SOC.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2017
Rejet non spécialement motivé
Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11332 F
Pourvoi n° Q 16-17.902
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Arketeam, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,
contre l'arrêt rendu le 25 mars 2016 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. Stéphane Y..., domicilié [...] ,
2°/ à Pôle emploi de Nantes Nord, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 novembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Arketeam, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y... ;
Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, l'avis écrit de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Arketeam aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, condamne la société Arketeam à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision.
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Arketeam.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a décidé que le licenciement de Monsieur Y... était sans cause réelle et sérieuse, condamnant la société ARKETEAM à payer Monsieur Y... diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement en date du 19 juillet 2012 qui fixe les données du litige est ainsi libellée : "En effet, l'analyse de la rentabilité portant sur les exercices couvrant la période 2009 à 2012, ne nous a pas permis de dégager de tendances bénéficiaires sur votre contribution, et cette tendance se confirme sur l'exercice en cours. Malgré la modification de vos fonctions à deux reprises depuis votre arrivée afin de vous donner de nouvelles chances de poursuivre votre activité au sein de notre société, vous n'avez pas réussi à remplir les objectifs fixés tant au niveau commercial qu'au niveau de volume de prestations techniques attendues, ce qui constitue une insuffisance professionnelle répétée." ; que ladite lettre fait ainsi état du grief d'insuffisance de résultats, en matière de rentabilité et de non-réalisation d'objectifs, qui ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. En effet, pour que le licenciement repose sur une telle cause, l'absence de réalisation des objectifs doit résulter soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute imputable au salarié, à condition que les objectifs fixés par la société présentent un caractère réaliste, correspondant à des normes sérieuses et raisonnables ; que force est de constater que le reproche d'une rentabilité insuffisante sur les exercices 2009, 2010 et 2011 et 2012, est rédigée, dans la lettre susvisée, en des termes particulièrement vagues et imprécis qui ne permettent pas à la cour, en l'absence d'éléments concrets, d'en apprécier la pertinence ; la cour considère que le grief allégué, s'agissant des lacunes dans la rentabilité du salarié, n'est pas matériellement vérifiable et qu'il n'est pas davantage démontré qu'il perturbe la bonne marche de l'entreprise ou est préjudiciable aux intérêts de celle-ci. Ce motif de licenciement ne peut donc être considéré comme réel ; qu'il est également reproché au salarié de ne pas avoir atteint l'objectif fixé pour l'année 2012 alors qu'à l'évidence, les chiffres de production n'étaient pas connus pour cette même année, lors de l'initiation de la procédure de licenciement, le 19 juillet 2012, puisque l'avenant du 18 novembre 2011, visant à la réalisation d'un chiffre d'affaires annuel de 130K€ avec un objectif de 15 jours facturés, n'était entré en vigueur que le 28 mars 2012 ; que ce motif de licenciement ne peut donc également être considéré comme réel ; qu'enfin, c'est à tort qu'il est avancé par la société le reproche manifestement inadéquat "d'insuffisance professionnelle" à l'encontre du salarié alors que ce qui est exclusivement visé dans la lettre de licenciement est uniquement une "insuffisance de résultats", cette seule notion étant retenue par la cour, étant, au surplus, observé qu'il n'est nullement démontré que Monsieur Y... avait fait l'objet, à titre préalable, de mises en garde ou de recadrage ;
ALORS QUE, premièrement, le grief tiré d'un volume insuffisant de travail préjudiciable à l'entreprise constitue un grief précis et matériellement vérifiable qui peut être précisé et discuté devant les juges du fond ; qu'en décidant, en l'espèce, que le grief tiré de la rentabilité de la contribution de Monsieur Y... portant sur les exercices couvrant la période 2010, 2011 et 2012 était rédigé en des termes « vagues et imprécis », de sorte qu'il n'était pas matériellement vérifiable, pour en déduire que le juge n'était pas en mesure d'en apprécier le bien-fondé et, partant, que ce grief ne pouvait justifier la mesure de licenciement, la cour d'appel a violé les dispositions des articles
L. 1233-16,
L. 1232-1 et
L. 1235-1 du code du travail du Code du travail ;
