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Cour administrative d'appel de Paris, 2ème Chambre, 22 mars 2023, 21PA04911

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    21PA04911
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : Mme Prévot
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Montreuil, 1 juillet 2021
  • Commentaires :
  • Avocat(s) : AVOCATS DSOB
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Chronologie de l'affaire

Conseil d'État
8 juillet 2024
Cour administrative d'appel de Paris
22 mars 2023
Tribunal administratif de Montreuil
1 juillet 2021

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : La société anonyme (SA) Media 6 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015. Par un jugement nos 1808207, 1808210 du 1er juillet 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 septembre et 16 décembre 2021, la SA Media 6, représentée par Me Claude Ohana, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les prestations rendues en exécution de la convention avec la société A ne concernent pas une prestation rendue à la société Media 6, mais aux filiales opérationnelles du groupe, dont M. B E n'est pas mandataire social ; - les prestations de la société A ne relèvent pas de la direction de la société Media 6 mais de l'animation du groupe et par suite des dirigeants des filiales concernées ; - ces prestations sont refacturées aux filiales opérationnelles ; - la quasi-totalité du temps consacré par M. B E l'a été, dans le cadre de ses fonctions de gérant de la société A, aux missions définies par la convention d'animation et ses avenants ; - les frais correspondants ont été pris en charge par la société A ; - elles ne relèvent pas de l'exercice du mandat social de PDG de la société Media 6 par M. B E, lesquelles étaient minimes, d'autant plus qu'en fin de période vérifiée, elles étaient réalisées également par M. C E, qui n'a aucune fonction de direction dans la société Media 6 ; - M. B E n'a bénéficié d'aucune rémunération de la part de la société Media 6 qui ferait double emploi avec les sommes litigieuses ; - les prestations d'animation du groupe effectuées par M. B E en tant que dirigeant de la société A sont réelles et la taxe sur la valeur ajoutée les grevant est par conséquent déductible sans qu'on puisse opposer l'existence d'un acte anormal de gestion ; - M. E n'est plus l'associé unique de la société A depuis le 2 mai 2015, et il n'assure plus seul les prestations rendues à la société Media 6 par la société A depuis le 1er mai 2015. Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. D, - les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique, - et les observations de Me Ohana, représentant la SA Media 6.

Considérant ce qui suit

: 1. Le groupe Media 6 est composé de la société Media 6, société mère du groupe qui inclut également un ensemble de vingt-deux filiales, et la société A. Les sociétés du groupe, en particulier ses vingt-deux filiales opèrent dans le secteur de la publicité, de la vente et de la communication. La société Media 6 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 au terme de laquelle l'administration a procédé à la remise en cause du caractère déductible de ses résultats imposables des frais facturés par la société A, et à la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée correspondante. La société requérante relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie en conséquence au titre des années 2013, 2014 et 2015. Sur l'impôt sur les sociétés : 2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 de ce même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (). / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais ". En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. 3. La société Media 6 est une société holding animatrice de groupe et facture à ses filiales des prestations d'animation. M. B E, directeur général de cette société et président de son conseil d'administration, est également l'unique associé de la société A. Selon une convention signée le 27 juillet 2004, modifiée par différents avenants successifs, la société A assure pour le compte de la société Media 6 une prestation globale d'animation des sociétés du groupe Media 6 en particulier sur le plan économique, financier, commercial et administratif. Il est stipulé que les prestations seront assurées par Monsieur B E, exclusivement. 4. Il résulte toutefois de l'instruction que l'organigramme juridique du groupe remis au service vérificateur lors des opérations de contrôle présente la société Media 6 comme regroupant les " services centraux du groupe ". Elle emploie également 33 salariés comprenant les principaux cadres du groupe. En outre, M. E, en tant que directeur général de cette société doit être présumé assurer les fonctions correspondantes, notamment la définition de la stratégie de l'entreprise, qui, compte de tenu de l'objet de celle-ci, implique des fonctions d'animation des sociétés du groupe. Les factures émises par la société A, qui ne sont pas détaillées et dont le libellé se borne à faire référence à une prestation de " direction et d'animation du groupe Media 6 " ne permettent l'identification d'aucune prestation qui se distinguerait de l'activité assurée par la société Media 6 en général et par son directeur-général en particulier. Il en est de même des autres pièces versées au dossier, notamment les attestations de commissaires aux comptes, les procès- verbaux des délibérations du conseil d'administration de la société Media 6 qui font état de directives de la société A et les courriels de M. E à partir d'une adresse mail qui est d'ailleurs celle de Media 6 et non celle de la société A, qui ne permettent pas d'identifier avec précision la consistance et les modalités de l'intervention de ce dernier dans des fonctions distinctes de celles qui sont les siennes dans la société Media 6. 5. Si la société requérante fait valoir que les prestations d'animation rendues en exécution de la convention avec la société A ne concernent pas une prestation rendue à la société Media 6, mais aux filiales opérationnelles du groupe, dont M. B E n'est pas mandataire social et que ces prestations sont refacturées aux filiales opérationnelles, une telle argumentation est dépourvue de portée dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces fonctions d'animation relèvent de l'objet de la société Media 6 ainsi que des fonctions de son directeur-général et qu'aucun élément du dossier ne permet d'identifier des prestations distinctes de la société A. La circonstance que les frais exposés par M. B E auraient été pris en charge par la société A est également inopérante, en l'absence d'identification de prestations rendues par cette dernière. Si la société fait également valoir que les prestations de la société A ont évolué et comprennent depuis 2015, en raison d'un amendement à la convention de 2004, des prestations en matière industrielle, et que depuis 2015, certaines des prestations de la société A étaient réalisées également par M. C E, qui n'a aucune fonction de direction dans la société Media 6, les éléments du dossier ne permettent pas d'apprécier la réalité et la consistance des prestations en cause, les courriels produits portant par ailleurs la référence à sa fonction de " sales and marketing manager " de Media 6. 6. Il résulte de ce qui précède, et alors même que M. B E n'aurait bénéficié d'aucune rémunération de la part de la société Media 6 qui ferait double emploi avec les sommes litigieuses, que les sommes facturées par la société A doivent être regardées comme dépourvues de toute contrepartie. L'administration fiscale les a par suite à bon droit réintégrées dans le résultat imposable de la société Media 6, majorées du profit sur le trésor résultant, ainsi qu'il sera dit ci-dessous, de la taxe sur la valeur ajoutée éludée du fait de la déduction injustifiée de la taxe ayant grevé les prestations fictives facturées par la société A. Sur la taxe sur la valeur ajoutée : 7. Aux termes des dispositions de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". 8. Ainsi qu'il a été dit aux point 4. et 5., il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées par la société Media 6 à la société A au titre des prestations réalisées par M. E et dont la déduction a été remise en cause par l'administration avaient une contrepartie, dès lors qu'il est impossible d'identifier une prestation distincte de l'activité de direction non rémunérée déployée par l'intéressé en tant que directeur-général de la société Media 6. Ainsi, lesdites sommes ne correspondent à aucune prestation de service fournie par la société A et dont la société requérante aurait bénéficié. Par suite, la société Media 6 n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux sommes facturées. En l'absence de prestations effectivement réalisées par la société A, le moyen tiré de ce que l'existence d'un acte anormal de gestion ne saurait être opposée au contribuable en matière de taxe sur la valeur ajoutée est sans influence sur l'issue du litige. 9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Media 6 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SA Media 6 est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Media 6 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France. Délibéré après l'audience du 8 mars 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Topin, présidente, - M. Magnard, premier conseiller, - M. Segretain, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023. Le rapporteur, F. DLa présidente, E. TOPIN Le greffier, C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 7