Tribunal administratif d'Orléans, 21 juin 2024, 2402289

Mots clés
requérant • requête • rejet • risque • règlement • dénigrement • discrimination • enseignement • harcèlement • saisie • sanction • preuve • rapport • requis • sachant

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif d'Orléans
  • Numéro d'affaire :
    2402289
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Nature : Décision
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des pièces complémentaires enregistrée le 6 juin 2024 et le 20 juin 2024, M. F A, représenté par Me Mazardo, demande à la juge des référés, saisie sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher en date du 17 avril 2024 portant à son encontre interdiction pendant 6 mois de toutes fonctions d'encadrement telles que définies par l'article L.212-13 du code du sport auprès de tout public, c'est à dire d'exercer son activité d'éducateur sportif à titre rémunéré ou bénévole ; 2°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - entraineur sportif depuis septembre 1999 il a été embauché au sein du club de natation " l'association amicale de la jeunesse blésoise (AAJB) " section Natation, en septembre 2017 ; il a 25 ans d'expérience en qualité d'éducateur spécialisé en natation course et justifie de la qualité de son enseignement ; à compter d'avril 2021 une famille qui avait déjà semé la zizanie dans un club précédent, a inscrit ses 3 enfants et elle a instauré un climat délétère en multipliant les exigences s'agissant des conditions d'entrainement de leurs enfants et des moyens mis à disposition lors des déplacements pour les compétitions ainsi que les agressions verbales, notamment à son encontre ; le 26 novembre 2023 a été décidée l'éviction de cette famille ; l'interdiction d'exercer attaquée s'appuie quasi exclusivement sur un mail de la mère de cette famille adressé le 9 avril 2024 au service départemental de la jeunesse qui ne contient que des accusations mensongères ; - la condition tenant à l'urgence est remplie car la décision attaquée a pour conséquence de le priver de toute ressource ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué car il est entaché d'erreurs de fait ; les faits reprochés ne sont pas établis et son maintien en activité ne constitue pas un danger pour la sécurité des pratiquants ; il est la cible de dénonciations calomnieuses de la part d'une famille qui a déjà jeté le discrédit sur les éducateurs sportifs ou membres du bureau des associations sportives dans lesquelles ils avaient précédemment inscrits leurs enfants et qui a été exclue du club fin novembre 2023 ; le comportement dénigrant et agressif des parents de cette famille, qui se sont livrés à des manœuvres consistant à approcher d'autres parents pour monter un dossier à son encontre est connu dans le milieu de la natation ; il a toujours pratiqué une pédagogie bienveillante et n'a jamais dénigré ses élèves ni pratiqué d'attaques sur le physique ou exclusions de bassin. Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2024, le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la condition d'urgence n'est pas remplie car d'une part, le requérant à qui il appartient de demander à accéder à d'autres fonctions rémunérées au sein de l'AAJB omnisport dont il est salarié, n'apporte pas la preuve des effets de la perte de rémunération dont il allègue sur sa situation personnelle, d'autre part la mesure en litige rendue nécessaire par les impératifs de protection des mineurs a une durée limitée, enfin en cas de retour prématuré à son poste la pleine sécurité des nageurs ne serait pas assurée ; - il n'y a pas de moyen propre à créer un doute sérieux car la décision d'interdiction en litige a été prise au vu du signalement d'agissements inappropriés à l'encontre d'un élève de la classe à horaires aménagés natation prénommé D qui ont eu des conséquences désastreuses et relèvent du harcèlement moral voire de la discrimination et caractérisent un manquement inacceptable à l'obligation d'un éducateur d'assurer la santé physique et morale des mineurs dont il a la charge, un éducateur ayant la même obligation en matière de posture éducative quel que soit le contexte ou le niveau de l'élève ; que le requérant qui manque de tact et de savoir-être et a été précédemment sanctionné suite à une altercation avec un père de nageur n'a pas pris la mesure des faits et ne se remet pas en cause ; que la mesure de police administrative fondée sur l'article L .212-13 du code du sport en litige peut être décidée au seul motif de l'existence de risques sachant qu'une maltraitance peut être psychologique ; que le requérant a un comportement dangereux quand un enfant a des résultats médiocres et à l'encontre parents qui le critiquent ; qu'au demeurant la fédération française de natation a saisi l'organisme de discipline fédéral ; que la décision est justifiée au regard de l'ensemble des attestations parentales concordantes et récentes au vu desquelles une évaluation des risques par la commune et le SDJES a été faite.

