 2363, 2364 et 2365 du code civil et L. 211-10 du code monétaire et financier, de :

In limine litis, sur l'exception d'incompétence :

- réformer l'ordonnance de référé du 30 septembre 2021 en ce que la formation collégiale statuant en état de référé du tribunal de commerce de Nanterre s'est déclarée compétente ;

en conséquence,

statuant à nouveau :

- déclarer le tribunal de commerce de Nanterre, statuant en référé, incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, pour connaître de l'action en référé à heure indiquée introduite par les sociétés [N], Comète Holding, Comexposium Holding et Comexposium visant à obtenir l'arrêt des effets des Notifications de Blocage émises par la société [X] le 22 juillet 2021 ;

en conséquence,

- renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;

sur le fond :

- les déclarer recevables et fondées en leur appel provoqué ;

- réformer l'ordonnance de référé du 30 septembre 2021 en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau :

- déclarer recevable leur intervention volontaire à titre accessoire ;

- dire qu'il n'y a lieu à référé ;

- débouter [N], Comète Holding, Comexposium Holding et Comexposium, ainsi que la société BTSG et la société [R]. [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

en tout état de cause :

- condamner [N], Comète Holding, Comexposium Holding et Comexposium à leur payer à chacune la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la procédure d'appel ;

- condamner solidairement la société BTSG et la société [R]. [F] à leur payer à chacune la somme de 20 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [N], Comète Holding, Comexposium Holding et Comexposium et les sociétés BTSG et la [R]. [F] aux entiers dépens de la première instance et de la procédure d'appel ;

- dire qu'ils pourront être intégralement recouvrés par la société Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 14 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de s leurs prétentions et moyens, les sociétés [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium demandent à la cour, au visa des articles 66,, 122, 325 etsuivants, 546, 549 et 873 du code de procédure civile et L. 620-1, L. 622-7, L. 622-21, L. 622-24 et suivants, L. 622-29, L. 654-8 et R. 662-3 du code de commerce, de :

- se déclarer territorialement compétente ;

- déclarer irrecevable l'appel provoqué formé par 'les fonds spéculatifs' ;

- débouter [X] de l'intégralité de ses demandes de réformation, fins et prétentions ;

- débouter les 'fonds spéculatifs' de l'intégralité de leurs demandes de réformation, fins et prétentions ;

- confirmer l'ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

- condamner en cause d'appel [X] à payer la somme de 50 000 euros à chacune des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement en cause d'appel 'les fonds spéculatifs' à payer la somme de 100 000 euros à chacune des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner [X] et 'les fonds spéculatifs' aux entiers dépens d'appel.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 15 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurss prétentions et moyens, la société [R]. [F] et la société BTSG (ci-après les organes de la procédure collective) demandent à la cour, au visa des articles 484, 549 et 873 du code de procédure civile, de :

- déclarer irrecevables les appels provoqués des sociétés Strategic Value Partners LLC (SVP), Hayfin Capital Management LLP, KKR Credit Advisors (Ireland) Unlimited Company, KKR Credit Advisors (US) LLC et Attestor Limited ;

- se déclarer compétente ;

- confirmer l'ordonnance de référé du 30 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;

- débouter les sociétés [X] SAS, Strategic Value Partners LLC (SVP), Hayfin Capital Management LLP, KKR Credit Advisors (Ireland) Unlimited Company, KKR Credit Advisors (US) LLC et Attestor Limited de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner les sociétés [X] SAS, Strategic Value Partners LLC (SVP), Hayfin Capital Management LLP, KKR Credit Advisors (Ireland) Unlimited Company, KKR Credit Advisors (US) LLC et Attestor Limited à leur payer la somme de 20 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022.


MOTIFS DE LA DÉCISION :


Il est précisé en préliminaire, que les sociétés BTSG et [R]. [F] produisant des pièces numérotées 1 à 4 en anglais alors que par deux fois depuis la déclaration d'appel et par précaution, un message a été envoyé aux parties par la cour afin que les pièces versées aux débats soient traduites, aucun enseignement ne pourra en être tiré, ces pièces sont écartées des débats faute de production d'une traduction en langue française.

