DOSSIER N 03/00391
ARRÊT DU 23 JUIN 2003 Pièce à conviction : Consignation P.C. :
COUR D'APPEL DE PARIS
13ème chambre, section A
(N 3 , 16 pages) Prononcé publiquement le LUNDI 23 JUIN 2003, par la 13ème chambre des appels correctionnels, section A, Sur appel d'un jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS - 31EME CHAMBRE du 25 OCTOBRE 2002, (P01138903501). PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
FREGEAC X..., né le 24 Juin 1952 à RODEZ, AVEYRON (012) Fils de FREGEAC Julien et de LABROUSSE Marcelle De nationalité française, marié, president directeur général Demeurant 82 rue d'Hauteville - 75010 PARIS Prévenu, appelant, libre, comparant Maître BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS, qui dépose des conclusions signées du président et du greffier et qui sont jointes au dossier Y...
Z..., née le 11 Juillet 1923 à CAMPO, CORSE (020) Fille de Y... Michel et de CANAVAGGIO Marie-Adéla'de De nationalité française, président directeur général Demeurant 1 rue Charles Dickens - 75016 PARIS Prévenue, appelante, libre, non comparante, représentée par Maître GREFFE François en vertu d'un pouvoir en date du 15/05/2003, avocat au barreau de PARIS, qui dépose des conclusions signées du président et du greffier et qui sont jointes au dossier A... MINISTÈRE PUBLIC appelant, SYNDICAT NATIONAL HORLOGERS BIJOUTIERS JOAILLIERS ORFEVRES SPÉCIALISTES DES ARTS TABLE SAINT ELOI, 124 boulevard Haussmann - 75008 PARIS Partie civile, appelant, non comparant, représenté par Maître BREMOND Christian, avocat au barreau de PARIS, qui dépose des conclusions signées du président et du greffier et qui sont jointes au dossier COMPOSITION DE LA COUR,lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : Président
:
:
Monsieur B..., Monsieur C..., GREFFIER : Mademoiselle D... aux débats et MadameJAQUELIN au prononcé de l'arrêt. MINISTÈRE PUBLIC : représenté aux débats par Monsieur E... et au prononcé de l'arrêt par Monsieur F... , avocats généraux . RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LA PREVENTION : FREGEAC X... et Y...
Z... sont poursuivis devant le Tribunal Correctionnel comme prévenus d'avoir, à PARIS et en tout cas sur le territoire national, le 21/02/2000 et pendant l'été 2000 et depuis temps non prescrit, effectué une publicité par correspondance à ''entête REPERTOIRE AMERICAN EXPRESS, pour un coût total de 1.048.650 francs comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur l'acheteur potentiel sur la qualité et la valeur réelle du bijou "bague royale", en l'espèce: - en raison des termes employés relatifs aux qualités substantiels du produit, en l'occurrence "gemme exceptionnel" (utilisé pour les saphirs et les diamants), "grand saphir, bleu, rare, à la fois tendre et intense" et "saphirs de haute qualité"; - les qualités et aptitudes annoncées du fabricant dans la mesure où le grand créateur Louis MARGAUX n'existe pas en que personne physique e qu'en outre la personne sensée le représenter, M. Michale G..., ne possède ni le diplôme de joaillier,ni celui de gemmologiste ; -les termes qualifiant le prix de vente du produit, en l'espèce, lors de la première campagne publicitaire de février 2000, la bague a été proposée, à la vente, dans37.709 offrs de vente envoyées par publipostage, au prix comptant de 9.980 francs avec les appréciations et commentaires telles que "des conditions exceptionnelles pour un joyau unique et rare", "des conditions tout à ait exceptionnelles"; puis lors de la seconde campagne publicitaire de juillet 2000, la même bague a été proposée, à la vente, dans 359.000 offres de vente par publipostage, au prix comptant de 4.988 francs, permettant d'annoncer au public la vente de la bague à prix réduit de 50% par rapport à un prix initial majoré artificiellement; - la réalité du rabais de 50%, en l'espèce, l'offre de rabais était faussement limitée au 10 septembre dans la mesure où après cette date la bague n'a aps été proposée au prix initial de 9.980 francs. A... JUGEMENT : A... tribunal, par jugement contradictoire, a: Sur l'action publique:
déclaré FREGEAC X... coupable de PUBLICITE MENSONGERE OU DE NATURE A INDUIRE EN ERREUR, le 21/02/2000 et pendant l'été 2000, à Paris, infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-6 AL.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles
L.121-6,
L.121-4,
L.213-1 du Code de la consommation Y...
