TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 28 avril 2017
3ème chambre 2ème section N° RG : 16/11170
Assignation du 15 juillet 2016
DEMANDERESSE Association A VOTRE SERVICE représentée par son Président M. Lahcene BELATOUI [...] 93200 SAINT DENIS représentée par Me Matthieu BERGUIG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0596
DÉFENDERESSE S.A.R.L. KALI-MAKS [...] 77400 LAGNY SUR MARNE représentée par Me Lionel YEMAL, avocat au barreau de HAUTS-DE- SEINE, vestiaire #PN712
COMPOSITION DU TRIBUNAL François A, Premier Vice-Président adjoint Françoise BARUTEL, Vice-Présidente Florence BUTIN, Vice-Présidente assistés de Jeanine R, Faisant fonction de Greffier,
DÉBATS À l'audience du 10 mars 2017 tenue en audience publique devant Françoise BARUTEL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS. PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Créée en 1991, l'association à but non lucratif A VOTRE SERVICE (ci- après AVS) est régie par la loi du 1er juillet 1901. Son objet social consiste à informer et orienter la communauté musulmane sur la consommation des produits Halal dont elle assure le contrôle et la certification.
Elle dispose pour exercer ses missions d'agents qui sont chargés de garantir la qualité de la viande Halal par l'inspection des abattoirs, desboucheries et des restaurants avec lesquels elle a signé un contrat d'agrément.
Elle a procédé au dépôt des marques suivantes : - la marque verbale française "AVS A VOTRE SERVICE" déposée le 9 janvier 2003 et enregistrée sous le numéro 3.203.391, régulièrement renouvelée depuis lors, pour divers produits et services des classes 29, 42 et 43 et notamment les "viande, conserves de viande, service de contrôle de qualité, d'homologation, de certification des produits (Halal)" ; - la marque semi-figurative AVS déposée le 8 juillet 2010 sous le n° 3.752.671 pour divers produits et services des classes 29, 35, 41 et 42 et notamment les "viande, conserves de viande, service de certification Halal et d'agrément aux établissements respectant les stipulations contractuelles ; contrôle de la viande halal et des produits dérivés à base de viande" ; - la marque semi-figurative AVS déposée le 27 octobre 2010 sous le n°3.778.001 pour désigner en classe 43 les "service de restauration (alimentation) ; services de traiteurs".
La société KALI-MAKS exploite à Lagny-sur-Marne un fonds de commerce de supermarché de produits qu'elle présente comme Halal. Elle expose acheter à des grossistes des produits carnés dont certains produits portant le certificat de l'association AVS et indique réaliser à ce titre de petites opérations de publicité sur son compte Facebook ou par voie de prospectus pour informer sa clientèle sur les produits en vente dans son supermarché.
Estimant que les actions publicitaires de la société KALI-MAKS étaient constitutives d'actes de contrefaçon et de parasitisme l'association AVS, après l'avoir mise en demeure, a saisi le juge des référés afin qu'il lui soit ordonné la cessation de toute utilisation de la mention AVS au sein de son établissement et sur sa page Facebook.