1 - Sur la recevabilité de l'appel provoqué des sociétés de gestion des fonds d'investissement

Il est observé que la cour doit d'abord statuer sur la régularité de l'appel qui la saisit, y compris sur la régularité de l'appel provoqué. Cette question précède en effet celle ayant trait à sa compétence territoriale qui est développée par toutes les parties, y compris par l'auteur de l'appel provoqué dont les demandes et moyens y compris à ce titre, n'ont vocation à être examinés que s'il est jugé recevable.

[N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium soutiennent que l'appel provoqué, en application des articles 547 et 549 du code de procédure civile, est irrecevable comme l'était l'intervention volontaire des sociétés d'investissement. À ce titre elles demandent la confirmation de l'ordonnance entreprise.

Sur l'appel provoqué, elles observent qu'en l'absence de demande nouvelle de [X], il n'existe aucun intérêt nouveau à faire appel pour les sociétés financières.

Les organes de la procédure collective rappellent que l'intérêt à interjeter appel provoqué s'apprécie en fonction de l'appel principal sur la situation des parties.

Ils ajoutent que les sociétés financières disposaient d'un droit propre de faire appel, droit dont elles n'ont pas usé, ce qui rend leur appel provoqué d'autant plus irrecevable.

Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners (ci-après les sociétés de gestion des fonds d'investissement) qui arguent de la recevabilité de leur appel provoqué, entendent se prévaloir de la régularité de l'appel principal interjeté par [X], de leur qualité de partie à la procédure en première instance malgré la déclaration d'irrecevabilité de leur intervention volontaire et de l'intérêt qu'elles ont à former le présent appel puisque la réformation de l'ordonnance querellée les rétablirait dans leurs droits au titre du Collateral Agreement.

Elles contestent avoir pu, en qualité d'intervenant volontaire à titre accessoire, interjeter un appel autonome tant que la partie pour laquelle elles intervenaient n'avait pas elle-même formé appel, et en conséquence l'incidence jurisprudentielle de 'l'intérêt nouveau' qui ne s'applique qu'à la partie qui avait cette possibilité de former un appel seule. Elles allèguent au surplus, un risque d'aggravation de leur situation puisqu'elles se disent garants des condamnations éventuelles de [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 240 000 euros étant demandée à ce titre par les intimées.

Les sociétés de gestion des fonds d'investissement considèrent aussi qu'au delà de leur intérêt, leur appel provoqué est en tout état de cause recevable en application de l'article 552 du code de procédure civile qui contient la notion de 'solidarité ou d'indivisibilité' du litige à l'égard de plusieurs parties, puisqu'elles ont été condamnées par l'ordonnance querellée, in solidum avec [X], aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


Sur ce,


Il résulte de l'article 546 du code de procédure civile que : ' Le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé'.

Il en résulte que le droit d'appel appartient à toute personne qui a été partie en première instance et qui y a intérêt.

Dans l'hypothèse où ce droit de faire appel de façon autonome leur était acquis, accueillir favorablement l'appel provoqué reviendrait à leur accorder un double droit de faire appel qui est exclu, ainsi que le rappellent d'ailleurs elles-mêmes les sociétés de gestion des fonds d'investissement en page 51 de leurs conclusions. Un droit d'appel autonome de ces dernières jouerait donc un effet d'éviction sur l'appel provoqué.

Or en l'espèce, à l'argument des sociétés de gestion des fonds d'investissement selon lequel, intervenant volontaire à titre accessoire en première instance, à l'inverse de l'intervenant volontaire à titre principal, elles ne disposaient pas de ce droit d'appel autonome, il sera retenu au contraire qu'elles disposaient bien du droit de faire appel puisqu'elles avaient non seulement été déclarées irrecevables en leur intervention volontaire, mais qu'elles avaient aussi été condamnées aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dès lors effectivement, seule la solidarité ou l'indivisibilité visées par l'article 552 du code de procédure civile pourrait permettre aux sociétés de gestion des fonds d'investissement 'de conserver' leur droit d'appel, ou de 'se joindre à l'instance'.

Selon l'article 552 du code de procédure civile : « En cas de solidarité ou d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel formé par l'une conserve le droit d'appel des autres, sauf à ces dernières à se joindre à l'instance.

Dans les mêmes cas, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance.

La cour peut ordonner d'office la mise en cause de tous les co-intéressés », souligné par la cour.

