Cour d'appel de Paris, Chambre 1-3, 26 octobre 2022, 22/04467

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    22/04467
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 15 février 2022
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6360ca533c369c7f74996ed8
  • Président : M. Jean-Christophe CHAZALETTE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2022-10-26
Tribunal de commerce de Paris
2022-02-15

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 3

ARRET

DU 26 OCTOBRE 2022 (n° , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04467 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFL4T Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Février 2022 -Président du TC de PARIS RG n° 2021035408 APPELANTE S.A.S. UPCR VENANT AUX DROITS DE LA SAS STELA, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège [Adresse 5] [Adresse 1] [Localité 2] N° SIRET : 844 935 486 représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP d'avocats HUVELIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R285 assistée par Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE, toque : A134 INTIMEE S.A.S. ARPS TECHNOLOGIES prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Localité 8] N° SIRET : 851 028 308 Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 assistée par Me Aymeric LOUVET, avocat au barreau de Montpellier COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Patricia LEFEVRE, conseillère dans les conditions prévues par les article 804, 805 et 905 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN ARRET : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier lors de la mise à disposition. ****** La Sarl UPCR (Siren n°353211949) avait pour activité l'ingénierie industrielle et le placement de main-d'oeuvre spécialisée. Elle a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 14 décembre 2017. Par un jugement en date du 11 décembre 2018, la juridiction consulaire a arrêté un plan de cession de la Sarl UPCR à la société Stela avec faculté de substitution. Le jugement de reprise acte l'engagement des cadres dirigeants de la société UPCR, dont M. [L] [S], de ne pas démarcher les clients repris par la société Stela pendant une période de 24 mois à compter de la date d'entrée en jouissance. La reprise est intervenue au profit d'une société créée à cet effet, la SAS UPCR (Siren n° 844935486). Faisant droit à une requête déposée le 2 avril 2021 aux termes de laquelle la SAS UPCR se plaignait d'actes de concurrence déloyale et plus précisément de la création par M. [S], le 22 mai 2019, de la société ARPS technologies et de démarchages dès août 2019 des clients habituels de la Sarl UPCR, le président du tribunal de commerce de Paris a, une par ordonnance en date du 8 avril 2021, commis la SCP [M] [T] et [X] [F] avec mission de se rendre au siège social de la société ARPS technologies [Adresse 3] afin notamment d'accéder à tous supports utiles et base à distance de données informatiques, de procéder à la recherche de tous fichiers ou messages contenant le nom d'un des clients UPCR qu'il énonce et de se faire remettre l'ensemble des contrats, mandats ou avenants signés avec ces mêmes clients. Les opérations de constat se sont déroulées, les 28 et 29 juin 2021. Lhuissier instrumentaire a requis l'assistance de Me [D], huissier à [Localité 6] compte tenu du transfert du siège social de la société ARPS à [Localité 8] (95 230). Les éléments collectés ont été copiés sur des clés USB placées sous séquestre. Par acte extra-judiciaire en date du 20 juillet 2021, la société ARPS technologies a fait assigner la société UPCR devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en rétraction de l'ordonnance du 8 avril 2021 et afin de voir détruits les éléments collectés. Par ordonnance contradictoire en date du 15 février 2022, le juge des référés a rétracté l'ordonnance du 8 avril 2021 et dit que la SCP Duparc et Flament, huissier devra restituer à la société ARPS Technologies, les pièces saisies, pièces qu'elle devra conserver en séquestre jusqu'à l'expiration du délai d'appel ou, en cas d'appel, jusqu'à décision définitive. Il a condamné la société UPCR à payer à la société ARPS technologies la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, rejetant toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties. Le 24 février 2022, la société UPCR a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 mai 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile, de réformer l'ordonnance entreprise et statuant de nouveau, de dire n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance du 8 avril 2021 qui sera confirmée dans toutes ses dispositions, sollicitant la condamnation de la société ARPS technologies au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 juin 2022, la société ARPS technologies soutient, au visa des articles 145, 493, 496 et 497 du code de procédure civile, la confirmation de l'ordonnance de rétractation du 15 février 2022 rendue au constat que le président du tribunal de commerce de Paris était territorialement incompétent pour ordonner les mesures d'instruction in futurum sollicitées le 2 avril 2021. A titre subsidiaire, si la décision critiquée n'était pas intégralement confirmée, elle sollicite sous divers constater reprenant ses moyens, la rétractation de l'ordonnance du 2 avril 2021et qu'il soit ordonné la destruction de l'ensemble des données recueillies et procès-verbaux réalisés par l'huissier de justice et à la société UPCR de ne pas utiliser ou de faire état des pièces ou des copies appréhendées. Elle sollicite en tout état de cause la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE,