Par ordonnance de référé datée du 7 juillet 2016, le juge des référés a interdit à titre conservatoire à la société KALI-MAKS d'utiliser la mention AVS au sein de son établissement de boucherie, sur sa page Facebook ainsi que sur ses prospectus commerciaux et jugé que l'association AVS ne justifiait pas d'un trouble manifestement illicite au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
C'est dans ce contexte que l'association AVS a assigné par acte du 15 juillet 2016, la société KALI-MAKS en contrefaçon et parasitisme.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 novembre 2016 l'association AVS demande au tribunal, au visa des articles
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle et 1382 (devenu 1240) du Code civil, de :
- DIRE ET JUGER l'association AVS recevable et bien fondée en ses demandes,À titre principal,
- DIRE ET JUGER qu'en utilisant le logo "AVS" au sein de son fonds de commerce et en particulier sur des prospectus commerciaux, ainsi que sur sa page Facebook accessible à l'adresse https://www.facebook.com/Dstock-a-Maks sans jamais avoir conclu de contrat d'agrément avec l'association AVS, la société KALI-MAKS a commis des actes de contrefaçon des marques verbale "AVS A VOTRE SERVICE" n° 3.203.391 et semi-figuratives "AVS" n° 3.752.671 et n° 3.778.001 ;
- DIRE ET JUGER qu'en utilisant le signe "AVS" au sein de son fonds de commerce et en particulier sur des prospectus commerciaux, ainsi que sur sa page Facebook accessible à l'adresse https://www.facebook.com/Dstock-a-Maks sans jamais avoir conclu de contrat d'agrément avec l'association AVS, ainsi qu'en prétendant commercialiser des produits bénéficiant des garanties attachées au label "AVS", la société KALI-MAKS a commis des actes distincts de parasitisme au préjudice de l'association AVS ;
Par conséquent,
- ORDONNER à la société KALI-MAKS de cesser toute utilisation de la mention "AVS" au sein de son établissement de boucherie et sur sa page Facebook accessible à l'adresse https://www.facebook.com/Dstock-a-Maks, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- CONDAMNER la société KALI-MAKS à payer à l'association AVS une somme de 10.000 (dix mille) euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque,
- CONDAMNER la société KALI-MAKS à payer à l'association AVS une somme de 10.000 (dix mille) euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, cette mesure étant justifiée au regard des actes commis et ne devant plus être perpétrés, y compris en cas d'appel,
- CONDAMNER la société KALI-MAKS à payer à l'association AVS une somme de 7.000 (sept mille) euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la société KALI-MAKS aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Matthieu BERGUIG, conformément aux dispositions de l'article
699 du Code de procédure civile.Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2016 la société KALI-MAKS demande au tribunal de :
- REJETER purement et simplement les demandes de l'Association AVS,
- CONDAMNER l'association AVS à verser à la Société KALI-MAKS la somme de 4.000 € sur le fondement de de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la contrefaçon
L'association AVS soutient qu'en reproduisant dans le cadre de sa communication promotionnelle sans autorisation le signe AVS, la société KALI-MAKS a commis des actes de contrefaçon par imitation des marques verbale AVS A VOTRE SERVICE et semi-figuratives AVS.
Elle prétend en effet que la société défenderesse a reproduit à de nombreuses reprises sur ses prospectus commerciaux le signe AVS et diffusé sur sa page Facebook des photographies des produits qu'elle commercialise comportant le tampon AVS, tout en précisant sur sa page que « la viande qu'elle commercialise dispose du certificat AVS, mais qu'elle n'a pas le droit de le dire ». Elle considère qu'un tel usage dans la vie des affaires pour identifier des produits identiques à ceux visés dans le certificat d'enregistrement des marques AVS constitue un usage à titre de marque qui suppose l'autorisation du titulaire de la marque.
L'association prétend en outre que les consommateurs musulmans étant très attachés à la marque AVS, l'usage du signe AVS sous quelque forme que ce soit entraîne un risque de confusion dans l'esprit du public. Un tel usage aura en effet comme conséquence directe de faire croire au consommateur que les produits vendus par la société bénéficient des contrôles effectués par l'association, ce qui n'est pas le cas.
L'association AVS ajoute que les questions posées par certains internautes sur la page Facebook de KALI-MAKS démontrent la confusion potentielle et, qu'il suffit de caractériser un simple risque de confusion pour que la contrefaçon soit constituée au sens de l'article
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, outre que l'information fournie par l'association AVS, notamment sur son site internet, pour identifier les commerces bénéficiant d'un agrément ne peut pas constituer un obstacle au risque de confusion.Elle fait valoir qu'elle dispose du droit de choisir ses cocontractants et les commerçants qui vont bénéficier de son agrément, et qu'il existe une différence fondamentale entre les produits certifiés vendus de manière préemballée chez les distributeurs et les produits vendus à la découpe chez un boucher, les produits préemballés étant vendus sous scellés sans pouvoir être modifiés de sorte qu'une fois contrôlés par l'AVS, ils présentent les mêmes garanties au moment de la vente, alors que les commerçants qui vendent des produits carnés non emballés peuvent mélanger les produits certifiés par l'association avec des produits non certifiés, ce qui fait perdre auxdits produits leur qualité Halal.
Elle conteste l'usage de la marque AVS par la société KALI-MAKS à titre informatif en faisant valoir que cette dernière l'utilise dans un but commercial, aux fins de vendre les produits et d'induire le public en erreur.
En réponse à l'argument adverse concernant l'épuisement de droits, l'association AVS soutient que rien ne démontre que les produits marqués AVS et dont la photographie a été diffusée sur Facebook ont été licitement introduits par un fournisseur bénéficiant d'un agrément et que l'épuisement des droits ne constitue pas une cause absolue d'irresponsabilité et ne trouve notamment pas à s'appliquer si le titulaire de la marque peut justifier de motifs légitimes, comme c'est le cas en l'espèce.
En réponse, la société KALI-MARKS fait valoir que la demanderesse ne conteste pas que les certificats apposés sur les produits vendus sont bien les certificats de l'association A VOTRE SERVICE dès lors qu'elle ne produit au débat aucun document justifiant d'un acte matériel et positif attestant de la reproduction falsifiée du certificat AVS par la société KALI-MAKS, mais uniquement un extrait du compte Facebook de la société et un extrait de son prospectus commercial contenant des photographies de produits ayant été certifiés par l'association AVS.
Elle conteste ensuite la contrefaçon de la marque AVS en soutenant ne s'être jamais prévalue d'une quelconque certification auprès des consommateurs mais uniquement d'avoir informé sa clientèle qu'elle vendait un produit ayant le certificat AVS tout en reconnaissant en toute transparence auprès de ses clients qu'elle n'a pas le droit de se dire agréée par l'association A VOTRE SERVICE. Elle ajoute qu'un tel usage n'est pas de nature à tromper le public sur l'existence d'une quelconque certification AVS du magasin et se prévaut d'attestations de ses clients et de l'ordonnance du 7 juillet 2016 qui rappelle que le public pertinent est constitué par un consommateur musulman doté d'une attention et d'une information supérieure à la moyenne, de sorte que le consommateur, qui peut consulter sur internet la liste des fournisseurs agréés, est toujours en mesure de s'assurer de l'existence ou non de cette certification et surtout lorsque le magasin n'affiche aucune relation directe avec AVS.La société KALI-MAKS soutient que le fait pour un revendeur ayant régulièrement acquis des produits authentiques, de reproduire la marque sur un support publicitaire, ne constitue pas une contrefaçon, l'acquisition régulière de produits autorisant tacitement le revendeur à utiliser la marque pour promouvoir ses produits. Elle indique qu'en l'espèce, le contrat d'agrément de l'association AVS ne stipule pas d'interdiction notamment pour ses adhérents grossistes, de vendre à des détaillants qui ne sont pas eux-mêmes adhérents, et que l'association AVS admet la distribution de ses produits et l'utilisation promotionnelle de sa marque AVS par d'autres distributeurs, et notamment la société CARREFOUR, ne disposant pas de la certification AVS, dès lors que ceux-ci s'approvisionnent chez des fournisseurs certifiés AVS. Elle prétend enfin que les prospectus litigieux concernent exclusivement les produits préemballés, pour lesquels l'association reconnait expressément que la « mention AVS n'est pas problématique en soi ».
Sur ce.
L'article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public, l’imitation d'une marque et l’usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement".
Afin d'apprécier la demande en contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et du consommateur normalement attentif et raisonnablement averti.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat du 24 mars 2016 dressé sur la page Facebook exploitée par la société KALI-MAKS, que cette dernière a : - affiché une photographie figurant la partie inférieure d'une carcasse de viande comportant dans un hexagone bleu la mention "AVS" en lettres bleues, - reproduit un prospectus promotionnel comprenant divers produits à base de viande sur lequel figure en haut à gauche un rond bleu comprenant la mention "AVS".
Il résulte de ces éléments que la mention "AVS", qui est dominante tant dans la marque verbale n° 3.203.391 "AVS A VOTRE SERVICE" compte tenu du caractère descriptif de la mention "à votre service" en matière de commerce, que dans les marques semi-figuratives litigieuses n°3.752.671 et n°3.778.001 dont elle constitue le seul élément verbal, est bien reproduite, et que les produits et service en présence, à savoir de la viande et un service d'alimentation, sont identiques, de sorte que l'imitation des marques revendiquées, dontles éléments matériels ne sont d'ailleurs pas contestés, est caractérisée.