Néanmoins, il sera retenu que l'ordonnance querellée a bien réservé deux sorts distincts, aux sociétés de gestion des fonds d'investissement qui ont été déclarées irrecevables en leur intervention volontaire d'une part, à [X] d'autre part obligé à réparer un trouble manifestement illicite, de sorte que peu important que les condamnations aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile soient prononcées in solidum, ces notions de solidarité ou d'indivisibilité sont écartées et ce moyen rejeté.

En conséquence de ces observations, il est retenu que les sociétés de gestion des fonds d'investissement disposaient d'un droit d'appel autonome dont elles n'ont pas usé, et que leur appel provoqué ne peut saisir la cour sans créer un déséquilibre entre les parties. Cet appel provoqué est donc irrecevable.

2 - Sur la compétence

[X] soulève l'incompétence du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, au bénéfice du tribunal de commerce de Paris qui est le juge de droit commun.

L'appelant indique que de même que la compétence du juge des référés est déterminée par celle du tribunal compétent pour statuer au fond, le tribunal de la procédure collective ne peut prendre de mesures de référé que si le litige au fond relève de sa compétence.

Selon [X], le critère de « l'influence » de la procédure collective sur le litige doit être apprécié, non pas au regard du fondement de la contestation, mais au regard des conséquences réelles de l'application des règles de la procédure collective sur la solution du litige.

Or pour l'appelant, la validité des Notifications de Blocage ne dépend aucunement des règles gouvernant le régime des procédures collectives.

Les intimés ([N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium et les sociétés [F] et BTSG, ès qualités) sollicitent au contraire la confirmation de l'ordonnance querellée, retenant également le critère de l'influence juridique exercée par les procédures collectives, sans lesquelles selon eux, leur action n'aurait pas pu naître.

Ils entendent préciser que le tribunal de la procédure collective est également compétent pour ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite tels qu'ils l'allèguent.

Ils soutiennent que ce sont les règles spécifiques du droit des procédures collectives qui constituent le fondement et l'objet du présent litige, l'essentiel de leur argumentation portant sur la contradiction entre les notifications litigieuses et les règles d'ordre public régissant ces procédures.

Ils ajoutent que les Notifications de Cas de Réalisation faisant suite à la Notification d'Accélération sont liées aux procédures de sauvegarde puisque leur but était précisément d'entraver les plans de sauvegarde des débitrices.


Sur ce,


Il est constant que [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ont fait assigner à heure indiquée, [X] en présence des organes de la procédure collective, pour que soient prononcées des mesures en référé par le tribunal de commerce de Nanterre, également tribunal de la procédure collective intéressant les sociétés demanderesses, sur ce seul critère de compétence. Le tribunal a statué en formation collégiale par l'ordonnance dont appel.

Selon l'article R. 662-3 du code de commerce : « ['] le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires ['] ».

En application de cet texte qui édicte une règle de compétence qui déroge au droit commun, le tribunal de la procédure collective ou le juge-commissaire, est compétent pour connaître de toutes les contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles cette procédure exerce une influence juridique. Le tribunal de la procédure collective est effectivement également compétent pour ordonner les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que les organes de la procédure collective, entendent qu'il soit mis fin au trouble manifestement illicite et/ou au dommage imminent résultant de la violation par la Notification d'Accélération et les Notifications de Blocage qui leur ont été adressées, des règles d'ordre public applicables aux procédures collectives que sont : l'interdiction de paiement de créances antérieures (L. 622-7 code de commerce), l'arrêt ou de l'interdiction des poursuites individuelles (L. 622-21 I), l'absence d'exigibilité anticipée des créances non échues (L. 622-29), et le principe de suspension de toute procédure d'exécution (L. 622-21 II du même code).

Il suffit donc de constater que si ces règles ne pouvaient être invoquées et elles le peuvent du fait de l'ouverture des procédures collectives, le litige n'existerait pas. Il n'est pas pour autant préjugé de sa solution. Il sera seulement retenu que cette action n'aurait pas été possible sans l'ouverture de la procédure collective et que le tribunal où elle est ouverte, est le seul compétent. La décision querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a jugé de ce chef.

3 - Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'un dommage imminent et les mesures à prendre

Au regard des développements des parties, il convient de retenir que le dépassement de son pouvoir juridictionnel par le juge des référés tel qu'il est allégué par [X], passe en réalité par une analyse des mesures ordonnées pour mettre fin au trouble manifestement illicite et au dommage imminent retenus en première instance, et ne peut donc précéder la caractérisation de ce trouble ou de ce dommage imminent qui sera donc d'abord envisagée. 'La fin de non-recevoir' soulevée par [X] sera donc examinée, si besoin, dans un second temps.

Sur le trouble manifestement illicite et le dommage imminent

[X] conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent. Elle sollicite l'infirmation de la décision querellée et qu'il soit dit n'y avoir lieu à référé.

L'appelante défend la licéité de la Notification d'Accélération qui a pour effet de provoquer la déchéance du terme des Credits Senior, au regard des dispositions des articles L. 622-7 I (principe d'interdiction de paiement des créances antérieures) et L .622-21 II (principe de l'interdiction de toute procédure d'exécution) du code de commerce.

Elle indique que la clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de prêt produit ses effets postérieurement à l'ouverture de la procédure collective sous réserve que la déchéance ne soit pas exclusivement liée à l'ouverture de ladite procédure.

Elle précise que le Contrat de Credits Senior était un contrat en vigueur nonobstant l'ouverture des procédures de sauvegarde pendant la période d'observation, et était pleinement applicable au jour de la Notification d'Accélération.

Elle soutient que la Notification d'Accélération, s'agissant d'une 'simple demande de paiement' en sa qualité de créancier, fondée notamment sur le défaut de paiement de l'échéance d'intérêts du 30 septembre 2020 (paragraphe 2 (a) de la Notification d'Accélération), ne constitue que la prononciation tout à fait licite de l'exigibilité de la créance et ne contrevient pas à l'interdiction des paiements de l'article L. 622-7 I du code de commerce, aucun paiement immédiat n'étant sollicité.

Elle ajoute que l'objectif de cette notification n'était pas d'obtenir un quelconque paiement au titre des Credits Senior mais seulement de prononcer la déchéance du terme de toutes les sommes dues par les sociétés et de faire courir les intérêts de retard, conformément à l'article 15.3 (Intérêts de retard) du Contrat de Credits Sénior, jusqu'au complet remboursement de ces sommes.

Elle prétend que la Notification d'Accélération ne s'analyse pas davantage en une demande de réalisation des sûretés, aucune référence n'y étant faite à la Convention de Suretés, et les débiteurs des créances nanties n'en ayant pas été rendus destinataires. Elle estime qu'elle ne contrevient pas non plus à l'interdiction des procédures d'exécution de l'article L. 622-21 II du même code.

Il s'agirait selon [X], de la seule exécution du contrat et de sa disposition qui prévoit que la survenance d'un certain événement aura pour conséquence la déchéance du terme du prêt qui ne contrevient nullement à la règle édicté par l'article L. 622-29. Elle en déduit que l' Accélération intervenue postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective, fondée sur un événement autre que l'ouverture de ladite procédure ' qu'il soit antérieur ou postérieur à cette ouverture ' est parfaitement valide.

[X] allègue la réalité matérielle des cinq Cas de Défaut constatés dans la Notification d'Accélération au moment de l'envoi de cette dernière, à part le défaut de paiement de l'échéance d'intérêts du 30 septembre 2020 (1) : la violation, préalablement à l'ouverture des procédures de sauvegarde, de certaines obligations contractuelles du Contrat de Credits Senior (2), l'ouverture des procédures de sauvegarde de certaines sociétés elles-mêmes garantes au titre des Credits Senior (3), l'existence d'un contentieux, préalablement à l'ouverture des procédures de sauvegarde avec les vendeurs d'Europa pouvant être considéré comme ayant des répercussions négatives importantes (4), dans les mêmes conditions et avec le même effet, la crise sanitaire autre événement significatif défavorable (5). Elle prétend que chacun des autres Cas de Défaut constatés dans la Notification d'Accélération justifie à lui seul la mise en 'uvre de la déchéance du terme des Credits Senior prévue à l'Article 29.17 du Contrat de Credits Senior.

Elle admet que la déchéance du terme du prêt qui résulterait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire est prohibée par les dispositions de l'article L. 622-29 du code de commerce. Elle conteste que la Notification d'Accélération y fasse référence en ces termes puisqu'elle précise au contraire « chaque Cas de Défaut résultant de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard d'un Emprunteur donné ne constitue pas un fondement à l'exercice [de la déchéance du terme de la dette de Crédits Senior] à l'égard de cet Emprunteur (mais sert de fondement à l'exercice de ces droits à l'égard des autres Emprunteurs)».

