Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 4 septembre 2014, 13-14.060

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-09-04
Cour d'appel de Paris
2012-09-13
Tribunal de Grande Instance de PARIS
2010-07-06

Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2012), qu'une juridiction étrangère a reconnu la créance d'une certaine somme de la société NML Capital Ltd (le créancier) sur la République Argentine ; que le créancier, sur le fondement de ce jugement étranger non exécutoire, a fait procéder à deux saisies conservatoires de créances entre les mains de la société Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (la banque) au préjudice de la République Argentine, y compris ses subdivisions territoriales dont ses provinces ; que la Provincia del Chubut (la province du Chubut), dont le compte bancaire a été saisi, en a sollicité la mainlevée ;

Attendu que le créancier fait grief à

l'arrêt d'ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 3 avril 2009 et 10 novembre 2009 par lui entre les mains de la banque alors, selon le moyen, que dans l'ordre international, un Etat souverain recouvre non seulement l'Etat en tant que personne de droit public interne, mais également l'ensemble des personnes publiques qui le composent, y compris les Etats fédérés ; que le jugement du 18 décembre 2006 de la United States District Court for Southern District of New York a été rendu contre la République Argentine en tant qu'Etat souverain, ce qui incluait la Province de Chubut ; qu'en jugeant les saisies conservatoires pratiquées par la société NML les 3 avril et 10 novembre 2009 irrégulières motif pris que le jugement, fondement des saisies, ne désignerait pas le débiteur saisi, alors qu'il désignait la République Argentine en tant qu'Etat souverain, ce qui incluait toutes ses provinces, la cour d'appel a violé les principes qui gouvernent le droit international public et l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que la décision de justice, sur le fondement de laquelle les saisies avaient été pratiquées, avait été rendue à l'encontre de la République Argentine et non de la province du Chubut et retenu que, faute de disposer d'une décision de justice visant cette dernière, le créancier ne pouvait se dispenser de l'autorisation préalable du juge de l'exécution, c'est à bon droit que la cour d'appel a ordonné la mainlevée de la mesure ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société NML Capital Ltd aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société NML capital Ltd Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 3 avril 2009 et 10 novembre 2009 par la société NML CAPITAL entre les mains de la Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la société NML CAPITAL a fait pratiquer le 03 avril 2009 et le 10 novembre 2009 deux saisies conservatoires entre les mains de la BBVA sur le compte « CASA DEL CHUBUT » n° 1101003090 appartenant à la maison de représentation de la PROVINCE CHUBUT à Paris ; que selon la lettre adressée le 16 novembre 2009 par la BBVA à l'huissier, ces saisies ont permis d'appréhender la somme totale de 12009,95 euros ; que ces saisies ont été faites en exécution du jugement du 18 décembre 2006 de l'United States District Court for the Southern District of New York, sans autorisation préalable du juge en application de l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991 devenu aujourd'hui l'article L. 511-2 du Code des procédures civiles d'exécution ; que selon les indications figurant sur les procès verbaux, elles portent sur des sommes dues « à la REPUBLIQUE ARGENTINE, (y compris ses subdivisions ministérielles et départements administratifs, fiscaux et sociaux¿ ; y compris également ses subdivisions territoriales telle que la cité autonome/province de Buneos Aires, les provinces de Chubut, de Santa Cruz, Neuquen, Terra de Fuego etc¿) ; Sur la demande de mainlevée des saisies ; que la société NML CAPITAL Ltd ne fournit aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du premier juge qui a fait une exacte appréciation tant en droit qu'en fait des circonstances de la cause par des motifs pertinents que la Cour fait siens, étant encore observé que :- s'agissant de saisies pratiquées en vertu d'une décision de justice étrangère qui n'a pas encore force exécutoire, le jugement du 18 décembre 2006 n'ayant pas reçu à ce jour l'exequatur, le créancier doit pouvoir justifier d'un titre désignant le débiteur ;- le jugement susmentionné qui est rendu à l'encontre de la République Argentine et non de la province du Chubut, ne permet pas à la société NML Capital de pratiquer une saisie à l'encontre de cette entité, même si celle-ci est située sur le territoire du débiteur désigné par le jugement et en constitue une province ; - à cet égard, la consultation du Professeur X..., aussi pertinente soit-elle, s'agissant notamment de la définition de la personnalité juridique de l'Etat (interne ou internationale) ne permet pas de déroger au principe rappelé plus haut, peu important que la République Argentine, débitrice de la créance cause de la saisie, représente et englobe les collectivités qui la composent, en ce compris la Province du Chubut » ET AUX MOTIFS NON CONTRAIRES ADOPTES QUE sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 