Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Rennes 24 juillet 2019
Cour d'appel de Rennes 23 juin 2022

Cour d'appel de Rennes, 4ème Chambre, 23 juin 2022, 21/06137

Mots clés Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction · société · préjudice · assurances · travaux · ouvrage · responsabilité civile · contrat · remise · réparation · rénovation · garantie · maîtres · préjudice moral

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 21/06137
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Rennes, 24 juillet 2019
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Rennes 24 juillet 2019
Cour d'appel de Rennes 23 juin 2022

Texte

4ème Chambre

ARRÊT N° 241

N° RG 21/06137

N° Portalis DBVL-V-B7F-SCID

BD / FB

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. GAN ASSURANCES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christophe BAILLY de la SELARL AVOLITIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Madame [H] [K] épouse [F]

née le 23 Mars 1956 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTERVENANTS :

Monsieur [Y] [F]

Intervenant volontaire en qualité d'héritier de Monsieur [J] [F] décédé le 13 septembre 2021

né le 11 Janvier 1976 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [A] [F]

Intervenant volontaire en qualité d'héritier de Monsieur [J] [F] décédé le 13 septembre 2021

né le 06 Juin 1974 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [B] [F]

Intervenant volontaire en qualité d'héritier de Monsieur [J] [F] décédé le 13 septembre 2021

né le 27 Avril 1983 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Exposé du litige :

Suivant devis accepté le 18 avril 2016, M. et Mme [F] ont confié la rénovation complète de leur maison d'habitation située à [Adresse 7] à la société Lepage Rénovation, assurée auprès de la société Gan Assurances, pour un coût de 156 456,30 euros TTC.

Les maîtres de l'ouvrage ont conclu un marché d'entreprise distinct avec la société Couverture Moquet-Peltier (CMP), pour les travaux de couverture, lesquels ont été intégralement réglés.

Un litige étant né entre les époux [F] et la société Lepage Rénovation concernant le périmètre et la qualité des travaux réalisés, les maîtres de l'ouvrage, qui avaient réglé les cinq premières factures pour un montant total de 80 608,79 euros, ont refusé de payer une facture émise le 20 octobre 2016 et ont fait examiner les travaux par un expert amiable.

Par courrier du 5 décembre 2016, la société Lepage Rénovation a notifié aux époux [F] la résiliation du contrat.

Par actes d'huissier en date du 29 décembre 2016, M. et Mme [F] ont fait assigner la société Lepage Rénovation et la société Gan Assurances devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Rennes aux fins d'expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 9 mars 2017 désignant M. [C] [O].

Les opérations d'expertise ont été étendues à la société CMP.

L'expert a déposé son rapport le 4 juin 2019.

Par actes d'huissier en date des 3 et 4 juillet 2019, M. et Mme [F] ont fait assigner les sociétés Lepage Rénovation et Gan Assurances devant le tribunal de grande instance de Rennes en indemnisation de leurs préjudices.

Par un jugement du 24 juillet 2019, le tribunal de commerce de Rennes a ordonné la liquidation judiciaire de la société Lepage Rénovation et, par jugement du 22 juin 2020, a ordonné sa clôture pour insuffisance d'actifs.

Les maîtres de l'ouvrage se sont désistés de leurs demandes à l'encontre de la société David Goïc et Associés, liquidateur de la société Lepage appelé à la cause.

Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 3 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Rennes a :

- condamné la société Gan Assurances à payer à M. et Mme [F] les sommes de :

- 257 891,93 euros TTC au titre du coût des travaux de réparation, outre indexation sur l'indice BT01 entre le 4 juin 2019 et la date du jugement ;

- 18 400 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

- 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté le surplus des prétentions ;

- condamné la société Gan Assurances aux dépens, comprenant ceux de référé et la rémunération de l'expert judiciaire.

[J] [F] est décédé le 13 septembre 2021.

La société Gan Assurances a interjeté appel du jugement par déclaration du 30 septembre 2021.