Z... coupable de PUBLICITE MENSONGERE OU DE NATURE A INDUIRE EN ERREUR, le 21/02/2000 et pendant l'été 2000, à Paris, infraction prévue par les articles L.121-1, L.121-5, L.121-6 AL.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles
L.121-6,
L.121-4,
L.213-1 du Code de la consommation Et par application de ces articles, - a condamné :
FREGEAC X... à une amende 12 000 euros. Y...
Z... à une amende 15 000 euros. - a ordonné aux frais de M. FREGEAC X... et Mme Y...
Z... la publication dans l'hebdomadaire "L'EXPRESS" du jugement de la 31ème chambre du Tribunal de Grande Instance de PARIS en date du 25/10/2002. Sur l'action civile - a déclaré recevable, en la forme,
la constitution de partie civile du Syndicat National des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Spécialistes des Arts de Table Saint-Eloi. - a condamné solidairement FREGEAC X... et Y...
Z... à payer à ce Syndicat, partie civile, la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts. - a condamné FREGEAC X... à payer au Syndicat National des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Spécialistes des Arts de Table Saint-Eloi, partie civile, la somme de 250 euros au titre de l'article 475-1 du CPP - a condamné Y...
Z... à payer au Syndicat National des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Spécialistes des Arts de Table Saint-Eloi, partie civile, la somme de 250 euros au titre de l'article 475-1 du CPP LES APPELS :
Appel a été interjeté par : A... conseil de Madame Y...
Z..., le 30 Octobre 2002 visant les dispositions civiles et pénales, A... conseil de Monsieur FREGEAC X..., le 30 Octobre 2002 visant les dispositions civiles et pénales, M. le Procureur de la République, le 30 Octobre 2002 contre Monsieur FREGEAC X..., Madame Y...
Z...
A... conseil du SYNDICAT NATIONAL HORLOGERS BIJOUTIERS JOAILLIERS ORFEVRES SPÉCIALISTES DES ARTS TABLE SAINT ELOI, le 6 novembre 2002. DÉROULEMENT DES DÉBATS : A l'audience publique du 19 MAI 2003, le président a constaté: - l'identité de FREGEAC X..., comparant, libre, assisté de son conseil; - l'absence de Y...
Z..., représentée par son conseil FREGEAC X... et le conseil de Y...
Z... ont indiqué sommairement les motifs de leur appel ; Monsieur DARBEDA , avocat général, représentant le ministère public à l'audience de la cour, a sommairement indiqué les motifs de l'appel interjeté par le procureur de la République de PARIS ; Monsieur le président GUILBAUD a fait un rapport oral ; FREGEAC X... a été interrogé ; ONT ETE ENTENDUS : FREGEAC X... et le conseil de Y...
Z... en leurs explications ; Maître BREMOND , avocat de la partie civile en sa plaidoirie ; Monsieur DARBEDA , avocat général en ses
réquisitions ; Maître BARTELEMY , avocat de FREIGEAC X... en sa plaidoirie ; Maître GREFFE, avocat de Y...
Z... en sa plaidoirie FREGEAC X... a eu la parole en dernier. A l'issue des débats, le président a ensuite averti les parties que l'affaire était mise en délibéré et que l'arrêt serait prononcé le 23 JUIN 2003 . A l'audience du 23 JUIN 2003, la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit et dont lecture a été faite par monsieur le président GUILBAUD DÉCISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant sur les appels relevés par les prévenus Z...
Y..., X... FREGEAC, le ministère public et le Syndicat National des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Spécialistes des Arts de la Table Saint-Eloi à l'encontre du jugement entrepris auquel il est fait référence. Par voie de conclusions la partie civile demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué sur l'action publique mais de le réformer sur les intérêts civils en condamnant les prévenus à lui verser la somme de 10.000 ä à titre de dommages et intérêts outre celle de 3.000 ä sur le fondement de l'article
475-1 du Code de procédure pénale. 1°) Sur l'emploi de termes de nature à induire en erreur les destinataires de la publicité sur les qualité substantielles et la valeur de la bague royale. Elle expose que : - en premier lieu, le dépliant publicitaire en couleur décrit la pierre centrale de la "bague royale" proposée à la vente comme : "Un grand saphir bleu rare, à la fois tendre et intense... quatre griffes d'or maintiennent cette gemme exceptionnelle" Pour les autres saphirs composant la "bague royale", le dépliant indique : "Ils sont quatorze, tous du même bleu rare...Les conditions internationales rendent aujourd'hui, difficile de rassembler autant de saphir de haute qualité, tous du même bleu profond" - En second lieu, la lettre d'accompagnement fait état de : "L'exceptionnelle qualité des gemmes qui multiplie leur valeur" et
indique d'une part que les quatorze saphirs et la pierre centrale totalisent "plus d'un carat de saphirs" et d'autre part que ces quinze saphirs ont tous "le même ton rare à la fois tendre et intense recherché par les lapidaires". Les diamants composant la bague précitée y sont également décrits comme ayant "la même eau limpide, cet éclat clair qui les classe parmi les plus précieux", alors qu'en l'espèce les conclusions des expertises réalisées sur ladite bague ont démontré que les pierres la composant étaient de qualité médiocre. 2°) Sur l'emploi de termes de nature à induire en erreur les destinataires de la publicité sur les qualités et les aptitudes du fabriquant. Elle soutient que les prévenus ont employé dans la publicité des termes laissant croire aux clients potentiels que la bague avait été réalisée par "un grand créateur joaillier" du nom de Louis MARGAUX alors que l'enquête a révélé d'une part, que ledit joaillier n'existait pas en tant que personne physique et d'autre part que la personne censée le représenter ne possédait ni le diplôme de joaillier, ni celui de gemmologue. 3°) Sur l'emploi de termes de nature à induire en erreur les destinataires de la publicité sur la valeur du produit exposé. Elle affirme que les prévenus ont proposé la bague royale à la vente une première fois en février 2000 au prix comptant de 9.980 francs, "prix annoncé comme exceptionnel pour un joyau unique et rare", puis une seconde fois en juillet 2000 au prix comptant de 4.988 francs, soit avec une réduction de 50% s'il en était passé commande avant le 10 septembre 2000, alors que l'enquête a démontré que : - d'une part le prix de vente initial avait été majoré artificiellement par rapport au prix d'achat de la bague, - d'autre part la bague royale n'avait jamais été reproposée à la vente après le 10 septembre 2000 au prix de 9.980 francs en dépit de ce que la dernière publicité de juillet 2000 laissait croire, pour inciter les clients potentiels à acheter cette bague à un prix réduit avant
le 10 septembre 2000. 4°) Sur la réparation au profit du syndicat SAINT-ÉLOI. Elle fait valoir que les faits visés à la prévention causent à l'ensemble de la profession, dont le Syndicat SAINT-ÉLOI défend les intérêts, un triple préjudice de réputation, de concurrence et moral. Elle souligne que ces préjudices sont considérables compte tenu : - d'une part du nombre d'adhérents AMERICAN EXPRESS auxquels la publicité a été adressée, - d'autre part du coût total de cette publicité qui est évalué au montant total de 159.865,66 ä, - et enfin du bénéfice réalisé par la vente de 1195 "bagues royales". Monsieur l'Avocat Général, qui estime constitués à l'encontre des deux prévenus les faits visés à la prévention, requiert la confirmation du jugement attaqué. Par voie de conclusions Z...
