CJUE, Ordonnance du Président de la Cour, 29 janvier 1997, C-393/96

Mots clés requérant · mesures · principal · règlement · recours · référé · provision · provisoires · pouvoir · pourvoi · octroi · quot · condamnation · préjudice · produits

Synthèse

Juridiction : CJUE
Numéro affaire : C-393/96
Date de dépôt : 05 décembre 1996
Titre : Pourvoi - Ordonnance du président du Tribunal de première instance rendue dans une procédure en référé - Paiement à titre de provision - Caractère provisoire.
Avocat général : Tesauro
Identifiant européen : ECLI:EU:C:1997:42

Texte

Avis juridique important

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61996O0393

Ordonnance du Président de la Cour du 29 janvier 1997. - J. Antonissen contre Commission des Communautés européennes et Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Ordonnance du président du Tribunal de première instance rendue dans une procédure en référé - Paiement à titre de provision - Caractère provisoire. - Affaire C-393/96 P (R).

Recueil de jurisprudence 1997 page I-00441

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

1 Référé - Mesures provisoires - Mesures non expressément sollicitées par le requérant - Pouvoir d'appréciation du juge des référés

(Traité CE, art. 186)

2 Référé - Mesures provisoires - Conditions d'octroi - «Fumus boni juris» - Préjudice grave et irréparable - Pouvoir d'appréciation du juge des référés

(Traité CE, art. 186)

3 Référé - Mesures provisoires - Recours au principal visant la responsabilité non contractuelle de la Communauté - Octroi d'une provision - Droit à une protection juridictionnelle complète et effective - Admissibilité - Conditions - Mise en balance de l'ensemble des intérêts en cause - Octroi de la mesure devant être envisagé de manière restrictive

(Traité CE, art. 178, 186 et 215, al. 2)

Sommaire

4 Tant l'opportunité d'envisager des mesures autres que celles expressément sollicitées par le requérant que celle d'entendre les parties en leurs explications orales relèvent du pouvoir d'appréciation dont dispose le juge des référés dans le cadre de l'examen d'une demande en référé.

S'il ne peut être exigé du juge des référés qu'il réponde expressément à tous les points de fait ou de droit qui auraient été discutés au cours de la procédure de référé, il en va a fortiori de même à l'égard de mesures provisoires qui n'ont pas été identifiées dans le cadre de la demande en référé.

5 Les mesures provisoires peuvent être accordées par le juge des référés s'il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu'elles sont urgentes en ce sens qu'il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu'elles soient prononcées et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Elles doivent, en outre, être provisoires en ce sens qu'elles ne préjugent pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralisent par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal.

Dans le cadre de cet examen d'ensemble, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées. Ce pouvoir d'appréciation doit être exercé au regard des particularités de chaque espèce.

6 Une interdiction absolue, indépendamment des circonstances de l'espèce, d'obtenir, dans le cadre d'une demande en référé, une mesure consistant dans l'octroi (à titre de provision) d'une partie de l'indemnité réclamée dans la procédure au principal, fondée sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, et visant à protéger les intérêts du requérant jusqu'à la date du prononcé de l'arrêt au principal, serait contraire au droit à une protection juridictionnelle complète et effective que les justiciables tiennent du droit communautaire, qui implique notamment que puisse être assurée leur protection provisoire, si elle est nécessaire à la pleine efficacité de la future décision définitive. Dès lors, il ne peut être exclu à l'avance, de façon générale et abstraite, qu'un paiement à titre de provision, même pour un montant correspondant à celui de la demande au principal, soit nécessaire pour garantir l'efficacité de l'arrêt au fond et, le cas échéant, apparaisse justifié, au regard des intérêts en présence. A cet égard, il appartient au juge des référés, saisi d'une demande de cette nature, de mettre en balance, d'une part, l'intérêt du requérant à éviter une dégradation de sa situation financière, pouvant entraîner la cessation irréversible de ses activités, et, d'autre part, le risque que les montants demandés ne puissent pas être récupérés au cas où le recours au principal serait rejeté.

