Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2022, la société AED groupe, représentée par Me Frölich, avocat, demande au juge des référés statuant en application de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) à titre principal, d'enjoindre aux offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic de reprendre, au stade de l'analyse des candidatures, la procédure de passation du marché public lancée par l'office public de l'habitat Office 64 de l'habitat en vue de la réalisation de missions de repérages d'amiante avant travaux, de constats de risque d'exposition au plomb et de diagnostics des installations intérieures au gaz concernant des résidences de ces offices publics de l'habitat ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler la procédure de passation de ce marché ;
3°) de mettre à la charge des offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic une somme de 5 000 € en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société ADX, attributaire du lot n° 1 du marché, ne justifie pas détenir l'agrément N2, et la société Algade, qui détient cet agrément, est désignée comme co-traitant, et non comme sous-traitant ;
- cette société n'a pas produit l'ensemble des documents listés en pages 5 et 6 du règlement de consultation en ce qui concerne la société Algade ainsi que l'engagement écrit de cette dernière en vue de justifier que la société ADX dispose des capacités techniques et professionnelles exigées ;
- l'offre de cette société est irrégulière compte tenu que les bordereaux de prix unitaires " location " et " vente " relatifs aux missions de diagnostic sur le radon ne sont pas chiffrés ;
- la société AC environnement, attributaire du lot n° 2 du marché, ne justifie pas détenir l'agrément N2, et ne justifie pas d'un engagement écrit de la société Performa environnement selon lequel cette dernière justifie des capacités requises ;
- cette société n'a pas produit l'ensemble des documents listés en pages 5 et 6 du règlement de consultation en ce qui concerne la société Performa environnement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic, représentés par Me Caliot, avocat, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société AED groupe une somme de 2 000 € à verser à chacun au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par la société AED groupe ne sont pas fondés ;
- la société requérante ne démontre pas que les manquements qu'elle invoque l'auraient lésée ou auraient été susceptibles de la léser compte tenu que le pouvoir adjudicateur a la possibilité de demander aux candidats de compléter leurs dossiers de candidature, en application des articles
R. 2144-2 et R. 2144-6 du même code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. de Saint-Exupéry de Castillon comme juge des référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique tenue le 5 janvier 2023 en présence de Mme Caloone, greffière d'audience, M. de Saint-Exupéry de Castillon a lu son rapport et entendu les observations de :
- Me Le Corno, représentant la société AED groupe ;
- Me Lopes, représentant les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic.
Le juge des référés a informé les parties à l'instance que la clôture de l'instruction était différée au 6 janvier 2023 à 12 h 00.
Une note en délibéré a été produite le 5 janvier 2023 pour les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic.
Une note en délibéré a été produite le 6 janvier 2023 à 9 h 56 pour la société AED groupe.
Considérant ce qui suit
:
1. Les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic ont engagé une procédure d'appel d'offres ouverte en vue de la réalisation de missions de repérages d'amiante avant travaux, de constats de risque d'exposition au plomb et de diagnostics des installations intérieures au gaz concernant des résidences de ces offices publics. Par lettre du 29 novembre 2022, le directeur général de l'office public de l'habitat Office 64 de l'habitat a informé la société AED groupe de ce que ses offres concernant le lot n° 1 relatif aux résidences d'Habitat sud Atlantic et le lot n° 2 relatif aux résidences de l'Office 64 de l'habitat étaient écartées, et de ce que ces marchés étaient attribués, en ce qui concerne le lot n° 1, à la société ADX groupe, et en ce qui concerne le lot n° 2, à la société AC environnement. La société AED groupe demande l'annulation de la procédure de passation de ce marché public et qu'il soit enjoint au pouvoir adjudicateur de reprendre cette procédure au stade de l'analyse des candidatures.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative :
2. Aux termes de l'article
L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public (). / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". L'article
L. 551-2 du même code dispose : " I- Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. () ".
3. En vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte, en avantageant une entreprise concurrente.
4. Aux termes de l'article
R. 2142-3 du code de la commande publique : " Un opérateur économique peut avoir recours aux capacités d'autres opérateurs économiques, quelle que soit la nature juridique des liens qui l'unissent à ces opérateurs. () ". Aux termes de l'article
R. 2144-1 du même code : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles
R. 2144-3 à R. 2144-5. ". L'article
R. 2144-2 du même code prévoit : " L'acheteur qui constate que des pièces ou informations dont la présentation était réclamée au titre de la candidature sont absentes ou incomplètes peut demander à tous les candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai approprié et identique pour tous. () ". L'article
R. 2144-3 du même code rajoute : " La vérification de l'aptitude à exercer l'activité professionnelle, de la capacité économique et financière et des capacités techniques et professionnelles des candidats peut être effectuée à tout moment de la procédure et au plus tard avant l'attribution du marché. ".
5. Il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit tenir compte des capacités techniques et financières des candidats à l'attribution du marché. S'il a la faculté de demander à un candidat, dans le respect du principe d'égalité, de compléter son dossier afin qu'il puisse justifier de ses aptitudes, il ne peut légalement sélectionner l'offre d'un candidat qui n'a pas justifié de ses capacités.