LA COUR La société appelante critique la décision entreprise qui retient que le juge parisien saisi n'était pas compétent eu égard au transfert du siège social de la société ARPS technologie dans le ressort du tribunal de commerce de Pontoise, ainsi qu'il ressort de son immatriculation au registre du commerce de ce tribunal, le 3 février 2021. Elle fait valoir qu'elle disposait d'une option de compétence et pouvait saisir le juge susceptible de connaître l'instance au fond ou celui dit tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent être, même partiellement, exécutées. Elle expose que le président de la juridiction consulaire parisienne avait été saisi par une première requête le 13 novembre 2020, qu'il n'a pas voulu rendre son ordonnance en l'état considérant que la requête devait être rectifiée pour en restreindre la portée, qu'une première requête rectifiée a été transmise le 18 janvier 2021 et que sans nouvelle, son conseil a déposé une requête modifiée, le 2 avril 2020, qui a été enregistrée par le greffe et a pu enfin être soutenue devant le magistrat qui y a fait droit. Elle avance que la saisine de la juridiction date du 13 novembre 2020 soit à une date où le siège social de la société ARPS technologies était situé à [Localité 7] et elle en déduit que son transfert est sans incidence sur la recevabilité de sa requête. Elle avance qu'en tout état de cause, ses clientes sont localisées en différents lieux du territoire national et notamment dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, qu'elles ont été sollicitées par l'intimée et qu'en conséquence, elle dispose d'une option de compétence lui permettant de saisir le président de cette juridiction. La société intimée argue du transfert de son siège social depuis le 1er janvier 2021 et de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés du tribunal de grande instance de Pontoise, le 3 février 2021. Elle fait valoir que son siège social comme le lieu d'exécution des mesures d'instruction sont hors du ressort du tribunal de commerce de Paris. Elle relève que la saisine de la juridiction présidentielle date du 2 avril 2021, ainsi qu'il ressort de la requête enregistrée par le greffe et visée dans l'ordonnance querellée, aucun élément probant ne venant établir une saisine antérieure. Elle réfute toute option de compétence en l'absence d'indice de dommage subi dans le ressort du tribunal de commerce de Paris. Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L'article 493 du même code prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d'appel, saisie de l'appel d'une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d'instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, est investie des attributions du juge qui l'a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. En application des articles 42, 46 et 493 du code de procédure civile, le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est celui susceptible de connaître l'instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d'instruction in futurum doivent être, même partiellement, exécutées, étant rappelé que la compétence territoriale s'apprécie à la date d'introduction de la demande. La société ARPS technologies justifie du transfert de son siège social et de la publicité donnée à celui-ci par son immatriculation au registre de commerce et des sociétés de Pontoise, le 3 février 2021. Le juge consulaire parisien a statué au pied d'une ordonnance datée et enregistrée par le greffe le 2 avril 2021, seule visée dans sa décision du 8 avril 2021. La saisine effective de la juridiction avant cette date n'est pas établie. En effet, les projets de requête dont se prévaut la société appelante (ses pièces n°8 et 9) ne sont pas signés de son conseil, ni datés et aucun d'eux ne porte le cachet du tampon dateur du greffe du tribunal de commerce de Paris ou un numéro d'ordre. Les courriels adressées au greffe du tribunal de commerce de Paris, les 18 janvier et 22 février 2021 viennent simplement établir un contact de l'avocat postulant de l'appelante avec le greffe de la juridiction et le magistrat délégué. Ils ne prouvent pas, avant le 3 février 2021 date de la publicité du transfert du siège social de la société ARPS, la présentation d'une requête au sens de l'article 494 du code de procédure civile et son enregistrement par le greffe. Ni le lieu d'exécution de la mesure ordonnée ni le siège social de la société ARPS n'était au 2 avril 2021, dans le ressort du tribunal de commerce de Paris. Pour justifier du bien fondé de son choix de saisir la juridiction parisienne, la société UPCR prétend également que les entreprises clientes et sollicitées par la société ARPS technologies ont leurs sièges sur le ressort du tribunal de commerce de Paris. Or aucune des pièces qu'elle produit ne permet de constater un démarchage d'une société parisienne figurant sur la liste des clients repris par la société Stella ni ne constitue un indice précis donnant crédit à ses allégations. En effet, la seule pièce censée établir un démarchage prohibé (pièce UPCR 4) est un courriel adressé à M. [N] dont il n'est ni allégué ni démontré qu'il serait un client ou un employé d'un client repris par la société UPCR domicilié en région parisienne. En conséquence, faute de justifier du moindre indice d'un dommage subi dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, l'appelante ne peut pas se prévaloir de l'option de compétence de l'article 46 du code de procédure civile, qui en matière délictuelle, autorise la saisine de la juridiction du lieu du fait dommageable ou dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. Il s'ensuit, ainsi que l'a retenu le juge des référés qu'à la date de sa saisine, le président du tribunal de commerce de Paris était incompétent pour statuer sur la requête présentée le 2 avril 2021 par la société UPCR. La décision de rétractation sera confirmée. Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles seront confirmées. La société UPCR sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par l'intimée pour assurer sa défense devant la cour.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue le 15 février 2022 ; Y ajoutant, Condamne la société UPCR à payer à la société ARPS technologies la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT