Cour de cassation, Chambre sociale, 22 février 2006, 04-40.041

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2006-02-22
Cour d'appel de Rouen (chambre sociale)
2003-11-04

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu que selon l'arrêt attaqué, la société Conté, filiale du Groupe BIC qui avait décidé de fermer l'unité de production de Saint-Aubin-les-Elbeuf pour transférer son activité sur le site de production de Boulogne-sur-Mer a engagé une procédure de licenciement pour motif économique, que les salariés qui avaient refusé leur mutation sur ce site ont été licenciés pour motif économique par une lettre du 26 mai 1998 invoquant une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ;

Sur le premier moyen

pris en ses première, deuxième et quatrième branches :

Attendu qu'il est fait grief à

l'arrêt d'avoir alloué à M. X... et dix sept autres salariés de l'entreprise des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1 / que la cessation définitive d'activité d'un établissement constitue un motif économique de licenciement économique dès lors qu'elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le licenciement des salariés de la société Conté était motivé par la fermeture de l'établissement de Saint-Aubin sur lequel ils travaillaient ; qu'en affirmant néanmoins que les licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse sans caractériser une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ; 2 / qu'en tout état de cause la réorganisation de l'entreprise peut constituer une cause économique de licenciement sans être liée à des difficultés économiques dès lors qu'elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; qu'en l'espèce pour dire sans cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés pour motif économique, la cour d'appel s'est bornée à une simple analyse comptable et financière passée ou contemporaine des licenciements de la société et du groupe dont elle relevait pour en déduire que la situation économique de la société Conté et du groupe dont elle relevait était prospère et qu'aucune menace ne pesait sur sa compétitivité en 1997 ; qu'en se fondant sur ces considérations inopérantes sans rechercher, concrètement, ainsi qu'il lui était demandé, si la fermeture de l'établissement, expliquée par la nécessité de réduire les prix de revient pour améliorer sa capacité d'autofinancement et restaurer sa rentabilité, n'était pas nécessaire pour sauvegarder à terme la compétitivité de l'entreprise, dans un secteur que les juges ont qualifié de fortement concurrentiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ; 3 / que la société Conté faisait valoir dans ses conclusions d'appel que seule l'innovation et la création de nouveaux produits pouvaient lui permettre d'atténuer les effets de la guerre des prix sur les produits qu'elle commercialisait et qu'elle devait donc, pour assurer sa survie, protéger ses marges afin de réaliser les dépenses de recherche et de développement indispensables ; que dans les documents d'information du CCE des 24 octobre 1997 et 12 janvier 1998, comme dans les lettres de licenciement du 26 mai 1998, elle justifiait également la réorganisation par la nécessité de réduire les prix de revient pour restaurer sa capacité d'autofinancement indispensable à son développement futur ; qu'en reprochant alors à la société Conté d'avoir investi très largement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si ces investissements, qu'elle qualifiait d'indispensables à sa survie, ne justifiaient pas au contraire le transfert du site de Saint-Aubin réalisé pour réduire les coûts de production et restaurer sa capacité de financement de ses investissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui a constaté que la situation de l'entreprise comme du groupe était prospère et que le choix de réduire les effectifs de l'entreprise avait été effectué pour augmenter les profits et non pour sauvegarder la compétitivité du secteur du groupe auquel appartient, a légalement justifié sa décision ;

Mais sur le second moyen

:

Vu

l'article L. 122-32-6 du Code du travail ; Attendu que pour allouer à M. X..., salarié compris dans le licenciement économique, un complément d'indemnité compensatrice de préavis équivalent au montant des indemnités journalières de la sécurité sociale versée pendant la période de suspension du contrat de travail à la suite d'un accident du travail survenu en avril 1999 qui en avait été déduit, l'arrêt confirmatif retient qu'il n'appartient pas à l'employeur d'opérer une réduction sur le montant de l'indemnité qu'il doit verser au salarié au titre de l'article L. 122-32-6 du Code du travail ;

Qu'en statuant ainsi

sans avoir constaté que M. X..., licencié le 26 mai 1998, l'avait été en violation des dispositions de l'article L. 122-35-2 alinéa 4 du Code du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième, cinquième et sixième branche du premier moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... un complément d'indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 4 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne M. X... et la société Conté aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Conté à payer la somme globale de 2 500 euros aux salariés à l'exception de M. X... ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille six.