10 novembre 2009, aux termes de l'article 74 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, la saisie conservatoire ne peut porter que sur les biens mobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur ; qu'aux termes de l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, l'autorisation préalable du juge de l'exécution n'est pas nécessaire pour permettre au créancier de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur s'il se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire ; qu'en vertu d'une jurisprudence constante, la saisie conservatoire fondée sur l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, implique que le créancier soit muni d'un titre désignant nommément le débiteur ; qu'0 défaut de titre à l'égard de la personne même qui doit exécuter, le créancier ne peut procéder à une saisie conservatoire sans solliciter l'autorisation préalable du juge de l'exécution ; qu'en l'espèce, la société NML dispose d'un jugement étranger non exequaturé contre la République Argentine ; qu'elle soutient qu'elle peut, sur le fondement de cette décision, pratiquer des saisies conservatoires à l'égard des Etats fédérés de la République Argentine, notamment la Province du Chubut, car toute subdivision de l'Etat serait responsable de la dette souveraine ; que le titre contre une personne morale n'autorise pas la saisie des biens de ses composantes, fussent-elles engagées par le contrat initialement signé, ou même, indéfiniment solidaires des dettes de cette dernière ; que l'argumentaire de la société NML repose sur une consultation du Professeur Mathias X... qui conclut que la « province du Chubut a été engagée par l'emprunt international souscrit par la République Argentine » ; qu'il expose que, lorsqu'un Etat conclut avec une personne étrangère un contrat d'Etat et notamment un emprunt international, il agit dans le cadre de sa personnalité juridique internationale, en qualité d'Etat souverain, et engage par suite toutes ses structures institutionnelles ou administratives internes ; qu'il en déduit que la République Argentine, qui a agi en tant qu'Etat souverain, en signant le Fiscal Agency Agreement et les contrats d'émission subséquents, a engagé l'ensemble de ses collectivités publiques internes, dont les Etas fédérés ; que toutefois, son analyse, fût-elle exacte, ne dispense pas la société NML d'obtenir un titre contre la Province du Chubut ; qu'en effet, la circonstance que la Province du Chubut puisse être considérée comme débitrice directe de la société NML ne dispense pas cette dernière d'obtenir un titre à son encontre avant de pratiquer une saisie conservatoire sur ses biens, sur le fondement de l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ; que la seule exception reconnue en jurisprudence à l'interdiction de saisir des biens autres que ceux du débiteur nommément désigné est celle des émanations d'Etat et il s'agit d'une exception strictement encadrée, reposant sur le constat d'une confusion totale ou quasi totale, tant décisionnelle que patrimoniale, entre l'Etat et son émanation ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la Province du Chubut dispose, ce qui n'est pas contesté, d'organes de décision et d'un budget propres ; qu'en l'absence de désignation expresse de la Province du Chubut par le jugement américain fondant la saisie conservatoire querellée, la société NML ne pouvait se dispenser de l'autorisation préalable du juge de l'exécution ; qu'elle ne produit aucun texte de droit interne ou international, ni aucune référence jurisprudentielle permettant de déroger aux dispositions de l'article 68 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ; qu'en l'absence de toute autorisation de pratiquer la saisie conservatoire du 10 novembre 2009 sur le fondement de l'article 67 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, sa mainlevée sera ordonnée (...) ; que sur la saisie conservatoire du 3 avril 2009, la société NML sollicite la confirmation de la saisie conservatoire du 3 avril 2009, dont la mainlevée n'a pas, à ce jour, été ordonnée. (...) ; que pour les mêmes motifs que ceux affectant la saisie conservatoire du 10 novembre 2009, la demande de validation sera rejetée et la mainlevée de la saisie conservatoire du 3 avril 2009 sera ordonnée ; ALORS QUE dans l'ordre international, un Etat souverain recouvre non seulement l'Etat en tant que personne de droit public interne, mais également l'ensemble des personnes publiques qui le composent, y compris les Etats fédérés ; que le jugement du 18 décembre 2006 de la United States District Court for Southern District of New York a été rendu contre la République Argentine en tant qu'Etat souverain, ce qui incluait la Province de Chubut ; qu'en jugeant les saisies conservatoires pratiquées par la société NML les 3 avril et 10 novembre 2009 irrégulières motif pris que le jugement, fondement des saisies, ne désignerait pas le débiteur saisi, alors qu'il désignait la République Argentine en tant qu'Etat souverain, ce qui incluait toutes ses provinces, la cour d'appel a violé les principes qui gouvernent le droit international public et l'article 68 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 511-2 du Code des procédures civiles d'exécution.