Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 octobre 2019 et 14 mars 2023, la société Monachetto et la société Grima, représentées par Me Bornard, demandent au tribunal :
1°) à titre principal, de prononcer la réception des travaux d'aménagement de la dalle routière qu'elles ont réalisés au profit de la commune de Beausoleil à la date du 24 février 2012 ;
2°) à titre subsidiaire, de limiter le montant de leur condamnation au titre du coût des travaux de reprise de l'ouvrage à la somme maximale de 43 500 euros TTC ;
3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Beausoleil la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les travaux réalisés sont conformes à la convention tripartite du 12 janvier 2010 ;
- les travaux d'étanchéité de la dalle routière ne sont pas à leur charge et, par suite, leur non-réalisation ne saurait faire obstacle à la réception des travaux ;
- elles ont satisfait à leurs obligations issues de la convention tripartite du 12 janvier 2010 en transmettant des études d'exécution pour validation de la commune de Beausoleil ; aucun défaut de communication de pièces ou de concertation ne peut leur être reproché.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, la commune de Beausoleil, représentée par Me Szepetowski-Polirsztok, conclut au rejet de la requête et demande la condamnation des sociétés requérantes à lui verser la somme de 82 000 euros TTC à réévaluer en fonction de l'indice BT 01 à la date du jugement. Elle demande également que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les travaux dont la réception est demandée ont été réalisés en violation des obligations contractuelles des requérantes vis-à-vis de la commune et du département.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 21 mars 2023 :
- le rapport de Mme Gazeau,
- les conclusions de Mme Belguèche, rapporteure publique,
- et les observations de Me Mourey, représentant les sociétés Monachetto et Grima.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une délibération du 11 juillet 1992, le conseil municipal de la commune de Beausoleil a approuvé un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) sur le secteur de la " moyenne corniche ". La société Grima et la société Monachetto y ont obtenu des autorisations d'urbanisme en vue de la construction d'immeubles d'habitats collectifs. Les 12 et 14 janvier 2010, ces sociétés ont conclu avec la commune de Beausoleil une convention, par laquelle elles se sont engagées, en application de l'article
L. 332-10 du code de l'urbanisme alors applicable, à verser leur participation au titre du PAE sous forme d'exécution de travaux pour un montant de 466 267 euros. Ces travaux consistent, en accord avec le département des Alpes-Maritimes, en la réalisation d'une plateforme entre le mur de soutènement et la façade nord des immeubles à édifier en vue de la création d'un carrefour giratoire à l'entrée de la ville. Par courrier du 24 février 2012, les sociétés Monachetto et Grima ont informé la commune de Beausoleil de l'achèvement des travaux et ont ainsi demandé la réception des ouvrages. En l'absence de réponse de la commune, les sociétés requérantes ont réitéré leur demande le 4 juillet 2012. Par courrier du 4 octobre 2012, le maire de la commune de Beausoleil a informé les sociétés requérantes qu'elle ne pouvait pas prononcer la réception de l'ouvrage dès lors que la dalle réalisée ne se situe pas à la même altimétrie que la RD 6007. Les sociétés Monachetto et Grima ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice aux fins de diligenter une expertise, laquelle a été ordonnée par ordonnance n° 1604511 du 21 février 2017. L'expert judiciaire désigné par le juge des référés a remis son rapport le 23 mars 2019 aux termes duquel il a estimé, d'une part, que la plateforme routière ne pouvait être réceptionnée dans la mesure où son altitude ne correspond pas à celle indiquée dans le permis modificatif n°2, d'autre part, que l'étanchéité de la dalle routière en béton n'a pas été réalisée. Les sociétés Monachetto et Grima demandent au tribunal de prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage réalisé au 24 février 2012. La commune de Beausoleil a, par ailleurs, présenté des conclusions aux fins de condamnation des sociétés requérantes à lui verser la somme de 82 000 euros TTC à réévaluer en fonction de l'indice BT 01 à la date du jugement.
Sur les conclusions tendant à la réception judiciaire de l'ouvrage :
2. D'une part, aux termes de l'article
L. 332-9 du code de l'urbanisme, dans sa numérotation applicable : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné () ". Aux termes de l'article
L. 332-10 du même code, dans sa rédaction applicable : " La participation prévue à l'article précédent est exigée sous forme de contribution financière ou, en accord avec le demandeur de l'autorisation, sous forme d'exécution de travaux ou d'apports de terrains bâtis ou non bâtis, y compris au cas où le constructeur est une personne publique () ". Selon l'article
L. 332-28 de ce code, alors applicable : " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 et à l'article
L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article
L. 332-10 ".
3. D'autre part, aux termes de l'article
1792-6 du code civil : " La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. () ".
4. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans réserve, et prend possession de cet ouvrage. Le juge du contrat peut prononcer la réception de l'ouvrage en cas de refus du maître de l'ouvrage d'y procéder et fixe alors la date de l'achèvement des travaux.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que les sociétés Grima et Monachetto se sont engagées, par convention signée les 12 et 14 janvier 2010 avec la commune de Beausoleil en application de l'article
L. 332-10 du code de l'urbanisme, à verser leur participation au titre du PAE sous forme d'exécution de travaux pour un montant de 466 267 euros par la réalisation d'une dalle routière en vue de la création d'un carrefour giratoire. Il résulte de l'instruction que ladite convention prévoit, en son point 3.1, que " les dalles seront livrées brutes et leur étanchéité sera réalisée par la ville dans le cadre de la réalisation du giratoire ". Cette convention reprend d'ailleurs sur ce point les termes de la délibération du conseil municipal de Beausoleil du 30 mars 2009, annexée à ladite convention.
6. Si, par des conventions conclues le 2 janvier 2007 entre le département et la société Grima d'une part, et le 19 janvier 2009 entre le département et la société Monachetto d'autre part, il a été convenu que l'étanchéité du type route sur la dalle en béton armé sera réalisée par les sociétés requérantes, ces conventions, antérieures à la convention des 12 et 14 janvier 2010, ne lient cependant pas la commune de Beausoleil, qui n'y est pas partie, aux requérantes.
7. Par suite, et dès lors que le seul engagement qui lie la commune aux sociétés requérantes, par ailleurs postérieur aux conventions conclues entre le département et ces dernières, prévoit la réalisation de l'étanchéité de la dalle par la commune, il ne peut être reproché aux sociétés Grima et Monachetto de ne pas avoir procédé aux travaux d'étanchéité de la dalle routière. Dès lors, les sommes réclamées par la commune de Beausoleil au titre des travaux d'étanchéité, tels que chiffrés par l'expert dans son rapport, ne peuvent qu'être rejetées.
8. En deuxième lieu, pour refuser de réceptionner l'ouvrage, la commune de Beausoleil a estimé, par courrier du 4 octobre 2012, que la dalle réalisée par les requérantes ne se situait pas à la même altimétrie que la RD 6007, se prévalant de l'article 3.1 de la convention tripartite des 12 et 14 janvier 2010, selon lequel : " le niveau fini de la dalle sera défini pour être compatible avec les profils définitifs en long et en travers des futures voies ".
9. Si les travaux en cause ont pour fondement la convention des 12 et 14 janvier 2010, ils ont aussi et surtout pour fondement, ainsi que cela ressort de l'article
L. 332-28 du code de l'urbanisme précité, les autorisations d'urbanisme délivrées aux sociétés requérantes en vue de l'édification de logements collectifs dans le secteur d'aménagement concerné par le PAE " moyenne corniche ".
10. L'expert judiciaire a relevé dans son rapport que si les cotes altimétriques de la dalle routière correspondent aux points mentionnés au plan 51248/5 annexé à la convention, celles-ci ne sont cependant pas conformes au plan du permis de construire modificatif n°2 (PCM2) en vigueur pendant les travaux, impliquant, par suite, la non réception de la dalle routière. Il résulte en effet du rapport d'expertise que l'expert a relevé la cote altimétrique de la dalle réalisée devant l'accès piéton à la cote 168,08, alors que le PCM2 prévoyait à la cote 168,65 la cote de la dalle routière coté accès piéton de la résidence, soit un écart de 57 centimètres.