Elle admet volontiers que la créance de prêt est une créance antérieure au sens de l'article L. 622-7 I du même code.

Elle relève qu'en l'absence de nullité de la Notification d'Accélération et de décision de justice se prononçant en ce sens, la Notification d'Accélération est réputée valide et conserve sa force juridique.

[X] entend également se prévaloir de la licéité des Notification de Blocage au regard du mécanisme contractuel prévu par la Convention de Sûreté (article 4) et des dispositions de l'article L. 622-21 II du code de commerce et de l'article L. 622-7 I du même code.

Elle entend démontrer que ces Notifications de Blocage qu'elle a envoyées en sa qualité d'Agent des Sûretés, constituent l'exercice des droits légaux et contractuels des Prêteurs Senior, bénéficiaires des Sûretés dans le strict respect du mécanisme de blocage prévu au titre de la Convention de Sûretés. Elles diffèrent de la réalisation de ces Sûretés et n'entraînent aucun paiement, aussi bien concernant les Nantissements de Compte-Titres que les Nantissements de Comptes Bancaires et les Nantissements de Créances et ne contreviennent donc en aucun cas à l'article L.622-21 II du code de commerce.

Sur le dommage imminent résultant des Notifications de Blocage sur lequel selon l'appelante, le juge initialement saisi se serait seulement prononcé, [X] entend se prévaloir de l'évolution du litige pour le contester.

Elle prétend qu'il n'en résulte aucun obstacle au fonctionnement des sociétés concernées ou à la faisabilité et l'exécution des plans de sauvegarde tels qu'arrêtés par le tribunal de commerce de Nanterre.

[N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium sollicitent au contraire la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite.

Les sociétés intimées soutiennent d'abord qu'il existe un trouble manifestement illicite résultant de la Notification d'Accélération, rappelant qu'elles l'ont immédiatement contestée.

Elles critiquent ainsi ce qu'elles considèrent comme le premier cas de défaut, à savoir le défaut de paiement.

Elles entendent se prévaloir de l'arrêt des poursuites individuelles, de la règle de l'interdiction du paiement des créances nées antérieurement prévue par l'article L. 622-7 du code de commerce et du principe de l'absence d'exigibilité anticipée liée directement ou indirectement au jugement d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, toute clause contraire étant réputée non écrite (l'article L. 622-29 du même code), s'agissant de dispositions d'ordre public.

Elles soutiennent que la Notification d'Accélération qui leur a été adressée postérieurement à l'ouverture de la procédure de sauvegarde, emporte expressément demande de paiement de toutes les sommes dues au titre du Contrat de Credits Senior, créances dont le fait générateur est antérieur à l'ouverture des procédures de sauvegarde, et qui sont soumises en tant que telles à déclaration de créances au passif du débiteur. Elles affirment que ce type de créance ne peut devenir exigible à l'encontre d'un débiteur sous procédure de sauvegarde.

Elles arguent de la nullité de la Notification d'Accélération qui constituerait à l'évidence « une sommation ou un acte portant interpellation suffisante » de payer au sens de l'article 1344 du code civil qui définit la mise en demeure du débiteur, constitutive d'une violation de l'article L. 622-7 I du code de commerce. Elles en veulent pour preuve l'action en paiement de la somme de 324 129 877,44 euros devant les juridictions anglaises en conséquence de la Notification d'Accélération. Elles estiment qu'il n'est pas sérieux de soutenir que la Notification d'Accélération n'aurait comme seul objectif que de déclarer la déchéance du terme et non le paiement immédiat des sommes dues au titre du Contrat de Credit Senior, seul ce paiement étant directement prohibé par la loi. Elles relèvent que le 9 novembre 2020, les 'Créanciers Senior reconnaissent parfaitement la suspension de cette exigibilité à la suite de l'ouverture des procédures de sauvegarde par application des article L622-7 et L622-29 du Code de Commerce'.

Elles relèvent que puisqu'en procédure de sauvegarde il est fait interdiction au débiteur de payer une créance née antérieurement au jugement d'ouverture, il n'est pas possible de sanctionner un emprunteur qui ne procède pas au paiement des échéances d'intérêts d'un prêt pendant la période d'observation, par la déchéance du terme qui lui est inopposable.