Le recours à ce type de mesure, qui est plus que d'autres susceptible de produire, de fait, des effets irréversibles, en particulier en cas d'insolvabilité ultérieure du requérant, doit certes être exercé avec restriction et se limiter aux cas dans lesquels le «fumus boni juris» apparaît particulièrement solide et l'urgence des mesures demandées incontestable. Il n'en demeure pas moins qu'une telle appréciation doit être effectuée en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le cas échéant, si la balance lui semble pencher en faveur de l'octroi de la mesure sollicitée, le juge des référés dispose toujours de la possibilité d'en assortir l'octroi de toute condition ou garantie qu'il jugerait nécessaire ou encore d'en réduire la portée de toute autre façon.

Parties

Dans l' affaire C-393/96 P(R),

J. Antonissen, opérateur agricole, résidant à Giethem (Pays-Bas), représenté par Mes E. H. Pijnacker Hordijk, avocat au barreau d' Amsterdam, et M. T. P. J. van Oers, avocat au barreau de La Haye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me L. Frieden, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l' ordonnance du président du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 novembre 1996, Antonissen/Conseil et Commission (T-179/96 R, non encore publiée au Recueil), et tendant à l' annulation de cette ordonnance et au renvoi de l' affaire devant le Tribunal de première instance,

les autres parties à la procédure étant:

Conseil de l' Union européenne, représenté par M. G. Houttuin, Mme A.-M. Colaert et M. J.-P. Hix, membres du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. B. Eynard, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d' investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn, conseiller juridique, en qualité d' agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

l' avocat général, M. G. Tesauro, entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 5 décembre 1996, le requérant a formé, conformément à l' article 50, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, un pourvoi contre l' ordonnance du président du Tribunal de première instance du 29 novembre 1996, Antonissen/Conseil et Commission (T-179/96 R, non encore publiée au Recueil, ci-après l' "ordonnance attaquée"), par laquelle a été rejetée sa demande tendant à obtenir la condamnation de la Communauté européenne au paiement à titre de provision d' une somme de 258 565,38 HFL, augmentée de 5 % d' intérêts à compter du 1er septembre 1996, ainsi qu' au paiement d' une somme de 20 000 HFL par an pour la période allant du jour du dépôt de la demande en référé jusqu' au jour où le Tribunal aura statué sur le fond, et toute mesure que le président jugerait utile.

Faits et procédure



2 Les faits qui sont à l' origine du litige sont exposés dans l' ordonnance attaquée dans les termes suivants:

"1 Le requérant, M. J. Antonissen, est le gendre et l' héritier de M. A. A. Herbrink, établi à Giethem (Pays-Bas). M. Herbrink était un producteur SLOM (de l' acronyme néerlandais Staking van de Levering van melk en zuivelprodukten en Omschakeling van het Melkveebestand, cessation de la livraison de lait et des produits laitiers et reconversion des troupeaux à orientation laitière) qui n' avait pas commercialisé de lait ni de produits laitiers au cours de la période allant du 17 mai 1979 au 17 mai 1984, en vertu d' un engagement de non-commercialisation au titre du règlement (CEE) n 1078/77 du Conseil, du 17 mai 1977, instituant un régime de primes de non-commercialisation du lait et des produits laitiers et de reconversion de troupeaux bovins à orientation laitière (JO L 131, p. 1, ci-après 'règlement n 1078/77' ), tel que modifié par la suite.

2 Lorsque, à l' expiration de sa convention SLOM, M. Herbrink a sollicité une quantité de référence spécifique ou 'quota laitier' pour l' année 1984 au titre du règlement (CEE) n 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l' application du prélèvement visé à l' article 5 quater du règlement (CEE) n 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13, ci-après 'règlement n 857/84' ), qui venait d' entrer en vigueur à ce moment, il s' est vu opposer un refus par les autorités néerlandaises, au motif qu' il n' avait pas produit de lait au cours de l' année de référence 1983.

3 A l' époque, M. Herbrink a formé un recours contre cette décision. La juridiction nationale compétente, le College van Beroep voor het bedrijfsleven, a suspendu la procédure jusqu' à ce que la Cour se prononce sur la validité du règlement n 857/84, qui ne prévoyait pas de quantité de référence pour les producteurs qui avaient souscrit un engagement de non-commercialisation. La Cour a rendu son arrêt le 28 avril 1988 (Mulder, 120/86, Rec. p. 2321).

