Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris 13 juin 2008
Cour de cassation 01 juillet 2009

Cour de cassation, Chambre criminelle, 1 juillet 2009, 08-85553

Mots clés douanes · marchandises · territoire · matériels · contrebande · importation · production · service · douanier · guerre · armes · michel · justification · publication · militaires

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 08-85553
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 13 juin 2008
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Rapporteur : Mme Slove conseiller
Avocat(s) : SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Boré et Salve de Bruneton

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris 13 juin 2008
Cour de cassation 01 juillet 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'ADMINISTRATION DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS, partie poursuivante,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10e chambre, en date du 13 juin 2008, qui, dans la procédure suivie contre Michel X..., pour importation en contrebande de marchandises prohibées, l'a partiellement déboutée de ses demandes ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen

de cassation, pris de la violation des articles 2 ter, 215, 369, 414, 417, 419, 434, 435 et 438 du code des douanes, du décret n° 95-589 du 6 mai 1995, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a relaxé Michel X... pour partie des armes et matériels militaires détenus sans justificatif d'origine ;

"aux motifs que la présomption d'importation de marchandises en contrebande à défaut de production de justification d'origine, édictée par les articles 215 et 419 du code des douanes, est une présomption simple admettant la preuve contraire ; que la contrebande, qui est définie à l'article 417 du code des douanes, s'entend des importations ou exportations en dehors des bureaux ainsi que de toute violation des dispositions légales ou réglementaires relatives à la détention ou au transport des marchandises à l'intérieur du territoire douanier ; qu'en conséquence, le délit d'importation en contrebande visé à la prévention ne peut être juridiquement constitué que lorsque les pouvoirs publics sont en mesure de contrôler les mouvements de marchandises entrant en France ; qu'il est connu de tous, ainsi que cela a été évoqué lors des débats devant la cour à son audience du 19 octobre 2007, que :
- le territoire français a été envahi partiellement par les troupes du 3e Reich le 10 mai 1940, puis totalement en novembre 1942, par l'occupation de la zone libre ; que se trouvaient alors en France des troupes allemandes, italiennes et même russes après 1942, disposant de leurs armements ;
- des armes équipant les troupes françaises ont été conservées par leurs détenteurs, soit camouflées par des responsables français afin de les faire échapper à la commission d'armistice, puis ensuite aux troupes allemandes envahissant la zone libre, avant d'être remises en service contre l'occupant ;
- de nombreux largages d'armes britanniques ont été effectués au-dessus du territoire français à partir de 1942 au profit de groupes de résistants français, augmentés de parachutages d'armes américaines après le 6 juin 1944 ;
- des débarquements de troupes britanniques et américaines, mais également françaises, équipées de matériels de guerre britanniques, américains et français ont eu lieu en juin et août 1944 sur les côtes normandes et provençales ;
que ces arrivées d'armes et autres matériels militaires, qui se sont effectuées à l'intérieur du territoire douanier tel qu'il existait avant mai 1940, et en dehors des bureaux des douanes, ainsi que les violations, incontestables, des dispositions légales et réglementaires existant avant mai 1940 et relatives à la détention et au transport des marchandises, ne peuvent être juridiquement qualifiées d'importation en contrebande ;
que la cour écartera donc du champ des poursuites douanières, les armes introduites dans ces circonstances et détenues jusqu'à la fin de l'année 1945, date à laquelle les pouvoirs publics français rétablis sur le territoire français ont pu exercer à nouveau leurs prérogatives ; qu'aux termes de l'article 414 du code des douanes, le montant de l'amende est compris entre une et deux fois la valeur de la marchandise de fraude, cette dernière étant fixée par une offre d'achat dont la sincérité n'est pas contestée ; que Michel X... a estimé aux sommes de :
- 230 000 euros la valeur des armes de sa collection proprement dite,
- 20 000 euros la valeur approximative des munitions neuves excédant la quantité légale,
- 7 000 euros la valeur des poudres explosives,
- 14 000 euros la valeur des armes légalement détenues et retenues au titre de la sûreté des pénalités,
- 6 500 euros (estimation basse), la valeur des chargeurs et accessoires des armes,
- 18 000 euros (estimation basse), la valeur de la collection de chargeurs,
- 3 500 euros (estimation basse) la valeur des munitions légalement détenues, soit au total, à plus de 300 000 euros ;
- à une somme comprise entre 68 000 et 71 000 euros la valeur des matériels dont la restitution était envisageable (décrits en annexe) ;
que l'administration des douanes, qui n'a pas contesté cette estimation, a même déduit du montant de l'amende de 230 000 euros initialement réclamée, la somme de 30 000 euros représentant la valeur des armes, éléments d'armes et munitions légalement détenues ; que la cour ayant retranché de la liste des armes réputées importées en contrebande, celles en usage et introduites en France au cours de la seconde guerre mondiale dont les divers modèles et marquages qu'elles portent en font des objets recherchés par les collectionneurs, dispose des éléments d'appréciation qui lui permettent de fixer à la somme de 100 000 euros, la valeur des marchandises sans justification d'origine au regard du droit douanier, et donc celle de l'amende douanière ;

"1°) alors que, par dérogation aux dispositions de l'article 215 du code des douanes, les personnes qui détiennent ou transportent des matériels de guerre et des matériels assimilés, ainsi que des poudres et substances explosives destinés à des fins militaires ayant le statut de marchandises communautaires, doivent, à première réquisition des agents de douanes, produire soit des documents attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées dans le territoire douanier, soit tout autre document justifiant de leur origine, émanant de personnes ou de sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier ; qu'affirmant, comme un principe, que devaient être écartés du champ des poursuites douanières, les armes et le matériel militaires introduits en France au cours de la seconde guerre mondiale au motif que le délit d'importation en contrebande visé à la prévention ne peut être juridiquement constitué que lorsque les pouvoirs publics sont en mesure de contrôler les mouvements de marchandises entrant en France et que les armes introduites en France dans ces circonstances ne peuvent être juridiquement qualifiées d'importation en contrebande, alors que Michel X..., qui ne détenait pas ces armes depuis la seconde guerre mondiale mais les avaient acquises postérieurement, ne pouvait bénéficier des circonstances dans lesquelles ces armes avaient été introduites sur le territoire français et devait produire des justificatifs d'origine établissant soit qu'il les avait régulièrement importées, soit qu'il les avaient régulièrement acquises d'une personne ou d'une société établies sur le territoire français, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°/ alors qu'en tout état de cause, ne tombe pas sous l'application des dispositions de l'article 215 du code des douanes, les marchandises que les détenteurs, transporteurs, ou ceux qui les ont détenues, transportées, vendues, cédées ou échangées, prouvent, par la production de leurs écritures, avoir été importées, détenues ou acquises dans le territoire douanier antérieurement à la date de publication des arrêtés du ministre du budget et toute personne détenant des marchandises désignées pour la première fois par cet arrêté peut, avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la publication de l'arrêté, en faire la déclaration écrite au service des douanes qui, après avoir vérifié qu'elle est exacte, authentifiera cette déclaration qui tiendra lieu de justification ; qu'en entrant en voie de relaxe pour partie des armes détenus par Michel X... tout en affirmant que les détenteurs de marchandises entrant pour la première fois dans les prévisions de l'article 215 du code des douanes doivent prouver, soit par la production de leurs écritures, soit par déclaration faite au service des douanes, les avoir importés, détenus ou acquises avant cette date et que Michel X... n'avait produit aucun de ces justificatifs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés" ;

Vu les articles 2 ter, 215 et 419 du code des douanes ;

Attendu que, selon ces textes, les matériels de guerre, les matériels assimilés ainsi que les poudres et substances explosives destinées à des fins militaires sont réputés avoir été importés en contrebande, à défaut de justification d'origine ou de présentation de documents attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées sur le territoire douanier ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Michel X... est poursuivi pour importation en contrebande de marchandises prohibées pour avoir détenu des matériels de guerre sans pouvoir justifier de leur origine ni présenter des documents attestant que ces matériels ont été régulièrement introduits sur le territoire douanier ;

Attendu que, pour dire qu'une partie de ces matériels ne pouvait constituer le délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées, l'arrêt retient que les "arrivées d'armes et autres matériels militaires qui se sont effectués à l'intérieur du territoire douanier tel qu'il existait avant mai 1940, en dehors des bureaux des douanes, ainsi que les violations incontestables des dispositions légales ou réglementaires existant avant mai 1940, et relatives à la détention et au transport des marchandises, ne peuvent être juridiquement qualifiées d'importation en contrebande" ; que les juges en déduisent qu'il convient d'écarter "du champ des poursuites douanières les armes introduites dans ces circonstances et détenues jusqu'à la fin de l'année 1945, date a laquelle les pouvoirs publics, rétablis sur le territoire français, ont pu exercer à nouveau leurs prérogatives" ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs

et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen de cassation proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 juin 2008, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;