6. Le règlement de consultation du marché prévoit qu'en ce qui concerne la présentation des candidatures, chaque candidat doit notamment produire des renseignements relatifs à la capacité économique et financière de l'entreprise, à savoir la déclaration du candidat (DC2) et la déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les prestations objet du contrat, réalisées au cours des trois derniers exercices disponibles, ainsi que des renseignements relatifs aux références professionnelles et à la capacité technique de l'entreprise, à savoir la déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années, la déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont le candidat dispose pour la réalisation du contrat, les attestations d'assurances décennale et responsabilité civile, la liste des principales prestations effectuées au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire, et les agréments N1A et N2. " Pour justifier les capacités professionnelles, techniques et financières d'autres opérateurs économiques sur lesquels il s'appuie pour présenter sa candidature, le candidat produit les mêmes documents concernant cet opérateur économique que ceux qui lui sont exigés par le pouvoir adjudicateur. En outre, pour justifier qu'il dispose des capacités de cet opérateur économique pour l'exécution des prestations, le candidat produit un engagement écrit de l'opérateur économique ".
7. Tout d'abord, en ce qui concerne le lot n° 1, il n'est pas contesté que la société ADX groupe a justifié de l'ensemble des renseignements exigés relatifs à sa capacité économique et financière, ainsi qu'à ses références professionnelles et à sa capacité technique, à l'exception de l'agrément N2. Il résulte de l'instruction que cette société fait appel à la société Algade en qualité de sous-traitant, qui est titulaire de l'agrément N2. Si les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic produisent une attestation d'assurance responsabilité civile concernant la société Algade au titre de l'année 2022, une déclaration DC2 qui mentionne le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les prestations relatives au marché réalisés par cette dernière au cours des années 2019 à 2021 ainsi que ses effectifs moyens au cours des mêmes années, et un rapport mentionnant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont elle dispose pour le dépistage du radon, cette déclaration concerne toutefois un autre marché et les offices publics de l'habitat ne produisent ni la liste des principales prestations réalisées par la société Algade au cours des trois dernières années, ni leurs montants, leurs dates et leurs destinataires. Par ailleurs, ils ne produisent pas non plus l'engagement écrit de cette société de disposer des capacités pour l'exécution des prestations devant faire l'objet d'une sous-traitance. Enfin, les offices publics de l'habitat n'allèguent ni ne démontrent qu'ils ont demandé à la société ADX groupe de compléter leur dossier de candidature afin qu'elle justifie pleinement de ses capacités.
8. Ensuite, en ce qui concerne le lot n° 2, il n'est pas non plus contesté que la société AC environnement a justifié de l'ensemble des renseignements exigés relatifs à sa capacité économique et financière, ainsi qu'à ses références professionnelles et à sa capacité technique, à l'exception de l'agrément N2. S'il résulte de l'instruction que cette société fait appel à la société Performa environnement en qualité de sous-traitant, qui est titulaire de l'agrément N2, les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic ne produisent aucun des documents justifiant des capacités professionnelles, techniques et financières de cette société sous-traitante exigés par le règlement de consultation. Par ailleurs, s'ils produisent une attestation de la société AC environnement selon laquelle elle s'engage à sous-traiter au profit de la société Performa environnement la mission de dépistage de radon, ils ne justifient pas non plus de l'engagement écrit de cette société de disposer des capacités pour l'exécution des prestations devant faire l'objet d'une sous-traitance. Enfin, les offices publics de l'habitat n'allèguent ni ne démontrent qu'ils ont demandé à la société AC environnement de compléter leur dossier de candidature afin qu'elle justifie de ses capacités.
9. Il suit de là qu'en examinant les offres des sociétés ADX groupe et AC environnement dont les dossiers ne permettaient pas de prendre en compte les capacités professionnelles, techniques et financières d'un opérateur auquel il était envisagé de confier l'exécution d'une partie des prestations du marché, le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de mise en concurrence.
10. Aux termes de l'article
R. 2144-7 du code de la commande publique : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. () ". Le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, à moins qu'il ne résulte de l'instruction que sa candidature devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable.
11. Il n'est ni allégué ni établi que la candidature de la société AED groupe est irrecevable, ou que ses offres relatives aux deux lots du marché ne revêtent pas un caractère approprié, régulier et acceptable. Dès lors, le choix d'une offre présentée par un candidat irrégulièrement retenu est, ainsi qu'il a été dit au point précédent, susceptible de l'avoir lésée, quel qu'ait été son propre rang de classement à l'issue du jugement des offres. Par suite, la société requérante est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres manquements invoqués, à demander, d'une part, l'annulation de la procédure de passation du marché au litige à compter de l'examen des candidatures, d'autre part, qu'il soit enjoint au pouvoir adjudicateur de se conformer à ses obligations de mise en concurrence en reprenant la procédure à compter de ce stade, s'il entend poursuivre la passation du marché.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
13. En vertu des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic doivent dès lors être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de ces derniers une somme globale de 1 500 € au titre des frais exposés par la société AED groupe et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La procédure de passation du marché relative à la réalisation de missions de repérages d'amiante avant travaux, de constats de risque d'exposition au plomb et de diagnostics des installations intérieures au gaz concernant des résidences des offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic est annulée à compter de l'examen des candidatures.
Article 2 : Il est enjoint aux offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic, s'ils entendent poursuivre la passation du marché, de se conformer à leurs obligations de mise en concurrence en reprenant la procédure à compter du stade de l'examen des candidatures.
Article 3 : Les offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic verseront à la société AED groupe la somme globale de 1500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions des offices publics de l'habitat Office 64 de l'habitat et Habitat sud Atlantic présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société AED groupe, à l'office public de l'habitat Office 64 de l'habitat, à l'office public de l'habitat Habitat sud Atlantic, à la société ADX groupe et à la société AC environnement.
Fait à Pau, le 9 janvier 2023.
Le juge des référés,
F. DE SAINT-EXUPERY DE CASTILLONLa greffière
M. A
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme :
La greffière,