4 Après le prononcé de cet arrêt M. Herbrink a équipé, en 1988, la nouvelle exploitation qu' il avait prise à bail dans l' intervalle, pour reprendre la production laitière. En juin 1989, M. Herbrink a sollicité des autorités nationales une quantité de référence spécifique. C' est à peu près à la même époque que M. Herbrink a commencé à produire du lait dans cette nouvelle exploitation, malgré le fait qu' il n' avait pas obtenu un quota laitier.

5 Par décision du 2 février 1990, les autorités nationales ont rejeté la demande de quota de M. Herbrink. Se référant à l' article 3 bis, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 1546/88 de la Commission, du 3 juin 1988, fixant les modalités d' application du prélèvement supplémentaire visé à l' article 5 quater du règlement (CEE) n 804/68 (JO L 139, p. 12, ci-après 'règlement n 1546/88' ), les autorités nationales ont soutenu que M. Herbrink ne pouvait pas prétendre à une quantité de référence spécifique parce que l' octroi d' une telle quantité à un producteur SLOM supposait que le demandeur dispose encore, en tout ou en partie, de son exploitation SLOM initiale. Or, M. Herbrink ne satisfaisait pas à cette condition.

6 Contre cette décision de rejet, M. Herbrink a à nouveau formé un recours devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven. Celui-ci a saisi la Cour de questions préjudicielles ayant notamment trait à l' exigence découlant, entre autres, de l' article 3 bis, paragraphe 1, du règlement n 1546/88, imposant au producteur SLOM qui veut obtenir une quantité de référence spécifique de prouver qu' il gère encore, en tout ou en partie, la même exploitation que celle qu' il gérait au moment de l' agrément de sa demande d' octroi de la prime SLOM.

7 Dans l' arrêt qu' elle a rendu le 27 janvier 1994 (Herbrink, C-98/91, Rec. p. I-223), la Cour n' a pas déclaré invalide la disposition communautaire en question, qu' elle a interprétée comme ne s' opposant pas à ce que, même après l' expiration de son bail à ferme, un producteur SLOM puisse prétendre à une quantité de référence spécifique s' il a l' intention de poursuivre son activité de production laitière.

8 Dans la suite de la procédure nationale devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven, les autorités nationales s' en sont tenues à une interprétation stricte des conditions d' attribution d' une quantité de référence spécifique et n' ont pas usé de la faculté prévue à l' article 7, paragraphe 4, du règlement n 857/84. C' est la raison pour laquelle elles ont indiqué à M. Herbrink qu' il ne pouvait pas prétendre à une quantité de référence spécifique.

9 Le College van Beroep voor het bedrijfsleven a suivi le raisonnement des autorités nationales. Dans sa décision du 14 mai 1996, il a rejeté l' appel de M. Herbrink. La décision du College van Beroep voor het bedrijfsleven n' étant pas susceptible de recours, il s' ensuit que la décision du 2 février 1990 qui a refusé à M. Herbrink une quantité de référence spécifique est devenue définitive.

10 En raison de cette décision, le lait produit dans l' exploitation de M. Herbrink depuis l' expiration de sa convention SLOM est soumis à un prélèvement supplémentaire. Ce prélèvement supplémentaire doit être versé à la laiterie à laquelle le lait est livré.

11 A compter de 1988, M. Herbrink a géré son exploitation avec le requérant sous la forme d' un groupement dénué de personnalité juridique. Après le décès de M. Herbrink, en 1995, le requérant a poursuivi seul l' exploitation. Or, la laiterie Salland, à laquelle M. Herbrink, le groupement Herbrink-Antonissen et le requérant ont livré du lait depuis mi-1989, a fait savoir qu' elle entend procéder à bref délai au recouvrement du prélèvement supplémentaire dû depuis la campagne laitière 1989/1990.