La société KALI-MAKS prétend que cela n'entraîne cependant aucun risque de confusion pour le consommateur compte tenu de ce qu'elle n'affiche pas être agréée par l'association AVS mais reconnaît au contraire expressément que ce n'est pas le cas, outre le fait que l'association a mis en place sur internet une liste des distributeurs agréés permettant ainsi au consommateur musulman doté d'une attention particulière de s'assurer de l'existence ou non de la certification.
Cependant le public pertinent, qui est le consommateur musulman recherchant une certification fiable pour ses produits alimentaires, et qui constate sur la page Facebook de la société KALI-MAKS l'apposition à deux reprises de la mention "AVS", marque apposée en 2014 sur plus de 44.000 tonnes de viande et perçue comme la plus fiable par 81% des musulmans ainsi qu'en atteste une étude réalisée en 2008 auprès de 150 consommateurs lors du Congre des musulmans de France au Bourget, pourra croire compte tenu de la forte similarité des signes en présence et de l'identité des produits et services, que la société KALI-MAKS a été autorisée par l'association AVS à apposer ladite mention et corrélativement que les viandes vendues par la première sont contrôlées par la seconde, générant ainsi un risque de confusion pour le consommateur, sans que le fait que l'association liste sur son site internet les distributeurs agréés ou que le gérant de la société KALI-MAKS, répondant à une question posée sur sa page Facebook, ait reconnu une fois que son établissement n'était pas agréé dans une formule au demeurant ambigüe "notre viande nous l'achetons avec ce certificat mais nous n 'avons pas le droit de le dire soit de nature à écarter ledit risque de confusion.
La société KALI-MAKS ne peut davantage prétendre que l'apposition de la mention AVS est une référence nécessaire.
En effet si l'article
L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que " l'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation du même signe ou d'un signe similaire comme (...) b) Référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée,(...)" c'est "à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine", ce qui n'est pas le cas en l'espèce ainsi qu'il a été démontré, le consommateur pouvant penser à tort que la société KALI-MAKS a été agréée par l'association AVS.
La société KALI-MAKS oppose enfin pour justifier l'usage non autorisé des marques litigieuses l'épuisement des droits.
Conformément à l'article
L 713-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d'interdirel'usage de celle-ci pour des produits qui ont été mis dans le commerce dans la Communauté économique européenne ou dans l'Espace économique européen sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement. Toutefois, faculté reste alors ouverte au propriétaire de s'opposer atout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits.
Interprétée à la lumière de l'article 7 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (désormais l'article 15 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015), cette disposition suppose en particulier que : - l'opérateur qui invoque l'existence d'un consentement du titulaire de la marque à la mise sur le marché doive, en l'absence de risque démontré de cloisonnement du marché, apporter la preuve de celui-ci (CJCE 20 novembre 2001, Zino Davidoff c. A & G Imports et Levi Strauss c. Tesco Stores et Costco Wholesale UK), la mise dans le commerce de produits revêtus de la marque par un licencié devant en principe être considérée comme effectuée avec le consentement du titulaire de la marque (CJCE 23 avril 2009, Copad c. Christian Dior couture, Vincent Gladel et Société Industrielle lingerie (SIL)), - ce consentement porte sur chaque exemplaire du produit pour lequel l'épuisement est invoqué (CJCE, 1er juillet 1999, Sebago et Ancienne Maison Dubois et Fils c. GB-Unic).