Y... demande à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de : - Constater que le prix de référence de 9.980 francs de "la bague royale" n'est pas artificiel ou fictif, de même que l'offre de rabais n'a pas été faussement limitée au 10 septembre 1992 (sic), - Constater que la qualité des saphirs et des brillants de la "Bague Royale"n'est pas en cause, - Constater que la "Bague Royale" apparaît cinq fois au support publicitaire, et que ces représentations ne sont critiquées ni par l'Administration ni par le Tribunal et dire et juger qu'au vu de ces représentations , le consommateur est informé de la couleur de la bague qui lui est offerte à la vente, - Dire et juger que les allégations portées sur la bague telle que présentée ne sont pas mensongères, s'agissant d'affirmations générales et dithyrambiques non susceptibles de tromper le consommateur, - Constater que la profession de joaillier ne nécessite aucun diplôme et constater que Louis MARGAUX n'est pas présenté comme gemmologiste, - Dire et juger que la compétence de Monsieur Michaùl G... en sa qualité de joaillier ne peut être mis en cause à défaut pour l'Administration d'avoir procédé à une enquête le
concernant, - Constater au contraire que Monsieur Michaùl G... exerce la profession de joaillier depuis plus de 20 ans, - Dire et juger qu'est licite pour un commerçant d'entreprendre une campagne de baisse de prix, et qu'en conséquence , il ne peut lui être reproché, sans lui faire alors un procès d'intention, d'avoir en un premier temps présenté son prix, devenu par la suite prix de référence, comme étant un prix exceptionnel, s'agissant ici encore d'un qualificatif "insusceptible" (sic) de tromper le consommateur, - Constater que Madame Y..., aujourd'hui âgée de 80 ans, dirige la société JSW depuis plus de 20 ans, - Dire et juger que Madame Y... est honorable et qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre observation de l'Administration, ni bien entendu de la moindre condamnation. Subsidiairement et oralement, Z...
Y..., représentée par son avocat, sollicite la dispense de publication de la décision à intervenir. Sur le prix de référence elle fait valoir que le prix de 9.980 francs n'est pas fictif puisque : - les prix sont actuellement librement fixés par les industriels ou les commerçants sous réserve, il est vrai, que lors de ventes dites promotionnelles, il faut que les prix de référence n'aient pas été artificiellement augmentés, - la société JSW pratique depuis de nombreuses années des coefficients variant de 5,88 à 6,57, ainsi qu'en atteste le commissaire aux comptes de la société, à savoir la société AAGEC (attestation du 4 juillet 2002), - ce coefficient généralement supérieur à 6 est celui normalement appliqué par les sociétés exerçant une activité analogue à celle de la société JSW. Elle souligne par ailleurs que l'administration est intervenue auprès de la société D. Major le 29 septembre 2000, ce qui a entraîné la cessation de la publicité critiquée. Elle ajoute que postérieurement au 10 septembre 2000 la société JSW a refusé de vendre le modèle "Bague Royale"au prix promotionnel, se bornant à livrer, jusqu'en janvier 2001, les modèles
commandés pendant la période de promotion. Sur la qualité de la bague ou sa valeur, elle affirme que s'agissant de l'estimation d'une pierre précieuse, seul un expert spécialisé était en mesure d'en donner l'estimation alors que l'administration n'a fait procéder à aucune expertise. Elle soutient que l'administration a déformé les conclusions de Monsieur Michel H..., expert près la Cour d'Appel de Paris, qu'elle a sollicité pour connaître son avis sur la couleur du saphir et la qualité des brillants. Elle relève que le poids annoncé des saphirs dans la publicité est de 1 carat alors qu'il résulte du rapport de Monsieur H... que le poids est de 1,8 carats, soit près du double. Sur la couleur des saphirs elle expose que : - le modèle est présenté dans sa vraie couleur sur le dépliant publicitaire à cinq reprises, - s'agissant d'une vente par correspondance, le modèle est adressé au consommateur qui peut l'examiner pendant dix jours, puis le retourner s'il n'en est pas satisfait, - les qualificatifs utilisés relèvent du dithyrambe, du langage courant dans le domaine de la vente par correspondance. Sur les qualités et aptitudes du fabricant, elle indique que : - Monsieur Michaùl G..., administrateur de la société JSW est diplômé d'H.E.C. et exerce la profession de joaillier depuis plus de 20 ans, - cette activité s'effectue sous le nom de Louis MARGAUX, marque déposée, conformément aux dispositions du C.P.I., - il n'existe pas de diplôme de joaillier, ni de règlement spécifique de cette profession, - Louis MARGAUX est présenté dans la publicité comme joaillier et non comme gemmologiste. Sur les allégations concernant la première campagne, elle souligne que la publicité ne fait nullement mention d'une offre exceptionnelle mais de "conditions exceptionnelles"et fait valoir que du moment que : - le prix de 9.980 francs est licite (et non fictif comme l'affirmait l'administration), il n'est pas critiquable de présenter l'offre comme offerte à des conditions exceptionnelles, une
telle affirmation n'étant pas susceptible de tromper le consommateur, - le prix de référence n'est pas fictif, le fait de le baisser ultérieurement, et d'annoncer cette baisse, ne peut rendre la première annonce illicite et mensongère, sauf à interdire toute publicité élogieuse de produits devant faire par la suite l'objet d'une réduction de prix, alors qu'un annonceur ne peut prévoir à l'avance qu'il offrira ses produits après les avoirs mis en un premier temps en vente, à un prix réduit. Par voie de conclusions X... FREGEAC demande à la Cour d'infirmer le jugement attaqué et de le relaxer des fins de la poursuite.