11. Toutefois, il résulte de l'instruction que des permis de construire modificatifs ont été accordés, après le début des travaux portant sur la dalle routière, à la société Grima et à la société Monachetto, dont, s'agissant de cette dernière, un permis tacitement accordé le 5 août 2015 sur une demande déposée le 16 octobre 2014. Or, il résulte de l'instruction que sur les plans joints au permis tacitement accordé à la société Monachetto figurait une cote altimétrique de l'accès piéton de la plateforme routière à la cote 168,14. Dès lors que la commune de Beausoleil n'a pas refusé expressément la demande de permis de construire modificatif de la société Monachetto déposée le 16 octobre 2014, la commune est ainsi réputée avoir accepté la modification de la cote altimétrique de l'accès piéton sur la dalle routière après l'achèvement de celle-ci en 2012. Il suit de là que la dalle routière devant l'accès piéton de l'immeuble doit être regardée comme située 6 centimètres plus bas que la cote du permis de construire tacitement accordé.
12. D'une part, si l'expert judiciaire a relevé un défaut de communication de pièces et de concertation entre les parties à la convention tripartite, il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la commune se serait estimée insuffisamment informée par les études d'exécution transmises en application de l'article 3.3 de ladite convention. Il ne résulte en effet pas de l'instruction qu'elle aurait sollicité notamment des pièces complémentaires dont des plans d'exécution.
13. D'autre part, dans son rapport, l'expert judiciaire a constaté, s'agissant d'un écart de 57 centimètres entre l'altimétrie de la dalle réalisée et la cote figurant sur le PCM2, que " le fait que le niveau de l'accès piéton se situe plus bas que prévu ne rend pas l'ouvrage impropre à sa destination ". Par suite, un écart de 6 centimètres entre l'altimétrie de la dalle réalisée et la cote figurant sur les plans du permis tacitement accordé à la société Monachetto n'est pas non plus, a fortiori, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. En outre, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que la dalle a été livrée brute, son étanchéité devant être réalisée par la commune. Il s'ensuit que l'écart de 6 centimètres entre l'altimétrie de la dalle réalisée, avant les travaux d'étanchéité, et la cote inscrite sur le plan d'architecte joint au permis tacite, constitue un défaut mineur qui ne fait pas obstacle à ce que l'ouvrage soit considéré comme en état d'être reçu et qui ne justifie pas le prononcé d'une réserve.
14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la réception de l'ouvrage, avec effet au 5 août 2015, date à laquelle le permis modificatif régularisant la cote altimétrique de la dalle à la cote 168,14 a été tacitement accordé.
Sur les conclusions reconventionnelles :
15. Dès lors qu'il est fait droit à la demande des sociétés requérantes tendant au prononcé de la réception judiciaire de la dalle routière, les conclusions présentées par la commune de Beausoleil aux fins de condamnation des sociétés requérantes au versement de la somme de 82 000 euros pour la réalisation de travaux supplémentaires en vue de la réception de l'ouvrage ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Beausoleil une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Monachetto et la société Grima et non compris dans les dépens.
17. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Beausoleil soit mise à la charge des sociétés requérantes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La réception judiciaire des travaux de construction de la dalle routière est prononcée à la date du 5 août 2015.
Article 2 : La commune de Beausoleil versera aux sociétés Monachetto et Grima une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions reconventionnelles de la commune de Beausoleil sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Beausoleil présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Monachetto, à la société Grima et à la commune de Beausoleil.
Copie en sera transmise au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Chevalier-Aubert, présidente,
Mme Gazeau, première conseillère,
Mme Guilbert, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
signé
D. Gazeau
La présidente,
signé
V. Chevalier-Aubert La greffière,
signé
B-P. Antoine
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous commissaires à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
Ou par délégation la greffière,