Les héritiers d'[J] [F], MM [Y], [B] et [A] [F] assignés par la société Gan Assurances le 20 janvier 2022 sont intervenus à la procédure en qualité d'héritiers de leur père par conclusions du 4 mars 2022

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 avril 2022, la société Gan Assurances au visa de l'article L112-6 du code des assurances, demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- débouter les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples et contraires ;

- en conséquence, prononcer sa mise hors de cause pure et simple;

A titre subsidiaire,

- débouter les consorts [F] de leurs demandes au titre d'un préjudice de jouissance ainsi qu'au titre d'un préjudice moral en ce qu'ils ne sont pas justifiés ;

-rejeter les demandes qui seraient présentées à son encontre à ce titre ;

-admettre que la société Gan est fondée à opposer à tous le montant de ses franchises contractuelles, lesquelles s'élèvent :

- au titre de la garantie responsabilité civile en cours d'exécution des travaux, la société Gan est fondée à solliciter à l'encontre de son assuré et à l'ensemble des parties l'application de la franchise contractuelle égale à 10 % du sinistre avec un minimum de 0,45 fois le montant de l'indice BT01 au jour du règlement et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice au jour du règlement ;

- au titre de la garantie responsabilité civile après mise en circulation des produits ou après achèvement des travaux, la société Gan est fondée à solliciter à l'encontre de son assurée et à l'ensemble des parties l'application de la franchise contractuelle égale à 10 % du sinistre avec un minimum de 0,45 fois le montant de l'indice BT01 au jour du règlement et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice au jour du règlement ;

- au titre de la garantie responsabilité civile en cas d'effondrement avant réception, la société Gan est fondée à solliciter à l'encontre de la société MPI et à l'ensemble des parties l'application de la franchise contractuelle égale à 10 % du sinistre avec un minimum de 0,91 fois le montant de l'indice BT01 au jour du règlement et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice au jour du règlement ;

- au titre des dommages matériels (garantie obligatoire) à 10 % de l'indemnité avec un minimum de 0,91 fois le montant de l'indice BT01 actualisé et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice (opposable à son assuré) ;

- au titre des dommages immatériels à 10 % de l'indemnité avec un minimum de 0,91 fois le montant de l'indice BT01 actualisé et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice (opposable à son assurée et à l'ensemble des parties) ;

- déduire le montant de ces franchises des condamnations qui viendraient à être prononcées à l'encontre de la société Gan Assurances ;

En tout état de cause,

-rejeter les demandes de prise en charge de l'assurance dommages ouvrage et des intérêts moratoires présentées à son encontre ;

- rejeter la demande de capitalisation des intérêts réclamés par les consorts [F] ;

- condamner solidairement les époux [F] à lui régler à la société Gan une somme au titre des frais irrépétibles ;

-condamner les époux [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société GAN soutient que sa garantie n'est pas mobilisable puisque les désordres sont en lien avec l'activité de maîtrise d''uvre non déclarée par la société Lepage Rénovation. Elle relève que l'expertise a mis en évidence son rôle dans la conception de la rénovation, dont elle a effectué l'étude de projet et les plans d'aménagement avant d'assurer le suivi des travaux en établissant plusieurs comptes rendus de chantier. Elle ajoute que l'expert a relevé différentes erreurs de conception notamment en ce qui concerne l'aménagement de l'étage, l'exécution des doublages et des colombages et que la circonstance que l'attestation d'assurance remise aux maîtres d'ouvrage ne mentionne pas l'exclusion des prestations de conception des ouvrages relevant des activités déclarées est indifférent, puisqu'il n'est pas exigé de ce document qu'il mentionne les exclusions.

La société GAN fait valoir qu'à supposer que l'activité de maîtrise d''uvre soit écartée, aucune des garantie souscrite au titre de la responsabilité civile ne peut être appliquée.