ALORS QUE, deuxièmement, en décidant, pour écarter le grief tiré de l'insuffisance des résultats de Monsieur Y... au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, qu'il n'était pas démontré par l'employeur que l'insuffisance de la rentabilité de la contribution de Monsieur Y... perturbait la bonne marche de l'entreprise, la cour d'appel a, statuant par des motifs inopérants, privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 1232-1 et L. 1235-1du code du travail ;
ALORS QUE, troisièmement, en décidant, pour écarter le grief tiré de l'insuffisance des résultats de Monsieur Y... au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, qu'il n'était pas démontré par l'employeur que l'insuffisance de la rentabilité de la contribution de Monsieur Y... préjudiciait à ses intérêts, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si l'insuffisance de résultats ne causait pas un préjudice financier important à l'entreprise, caractérisé par une perte de 53010 € au titre des exercices 2010, 2011 et 2012, en prenant en considération la production de Monsieur Y... et le coût de son emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 1232-1 et L. 1235-1du code du travail ;
ALORS QUE, quatrièmement, en se bornant, pour écarter le grief tiré de ce que Monsieur Y... n'avait pas réussi à atteindre ses objectifs, à prendre en considération l‘avenant du 18 novembre 2011 applicable à compter du mois de mars 2012, en s'abstenant de rechercher si Monsieur Y... avait atteint les objectifs commerciaux fixés dans le cadre de l'avenant conclu le 21 février 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 1232-1,
L. 1235-1 du code du travail et
1134 du code civil ;
ALORS QUE, cinquièmement, l'insuffisance de résultats constitue une cause de licenciement lorsqu'elle résulte de l'insuffisance professionnelle du salarié, ce indépendamment d'éventuels agissements fautifs ; que lorsque l'insuffisance de résultats résulte de l'insuffisance professionnelle du salarié, l'employeur peut engager la procédure de licenciement sans mise en garde ni « recadrage » préalable ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que le grief « manifestement inadéquat » tiré d'une insuffisance professionnelle ne pouvait être retenu, car il n'était pas établi que Monsieur Y..., auquel une insuffisance de résultats était reprochée, avait fait l'objet, à titre préalable, de mises en garde ou de « recadrages », bien que l'insuffisance de résultats qui lui était reprochée ne résultait pas d'agissements fautifs, mais d'une inaptitude professionnelle évidente à l'ensemble des emplois qu'il avait occupé pendant trois ans et demi, soit du 12 janvier 2009 au mois de juillet 2012, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles
L. 1232-1,
L. 1235-1 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure
EN CE QU'IL a condamné la société ARKETEAM à payer la somme de 3000 € à Monsieur Y... au titre de la contrepartie du temps anormal de trajet ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article 3121-4 du code du travail que le temps de travail pour se rendre du domicile au lieu de travail n'est pas un temps de travail effectif et que lorsqu'il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l'objet d'une contrepartie, sous forme de repos ou sous forme financière et qu'en absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral de l'employeur, il appartient au juge de déterminer cette contrepartie ; qu'en l'espèce, Monsieur Y... justifie avoir réalisé des temps de déplacement anormaux ouvrant droit à une contrepartie financière en produisant à l'appui de sa demande un tableau réalisé par ses soins récapitulant tous les déplacements effectués en y joignant des tickets de péage, des billets de train ainsi que des factures d'hôtel, au vu des éléments produits, la cour évaluant ladite contrepartie à la somme de 3000€, le jugement étant infirmé de ce chef ALORS QUE, l'article 3121-4 du code du travail s'applique exclusivement aux trajets entre le domicile et le lieu habituel de travail et non aux déplacements effectués dans le cadre de l'exécution des missions contractuelles ; de sorte qu'en condamnant l'employeur à payer au salarié une somme de 3000 € au titre de la contrepartie au temps anormal de trajet en retenant que Monsieur Y... justifi(ait) avoir réalisé des temps de déplacement anormaux en produisant à l'appui de sa demande un tableau réalisé par ses soins récapitulant tous les déplacements effectués en y joignant des tickets de péage, des billets de train ainsi que des factures d'hôtel, éléments qui révélaient pourtant que Monsieur Y... se fondait non pas sur le caractère anormal du temps de trajet domicile-travail, mais sur divers déplacements effectués dans le cadre de l'exécution des missions contractuelles, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 3121-4 du code du travail.