Subsidiairement il sollicite la Cour de le dispenser de la publication de la décision, compte tenu de son honorabilité. Il soutient essentiellement que la publicité litigieuse est diffusée sous la marque "Louis MARGAUX" qui est la propriété de Monsieur Michaùl G..., animateur et Directeur Général de la société JSW, laquelle fait fabriquer et commercialise la "Bague Royale". Il affirme que dès lors la société D. Major dont il est le P.D.G. ne saurait être considérée comme annonceur. Il fait valoir que dans ces conditions sa responsabilité ne saurait être recherchée que sur le fondement d'une éventuelle responsabilité qui suppose à tout le moins de démontrer sa mauvaise foi. Il prétend à cet égard qu'il n'est pas prouvé qu'il ait agi avec imprudence ou négligence dans le cadre de la publicité incriminée. RAPPEL DES FAITS Les premiers juges ont exactement en complètement rapporté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la Cour se réfère expressément. Il suffit de rappeler que la société D-MAJOR, dont le PDG est X... FREGEAC, exploite la marque REPERTOIRE AMERICAN EXPRESS sous la forme d'un contrat de licence. Elle gère les commandes et les paiements par le biais de la carte AMERICAN EXPRESS. Elle est payé directement par
AMERICAN EXPRESS du montant de la commission qui lui revient (10%). Les clients son débités de leurs achats directement sur leur carte de crédit et le relevé mensuel tient lieu de facture. La société J.S.W., dont Z...
Y... est la présidente, choisit les produits, réalise les publicités et effectue les livraisons. La première publicité "Bague Royale", datée de 21 février 2000, fait état, entre autres mentions, des allégations publicitaires suivantes : - Concernant le créateur * "Un grand joaillier fait revivre le joyau d'une Reine... ce grand joaillier que connaissent bien tous les amis de Répertoire..." * "sa dernière création : une bague admirable, par sa richesse comme par la grâce de son dessin, une bague, pour tout dire, Royale, ainsi qu'il me l'a présentée en me parlant de celle qui l'inspira..." * "C'est l'un des portraits (d'Hortense de Beauharnais) qui séduisit Louis Margaux" * "Louis Margaux imagina tout de suite la bague dont il aurait aimé accompagner ce bijoux..." * "Il vient de la réaliser. Avec magnificence." * "Louis Margaux s'est inspiré des savants sertissages qui furent ceux des joailliers qui furent ceux des joailliers de la Cour" * "Elle (la bague) sera accompagnée d'un certificat de garantie numéroté et signé par son créateur joaillier". - Concernant la qualité de la bague * "Un grand saphir central y est entouré d'un rang de douze diamants, puis d'un rang de quatorze saphirs, totalisant ainsi plus d'un carat de saphirs. Ces chiffres sont éloquents. Mais ils ne rendent pas compte d'un point plus important encore : l'exceptionnelle qualité des gemmes qui multiplie leur valeur". * "Les quatorze saphirs, comme celui qui forme le centre de la bague, ont le même ton rare, à la fois tendre et intense, recherché par les lapidaires".."Les douze diamants ont la même eau très pure, cet éclat blanc qui les classe parmi les plus précieux". - Concernant le prix * "Des conditions exceptionnelles pour un joyau unique et rare" * "La bague Royale vous est proposée en
priorité, à des conditions tout à fait exceptionnelles. Vous pouvez acquérir ce joyau...pour 9.980 F" * "Ces conditions particulièrement avantageuses sont dues aux très fidèles relations établies depuis longtemps entre Répertoire et Louis Margaux". La seconde publicité "Bague Royale"non datée, diffusée à partir du 18 juillet 2000, est identique dans sa conception à celle du 21 février 2000 et comporte les trois mêmes documents, accompagnés d'une enveloppe réponse. Sur le bon de commande identique à celui de la première publicité, est inscrite en supplément et en caractères de couleur rouge, la mention suivante : "A... prix spécial "basse saison"n'est valable que pour les demandes postées jusqu'au 10 septembre 2000". De plus, les prix de 905 F, 2.495 F et 9.980 F sont barrés et remplacés respectivement par ceux de 452 F, 1.247 F et 4.988 F, inscrits en caractères de couleur rouge. L'enquête diligentée par la DGCCRF fait ressortir notamment les éléments suivants: - 9 bagues "Royale"ont été vendues à la suite de la première campagne publicitaire, - 1.211 bagues "Royale"ont été vendues à la suite de la seconde campagne publicitaire, - "Louis Margaux"est une marque déposée par Michaùl G... et n'existe pas en tant que personne physique, - Michaùl G... part d'une idée puisée dans différents sources ou chez des concurrents, puis fait réaliser des dessins par le fabricant situé à Hong Kong. Z...
Y... a remis à l'administration deux expertises en date du 27 novembre 2000, réalisées à sa demande par Michel H..., expert près la Cour d'Appel de Paris sur deux bagues "Royales". Il ressort de ces expertises que la pureté des diamants examinés est "si" et leur couleur "blanc". Par ailleurs, " les saphirs sertis sur la bague sont d'un bleu extrêmement saturé qui leur donne un aspect noir à la lumière artificielle à incandescence. Il s'agit vraisemblablement de saphirs d'Australie qui sont habituellement d'une couleur bleue extrêmement sombre, ce qui n'est pas la qualité que l'on attend d'une pierre de
couleur. Leur utilisation est devenue peu fréquente dans les bijoux vendus en Occident". SUR CE, LA COUR SUR L'ACTION PUBLIQUE SUR LES FAITS DE PUBLICITÉ TROMPEUSE 1) Sur les qualités substantielles de la "Bague Royale" Considérant qu'il ressort des expertises de Michel H... que les termes de "gemme exceptionnelle"(utilisés entre autre pour le grand saphir central), "exceptionnelle qualité des gemmes qui multiplie leur valeur" (utilisés pour les saphirs et les diamants), "grand saphir, bleu rare, à la fois tendre et intense" et "saphirs de haute qualité"employés dans la publicité relative à la "bague Royale"sont de nature mensongère et induisent l'acheteur potentiel en erreur sur les qualités substantielles et la valeur des saphirs ; Que par ailleurs les diamants utilisés pour la fabrication des "bagues Royales"ne peuvent prétendre au qualificatif "exceptionnel" ; Considérant en effet que l'expertise Michel H... précise pour les deux bagues analysées, que la couleur des diamants est "blanc"ce qui n'a rien d'exceptionnel puisque dans la hiérarchie de l'échelle de couleur, le "blanc"se situe en cinquième position après le "blanc exceptionnel +", le "blanc exceptionnel", le "blanc extra +", et le "blanc extra" ; Considérant que le poids total des 12 diamants de la bague "Royale"est seulement de 0,18 carat, ce qui représente pour chaque diamant un poids de 0,015 carat (soit 0,003 gramme), ce qui est dérisoire ; Que l'expertise de Michel H... indique que pour les deux bagues analysées la pureté des diamants est "si", ce qui n'a rien d'exceptionnel puisque dans la hiérarchie de l'échelle de pureté , le "si" se situe en sixième et septième position ; Qu'il est à noter que le terme "pur" est réservé au niveau le plus élevé dans la classification des diamants, en ce qui concerne le critère de pureté, et que la mention "eau très pure" peut prêter à confusion dans l'esprit du consommateur ; Considérant enfin que les saphirs (le centre et les saphirs de l'entourage) sertis sur la bague examinée
sont d'un bleu extrêmement saturé qui leur donne un aspect noir à la lumière artificielle à incandescence ; Qu'il, s'agit vraisemblablement de saphirs d'Australie qui sont habituellement d'une couleur bleue extrêmement sombre, ce qui n'est pas la qualité que l'on attend d'une pierre de couleur et dont l'utilisation est devenue peu fréquente dans les bijoux vendus en occident ; 2) Sur la qualité annoncée de créateur grand joaillier de Louis Margaux Considérant qu'il est constant que le grand créateur Louis Margaux n'existe pas en tant que personne physique ; Que s'il est certain qu'il n'existe pas de diplôme de joaillier ni de réglementation spécifique de cette profession, il n'en demeure pas moins que le caractère unique attribué à la bague "Royale" tenait pour une grande part aux conditions supposées de sa conception et au soin apporté par son créateur à sa réalisation et que la personnalité de ce créateur n'était donc pas sans incidence sur la décision d'un acheteur potentiel, alors que la personnalité du grand joaillier Louis Margaux était fictive et en réalité partagée entre une rédactrice