Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Pau 30 juin 2017
Cour de cassation 26 septembre 2018

Cour de cassation, Première chambre civile, 26 septembre 2018, 17-24690

Mots clés vente · notaire · vendeur · superficie · acte · appartement · syndicat · propriété · syndic · inférieure · officier · ministériel · acquérir · différence · indemnisation

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 17-24690
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 30 juin 2017
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C100902

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Pau 30 juin 2017
Cour de cassation 26 septembre 2018

Texte

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte du 13 juillet 2005 reçu par la SCP Olivier E... et Philippe X..., notaire de l'acquéreur (le notaire), avec la participation de M. B..., notaire du vendeur, Mme Y... a acquis de M. Z... un appartement ; qu'ayant découvert que ce dernier était d'une superficie inférieure à celle portée sur les actes, elle a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation :

Attendu que, pour dire que les fautes commises par le notaire lors de la rédaction de l'acte de vente se trouvaient directement à l'origine des préjudices subis par Mme Y... et les condamner in solidum à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que, sans avoir besoin de se déplacer sur les lieux pour vérifier la consistance du bien vendu, la différence de superficie qui résultait de la simple lecture comparative de l'acte d'acquisition du vendeur et de l'offre de vente faite à Mme Y..., aurait dû interpeller le notaire et l'amener à interroger le vendeur et son notaire sur cette différence, ainsi que, éventuellement, à leur demander de se rapprocher du syndic de copropriété pour justifier de l'explication qui pouvait être donnée par le vendeur, de sorte qu'en ne le faisant pas, le notaire a manqué à son obligation de conseil, n'a pas garanti la validité et l'efficacité de son acte en conduisant sa cliente à acquérir un appartement d'une superficie inférieure à celle portée sur les actes, d'une valeur inférieure au prix, et à acquérir un bien dont partie était la propriété d'autrui et non celle du vendeur, l'exposant par la suite à l'éviction sollicitée par le syndicat des copropriétaires ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la vente litigieuse ne résultait pas d'un compromis dont la conclusion et la réalisation des conditions suspensives étaient antérieures à l'intervention du notaire, de sorte que ses conséquences dommageables se seraient développées même sans la faute imputée à l'officier ministériel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la SCP Olivier E... et Philippe X... a commis des fautes directement à l'origine des préjudices subis par Mme Y... et en ce qu'il la condamne à payer à celle-ci la somme de 24 694,73 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 30 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Olivier E... et Philippe X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que les fautes commises par la SCP E... et X... lors de la rédaction de l'acte de vente conclu entre M. Z... et Mme Emilie Y... étaient directement à l'origine des préjudices subis par Mme Emilie Y... et d'AVOIR en conséquence condamné in solidum la SCP E... et X... à payer à Mme Emilie Y... la somme totale de 24 694,73 € à titre de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le notaire est un officier public et ministériel tenu de conseiller les parties et d'assurer l'utilité, la validité et l'efficacité des actes passés selon les prévisions des parties ; qu'à cet effet, il doit se mettre concrètement en situation d'exécuter son devoir de conseil en accomplissant les démarches nécessaires, et en éclairant les parties sur la portée, les effets des actes auxquels il prête son concours ; qu'en l'espèce, il résulte de l'acte d'acquisition de M. Z... que la vente portait notamment sur le lot 29 constitué d'un appartement qu'il a acquis en VEFA, d'une superficie utile d'environ 50 m2 selon un plan côté annexé à l'acte, conforme et identique à celle mentionnée à la page 11 du fascicule libellé "Titre A Copropriété horizontale" ; que le certificat de surface loi Carrez établi à la demande du vendeur en vue de la revente de cet appartement à Mme Y... révélait en revanche une superficie de 57,42 m2 qui ne peut être assimilée à la superficie initiale de 50 m2, y compris s'il était mentionné "environ" 50 m2, s'agissant d'un appartement, vendu au m2, et qui plus est, de petite superficie ; que sans avoir besoin de se déplacer sur les lieux pour vérifier la consistance du bien vendu, ce qui ne lui est pas demandé, cette seule différence de superficie qui résultait de la simple lecture comparative de l'acte d'acquisition du vendeur et de l'offre de vente qu'il en a faite à Mme Y... aurait dû interpeller Me E..., notaire de cette dernière, l'amener à interroger le vendeur et son notaire sur cette différence, et éventuellement, leur demander de se rapprocher du syndic de copropriété pour justifier de l'explication qui pouvait être donnée par le vendeur ; qu'en ne le faisant pas, Me E... a manqué à son obligation de conseil, n'a pas garanti la validité et l'efficacité de son acte amenant sa cliente à acquérir un appartement d'une superficie inférieure à celle portée sur les actes et par conséquent, d'une valeur inférieure au prix, mais encore, à acquérir un bien dont partie était la propriété d'autrui et non celle du vendeur, l'exposant par la suite, à l'éviction sollicitée par le syndicat des copropriétaires qui lui a demandé de remettre les lieux en l'état et de restituer à la copropriété la partie annexée, et enfin, l'a condamné à revendre ce bien à un moindre coût ; que ces manquements fautifs du notaire sont directement à l'origine de ces préjudices avérés qui sont invoqués par Mme Y... qui devront être évalués, à la lecture du rapport d'expertise, comme suit : à la somme de 1 421,73 € au titre de la remise en état des lieux, à la somme de 21 000 € au titre de la perte de valeur de l'appartement liée à sa diminution de surface, à la somme de 2 273 € au titre des frais d'acquisition réglés sans cause, au paiement desquelles, seront condamnés in solidum la SCP E... et X... ;

1°) ALORS QUE la faute d'un notaire ne peut être la cause d'un dommage survenu dès avant sa commission ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la SCP E... et X... à payer à Mme Y... la somme de 24 694,73 euros à titre de dommages et intérêts, « que [l]es manquements fautifs du notaire [étaient] directement à l'origine de ces préjudices avérés » (arrêt, p. 4, al. 3), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la vente litigieuse ne résultait pas d'un compromis dont la conclusion le 21 mai 2005 et la réalisation des conditions suspensives étaient antérieures à l'intervention de l'officier ministériel, de sorte que ses conséquences dommageables se seraient développées même sans la faute imputée au professionnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge ne saurait porter atteinte aux attentes légitime d'un professionnel du droit en lui appliquant une modification du régime de sa responsabilité qui ne pouvait être prévue à la date de son intervention ; qu'en condamnant la SCP E... et X... à indemniser Mme Y... de chefs de préjudice qui ne sont pas en lien avec les fautes imputées à l'officier ministériel, imposant ainsi une solution qui relève d'une logique de garantie, la cour d'appel a rétroactivement modifié le régime de responsabilité applicable à l'exposant, méconnaissant ainsi les attentes légitimes du notaire, en violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.