12 Le 25 juillet 1996, le requérant a reçu une lettre de la laiterie Salland, dont il ressort qu' il lui est redevable d' un montant de 258 565,38 HFL à titre de prélèvement supplémentaire. Le requérant s' est vu accorder un délai jusqu' au 31 août 1996 pour s' acquitter de ce montant. La laiterie réclame également les intérêts légaux sur le montant dû, lesquels, depuis le 1er juillet 1996, s' élèvent à 5 %. Par lettre du 30 octobre 1996, la laiterie a annoncé au requérant son intention de recourir à un huissier au cas où le montant dû ne serait pas versé le 1er décembre 1996 au plus tard.

13 Le requérant estime se trouver dans l' impossibilité de s' acquitter du montant dû et craint que la laiterie ne soit pas disposée à prendre en compte les circonstances particulières dans lesquelles il se trouve en lui donnant quittance ou en lui accordant des termes et délais sur les montants dus."

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 novembre 1996, le requérant a demandé la condamnation de la Communauté à l' indemnisation du préjudice qu' il a subi et risque encore de subir ultérieurement en raison du fait qu' il s' est vu refuser ainsi que l' auteur de ses droits une quantité de référence représentative depuis l' engagement de non-commercialisation pris par M. Herbrink. Il a également demandé que lui soient versés, en premier lieu, le montant du prélèvement supplémentaire dont lui-même ainsi que le groupement dont il fait partie seraient redevables pour le lait produit après l' expiration de l' engagement de non-commercialisation, soit la somme de 258 565,38 HFL, augmentée des intérêts dus, en deuxième lieu, le montant qui résulte de l' application du règlement (CEE) n 2187/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, prévoyant l' offre d' une indemnisation à certains producteurs de lait ou de produits laitiers qui ont été empêchés temporairement d' exercer leur activité (JO L 196, p. 6), sur les périodes postérieures à l' expiration de l' engagement de non-commercialisation au cours desquelles lui-même ainsi que l' auteur de ses droits n' ont pas produit de lait, soit la somme de 58 695 HFL, augmentée des intérêts dus, ainsi que, en troisième lieu, le montant des frais d' acquisition d' une quantité de référence de remplacement égale à la quantité de référence à laquelle il aurait pu prétendre s' il avait encore disposé de l' exploitation originaire de M. Herbrink, soit la somme de 180 322,20 HFL.

4 Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a demandé, en vertu de l' article 186 du traité CE, la condamnation de la Communauté à lui verser, à titre de provision, une somme de 258 565,38 HFL augmentée de 5 % d' intérêts à compter du 1er septembre 1996, afin de régler le prélèvement supplémentaire qui serait dû à la laiterie Salland BV. Le requérant a également demandé que la Communauté soit condamnée à lui verser une somme de 20 000 HFL par an depuis le jour du dépôt de la demande en référé jusqu' à l' arrêt du Tribunal à intervenir dans le recours au fond, et que soit ordonnée toute mesure que le président du Tribunal jugerait utile.

L' ordonnance attaquée

5 Par l' ordonnance attaquée, la demande en référé a été rejetée.

6 Après un examen des arguments des parties relatifs au caractère provisoire des mesures demandées, il est tout d' abord rappelé dans l' ordonnance attaquée que les mesures prévues aux articles 185 et 186 du traité CE doivent viser uniquement à sauvegarder pendant la procédure devant la Cour ou le Tribunal les intérêts d' une des parties au litige afin de ne pas priver l' arrêt au principal d' effet utile et qu' elles ne doivent donc pas préjuger la décision au fond (point 29).

7 En l' espèce, les mesures réclamées dans la demande en référé correspondraient à une partie des mesures sollicitées dans le recours au principal et leur octroi anticiperait donc sur le débat au fond. Or, "la constatation de l' engagement d' une responsabilité et des effets qui en découlent ne peut se fonder sur une apparence de bon droit, mais doit se baser sur une appréciation définitive des faits et des moyens allégués et nécessite donc une procédure qui puisse assurer à toutes les parties le respect des droits de la défense" (point 30).

8 La demande en référé est donc rejetée pour ce motif, "sans qu' il soit nécessaire d' examiner si les moyens et arguments invoqués par le requérant pour justifier l' octroi de la mesure provisoire sollicitée apparaissent fondés" (point 31).

9 Dans le cadre du présent pourvoi, le requérant demande l' annulation de l' ordonnance attaquée et le renvoi de l' affaire devant le Tribunal, ainsi que la condamnation du Conseil et de la Commission aux dépens.

Arguments des parties

10 Le requérant fait valoir quatre moyens à l' appui de son pourvoi.

11 Par son premier moyen, le requérant invoque une violation de l' article 186 du traité et du principe de motivation.

12 A cet effet, il conteste la motivation de l' ordonnance attaquée selon laquelle une des mesures provisoires sollicitées (le paiement, à titre de provision, d' une somme de 258 565,38 HFL, augmentée des intérêts) correspondrait exactement à l' un des objets de la demande dans la procédure principale, tandis que l' autre (le paiement d' une somme de 20 000 HFL par an jusqu' au jour du prononcé de l' arrêt au principal) serait une indemnisation anticipée d' un préjudice futur et incertain, de telle sorte qu' elles ne constitueraient pas des mesures provisoires au sens de l' article 186 du traité.

13 Selon le requérant, la première mesure provisoire demandée à titre de provision porterait seulement sur une partie de l' indemnité réclamée dans la procédure au principal. Quant à la somme de 20 000 HFL par an, elle ne correspondrait pas à une indemnisation anticipée, mais aurait pour but exclusif de permettre la location d' un quota laitier jusqu' au prononcé de l' arrêt au principal.

14 Les défendeurs font valoir, d' une part, que la somme de 258 565,38 HFL correspond effectivement à une partie distincte de l' indemnisation réclamée au principal, comme le juge des référés l' a à juste titre relevé, et, d' autre part, la somme de 20 000 HFL par an n' est rien d' autre que le paiement anticipé de dommages-intérêts alors qu' il n' est pas encore établi que le requérant sera redevable d' un prélèvement supplémentaire sur la quantité de lait qu' il produira.

15 Par son deuxième moyen, le requérant fait état d' une violation ou d' une application erronée de l' article 186 du traité, dans la mesure où, selon l' ordonnance attaquée, les mesures demandées ne pourraient, comme telles, être octroyées que sur la base d' une appréciation définitive des faits et moyens invoqués, en sorte qu' elles doivent être refusées sans que soient appréciés les moyens et arguments qu' il avait invoqués à l' appui de sa demande.

16 Le requérant fait valoir au contraire qu' il aurait fallu prendre en considération les faits et circonstances qu' il avait exposés dans sa demande et dont il ressortait que, en l' absence des mesures provisoires sollicitées, l' arrêt dans la procédure au principal serait dépourvu d' effet utile. Il considère en effet qu' une mesure provisoire consistant dans l' octroi (à titre de provision) d' une partie de l' indemnité réclamée dans la procédure principale n' enfreint pas les conditions ou la nature de la procédure en référé. Le requérant renvoie à cet égard à l' approche qui prévaudrait en droit néerlandais.

17 Les défendeurs répondent en substance que le point 30 de l' ordonnance attaquée est fondé sur une argumentation correcte et font état, à son appui, d' une ordonnance du président du Tribunal du 1er février 1994 (Jones e.a./Conseil et Commission, T-278/93 R et T-555/93 R, T-280/93 R et T-541/93 R, Rec. p. II-11, point 54). Ils ajoutent que, en tout état de cause, le fumus boni juris nécessaire fait entièrement défaut. Ils soulignent enfin que l' octroi des mesures provisoires sollicitées équivaudrait en fait à condamner définitivement la Communauté à payer une part importante de l' indemnité réclamée.

18 Dans le cadre du troisième moyen, le requérant fait valoir une violation de l' article 186 du traité, du principe de motivation et du principe du contradictoire, au motif qu' il n' aurait pas été vérifié, dans l' ordonnance attaquée, si d' autres mesures provisoires appropriées ne pouvaient pas éventuellement être prescrites afin de sauvegarder ses intérêts.

19 Enfin, par le quatrième moyen, le requérant estime que l' ordonnance attaquée n' aurait pas pu être rendue sans qu' il ait été préalablement mis en mesure de développer oralement son point de vue, étant donné la nature inédite des questions soulevées. Cette lacune serait constitutive d' une violation de l' article 186 du traité, du principe de motivation et du principe du contradictoire.

20 A ces deux derniers moyens, les défendeurs répondent que de tels éléments relèvent du pouvoir d' appréciation dont dispose le juge des référés.

Appréciation

21 Les troisième et quatrième moyens du pourvoi doivent être d' emblée écartés.

22 En effet, tant l' opportunité d' envisager des mesures autres que celles expressément sollicitées par le requérant que celle d' entendre les parties en leurs explications orales relèvent du pouvoir d' appréciation dont dispose le juge des référés dans le cadre de l' examen d' une demande en référé.

23 Dans ce contexte, les quelques éléments avancés par le requérant, relatifs pour l' essentiel à la spécificité de sa situation ainsi qu' à la nature inédite des questions juridiques soulevées par sa demande, ne font pas apparaître que le juge des référés aurait outrepassé son pouvoir d' appréciation, en violation de l' article 186 du traité ou du principe du contradictoire, en renonçant tant à envisager des mesures autres que celles expressément sollicitées par le requérant qu' à entendre les parties en leurs explications orales.

24 Par ailleurs, s' agissant du grief relatif à la motivation de l' ordonnance attaquée, il convient tout d' abord de relever que l' absence de procédure orale est motivée dans l' ordonnance attaquée par la circonstance que le président du Tribunal avait estimé "qu' il disposait de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu' il soit utile d' entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales" (point 17). Le grief tiré de la violation du principe de motivation doit donc être rejeté sur ce point.

25 Quant aux motifs justifiant que des mesures autres que celles expressément sollicitées par le requérant n' aient pas été adoptées, il ne peut pas être exigé du juge des référés qu' il réponde expressément à tous les points de fait ou de droit qui auraient été discutés au cours de la procédure de référé [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149/95 P(R), Rec. p. I-2165, point 58]. A fortiori en va-t-il de même à l' égard de mesures provisoires qui n' ont pas été identifiées dans le cadre de la demande en référé. Ce moyen doit donc également être rejeté.

26 Il convient ensuite d' examiner conjointement les deux premiers moyens du pourvoi, qui mettent en cause l' appréciation portée dans l' ordonnance attaquée sur le caractère provisoire des mesures sollicitées.

27 A titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les mesures provisoires peuvent être accordées par le juge des référés s' il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu' elles sont urgentes en ce sens qu' il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu' elles soient prononcées et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Elles doivent, en outre, être provisoires en ce sens qu' elles ne préjugent pas les points de droit ou de fait en litige ni ne neutralisent par avance les conséquences de la décision à rendre ultérieurement au principal.

28 Dans le cadre de cet examen d' ensemble, le juge des référés dispose d' un large pouvoir d' appréciation pour déterminer la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées. Ce pouvoir d' appréciation doit être exercé au regard des particularités de chaque espèce (voir ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., précitée, point 23).

29 Au point 30 de l' ordonnance attaquée, les mesures sollicitées dans le cadre du référé sont qualifiées comme "une partie des mesures demandées dans le recours au principal ° à savoir, la condamnation de la Communauté au paiement des montants demandés".

30 Selon l' ordonnance attaquée, il s' ensuivrait que de telles demandes anticiperaient sur le débat au fond et nécessiteraient donc une appréciation définitive des faits et des moyens allégués, selon une procédure qui puisse assurer à toutes les parties le respect des droits de la défense.

31 Ni l' importance du fumus boni juris invoqué par le requérant ni l' intensité de l' urgence que ce dernier faisait valoir ne semblent avoir été prises en considération dans le cadre de ce raisonnement.

32 Il convient en particulier de relever que l' examen du bien-fondé des moyens et arguments invoqués par le requérant pour justifier l' octroi de la mesure provisoire a été expressément écarté (point 31).

33 Certes, l' une des mesures sollicitées est présentée dans l' ordonnance attaquée comme "une indemnisation anticipée d' un préjudice futur et incertain" (point 30), laissant ainsi apparaître la conviction du juge des référés que la condition de l' urgence fait défaut.

