Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai 2021 et 8 avril 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Tis carrosserie, représentée par Me George, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 15 février 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 7 300 euros au titre de la contribution spéciale et celle de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ;
2°) d'annuler la décision du 1er avril 2021 par laquelle le directeur de l'OFII a rejeté son recours gracieux ;
3°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 7 300 euros émis le 8 mars 2021 pour le recouvrement de la contribution spéciale mise à sa charge et de la décharger de cette somme ;
4°) d'annuler le titre de perception d'un montant de 2 124 euros émis le 8 mars 2021 pour le recouvrement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mise à sa charge et de la décharger de cette somme ;
5°) de mettre à la charge de l'OFII, outre les " entiers " dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 15 février 2021 est entachée d'un vice de procédure eu égard au non-respect du principe du contradictoire tel qu'il est prévu par l'article
D. 8254-11 du code du travail ;
- le directeur de l'OFII ne pouvait pas légalement mettre à sa charge les contributions en litige dès lors que le travailleur lui a présenté une carte nationale d'identité française ;
- le montant de la contribution spéciale doit être réduit dès lors qu'il a parfaitement respecté l'ensemble de ses obligations à l'égard du salarié ;
- par un jugement du tribunal correctionnel de Valenciennes du 20 juillet 2021, revêtu de l'autorité de la chose jugée, ce qui implique l'annulation des décisions contestées, il a été relaxé et M. B a bénéficié d'une carte de résident du 7 mai 2021 au 6 mai 2022.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, le directeur général de l'OFII conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruneau,
- les conclusions de Mme Michel, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. Le 24 novembre 2020, lors d'un contrôle au sein de la société Tis carrosserie située à Anzin, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et ceux de la police ont constaté la présence de M. A B, ressortissant algérien, en action de travail alors qu'il était dépourvu de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Par un courrier du 7 janvier 2021, le directeur général de l'OFII a informé la société de son intention de lui appliquer la contribution spéciale prévue par l'article
L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invitée à présenter des observations dans un délai de quinze jours. Le directeur général de l'OFII lui a appliqué, par une décision du 15 février 2021, la contribution spéciale à hauteur de 7 300 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement pour un montant de 2 124 euros. L'Etat, ordonnateur, a émis le 8 mars 2021, deux titres exécutoires pour le recouvrement des contributions mises à sa charge. Le 24 février 2021, la société Tis carrosserie a formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté le 1er avril 2021. Par la présente requête, la société Tis carrosserie demande au tribunal l'annulation des décisions du directeur général de l'OFII des 15 février et 1er avril 2021 ainsi que celle des titres de perception émis pour le recouvrement de ces sommes.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions prises par le directeur général de l'OFII :
2. Aux termes de l'article
L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / () ". Aux termes de l'article
L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article
L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 () ". Ce montant est fixé de manière forfaitaire, par l'article
R. 8253-2 du même code, à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12, à la date de la constatation de l'infraction. Il est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article
L. 8251-1 ou lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Il est, dans ce dernier cas, réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Enfin, il est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. L'article R. 8253-4 du même code précise que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) décide de l'application de la contribution spéciale au vu des observations éventuelles de l'employeur, à l'expiration du délai qui a été fixé à ce dernier pour les faire valoir.
3. Aux termes de l'article
R. 8253-3 du même code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article
L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article
L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ". Aux termes de l'article R. 8253-4 de ce code : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article
L. 8253-1 () ". Par ailleurs, aux termes de l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article
L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / (). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de fixer le montant de cette contribution. () ". Aux termes de l'article
R. 626-1 du même code : " I. - La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article
L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article
L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / () ". Aux termes de l'article R. 626-2 de ce code : " I. - Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article
L. 8271-17 du code du travail, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article
L. 626-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours. / II. - A l'expiration du délai fixé, le directeur général décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution forfaitaire prévue à l'article
L. 626-1 () ".
4. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement de l'article
L. 8253-1 du code du travail, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'employeur, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions citées au point 2, ou en décharger l'employeur.
5. En outre, aux termes de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article
L. 122-1 du même code dispose que : " Les mesures mentionnées à l'article
L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
6. Si ni les articles
L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271 17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article
L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article
L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. Par suite, l'OFII est tenu d'informer l'intéressé de son droit de demander la communication du procès-verbal d'infraction sur la base duquel ont été établis les manquements qui lui sont reprochés.
7. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a adressé à la société Tis carrosserie un courrier daté du 7 janvier 2021, aux termes duquel il l'informait, en application des dispositions citées ci-dessus des articles
R. 8253-3 du code du travail et
R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des faits qui lui étaient reprochés résultant du procès-verbal rédigé par l'inspecteur du travail à la suite du contrôle effectué le 24 novembre 2020, de la nature des sanctions administratives encourues, de la procédure d'établissement des contributions spéciale et forfaitaire pouvant être mises à sa charge et du délai de quinze jours dont elle disposait pour formuler des observations. Il résulte cependant des termes mêmes de ce courrier qu'il n'informait pas la société de son droit à demander la communication du procès-verbal d'infraction sur lequel l'OFII s'était fondé pour lui appliquer les sanctions envisagées. La société Tis carrosserie, ayant ainsi été, en l'espèce, privée d'une garantie, est fondée à soutenir que les sanctions prononcées à son encontre sont intervenues à l'issue d'une procédure irrégulière.
8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante est fondée à demander l'annulation des décisions des 15 février et 1er mars 2021 prise par le directeur de l'OFII. Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler les titres de perception émis à son encontre le 8 mars 2021 concernant les remboursements des sommes correspondant au montant des contributions en litige.
Sur les conclusions de décharge du montant des contributions :
9. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre, statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.
En ce qui concerne le bien-fondé des contributions litigieuses :
10. Aux termes de l'article
L. 5221-8 du même code prévoit que " l'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ". En vertu de l'article R. 8253-1 de ce code : " La contribution spéciale prévue à l'article
L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article
L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ".
11. Il résulte par ailleurs des dispositions précitées plus haut de l'article
L. 8253-1 du code du travail et de l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article
L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
12. Pour mettre à la charge de la société requérante les contributions en litige, le directeur général de l'OFII s'est fondé sur le procès-verbal établi par les services de la DIRECCTE et de police à la suite du contrôle effectué au sein de la société Tis carrosserie, qui fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il résulte de ce procès-verbal que le contrôle a révélé l'emploi de M. A B, ressortissant algérien, démuni d'un titre de séjour et d'un titre l'autorisant à travailler sur le territoire français.
13. La société requérante, dont le gérant est M. C B, ne conteste pas que M. A B se trouvait en action de travail et était bien employé par elle au moment du contrôle, comme il ressort du procès-verbal d'infraction. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal établi par les services de la DIRECCTE et de police à l'issue du contrôle effectué le 24 novembre 2020, que la société Tis carrosserie a employé le 1er juin 2020 un travailleur étranger, M. A B, de nationalité algérienne, démuni d'un titre l'autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Il résulte de l'instruction, c'est-à-dire de l'audition du gérant, que M. A B a présenté lors de son embauche seulement une copie d'une carte d'identité nationale française. Il s'ensuit que la société requérante ne s'est pas acquittée de l'obligation qui lui incombe en vertu des dispositions précitées de l'article
L. 5221-8 du code du travail de s'assurer du titre du salarié étranger qu'elle se proposait d'embaucher. Au demeurant, si la société requérante se prévaut de la circonstance que M. A B était de nationalité française, elle s'est bornée à prendre connaissance d'une simple copie de la carte nationale d'identité française préalable à la déclaration préalable à l'embauche, alors même que le gérant de la société requérante, lui-même de nationalité algérienne, est le frère du salarié concerné et qu'il l'héberge. La société requérante ne peut ainsi pas être regardée comme s'étant effectivement assurée, préalablement à l'embauche du salarié en cause, de ce que ce dernier disposait d'un document d'identité de nature à justifier de sa nationalité française. Les circonstances que le salarié a bénéficié pour la période allant du 7 mai 2021 au 6 mai 2022 d'une carte de séjour temporaire et que le tribunal judiciaire de Valenciennes a rendu, le 20 juillet 2021, à l'encontre de M. C B un jugement de relaxe, lequel n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée, sont sans incidence sur le bien-fondé des sanctions mises à la charge de la société requérante dès lors qu'il incombe au seul employeur de vérifier que son salarié dispose de documents l'autorisant à travailler en France. La société requérante ne peut par ailleurs pas utilement invoquer, au demeurant en se prévalant de la déclaration du salarié en cause auprès des organismes sociaux et de ce qu'elle n'avait pas connaissance du caractère frauduleux du titre de séjour, de sa bonne foi. Par suite, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que la contribution spéciale prévue par l'article
L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement, prévue à l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont été mises à la charge de la société Tis carrosserie par les décisions en litige.
