LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen
, pris en sa seconde branche :
Vu les articles
455 et
458 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que contestant le taux d'incapacité permanente partielle fixé, le 6 février 2013, par la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe au bénéfice de Mme Y..., salariée de la société LDC Sablé (l'employeur) reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction du contentieux de l'incapacité ;
Attendu que pour retenir un taux d'incapacité supérieur à celui apprécié par le médecin consultant, l'arrêt énonce qu'à la date du 31 janvier 2013, Mme Y... présentait une limitation légère et douloureuse de tous les mouvements de l'épaule droite dominante (sauf adduction) et qu'au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour nationale, contradictoirement débattus, les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 10 % ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui reprennent purement et simplement les éléments spécifiés par le médecin consultant sans faire ressortir, même de manière sommaire, les critères déterminant une appréciation différente de l'estimation de ce praticien, la Cour nationale a méconnu les exigences du premier des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2016, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par laSCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société LDC Sablé.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les séquelles de la maladie dont a été reconnue atteinte Mme Maryline Y... le 15 décembre 2008 justifient à l'égard de la société LDC Sablé SAS l'attribution d'une incapacité permanente partielle au taux de 10 % à la date de consolidation du 31 janvier 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; que si l'article
R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi ; Qu'il en va ainsi du certificat médical initial et du certificat de guérison ou de consolidation qui lui sont transmis par le médecin de l'assuré en vertu de l'article
L. 441-6 du code de la sécurité sociale, des certificats de prolongation visés à l'article R. 441-7 et de l'avis du service du contrôle médical prévu à l'article
R. 434-31 du même code ; Qu'il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; Que la communication du rapport d'incapacité permanente au médecin désigné par l'employeur est soumise à des règles spécifiques prévues à l'article
L. 143-10 et
R. 143-32 du code de la sécurité sociale, qui affranchissent le médecin conseil, dans cette hypothèse précise, de son obligation au secret médical ; que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci ; Qu'en effet, l'article
R. 143-33 du code de la sécurité sociale dispose : « L'entier rapport médical mentionné à l'article
L. 143-10 comprend : 1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente partielle à retenir ; 2° Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé. " ; Que ces dispositions n'imposent pas la communication de pièces médicales ayant permis au médecin conseil de rendre un avis, mais la reprise an sein du rapport d'incapacité permanente partielle des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis est fondé ; par ailleurs que la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe a produit le certificat médical initial, le certificat médical final ainsi que le rapport d'évaluation des séquelles de Maryline Y... établi par le Médecin Conseil ; que selon les articles
L. 143-10 et
R. 143-32 du code de la sécurité sociale, le rapport d'incapacité permanente partielle est communiqué aux seuls médecins sous pli confidentiel ; que la Cour n'en est pas destinataire et n'est pas en mesure d'en vérifier le contenu ; que toutefois, elle constate en l'espèce que ce rapport a permis tant au médecin consultant du tribunal du contentieux de l'incapacité qu'à celui désigné en appel, de donner un avis sur le taux d'incapacité présenté par la victime ; que l'employeur a bénéficié d'un recours effectif, qu'il n'est pas fondé à reprocher à la caisse un manquement à son obligation de communication des pièces médicales et que le principe de la contradiction a été respecté ; qu'au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de débouter la société LDC SABLE SAS de sa demande tendant à l'inopposabilité de la décision attributive de rente, d'infirmer le jugement déféré et de déclarer la décision du 6 février 2013 opposable à l'employeur » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte des articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale que la caisse et le service national du contrôle médical sont tenus de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique et au médecin désigné par l'employeur l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article
R. 143-33 du Code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; qu'au cas présent, le médecin désigné par l'employeur avait, dans son avis, indiqué que le rapport qui lui avait été communiqué ne comportait pas un certain nombre d'éléments médicaux, notamment des comptes rendus d'IRM, visés par le médecin conseil de la CPAM et que ces éléments étaient nécessaires à la compréhension du taux fixé par le rapport qui ne comportait pas d'analyse médicolégale ; qu'en énonçant que les dispositions du code de la sécurité sociale n'imposent pas « la communication des pièces médicales ayant permis au médecin conseil de rendre un avis », la CNITAAT a violé les articles
L. 143-10,
R. 143-32 et
R. 143-33,
L. 434-2 et
R. 434-32 du code de la sécurité sociale et 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'à supposer que l'obligation de communication de l'entier rapport du médecin conseil pèse uniquement sur le service national du contrôle médical, il incombe à la CNITAAT, lorsqu'il est allégué que ce rapport ne contient pas les éléments permettant d'évaluer l'état d'incapacité du salarié, de vérifier le contenu de ce rapport et, en cas d'insuffisance, mettre en cause la CNAMTS pour trancher le litige ; qu'au cas présent, le médecin désigné par l'employeur avait, dans son avis, indiqué que le rapport qui lui avait été communiqué ne comportait pas un certain nombre d'éléments médicaux, notamment des comptes rendus d'IRM, visés par le médecin conseil de la CPAM et que ces éléments étaient nécessaires à la compréhension du taux fixé par le rapport dans la mesure où ce rapport comportait pas d'analyse médico-légale ; que, pour débouter la société LDC Sablé de sa demande d'inopposabilité du taux d'IPP attribué à la salariée, la CNITAAT a énoncé qu'elle n'était « pas en mesure [de] vérifier le contenu » du rapport établi par le service du contrôle médical et en estimant que celui-ci était suffisamment complet dès lors que les médecins consultants désignés en première instance et en appel avaient donné un avis sur le taux d'incapacité présenté par la victime ; qu'en refusant de contrôler, de manière effective, le contenu du rapport communiqué par le service du contrôle médical au médecin désigné par l'employeur, la CNITAAT a violé les articles
16,
331 et
332 du code de procédure civile,
L. 143-10,
R. 143-27, 143-32 et
R. 143-33 du code de la sécurité sociale ensemble l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les séquelles de la maladie dont a été reconnue atteinte Mme Maryline Y... le 15 décembre 2008 justifient à l'égard de la société LDC Sablé SAS l'attribution d'une incapacité permanente partielle au taux de 10 % à la date de consolidation du 31 janvier 2013 ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le taux d'incapacité permanente partielle qu'aux termes de l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale, « le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle compte tenu du barème indicatif d'invalidité » ; qu'à la date du 31 janvier 2013, Madame Maryline Y... présentait une limitation légère et douloureuse de tous les mouvements de l'épaule droite dominante (sauf adduction) ; qu'ainsi, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, contradictoirement débattus que les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 10 % à l'égard de la société LDC SABLE SAS ; qu'en conséquence il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il incombe à la cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, saisie d'une contestation relative à l'état d'incapacité permanente partielle et au taux de cet incapacité, de vérifier, dans le cadre d'un contrôle de pleine juridiction, si le taux d'incapacité attribué par la caisse est justifié et d'évaluer elle-même le taux d'incapacité conformément à l'article
L. 434-2 du code de la sécurité sociale ; que, selon ce texte, le taux de l'incapacité permanente partielle est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité ; qu'au cas présent, la société LDC Sablé faisait valoir que, selon les avis concordants du médecin qu'elle avait désigné et des médecins consultants désignés par le TCI et par la CNITAAT, le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué par la caisse était surévalué et que les douleurs légères et peu limitatives ne pouvaient justifier l'attribution d'un taux supérieur à 6 % ; que la société LDC Sablé, s'appuyant sur ces conclusions médicales concordantes fondées à la fois sur les éléments relatifs à la situation personnelle de la salariée et sur le barème indicatif, sollicitait donc que le taux opposable n'excède pas 6 % ; qu'en se bornant à relever qu' « au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour », la limitation légère et douloureuse des mouvements de l'épaule droite justifiait la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 10 % à l'égard de la société LDC Sablé, sans examiner les pièces médicales produites aux débats, ni préciser dans sa décision les éléments l'ayant conduite à retenir un tel taux, la CNITAAT n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 143-1, L. 143-2 et L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision de justice doit être motivée et que ne motive pas sa décision le juge qui se détermine sur le seul visa de documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'au cas présent, la société LDC Sablé faisait valoir que, selon les avis concordants du médecin qu'elle avait désigné et des médecins consultants désignés par le TCI et par la CNITAAT, le taux d'incapacité permanente partielle de 10 % attribué par la caisse était surévalué et que les douleurs légères et peu limitatives ne pouvaient justifier l'attribution d'un taux de 6 % ; qu'en se bornant néanmoins à relever qu' « au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour », les séquelles justifiaient la reconnaissance d'un taux d'incapacité de 10 % à l'égard de la société LDC Sablé, sans viser, ni analyser le moindre élément précis, la CNITAAT n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et méconnu les exigences des articles
455 et
458 du code de procédure civile.