34 En l' absence de toute autre motivation, cette simple observation ne saurait toutefois suffire à faire apparaître, de façon claire et non équivoque, que le raisonnement du juge des référés est fondé sur un examen des circonstances du cas d' espèce.

35 Du texte de l' ordonnance attaquée, il paraît ainsi ressortir qu' une mesure consistant dans l' octroi (à titre de provision) d' une partie de l' indemnité réclamée dans la procédure au principal, et visant à protéger les intérêts du requérant jusqu' à la date du prononcé de l' arrêt au principal, enfreint les conditions ou la nature de la procédure en référé, indépendamment des circonstances de fait et de droit du cas d' espèce.

36 Or, une interdiction absolue d' obtenir une mesure de cette nature, indépendamment des circonstances de l' espèce, serait contraire au droit à une protection juridictionnelle complète et effective que les justiciables tiennent du droit communautaire, qui implique notamment que puisse être assurée leur protection provisoire, si elle est nécessaire à la pleine efficacité de la future décision définitive (voir, notamment, arrêts du 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I-2433, point 21, et du 21 février 1991, Zuckerfabrik Suederdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C-143/88 et C-92/89, Rec. p. I-415, points 16 à 18, et ordonnance du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, point 46).

37 Il ne peut donc être exclu à l' avance, de façon générale et abstraite, qu' un paiement à titre de provision, même pour un montant correspondant à celui de la demande au principal, soit nécessaire pour garantir l' efficacité de l' arrêt au fond et, le cas échéant, apparaisse justifié, au regard des intérêts en présence.

38 Seul un examen des circonstances de fait, et en particulier de la situation patrimoniale du requérant, peut notamment permettre d' apprécier si un paiement à titre de provision serait susceptible d' être effectivement récupéré à la date du prononcé de l' arrêt au principal.

39 L' octroi d' une telle mesure ne préjuge pas nécessairement la décision au fond, puisque la mesure cesse ses effets dès le prononcé de l' arrêt mettant fin à l' instance au principal.

40 En tout état de cause, il appartient au juge des référés, saisi d' une demande de cette nature, de mettre en balance, d' une part, l' intérêt du requérant à éviter une dégradation de sa situation financière, pouvant entraîner la cessation irréversible de ses activités, et, d' autre part, le risque que les montants demandés ne puissent pas être récupérés au cas où le recours au principal serait rejeté.

41 Certes, le recours à ce type de mesure, qui est plus que d' autres susceptible de produire, de fait, des effets irréversibles, en particulier en cas d' insolvabilité ultérieure du requérant, doit être exercé avec restriction et se limiter aux cas dans lesquels le fumus boni juris apparaît particulièrement solide et l' urgence des mesures demandées incontestable. Il n' en demeure pas moins qu' une telle appréciation doit être effectuée en fonction des circonstances de chaque cas d' espèce.

42 En outre, lorsqu' il a apprécié l' ensemble des circonstances de l' espèce afin de pondérer les intérêts en présence et que la balance lui semble pencher en faveur de l' octroi de la mesure sollicitée, le juge des référés dispose toujours de la possibilité d' en assortir l' octroi de toute condition ou garantie qu' il jugerait nécessaire ou encore d' en réduire la portée de toute autre façon.

43 Il convient dès lors de faire droit au pourvoi et d' annuler l' ordonnance attaquée, la motivation de cette dernière ne faisant pas apparaître qu' une appréciation de la demande de mesures provisoires sur la base des circonstances de l' espèce a été effectuée.

44 En vertu de l' article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle-même directement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d' être jugé, soit renvoyer l' affaire devant le Tribunal pour qu' il statue.

45 La disposition susvisée s' appliquant également aux pourvois formés conformément à l' article 50, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour de justice, l' affaire doit être renvoyée devant le Tribunal pour qu' il statue.

Dispositif

Par ces motifs

,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

ordonne:

1) L' ordonnance du président du Tribunal de première instance du 29 novembre 1996, Antonissen/Conseil et Commission (T-179/96 R), est annulée.

2) L' affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance.

3) Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 29 janvier 1997.