Elle observe que les garanties de la responsabilité civile en cours de travaux ne peuvent être mobilisées en raison des dispositions de l'article 13 des conventions spéciales qui excluent les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assurée. Elle soutient que cette clause, formelle et limitée, est opposable aux maîtres d'ouvrage dans le cadre de leur action directe sans que ceux-ci puissent se prévaloir de ce que les conditions particulières du contrat qui opèrent un renvoi aux conditions générales et spéciales, ne sont pas signées. Elle observe que l'attestation d'assurance remise par la société aux maîtres d'ouvrage mentionne le même numéro de contrat que les conditions particulières, ce qui manifeste la volonté de la société assurée de souscrire la police avec l'ensemble de ses conditions d'application, ce qu'admet la jurisprudence.

S'agissant de la garantie de la responsabilité civile décennale, l'appelante en exclut l'application en l'absence de réception des travaux, ce également en son volet garantie effondrement, assurance de chose, que l'assurée peut seule actionner, à défaut de mention dans le contrat de la possibilité pour le tiers victime de s'en prévaloir. Elle ajoute que les consorts [F] ne peuvent pas plus pour ce même motif fonder leur demande sur l'action oblique et qu'en tout état de cause n'a été caractérisé aucun risque imminent d'effondrement.

Elle s'oppose à l'indemnisation sollicitée au titre du préjudice de jouissance en relevant qu'il ne répond pas à la définition contractuelle des préjudices immatériels pris en charge. Elle observe de plus que cet immeuble était destiné aux maîtres d'ouvrage à leur retraite, que la rénovation devait être achevée au plus tôt le 1er juillet 2017 et qu'ils n'ont pas été contraints d'engager des frais pour se loger de sorte que l'indemnisation mensuelle à retenir doit être limitée à 150€.

L'appelante estime que le préjudice moral n'est pas justifié, les témoignages familiaux étant sans lien avec le litige et qu'il ne répond pas non plus à la définition contractuelle des préjudices immatériels.

Elle s'oppose au paiement de la cotisation de l'assurance dommages ouvrage qui n'a pas été souscrite initialement , des intérêts moratoires et de l'indexation, qui ne relèvent pas de la garantie.

Elle ajoute que les garanties étant facultatives, elle peut opposer ses franchises contractuelles.

Dans leurs dernières conclusions en date du 28 avril 2022, Mme [H] [F] et MM. [Y], [A] et [B] [F] au visa des articles 1103, 1104, 1231-1 du code civil, L113-1 et L124-3 du code des assurances, demandent à la cour de :

-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Gan Assurances au paiement de 257 891,93 euros TTC au titre du coût des travaux de réparation, outre indexation sur l'indice BT01 entre le 4 juin 2019 et la date du jugement, aux dépens, comprenant ceux de référé et la rémunération de l'expert judiciaire, débouté le Gan de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-réformant le jugement déféré, juger nulle et non écrite la clause d'exclusion relative aux dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré ou son sous-traitant ainsi que les dommages subis par les produits, matériaux, composants livrés par l'assuré ou son sous-traitant ;

- condamner la société le Gan Assurances à leur payer une indexation BT01 sur le coût des travaux de reprise de 257 891,93 euros TTC de la date du rapport d'expertise judiciaire et jusqu'à la décision judiciaire à intervenir ayant force de chose jugée ;

- condamner la société le Gan Assurances à leur payer une indemnité de 600 euros par mois du 1er juillet 2017 jusqu'à l'expiration d'un délai de sept mois (durée du chantier) suivant la date à laquelle la décision à intervenir sera passée en force de chose jugée ;

- condamner la société Gan Assurances à payer aux consorts [F] une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter le Gan de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y additant,

- condamner la société le Gan Assurances à leur payer une indemnité de 9026,22 euros TTC correspondant au montant de la cotisation d'assurance dommages ouvrage au titre des travaux de reprise ;

- condamner la société le Gan Assurances à payer aux consorts [F] un intérêt à taux légal, à compter de l'assignation en référé expertise ou subsidiairement de l'assignation au fond, sur l'ensemble des indemnités allouées y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

-condamner la société le Gan Assurances à payer aux consorts [F] une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au stade de l'appel outre les entiers dépens d'appel.

Les consorts [F] soutiennent que la société Lepage Rénovation n'est pas intervenue sur le chantier en qualité de maître d''uvre, qu'elle n'a perçu aucun honoraire à ce titre. Ils soutiennent que la société intervenant en qualité d'entrepreneur général a défini les caractéristiques des ouvrages qu'elle a réalisés, ce qui n'a pas pour conséquence de la transformer en maître d''uvre. Ils ajoutent qu'elles a accompli essentiellement des plans qui ont servi de support aux travaux exécutés relevant des différents corps de métiers pour lesquels elle était assurée.

Les intimés font remarquer que la nomenclature des activités du BTP diffusée par la Fédération française de l'assurance prend en compte la réalité de l'intervention d'un entrepreneur général en l'absence de maître d''uvre sur le chantier, puisqu'elle indique que les travaux déclarés par l'assuré comprennent toujours la mise en 'uvre y compris la conception. Ils relèvent que la société Lesage Rénovation a assuré le suivi des seuls travaux qui lui incombaient et non ceux de la société CMP et objectent que l'expert a également mis en cause l'exécution, la conformité aux règles de l'art des travaux exécutés dépendant des activités qui sont assurées.

S'agissant de la mobilisation de la garantie de la responsabilité civile, les intimés soutiennent que la clause d'exclusion prévue aux conventions spéciales, relative à la prise en charge des seuls dommages occasionnés par les travaux et non aux travaux, invoquée par l'assureur ne peut leur être opposée.

Ils relèvent que les conditions particulières produites aux débats ne sont pas signées de l'assurée, qu'elles renvoient à des conventions spéciales qui ne le sont pas plus, que dans ces conditions, il n'est pas démontré que l'assurée a eu connaissance de ces conclusions et les a acceptées , ce qui les a incluses dans le champ contractuel.

Ils estiment que la jurisprudence, non publiée dont l'assureur se prévaut, raison de la mention des référence dans l'attestation d'assurance n'est pas transposable, dès lors que dans cette espèce, l'attestation d'assurance qui a été considérée comme significative de la volonté de l'assuré d'appliquer la police dans l'ensemble de ses conditions comportait les références des conditions particulières et celles des conditions générales comportant l'exclusion, ce qui n'est pas le cas de l'attestation remise par la société Lepage Rénovation.

Ils soutiennent au surplus que cette clause n'est pas formelle et limitée au sens de l'article L113-1 du code des assurances et est par conséquent nulle.

Ils invoquent le bénéfice de la garantie effondrement ou menace grave et imminente d'effondrement et considèrent que bien qu'il s'agisse d'une assurance de chose mobilisable à l'initiative du seul assuré, ce principe ne vaut qu'autant que l'assuré est en mesure de la demander, ce qui n'est pas le cas quand il est placé en liquidation judiciaire, comme la société Lepage. Estimant que le risque d'effondrement est caractérisé par l'expert, ils ajoutent que la police garantie également les dommages matériels survenus en cours de travaux.

Les consorts [F] soutiennent que le préjudice de jouissance et le préjudice moral sont parfaitement démontrés compte tenu du déroulement chaotique du chantier, de l'ampleur des désordres, du retard important pris dans l'exécution de ce projet familial. Ils ajoutent que ces préjudices sont des préjudices immatériels et que leur définition contractuelle ne peut leur être opposée figurant dans des conditions spéciales dont la communication à l'assuré n'est pas certaine, que néanmoins, ils indemnisent une perte financière.

Ils considèrent que les franchises ne sont pas opposables n'étant pas mentionnées dans l'attestation d'assurance et figurant dans des conditions particulières qui ne sont pas signées ; que la cotisation de l'assurance dommages ouvrage doit leur être accordée étant obligatoire au regard de la nature des travaux de reprise et constituant un élément de la réparation intégrale de leur préjudice et que la condamnation de l'assureur donne lieu à des intérêts de retard, comme toute condamnation.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions de parties, la cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 mai 2022.


Motifs :

-Sur le principe de la garantie du GAN :

Dans le cadre de l'action directe engagée par les consorts [F] contre le Gan, la réalité des désordres affectant les travaux confiés à la société Lepage Rénovation ne fait pas débat, ni le fait qu'en l'absence de réception, la responsabilité de cette société ne peut être recherchée que sur un fondement contractuel en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, compte tenu de la date du contrat d'avril 2016.

* Sur l'activité de maître d''uvre non déclarée :

Il est constant que l'assureur garantit les travaux afférents aux secteurs d'activité déclarés par l'assuré lors de la souscription de la police.

En l'espèce, l'attestation datée du 1er janvier 2016, remise par la société Lepage Rénovation aux époux [F] lors de la conclusion du contrat de louage d'ouvrage, mentionne l'exercice des activités de maçon (incluant la démolition, le terrassement, les travaux simples de charpente), couvreur, menuisier intérieur et extérieur hors traitement curatif des bois, plombier, électricien, carreleur, poseur de revêtement dur, plâtrier-plaquiste.

Le devis accepté par les maîtres d'ouvrage se rapporte à des travaux relevant de ces différents corps de métier. Une seule entreprise tierce, la société CMP, est intervenue, pour réaliser la couverture, lors de l'opération de rénovation complète de la maison. Les travaux ont donc été exécutés pour l'essentiel par la société Lepage Rénovation en qualité d'entreprise générale. L'expert a relevé que les travaux n'avaient pas été encadrés par un maître d''uvre professionnel.

Il n'est pas discuté que la société Lepage Rénovation a établi des plans, pour certains annexés au rapport d'expertise, et qui, selon l'expert, ont évolué en fonction des contraintes présentées par l'immeuble, notamment à l'étage. Toutefois, comme le relèvent les intimés, ceux-ci représentent les ouvrages que la société devait réaliser dans les différents corps de métier qu'elle assurait et constituaient le support de son travail en phase d'exécution. En l'absence d'un professionnel spécifiquement chargé par les maîtres d'ouvrage de réaliser la conception des travaux et d'établir un descriptif technique des prestations nécessaires, il appartenait à la société Lepage seule de réaliser ces missions pour les travaux mis à sa charge et de définir sur le plan technique les modalités d'exécution nécessaires à la réalisation des ouvrages prévus dans son devis, au besoin en les figurant sur des plans.

A cet égard, les consorts [F] relèvent à juste titre que selon la nomenclature des activités du BTP diffusée par la fédération française de l'assurance, les termes « réalisation/travaux »comprennent, pour toutes les activités mentionnées dans le tableau, la mise en 'uvre y compris la conception.

Par ailleurs, les deux seuls comptes rendus de chantier établis les 11 mai et 9 juin 2016 procèdent essentiellement d'un constat par la société de l'état d'avancement de ses travaux et concernent, plus particulièrement pour le premier, la détermination de la période d'intervention de l'entreprise de couverture CMP, fixée à mi juillet, laquelle avait des conséquences sur l'organisation par la société Lepage de ses propres prestations. Aucune pièce n'établit que celle-ci est intervenue pour assurer le suivi des travaux de couverture en termes de qualité et de conformité aux règles de l'art et au devis pendant leur réalisation en juillet. L'expert ne fait aucune remarque en ce sens, ni la société CMP qui a participé aux opérations d'expertise.

Dès lors, la société GAN manque à démontrer l'exécution par son assurée de missions significatives d'une intervention en qualité de maître d''uvre et la survenance de désordres en lien avec une activité non garantie.

Au surplus, l'expert a relevé des défauts d'exécution et des non conformités imputables à la société en ce qui concerne les ouvrages de maçonnerie, la pose des menuiseries extérieures entraînant un défaut d'étanchéité à l'air, la réalisation des colombages (mauvaise qualité des bois ne permettant pas d'assurer l'étanchéité de la façade), la mise en 'uvre des doublages.

Le jugement est confirmé sur ce point.

*Sur les exclusions contractuelles de garantie :

Pour dénier l'application de la garantie responsabilité civile chef d'entreprise, la société Gan invoque l'article 13 des conventions spéciales relatives aux assurances responsabilité civile générale et décennale, qui stipule au paragraphe 19 que sont exclus « les dommages subis par les ouvrages ou travaux exécutés par l'assuré, ainsi que ceux atteignant soit les fournitures, appareils et matériaux destinés à la réalisation des ouvrages ou travaux, soit le matériel ou l'outillage nécessaire à leur exécution, qu'il lui appartienne ou non ».

Si la société Gan peut se prévaloir à l'égard des tiers victimes exerçant l'action directe des exclusions contractuelles qu'elle aurait pu opposer à son assurée, encore faut-il qu'elle démontre qu'elles avaient été portées à sa connaissance et acceptées de sorte qu'elles sont entrées dans le champ contractuel lors de la souscription de la police.

Les conditions particulières du contrat versées aux débats par l'appelante précisent en page 1 se référer aux conditions générales A 5200 et aux conventions spéciales A 5801 et A5802 dont l'assuré a pris connaissance. Ces conventions générales et spéciales sont produites dans leur version applicable à la date du contrat, en juillet 2015. En revanche, comme le relèvent justement les consorts [F], les conditions particulières qui y renvoient ne sont pas signées par la société Lepage Rénovation de sorte que la preuve de la connaissance de ces documents et de l'acceptation des exclusions qu'ils contiennent par l'assurée n'est pas rapportée.

La société Gan ne peut soutenir que la remise par l'assurée aux maîtres d'ouvrage d'une attestation d'assurance portant la référence du contrat manifeste la volonté de la société assurée de l'application de la police dans toutes ses dispositions.

La décision en ce sens qu'elle invoque n'est pas transposable en l'espèce. En effet, si l'attestation d'assurance établie le 1er janvier 2016 porte bien la référence du numéro du contrat rappelé dans les conditions particulières produites, à savoir 161.201.004, elle ne mentionne aucune des références des conventions générales et spéciales rappelées plus haut. La société Gan n'établit donc pas que, lors de la remise de cette attestation aux maîtres d'ouvrage, la société Lepage Rénovation était avisée du contenu des conditions générales et des conventions spéciales. En conséquence, comme l'a relevé le premier juge, le GAN ne peut opposer aux consorts [F] cette exclusion de garantie. Ceux-ci sont en conséquence fondés à se prévaloir de la garantie, responsabilité civile chef d'entreprise hors responsabilité décennale mentionnée sur l'attestation qui leur a été remise, dont la souscription ne fait pas débat.

-Sur l'indemnisation des préjudices :

Le maître d'ouvrage doit être remis dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, sans profit ni préjudice.

*Sur les dommages matériels :

La société Gan ne remet pas en cause le coût des travaux de réparation évalués par l'expert à la somme de 257 891,93€TTC.

*Sur les préjudices immatériels :

La société appelante ne discute devoir garantir les dommages immatériels résultant d'un dommage matériel garanti.

Elle oppose aux intimés la définition contractuelle de ces préjudices qui doivent être, selon elle, des dommages pécuniaires se rapportant uniquement à une perte financière.

Comme l'a jugé exactement le tribunal, l'assureur ne peut opposer aux tiers lésés une définition des préjudices indemnisables mentionnée dans des conditions générales dont la communication à l'assurée n'est pas démontrée et qui ne figure pas non plus sur l'attestation d'assurance remise par l'assurée aux maîtres d'ouvrage.

Le préjudice de jouissance :

Il n'est pas discutable que les malfaçons et non conformités affectant la maison imputables à la société Lepage Rénovation ont conduit à l'arrêt du chantier en novembre 2016, interdisant aux maîtres d'ouvrage d'y emménager au cours du premier semestre 2017, époque à laquelle ils auraient été raisonnablement en mesure d'en prendre possession selon l'expert, compte tenu de l'importance des travaux.

Ils évaluent leur préjudice sur la base d'une valeur locative de 600€ par mois. Cependant, cet immeuble n'avait pas vocation à être loué et n'était pas occupé par [J] [F] et son épouse. Il n'est pas établi que leurs conditions de vie ont été notablement affectées par l'arrêt du chantier. Le préjudice des intimés résulte en fait de l'impossibilité de mener à bien leur projet de rénovation et de vivre dans l'immeuble selon les conditions convenues avec la société Lepage Rénovation depuis juillet 2017. Au regard de cette privation de l'immeuble de près de 5 ans pour tenir compte de la durée des travaux de reprise de plusieurs mois, l'indemnisation définitive de leur préjudice sera fixée à 7000€. Le jugement est réformé.

Le préjudice moral :

Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le déroulement difficile du chantier, le litige avec la société Lepage, l'importance des malfaçons impliquant de solliciter une expertise puis d'engager une procédure ont été à l'origine de troubles et tracas constitutifs d'un préjudice distinct du préjudice de jouissance et des frais de procédure, qui justifie l'octroi d'une indemnité de 3000€.

Sur l'application des franchises :

Pour des raisons identiques à celles développées en ce qui concerne le préjudice immatériel, la société Gan ne peut opposer ses franchises contractuelles aux consorts [F].

Sur l'indexation du coût des travaux, les intérêts moratoires et la cotisation d'assurance dommages ouvrage.

La société Gan conteste l'indexation du coût de reprise des travaux sur l'évolution de l'indice BT 01. Toutefois, celle-ci a pour objet de compenser le renchérissement du coût des matériaux entre celui évalué à la date de l'expertise et celui existant à la date de la décision, ce qui contribue à la réparation intégrale du préjudice de la partie lésée. L'indexation est donc justifiée en l'espèce entre la date de 4 juin 2019 et la date de l'arrêt.

L'assureur ne peut discuter les intérêts moratoires qui conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, s'appliquent de plein droit aux condamnations à paiement. Ceux-ci seront dus à compter de l'assignation en ce qui concerne les préjudices immatériels et à compter de l'arrêt en ce qui concerne le préjudice matériel . Ils seront capitalisés selon les modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil.

L'appelante conteste la demande des consorts [F] au titre du coût de l'assurance dommages ouvrage au motif que cette garantie n'avait pas été souscrite dans le cadre du projet de rénovation. Cependant, compte tenu des travaux de reconstruction nécessaires à la réparation du préjudice des intimés, la souscription de cette assurance est obligatoire.

En revanche, les intimés l'évaluent à 3,5% du coût des travaux sans fournir de pièces corroborant cette estimation, alors que l'expert avait retenu un taux de 2,1% qui doit être appliqué. En conséquence la société Gan sera condamnée à leur verser à ce titre la somme de 5415,72€ avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt. Le jugement sera complété en ce sens.

-Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées.

La société Gan sera condamnée à verser aux consorts [F] une indemnité de 4000€ au titre des frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs

:

Statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice de jouissance et du préjudice moral,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Gan à verser à Mme [F], MM [Y], [B] et [A] [F], héritiers d'[J] [F] les sommes suivantes :

7000€ en réparation de leur préjudice de jouissance,

3000€ en réparation de leur préjudice moral,

Dit que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de l'assignation en ce qui concerne les préjudices immatériels et de l'arrêt en ce qui concerne le préjudice matériel

Ordonne la capitalisation des intérêts échus selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Gan à verser à Mme [F], MM [Y], [B] et [A] [F], héritiers d'[J] [F] la somme de 5415,72€ avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt au titre de l'assurance dommages ouvrage,

Condamne la société Gan à verser à Mme [F], MM [Y], [B] et [A] [F], héritiers d'[J] [F] la somme de 4000€ au titre des frais irrépétibles d'appel et à supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, P/ Le Président empêché,

H. [E]