Vu :

- l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ; - et la requête au fond n°2402254 présentée par M. B. Vu : - le code du sport ; - le code de justice administrative. Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme Lefebvre-Soppelsa pour statuer sur les demandes de référés. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir, au cours de l'audience publique du 20 juin 2024, présenté son rapport et entendu : - les observations de Me Mazardo, représentant M. B, qui a conclu aux mêmes fins par les mêmes moyens et souligné, s'agissant de l'urgence, qu'il n'a plus de salaire depuis le mois de mai et qu'il a dû vendre récemment un véhicule afin de faire face à ses charges financières, qu'il ne dispose que du brevet de moniteur de natation et s'agissant de la légalité de l'arrêté en litige, que les faits allégués à son encontre ne sont aucunement établis, que le mail du 26 mars 2024 relatif à l'élève qui a quitté la classe à horaires aménagés (CHA) ne contient aucun fait de nature à justifier la décision attaquée et n'est assorti d'aucun justificatif de nature médicale établissant les difficultés de santé alléguées dans le courriel en date du 26 mars 2024 de la mère de cet élève ; que cet arrêté repose essentiellement sur un courrier en date du 9 avril 2024 qui est en réalité une dénonciation calomnieuse et qu'il a d'ailleurs porté plainte ; qu'au demeurant les écritures en défense démontrent que la procédure menée à son encontre repose uniquement quasi exclusivement sur ce courrier ; que la famille à l'origine de ce courrier a, à plusieurs reprises, causé des difficultés dans d'autres clubs et a eu un comportement au sein de l'AAJB qui a conduit la section à modifier son règlement intérieur afin que les parents n'assistent plus aux entrainements ; que la sanction qu'il s'est précédemment vue infligée est liée à une altercation, regrettable certes, qu'il a eu avec le père de cette famille car celui-ci ne respectait pas le règlement modifié ; qu'il produit de nombreuses attestations selon lesquelles il a adopté une pédagogie bienveillante et que le grief de mise en danger n'est aucunement établi ; qu'il est soutenu par de très nombreuses familles ; que le préfet a réagi sans procéder au préalable à des vérifications qui lui auraient permis de ne pas prendre une décision aussi grave sur la base de dénonciations calomnieuses isolées ; - les observations de M. B, qui a précisé que la CHA comportait 6 élèves, qu'elle a été fermée dès la réception par la commune du courrier de la mère de l'enfant D, que la section natation comporte environ 600 nageurs dont plus de 350 enfants et souligné la passion qu'il a pour son métier et le sentiment qu'il a d'avoir " abandonné " les nageurs qu'il entrainait ; - les observations pour le préfet de Loir-et-Cher, qui a persisté dans ses conclusions aux fins de rejet par les mêmes moyens, d'une part, de Mme C qui a souligné que le requérant n'établit pas avoir recherché d'autres fonctions rémunérées au sein de son club, que la mesure en litige est une mesure de police administrative en vue de la protection des mineurs, que le dénigrement est une forme de maltraitance et que les attestations produites, concordantes suffisent pour établir le risque alors que le requérant doit avoir une pédagogie adaptée à tous les publics, d'autre part, de M. E, inspecteur jeunesse et sport, qui a indiqué avoir procédé à une évaluation des risques en procédant à l'audition du responsable des sports de la commune et du président du club, et avoir ainsi forgé sa conviction que les faits signalés justifiait la mesure de suspension en litige au regard de leur gravité dès lors que le requérant dont il lui a été indiqué qu'il peut être " brut de décoffrage " n'a pas manifesté d'esprit d'ouverture et déclaré que le jeune D " ne lui manquerait pas " a ainsi franchi des limites, ce qui a fait naître un doute sérieux sur sa capacité à prendre en compte la situation de tous les enfants accueillis, les 3 attestations sur lesquelles reposent sa décision étant concordantes et, alors qu'il est nécessaire d'adopter une procédure adaptée à chaque enfant en fonction de l'état de forme physique de ceux-ci, qu'il a choisi d'agir concomitamment de l'enquête administrative ouverte au regard du risque avéré et immédiat pour les pratiquants du club qui lui imposait d'agir rapidement. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

: 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge de référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". 2. Pour l'application de ces dispositions, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. 3. En l'espèce il résulte de l'instruction qu'en conséquence de la décision d'interdiction en litige, M. B est privé d'une part de revenus depuis mai 2024, d'autre part de la possibilité de poursuivre son métier d'entraineur de natation. Par suite et alors que le préfet de Loir-et-Cher n'établit aucunement son allégation selon laquelle en cas de retour prématuré du requérant à son poste la pleine sécurité des nageurs ne serait pas assurée, quand bien même la mesure en litige a une durée limitée, il établit qu'elle a des conséquences graves et immédiates sur sa situation. Dans ces conditions, la condition d'urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme satisfaite. 4. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que la décision d'interdiction attaquée prise au motif que le maintien de M. B dans ses fonctions d'encadrement constitue un risque pour la santé et l'intégrité physique et morale des pratiquants n'est pas fondée sur des faits établis est de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision. 5. Il résulte de ce qui précède que les conditions d'application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative étant réunies, il y a lieu de de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher en date du 17 avril 2024 portant à l'encontre de M. B interdiction pendant 6 mois toutes fonctions d'encadrement telles que définies par l'article L. 212-13 du code du sport auprès de tout public, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête au fond n° 2402254. Sur les frais liés au litige : 6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher en date du 17 avril 2024 portant à l'encontre de M. B interdiction pendant 6 mois toutes fonctions d'encadrement telles que définies par l'article L. 212-13 du code du sport auprès de tout public est suspendue jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête au fond n° 2402254. Article 2 : L'Etat versera à M. B la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. F A et au préfet de Loir-et-Cher. Fait à Orléans, le 21 juin 2024. La juge des référés, Anne LEFEBVRE-SOPPELSA La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2402289