Dans un second temps, sur le Cas de Défaut lié à l'ouverture de la sauvegarde, elles allèguent une violation de l'article L. 622-29 du code de commerce qui l'interdit, la référence y étant faite au jugement d'ouverture sans qu'il puisse être considéré que c'est celui concernant le seul emprunteur.

Elles estiment que les autres Cas de Défaut sont artificiellement et abusivement invoqués, contestant tout Effet Défavorable Significatif. Elles précisent que des accords ont été conclus (pour le contentieux Europa et les CAPEX, le Covid qui a déjà entraîné l'ouverture des procédures collectives y étant intrinsèquement lié).

Elles contestent également toute violation, préalablement à l'ouverture des procédures de sauvegarde, de certaines obligations contractuelles du Contrat de Credits Senior (clause 28.30 du Credits Senior), indiquant qu'aucun nouveau membre ne remplit les conditions imposées par le contrat.

Les sociétés intimées indiquent également que les Notifications de Cas de Réalisation qui manifestent clairement une volonté de réalisation des sûretés en violation de l'article L. 622-21 du code de commerce et qui visent des Cas de Réalisation en réalité inexistants ou dont les effets ont cessé, contreviennent à la fois aux dispositions d'ordre public du droit des procédures collectives et aux dispositions contractuelles de la convention de nantissement.

Elles contestent en outre la qualité d'agent des sûretés de [X], auteur des Notifications de Cas de Réalisation.

Enfin, [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium entendent voir retenir le dommage imminent résultant de l'envoi des Notifications de Cas de Réalisation, à savoir 'la liquidation judiciaire à venir en cas d'impossibilité pour l'entreprise de fonctionner faute de fonds disponibles', ou en tout cas, l'obstacle mis au déroulement des plans de sauvegarde, en contravention avec l'article L. 620-1 du code de commerce.

Sur les Notifications de Cas de Réalisation, les organes de la procédure collective quant à eux prétendent qu'aucun ne répond à la définition contractuelle d'Enforcement Event au sens du contrat de sûretés (Collateral Agreement) et permet l'exercice des sûretés. Ils contestent que l'un des deux cas de réalisation des sûretés prévus dans la documentation financière du groupe Comexposium à savoir : le défaut de paiement ou le prononcé de l'exigibilité anticipée du crédit lorsque le crédit devient immédiatement remboursable (« becoming immediately due and payable ») ait été constaté.

Ils rappellent qu'à la date des jugements d'ouverture, les différentes sociétés du groupe Comexposium avaient régulièrement payé l'intégralité de leurs échéances nées antérieurement au jugement d'ouverture et que les créances nées du Term Loan B et du Crédit Revolving étant antérieures aux jugements d'ouverture des procédures de sauvegarde, ne peuvent donc être payées, ces crédits n'étant pas immédiatement remboursable en raison du prononcé de l'exigibilité anticipée du crédit, les créanciers reconnaissant que cette exigibilité était suspendue dans une lettre du 9 novembre 2020.

Ils considèrent que dès lors, l'envoi de Notification de Blocages, alors que n'est caractérisé aucun Cas de Réalisation (Enforcement Event) des sûretés constitue, pour le groupe Comexposium, un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

Ils ajoutent que les Notifications de Blocage sont paralysées par l'ouverture d'une procédure collective par application des articles 2287 du code civil et L. 622-7 et L. 622-29 du code de commerce.

Enfin selon ces mêmes organes de la procédure collective, l'action des créanciers qui a pour but d'entraver l'issue d'une procédure de sauvegarde fait également naître un dommage imminent justifiant les mesures sollicitées par les sociétés du groupe Comexposium.


Sur ce,


Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.

L'illicéité du trouble suppose la violation d'une obligation qui peut être légale ou contractuelle, ou celle d'une interdiction préexistante. Elle doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'en faire la démonstration avec l'évidence requise devant le juge des référés.

En vertu de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

L'article 29.17 (Accélération) du Contrat de Credits Senior est rédigé dans les termes qui suivent : « à tout moment après la survenance d'un Cas de Défaut (') l'Agent pourra, et devra, si la Majorité des Prêteurs le requiert, par notification écrite à la Société : (')(ii) déclarer immédiatement exigible tout ou partie des Tirages, y compris les intérêts en cours, et tous les autres montants en cours ou échus au titre des Documents de Financement [en ce compris le Contrat de Crédits Senior], ces montants devenant alors immédiatement exigibles;(iii) déclarer payable à première demande tout ou partie des Tirages, ces Tirages devenant alors immédiatement payables à première demande de l'Agent sur instruction de la Majorité des Prêteurs (') ».

Il est admis que cet article constitue une clause de déchéance du terme des Credits Senior qui a pour effet de provoquer leur exigibilité anticipée en raison de la survenance de certains événements constituant des Cas de Défaut au sens contractuel.

La Notification d'Accélération datée du 8 octobre 2020 adressée par le CACIB à [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi que les organes de la procédure collective étant en copie, indique au motif des Cas de Défaut qui sont énumérés : 'conformément et aux termes de l'article 29.17 'Accélération' du Contrat de Crédits Senior (a) annulons le Total des engagements et (b) déclarons tous les tirages en cours de chaque Emprunteur, ainsi que les intérêts courus (...) ,et tous les autres montants échus ou en cours au titre des Document de Financement (la Somme due) immédiatement exigible, et exigeons le paiement immédiat de la Somme due.

La somme due s'élève à 579 991 577,61 EUR à la date de la présente notification (la 'Date d'Échéance')'.

C'est avec une évidence suffisante, qu'il s'agit d'une mise en demeure de payer adressée à [N]. La précision donnée a posteriori par lettre du 9 novembre 2020 par les créanciers selon laquelle « Bien entendu, les Créanciers Senior reconnaissent parfaitement la suspension de cette exigibilité à la suite de l'ouverture des procédures de sauvegarde par application des articles L622-7 et L622-29 du Code de Commerce », ne change rien au sens de la Notification d'Accélération qui équivaut à une mise en demeure de payer avec effet immédiat.

Or le débiteur en procédure collective à l'interdiction de payer en application du premier alinéa de l'article L. 622-7 I du code de commerce qui dispose que :« le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires ».

Cette exigence d'un paiement immédiat résultant de la Notification d'Accélération datée du 8 octobre 2020 et de la mise en oeuvre de la déchéance du terme caractérise une infraction aux règles d'ordre public qui gouvernent le régime des procédures collectives.

Par ailleurs, par lettres recommandées avec accusés de réception datées du 22 juillet 2021, reçues le 26 juillet 2021, [X] a notifié la survenance de Cas de Réalisation [ou Notifications de Blocage] prévu par le 'collateral agreement' à [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium ainsi qu'aux filiales débitrices de créances intra-groupe nanties, aux établissements bancaires teneurs de comptes bancaires nantis et aux établissements bancaires teneurs de comptes spéciaux de fruits et produits nantis.

Or l'article 4.2 (b) de la Convention de Sûreté du 28 mars 2019 est rédigé dans les termes qui suivent : '(...) En cas de survenance d'un Evénement Déclencheur et tant qu'il se poursuit, l'Agent des Sûretés sera en droit d'adresser une Notification de Blocage à tout Débiteur de Créances Nanties(...)'.

En page 3 de cette même Convention de Sûreté du 28 mars 2019 'l'Evénement Déclencheur' (Ou 'Cas de Réalisation') est défini par la clause ci-dessous traduite suivante : 'la survenance d'un Cas de Défaut en vertu de l'article 29.1 (Non paiement) du Contrat de Credit Senior ou le fait que tout ou partie des Crédits devient immédiatement exigible en raison de la déclaration d'exigibilité anticipée par les Parties Financières Senior conformément au paragraphe (a) et/ou (b) de l'article 29.17 (Accéleration) du Contrat de Credit Senior.'

De façon évidente, cette clause pose donc une alternative qui conditionne 'l'Evénement Déclencheur' dont la seconde branche vise l'hypothèse de la déchéance du terme déjà écartée comme mise en oeuvre irrégulièrement en infraction aux règles d'ordre public qui gouvernent le régime des procédures collectives.

Reste la première branche et l'article 29.1 du Credits Senior qui est le fait qu'« un Débiteur ne paie[pas]à sa date d'exigibilité une somme due au titre d'un Document de Financement au lieu et dans la devise convenus » (Non paiement).

Il est notamment acquis qu'aucune échéance du prêt n'était impayée à la date du jugement d'ouverture et que seule la créance d'intérêt est litigieuse. Or il s'agit d'une créance antérieure qui doit être déclarée au passif dont le non paiement ne peut donc, avec l'évidence requise, être considéré comme 'l'Evénement Déclencheur'.