Et, ainsi que l'a précisé la CJUE alors CJCE dans son arrêt du 23 février 1999 Bayerische Motorenwerke, BMW Nederland c. Ronald Karel D, lorsque des produits revêtus d'une marque ont été mis sur le marché communautaire par le titulaire de la marque ou avec son consentement, tout tiers a, outre la faculté de revendre ces produits, celle d'utiliser la marque afin d'annoncer au public la commercialisation ultérieure des produits à condition toutefois que la manière dont est employée la marque dans cette publicité ne constitue pas un motif légitime justifiant que le titulaire puisse s'y opposer. À cet égard ajoute la Cour, peut constituer un motif légitime au sens de l'article 7§ 2 de la directive le fait que la marque est utilisée dans la publicité du revendeur d'une manière telle qu'elle peut donner l'impression qu'il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque, et notamment que l'entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution du titulaire de la marque ou qu'il existe une relation spéciale entre les deux entreprises, une telle publicité n'étant pas nécessaire pour assurer la commercialisation ultérieure de produits mis sur le marché communautaire sous la marque par le titulaire ou avec son consentement et, partant, pour assurer l'objectif de la règle d'épuisement.
En l'espèce, si la société KALI-MAKS justifie avoir acquis entre le 16 octobre 2015 et le 15 avril 2016 à cinq reprises auprès d'un fournisseur dont il n'est pas contesté qu'il est agréé par la demanderesse, de la viande de vache certifiée AVS ainsi qu'en atteste les 5 factures versées à la procédure, rien ne démontre que la piècede viande et les saucisses en photographie sur la page Facebook de la société KALI-MAKS proviennent de ces cessions. En outre, en admettant même que les conditions d'application de la règle de l'épuisement des droits soient remplies, ce qui n'est pas le cas, le risque de confusion et d'association déjà démontrés, en ce que l'apposition des mentions AVS sur les publicités peut laisser penser au consommateur qu'il existe un lien contractuel entre l'association AVS et la défenderesse, caractérisent un motif légitime au sens de l'article
L. 713-4 sus-visé permettant à l'association AVS de s'y opposer. En conséquence, la société KALI-MAKS ne peut pas davantage opposer l'épuisement des droits pour justifier l'usage non autorisé des marques imitées, et la contrefaçon par la société KALI-MAKS des marques n° 3.203.391, n°3.752.671 et n°3.778.001 est ainsi établie.
Sur les actes de parasitisme
L'association AVS considère que l'utilisation de la mention AVS est également constitutive d'actes de parasitisme distincts des actes de contrefaçon. Elle prétend pour ce faire d'une part que l'usage du signe AVS porte atteinte à son objet social qui consiste à orienter les consommateurs musulmans vers les produits Halal c'est-à-dire conformes aux préceptes qu'elle défend et qu'il est de jurisprudence qu'une telle atteinte est constitutive d'une faute, source de responsabilité civile. Elle soutient d'autre part que les actes litigieux ont pour effet de tromper les consommateurs musulmans sur les qualités des produits carnés qui sont vendus au sein de son rayon boucherie, lesquels ne bénéficient, en l'absence de contrôles par l'association, d'aucune des garanties attachées à la viande certifiée par l'association, et rappelle que le fait que la société KALI-MAKS se fournisse auprès d'un abattoir ou d'un grossiste agréé ne l'autorise pas à entretenir la confusion sur l'existence d'un certificat, compte tenu du fait qu'il est impossible de savoir si les produits en question ne sont pas mélangés à d'autres produits provenant d'autres entités de certification, voire des produits non Halal, ce qui leur ferait perdre leurs qualités pour les consommateurs musulmans.
Elle considère qu'au-delà de la seule contrefaçon de marques, les agissements de la société KALI-MAKS ainsi que les propos tenus par ses représentants sur sa page Facebook visent à se placer dans le sillage de l'association et des agréés AVS afin de bénéficier de la renommée et de la garantie attachée à l'estampille AVS, sans aucune contrepartie.
En réponse, la société KALI-MAKS soutient en premier lieu n'avoir eu aucun comportement visant à faire croire qu'elle bénéficiait du certificat AVS, dès lors qu'elle ne mentionne nulle part être titulaire de ce certificat, à la différence des jurisprudences produites par la demanderesse dans lesquelles les contrefaisants mentionnaient être titulaires de cet agrément sur leur enseigne et leur devanture.Elle rappelle qu'elle se contente d'acheter valablement des produits AVS auprès d'un grossiste régulièrement certifié et ce en parfaite conformité avec le contrat d'agrément type de la requérante, celui-ci ne formulant aucune interdiction à l'égard des grossistes.
