Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Montpellier 07 juin 2018
Cour de cassation 11 septembre 2019

Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 septembre 2019, 18-84667

Mots clés douanes · preuve · marchandises · bonne foi · produits · saisie · importation · prévenus · contrebande · stupéfiants · fraude · actif · absence · fraude · pourvoi

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-84667
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 07 juin 2018
Président : M. Soulard (président)
Rapporteur : Mme Chauchis
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:CR01495

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Montpellier 07 juin 2018
Cour de cassation 11 septembre 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- L'administration des douanes et des droits indirects,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 7 juin 2018, qui a relaxé MM. L... Q...et D... K... du chef d'importation en contrebande de marchandises prohibées et l'a déboutée de ses demandes ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 juin 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray aux débats, M. Bétron au prononcé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Chauchis, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PETITPREZ ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 38, 215, 414, 417 et 419 du code des douanes, L. 5132-7 du code de la santé publique et 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé MM. L... Q...et K... des fins de la poursuite, ordonné leur remise en liberté et débouté les services des douanes de l'ensemble de leurs demandes ;

"1°) alors que les rapports d'essais effectués par le laboratoire de Marseille du service commun des laboratoires sur les échantillons d'herbe saisie que lui ont adressés les agents douaniers mentionnent tous que ces échantillons contiennent du « delta-9-tétrahydrocannabinol », principe actif du cannabis, et précisent tous le taux de concentration de ce principe actif détecté dans les échantillons examinés ; qu'en affirmant que le test de produit effectué par les services des douanes ne contiendrait pas de mesure du taux de principe actif, pour en déduire que ce test ne pourrait constituer une preuve de la nature de stupéfiants de l'herbe saisie, la cour d'appel a dénaturé les rapports d'essais versés aux débats et entaché, ainsi, sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;

"2°) alors que le détenteur de marchandises de fraude est réputé responsable de la fraude, à moins qu'il ne rapporte la preuve de sa bonne foi en établissant avoir effectué des diligences pour s'assurer de la nature des marchandises transportées ; qu'en estimant que MM. K... et Q...n'étaient pas coupables de l'importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé publique aux motifs inopérants qu'ils avaient toujours nié avoir eu connaissance de la nature des marchandises transportées et qu'ils avaient présenté des versions concordantes sur le déroulement de leur mission, notamment en Espagne, sans rechercher si les deux prévenus, détenteurs des marchandises de fraude et réputés dès lors responsables de la fraude, rapportaient la preuve de leur bonne foi, seul moyen de combattre la présomption de culpabilité pesant sur eux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et entaché, ce faisant, sa décision d'une insuffisance de motifs au regard des textes susvisés ;

"3°) alors qu'il appartient aux juges correctionnels d'ordonner les mesures d'instruction qu'ils estiment utiles à la manifestation de la vérité et qu'ils constatent avoir été omises ; qu'en considérant que MM. K... et Q...n'étaient pas coupables de l'importation en contrebande de marchandises dangereuses pour la santé publique aux motifs que certains éléments, tels que les sms en langue étrangère présents sur les téléphones portables des deux prévenus et les gps dans lesquels se serait nécessairement trouvée l'adresse de chargement des marchandises litigieuses, n'avaient « pas été exploités » alors qu'ils « auraient cependant pu être déterminants dans l'implication ou la mise en cause des prévenus », sans ordonner des mesures d'instruction dont elle constatait pourtant la nécessité pour se prononcer sur la culpabilité des deux prévenus, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu les articles 463 et 593 du code de procédure pénale et 392 du code des douanes ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, il appartient aux juges d'ordonner les mesures d'instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ;

Et attendu que, selon le dernier de ces textes, le détenteur de la marchandise est réputé responsable de la fraude ; qu'il ne peut combattre cette présomption qu'en rapportant la preuve de sa bonne foi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion du contrôle d'un ensemble routier provenant de Lettonie, conduit alternativement par MM. L... Q...et D... K..., les agents des douanes ont constaté la présence de paquets contenant une matière identifiée comme étant de la résine de cannabis ; qu'ils ont comparu devant le tribunal correctionnel qui les a condamnés ; qu'ils ont formé appel principal contre cette décision et le ministère public appel incident ;

Attendu que, pour relaxer MM. Q...et K..., poursuivis, notamment, pour importation en contrebande de marchandises prohibées, l'arrêt attaqué retient que les deux prévenus ont toujours nié avoir eu connaissance de la nature des marchandises transportées, qu'ils ont présenté des versions concordantes sur le déroulement de leur mission, notamment sur l'attente en Espagne selon les instructions données par leur employeur, que les explications fournies par les deux chauffeurs sur leur maintien en Espagne pendant presque trois semaines dans l'attente d'un chargement sont concordantes, et que, même si elles n'ont aucun sens économiquement, elles ne suffisent pas à établir leur implication dans l'infraction d'importation de produits stupéfiants ; que les juges ajoutent que certains éléments n'ont pas été exploités et, notamment, qu'aucune analyse des produits stupéfiants ne figure au dossier, en dehors du test de produit effectué par les services des douanes, qui ne constitue pas une preuve de la nature de stupéfiants de l'herbe saisie, en l'absence de mesure du taux de principe actif ; qu'ils concluent que, même si un faisceau d'indices permettait de penser que les deux chauffeurs pouvaient avoir connaissance de la nature des produits transportés, cela ne saurait être suffisant, en l'absence de vérification d'un ensemble d'éléments, sms sur les téléphones, adresses de chargements sur les gps, analyse des produits stupéfiants, qui auraient pu être déterminants dans l'implication ou la mise hors de cause des prévenus ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans procéder à la recherche, au besoin en ordonnant un supplément d'information, des éléments dont elle reconnaissait elle-même la nécessité ni relever que le prévenu ait établi sa bonne foi en rapportant la preuve des diligences effectuées pour s'assurer de la nature des marchandises transportées, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs

:

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 7 juin 2018, mais en ses seules dispositions ayant relaxé MM. L... Q...et D... K... du chef d'importation en contrebande de marchandises prohibées et ayant débouté l'administration des douanes de ses demandes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues,

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle et prononcé par le président le onze septembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et M. Bétron, le greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.