Dans ces conditions, en application des règles contractuelles, contrairement aux allégations de l'appelante, les Prêteurs Senior ne pouvaient sans contrevenir aux règles organisant les procédures collectives, mettre en 'uvre la déchéance du terme et les pouvoirs de blocage dont ils bénéficient en vertu de la Convention de Sûreté.

En conséquence le trouble manifestement illicite est caractérisé, de sorte que l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a jugé à ce titre, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés au soutien de cette même demande, ceux tenant notamment aux effets juridiques attachés à l'envoi des Notifications de Blocage. Il n'est pas davantage nécessaire d'examiner le dommage imminent.

Sur les mesures à prendre

[X] soutient que le premier juge a dépassé ce qui était en son pouvoir, à savoir prendre des mesures provisoires, puisqu'il n'a prévu aucun terme aux mesures ordonnées, violant ainsi les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile. Elle soulève à ce titre une 'irrecevabilité'.

[N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium qui sollicitent la confirmation de l'ordonnance querellée, relèvent que les mesures ordonnées étaient bien par nature limitées dans le temps puisqu'elles avaient vocation à s'appliquer pendant les procédures de sauvegarde.

La SELARL [R]. [F], prise en la personne de Maître [R] [F] et à la SCP B.T.S.G. qui sollicitent également la confirmation de l'ordonnance querellée, s'opposent aussi à 'l'irrecevabilité' soulevée.


Sur ce,


Si le juge apprécie souverainement les mesures permettant de faire cesser le trouble, il doit veiller à ce qu'elles demeurent proportionnées aux intérêts en présence. Aucune irrecevabilité ne pourrait résulter du fait que les mesures ordonnées ne sont pas délimitées dans le temps. C'est leur nature et leur durée qui est litigieuse.

Il convient ainsi de préciser, au regard de l'évolution du litige notamment, que les mesures par ailleurs proportionnée à l'objectif poursuivi, sont ordonnées tant que dure le plan de sauvegarde décidé par le jugement rendu par le tribunal de commerce le 7 octobre 2021, étant rappelé certes la tierce opposition des créanciers mais également qu'il a été confié à la SELARL [R]. [F], prise en la personne de Maître [R] [F] et à la SCP B.T.S.G., prise en la personne de Maitre [H] [A], en qualité de commissaires à l'exécution du plan, une mission d'effectuer tout acte utile pour l'exécution du plan de sauvegarde, mais aussi une mission de médiation, en cas de différend, afin de rapprocher les parties en vue de trouver une solution amiable au différend. (Souligné par la cour)

Ainsi il est imposé à [X] de renoncer aux dites notifications de Cas de Réalisation ainsi qu'à tous leurs effets, il est fait interdiction à chacun des destinataires des notifications de Cas de Réalisation de déférer aux instructions de [X] contenues dans les notifications de Cas de Réalisation, et fait interdiction à [X] toute nouvelle notification de Cas de Réalisation en cours de période d'exécution des plans de sauvegarde, tant que dure le plan de sauvegarde décidé par le jugement du tribunal de commerce rendu le 7 octobre 2021 ou judiciairement arrêté.

4 - Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, [X] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et devra supporter les dépens d'appel avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il est en outre inéquitable de laisser à [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium d'une part, aux sociétés BTSG et [R]. [F] d'autre part, la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à verser aux premières la somme globale de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et 5 000 euros aux secondes.

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare irrecevable l'appel provoqué des sociétés Hayfin Capital Management, KKR Credit Advisors Ireland, KKR Credit Advisors US, Attestor limited et Strategic Value Partners,

Confirme l'ordonnance rendue le 30 septembre 2021,

Y ajoutant,

Dit que les mesures ordonnées prendront fin avec la fin du plan de sauvegarde décidé par le jugement du tribunal de commerce rendu le 7 octobre 2021 ou tel que judiciairement arrêté pour les sociétés [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium,

Condamne la société [X] à payer la somme de 10 000 euros aux sociétés [N], Comète holding, Comexposium holding et Comexposium et 5 000 euros aux sociétés BTSG et [R]. [F] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Rejette toute autre demande,

Dit que la société [X] supportera la charge des dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,