Sur ce.
Il résulte des articles
1240 et
1241 du code civil (anciennement
1382 et
1383 du code civil) que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Le parasitisme réside dans la circonstance selon laquelle, dans une situation concurrentielle ou en l'absence de situation de concurrence directe, une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ou cherche à se placer dans son sillage.
Par ailleurs la demande en concurrence déloyale ou en parasitisme doit reposer sur des agissements distincts de ceux qui ont été retenus pour établir la contrefaçon.
En l'espèce, il est établi que l'association AVS, association à but non lucratif qui existe depuis 1991, a pour objet social de contrôler, informer et orienter la communauté musulmane sur la consommation de produits halal licites pour les musulmans, et dispose pour ce faire d'une centaine d'agents de contrôle inspectant les abattoirs, les boucheries et les restaurants avec lesquels elle a signé un contrat d'agrément, lequel est gratuit pour les boucheries, afin de garantir la qualité de la viande halal, l'association AVS étant devenue une référence dans le domaine de la certification halal.
En apposant ainsi la mention AVS sur ses publicités sans avoir reçu l'agrément de l'association AVS et sans la contrepartie de l'acceptation des contrôles, et en écrivant sur sa page Facebook que ses produits sont achetés avec le certificat AVS, la société KALI-MAKS, s'est placée dans le sillage de l'association en tirant indûment profit de sa notoriété et de son capital de confiance auprès des consommateurs musulmans et a commis ainsi des faits de parasitisme.
Sur les mesures réparatrices
L'association AVS sollicite la condamnation de la société KALI-MAKS au paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marque, ainsi que d'une indemnité de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes distincts de parasitisme.Elle rappelle à cet effet, que contrairement à ce que soutient la société KALI-MAKS, il est de jurisprudence constante que la simple atteinte à la marque implique un préjudice pour le titulaire, et précise que c'est la banalisation de la marque AVS qui est reprochée ici à la société KALI-MAKS.
La société KALI-MAKS oppose que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice.
En application de l'article L. 716-14 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
L'imitation non autorisée des marques litigieuses AVS A VOTRE SERVICE et AVS par la société KALI-MAKS a porté atteinte à la valeur desdites marques, et l'association AVS qui en est titulaire doit être indemnisée de ce chef à hauteur de 6.000 euros.
Les actes distincts de parasitisme ont en outre porté atteinte à l'image de sérieux et de confiance de l'association AVS qui sera indemnisée de ce chef à hauteur de 2.000 euros.
Il sera fait droit enfin aux mesures d'interdiction, et ce sous astreinte, dans les conditions précisées au dispositif de la présente décision.
Sur les autres demandes
Il y a lieu de condamner la société KALI-MAKS partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
Il convient en outre de la condamner à verser à l'association AVS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 4.000 euros.
Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
DIT qu'en reproduisant sur sa page Facebook la photographie d'un morceau de viande sur laquelle est apposée la mention AVS ainsi qu'un prospectus promotionnel présentant des produits à base de viande sur lequel figure en haut à gauche la mention "AVS" , la société KALI-MAKS s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon des marques n° 3.203.391, n°3.752.671 etn°3.778.001 dont l'association A VOTRE SERVICE est titulaire ;
DIT qu'en utilisant la mention AVS sans avoir conclu un contrat d'agrément avec l'association AVS et sans la contrepartie de l'acceptation des contrôles de qualité et en écrivant sur sa page Facebook que ses produits sont achetés avec le certificat AVS, la société KALI-MAKS a en outre commis des actes de parasitisme au préjudice de l'association A VOTRE SERVICE ;
En conséquence,
FAIT INTERDICTION à la société KALI-MAKS de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent jugement pendant un délai de 4 mois ;
DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ;
CONDAMNE la société KALI-MAKS à payer à l'association A VOTRE SERVICE les sommes de 6.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de marques et de 2.000 euros au titre des actes de parasitisme commis à son encontre ;
CONDAMNE la société KALI-MAKS à payer à l'association A VOTRE SERVICE la somme de 4.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la société KALI-MAKS aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire.