Cour administrative d'appel de Douai, 4ème Chambre, 5 novembre 2020, 18DA01643

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Douai
  • Numéro d'affaire :
    18DA01643
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :Tribunal administratif d'Amiens, 7 juin 2018
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000042515468
  • Rapporteur : Mme Dominique Bureau
  • Rapporteur public :
    M. Arruebo-Mannier
  • Président : M. Heu
  • Avocat(s) : WENISCH
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Douai
2020-11-05
Tribunal administratif d'Amiens
2018-06-07

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La société à responsabilité limitée (SARL) Entreprise Adaptée Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012. Par un jugement n° 1601317 du 7 juin 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 août 2018 et 19 janvier 2019, la SARL Entreprise Adaptée Picardie, représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assorties de pénalités, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012. ---------------------------------------------------------------------------------------------------------- Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C... A..., première conseillère, - et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Entreprise Adaptée Picardie, qui exerce l'activité de vente de fournitures de bureaux et, à titre accessoire, l'activité de fourniture de prestations de mailing, de collage et d'entretien d'espaces verts, procède à la clôture de ses exercices comptables le 31 décembre de l'année civile. Elle a fait l'objet, du 18 novembre 2013 au 24 mars 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2013. Lors de ce contrôle, l'administration a notamment estimé que le droit à déduction par la SARL Entreprise Adaptée Picardie de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les factures de prestations de services émises par quatre de ses fournisseurs devait être remis en cause et que les charges correspondant aux prestations facturées devaient être réintégrées dans le résultat imposable. Les rehaussements ainsi envisagés par l'administration ont été portés à la connaissance de la SARL Entreprise Adaptée Picardie par une proposition de rectification du 19 décembre 2013, en ce qui concerne l'année 2010, et par une proposition de rectification du 25 mars 2014, en ce qui concerne les années 2011 et 2012, puis maintenues à la suite des observations de cette société. La SARL Entreprise Adaptée Picardie a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, assortis de pénalités, qui lui ont ainsi été assignés au titre de la période vérifiée. 2. Dans le dernier état de ses écritures devant la cour, la SARL Entreprise Adaptée Picardie fait appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens, en date du 7 juin 2018, en tant seulement que celui-ci a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions, et doit, ainsi, être regardée comme ayant abandonné l'intégralité des moyens initialement soulevés à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2010. Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Pour rejeter la demande de la SARL Entreprise Adaptée Picardie, le tribunal a notamment relevé, dans le jugement attaqué, que celle-ci ne pouvait invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction, publiée au bulletin officiel des finances - impôts (BOFiP) sous la référence BOI13-L-1513, relative à la procédure d'imposition. Or, contrairement à ce que soutient la société requérante, il résulte des termes mêmes des écritures présentées en première instance par la SARL Entreprise Adaptée Picardie que le moyen tiré de ce qu'elle ne se serait pas prévalue de cette instruction manque en fait. Par suite, ce moyen doit, en tout état de cause, être écarté. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / En cas d'application des dispositions de l'article L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". 5. La proposition de rectification en date du 25 mars 2014, adressée à la SARL Entreprise Adaptée Picardie, mentionne la nature des impositions concernées, la période d'imposition, le fondement légal des rehaussements envisagés et les éléments retenus pour le calcul des bases d'imposition, en détaillant, en particulier, les factures remises en cause par le service. Le montant total de ces factures, ainsi que celui de la taxe sur la valeur ajoutée afférente, sont, en outre, précisés pour chacun des quatre fournisseurs concernés. Cette proposition de rectification énonce également, de manière suffisamment précise, les motifs des rehaussements notifiés à la SARL Entreprise Adaptée Picardie et, contrairement à ce que celle-ci soutient, ne se borne pas à relever, s'agissant de trois de ces fournisseurs, que ceux-ci n'avaient pas déclaré les produits correspondant à une partie des factures comptabilisées par la société vérifiée. Cette proposition de rectification, qui a permis à la SARL Entreprise Adaptée Picardie de faire valoir utilement ses observations, est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. 6. En second lieu, il résulte des termes mêmes de la proposition de rectification du 25 mars 2014 que, contrairement à ce que soutient la SARL Entreprise Adaptée Picardie, le service y a fait figurer l'indication de l'origine et de la teneur des documents obtenus par lui auprès des fournisseurs de cette société dans l'exercice du droit de communication de l'administration fiscale et qu'il a utilisés pour fonder les rehaussements. La société requérante a, ainsi, été mise à même de demander copie de ces documents avant la mise en recouvrement des impositions contestées. Le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait entachée sur ce point d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, doit donc être écarté. Sur le bien-fondé des impositions contestées : 7. D'une part, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération. 8. D'autre part, s'agissant de l'impôt sur les sociétés, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 9. En vertu des principes énoncés au point précédent, lorsqu'une entreprise a déduit une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Entreprise Adaptée Picardie au titre de l'année 2011 et de la période correspondante : 10. Au titre de l'année 2011 et de la période correspondante, l'administration a remis en cause le droit à déduction, par la SARL Entreprise Adaptée Picardie, de 2 735,66 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de l'un de ses fournisseurs et a réintégré dans son résultat imposable les charges correspondant à ces prestations, d'un montant total de 16 693,11 euros toutes taxes comprises. Au stade de la procédure contentieuse, l'administration a retenu le motif que les sommes en cause ne constituaient pas la contrepartie de prestations effectives. En réponse à l'argument du service selon lequel le fournisseur en cause n'avait déposé aucune déclaration depuis l'année 2009, la société requérante fait valoir qu'un tel constat ne suffit pas à remettre en cause les déductions qu'elle a opérées et que ce fournisseur était au cours de l'année 2011 toujours immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Toutefois, elle ne produit devant le juge de l'impôt aucune facture émise par ce fournisseur, alors qu'il résulte de l'instruction que, comme l'indique l'administration en défense, l'entreprise avait cessé toute activité depuis le 31 décembre 2010. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que les factures produites ne correspondent pas à des prestations réelles. La SARL Entreprise Adaptée Picardie n'est, par suite, pas fondée à contester les impositions supplémentaires résultant de ces rectifications, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés. En ce qui concerne les impositions supplémentaires mises à la charge de la SARL Entreprise Adaptée Picardie au titre de l'année 2012 et de la période correspondante : 11. Au titre de l'année 2012 et de la période correspondante, l'administration a remis en cause le droit à déduction, par la SARL Entreprise Adaptée Picardie, de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prestations de trois de ses fournisseurs, pour des montants de 6 341,95 euros, de 39 372 euros et de 14 684 euros, et a réintégré dans le résultat imposable de cette société les sommes correspondant à ces prestations, qu'elle avait déduites en charges au compte 604 " achat d'études et de prestations " pour des montants respectifs de 38 698,83 euros, de 240 249,53 euros et de 89 604,24 euros toutes taxes comprises. L'administration a relevé, pour chacun de ces fournisseurs, d'une part, que la SARL Entreprise Adaptée Picardie ne produisait aucun contrat ni aucun élément permettant de déterminer le détail des prestations facturées et, d'autre part, que, selon les renseignements obtenus auprès de ces trois fournisseurs dans l'exercice de son droit de communication, ceux-ci n'avaient pas déclaré les sommes correspondant à certaines factures comptabilisées par cette société, selon une proportion de 28 % à 43 %. Le service a, en outre, estimé, au vu de la comptabilité présentée par la SARL Entreprise Adaptée Picardie, que les " comptes fournisseurs " du deuxième et du troisième des fournisseurs en cause avaient été soldés, à l'issue de l'exercice 2012, au moyen de jeux d'écritures trouvant leur origine dans des paiements effectués auprès de tiers, à hauteur, respectivement, de 43 890,54 euros et de 18 102,50 euros. 12. Si la SARL Entreprise Adaptée Picardie produit, devant le juge de l'impôt, la quasi-totalité des factures correspondantes, elle se borne à faire valoir qu'en l'absence de lien particulier avec ces fournisseurs, l'administration ne saurait déduire l'inexistence matérielle des prestations fournies du seul défaut de déclaration par ces derniers des factures concernées, sans invoquer dans ses écritures aucun argument relatif aux conditions de formalisation ou à l'objet des contrats qu'elle a passés avec eux, ni présenter d'élément complémentaire de nature à conforter l'existence d'une contrepartie au prix payé. Enfin, elle ne formule aucune contestation des éléments, tirés de sa propre comptabilité, sur lesquels le service s'est fondé pour estimer qu'une partie de ce prix avait été versé à des tiers. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme s'étant, à bon droit, fondée sur l'absence de prestation fournie correspondant à l'intégralité des factures comptabilisées par la SARL Entreprise Adaptée Picardie, pour procéder aux rectifications litigieuses au titre de l'année 2012 et de la période correspondante, tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée que d'impôt sur les sociétés. 13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Entreprise Adaptée Picardie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités afférentes à ces impositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Entreprise Adaptée Picardie est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Entreprise Adaptée Picardie et au ministre délégué chargé des comptes publics. Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord. 2 No18DA01643