publicitaire et le dirigeant d'une société de joaillerie ayant son siège à Hong Kong ; 3) Sur le prix Considérant qu'il n'apparaît pas que lors de la première campagne le prix initial ait été majoré artificiellement dans la mesure où la société JSW pratique depuis de nombreuses années des coefficients variant de 5,88 à 6,57 ; Considérant toutefois que compte tenu de la qualité médiocre du produit proposé le prix de 9.980 francs n'avait rien d'un prix annoncé comme ".. exceptionnel pour un joyau unique et rare", d'autant plus que la même bague dite "Royale"était offerte une seconde fois en juillet 2000 au prix comptant de 4.988 francs, soit avec une réduction de 50% s'il en était passé commande avant le 10 septembre 2000 ; Considérant que dans ces conditions le délit de publicité susceptible d'induire en erreur est pleinement constitué ;
SUR L'IMPUTABILITÉ Considérant que Z...
Y... revendique la qualité d'annonceur ; Que si l'annonceur est celui pour le compte duquel la publicité est diffusée, au sens de l'article
L.121-5 du Code de la Consommation, cette formule peut désigner alternativement ou cumulativement, celui qui a donné l'ordre de la publicité et celui qui en retire un profit économique ; Qu'en l'espèce D MAJOR était intéressée aux ventes, sur lesquelles elle percevait une commission ; Que par ailleurs, ainsi que souligné par le tribunal, il était indiqué sur la première page du dépliant : "une offre exclusive réservée aux membres American express présentée par D MAJOR"; Considérant que dès lors la Cour confirmera le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré les deux prévenus appelants coupable des faits visés à la prévention ; SUR LES PEINES Considérant que la Cour confirmera la décision entreprise sur les peines d'amende infligées qui constituent une juste application de la loi pénale ; Que la Cour, compte tenu des éléments soumis à son appréciation, infirmant pour le surplus le jugement querellé, dispensera les prévenus de publication ; SUR L'ACTION CIVILE tenu des éléments soumis à son appréciation, infirmant pour le surplus le jugement querellé, dispensera les prévenus de publication ; SUR L'ACTION CIVILE Considérant que la Cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain, subi par la partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, infirmera l'estimation trop restrictive qu'en ont faite les premiers juges et condamnera solidairement les prévenus à verser au Syndicat National des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres et Spécialistes des Arts de la Table SAINT-ELOI la somme de 10.000 ä à titre de dommages-intérêts ; Que la Cour par ailleurs condamnera chaque prévenu à payer à la partie civile la somme de 1.250 ä sur le fondement de l'article
475-1 du Code de procédure pénale (Tribunal et
Cour) ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre des prévenus et de la partie civile, REOEOIT les prévenus, le ministère public et la partie civile en leur appels, SUR L'ACTION PUBLIQUE CONFIRME le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité et les peines d'amende, A... MODIFIANT pour le surplus, DISPENSE les prévenus de publication, SUR L'ACTION CIVILE INFIRMANT la décision critiquée, CONDAMNE solidairement X... FREGEAC et Z...
Y... à payer à la partie civile la somme de 10.000 ä à titre de dommages et intérêts, CONDAMNE chaque prévenu à verser à la partie civile la somme de 1.250 ä sur le fondement de l'article
475-1 du Code de procédure pénale, REJETTE toutes conclusions plus amples ou contraires. A... PRÉSIDENT,
A... GREFFIER,
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable chaque condamné.
-Droits fixes de procédure soumis aux dispositions de l'article
1018 A du Code général des impôts-