En ce qui concerne le montant de la contribution spéciale :
14. Aux termes de l'article
R. 8253-2 du code du travail : " I. Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article
L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II. Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article
L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III. Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France () ". Selon l'article R. 8252-6 du même code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. / Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales ". En vertu de l'article L. 8252-2 du même code : " Le salarié étranger a droit au titre de la période d'emploi illicite : /1° Au paiement du salaire et des accessoires de celui-ci, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi, déduction faite des sommes antérieurement perçues au titre de la période considérée. A défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d'une durée de trois mois. Le salarié peut apporter par tous moyens la preuve du travail effectué ; / 2° En cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire, à moins que l'application des règles figurant aux articles L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1243-4 et L. 1243-8 ou des stipulations contractuelles correspondantes ne conduise à une solution plus favorable / 3° Le cas échéant, à la prise en charge par l'employeur de tous les frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il est parti volontairement ou a été reconduit. () ". L'article L. 8252-4 de ce code précise que : " Les sommes dues à l'étranger non autorisé à travailler, dans les cas prévus aux 1° à 3° de l'article L. 8252-2, lui sont versées par l'employeur dans un délai de trente jours à compter de la constatation de l'infraction () ".
15. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article
L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article
L. 8251-1 du même code, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par les dispositions précitées de l'article
L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Toutefois, les dispositions précitées du code du travail ne permettent pas à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pas plus qu'au juge administratif, de moduler le taux de la sanction financière en dehors des cas pour lesquels une minoration est envisagée par les textes applicables au litige.
16. En l'espèce, il résulte du procès-verbal qu'il a été constaté une infraction d'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié. Il résulte de l'instruction que le directeur de l'OFII a fixé le montant de la contribution à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti à la date de la commission de l'infraction, soit le montant total de 7 300 euros. Il ne résulte cependant pas de l'instruction, et contrairement aux dires de la société requérante, que cette dernière aurait versé à son employé, au titre de la période illicite d'emploi, outre les salaires et les accessoires de celui-ci, les indemnités liées à son licenciement, dont elle se prévaut, conformément aux dispositions légales, conventionnelles et aux stipulations contractuelles applicables à son emploi. Dès lors, la matérialité des faits étant établie et aucune circonstance ne justifiant de dispenser, à titre exceptionnel la société requérante des sommes mises à sa charge, le directeur de l'OFII était fondé à fixer le montant de la contribution spéciale due par la société Tis carrosserie à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti.
17. Il résulte de ce qui précède que l'annulation des titres de perception émis le 8 mars 2021 résulte seulement d'un motif de régularité. Dans ces conditions, dès lors que l'illégalité des titres de perception n'entraîne pas l'illégalité des créances et que les titres de perception en litige ne sont annulés que pour un motif de régularité, les conclusions de la société Tis carrosserie à fin de décharge du montant des contributions litigieuses doivent être rejetées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tis carrosserie est seulement fondée à demander l'annulation des décisions des 15 février et 1er avril 2021 ainsi que celle des titres de perception émis le 8 mars 2021.
Sur les frais liés au litige :
En ce qui concerne les dépens :
19. Aucun dépens, au sens de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative, n'a été exposé dans le cadre de la présente instance. Par suite, les conclusions relatives à la charge des dépens ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à la société Tis carrosserie au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Les décisions du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration des 15 février 2021 et 1er avril 2021 sont annulées.
Article 2 : Le titre de perception d'un montant de 7 300 euros émis le 8 mars 2021 à l'encontre de la société Tis carrosserie pour le recouvrement de la contribution spéciale est annulé.
Article 3 : Le titre de perception d'un montant de 2 124 euros émis le 8 mars 2021 à l'encontre de la société Tis carrosserie pour le recouvrement de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine est annulé.
Article 4 : L'Etat versera à la société Tis carrosserie une somme de 1 200 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société à responsabilité limitée Tis carrosserie et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Riou, président,
M. Fougères, premier conseiller,
Mme Bruneau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.
La rapporteure,
signé
M. Bruneau
Le président,
signé
J.-M. Riou
La greffière,
signé
I. Baudry
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière