Cour de cassation, Chambre sociale, 18 décembre 1996, 94-41.235

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1996-12-18
Cour d'appel d'Agen (chambre sociale)
1994-01-11

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par l'entreprise à responsabilité limitée (EARL) du domaine de Tourne, dont le siège est 47600 Calignac, Nérac, en cassation d'un arrêt rendu le 11 janvier 1994 par la cour d'appel d'Agen (chambre sociale), au profit de M. Christian Y..., demeurant : 47600 Fieux, Nérac, défendeur à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 novembre 1996, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, M. Ferrieu, conseiller, MM. Richard de la Tour, Soury, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre; Sur le rapport de M. Monboisse, conseiller, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de l'EARL du domaine de Tourne, de la SCP Gatineau, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi; Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Agen, 11 janvier 1994), M. Y... a été engagé par M. Z..., propriétaire exploitant du domaine de Tourne à compter du 1er juillet 1988; qu'il a ensuite continué à travailler pour le compte de l'EARL du domaine de Tourne exploité par M. Thierry Z... jusqu'à la date de son licenciement intervenu le 11 juin 1992; que prétendant que son salaire aurait dû être fixé en tenant compte de sa qualification de chef de culture, et que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale;

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, d'une part, que dans son attestation qui constituait le principal élément de preuve versé aux débats par l'employeur, M. X... constatait que M. Y... refusait d'appliquer la méthode de traitement de la vigne conseillée; qu'en estimant, pour la rejeter, que cette attestation ne concernait pas directement les faits visés dans la lettre de licenciement, tout en relevant que l'employeur y avait fait grief au salarié de refuser d'effectuer des traitements malgré sa demande expresse, la cour d'appel a dénaturé les éléments de preuve versés aux débats et violé l'article 1134 du Code civil; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, relever qu'il résultait de l'attestation de M. X... que M. Y... refusait de changer de méthode pour les traitements chimiques, bien que celle qu'il utilisait était aberrante et estimer que cette attestation ne concernait pas directement les faits visés dans la lettre de licenciement, c'est-à-dire le refus d'effectuer des traitements malgré la demande expresse de l'employeur; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu

que la cour d'appel, appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé, hors toute dénaturation et sans se contredire que l'employeur ne faisait pas la preuve de l'insubordination alléguée dans la lettre de licenciement à l'encontre de M. Y...; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen

:

Attendu que l'employeur fait encore grief à

l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. Y... des sommes à titre de rappel de salaire, de solde d'indemnité compensatrice de préavis, et de complément d'indemnité de licenciement; alors, selon le moyen, d'une part, que les juges prud'homaux ne peuvent estimer qu'un salarié a été volontairement surqualifié que s'ils caractérisent l'intention de l'employeur de procéder à une telle surqualification; que cette intention ne peut résulter de la seule inscription prolongée d'un coefficient de qualification sur les bulletins de paie ni davantage d'une attestation établie par un conseiller viticole affirmant que l'intéressé était un travailleur acharné, disposé à arroser une jeune plantation le dimanche, ce dont il résultait seulement que M. Y... avait manifesté dans son travail une certaine conscience professionnelle à l'exclusion de toute déduction utile sur la qualification hiérarchique du salarié; que, dès lors, en statuant comme ils l'ont fait, les juges n'ont pas donné de base légale à leur décision, au regard de l'article 1134 du Code civil; et alors, d'autre part, que l'article 69 de la convention collective du travail du 12 juillet 1983, concernant les exploitants agricoles de Lot-et-Garonne précise que le chef de culture classé à l'échelon A est un "cadre technique conduisant l'exploitation et dirigeant les travaux suivant les directives générales préalablement établies de l'employeur ou d'un cadre supérieur"; qu'en estimant que M. Y... avait la qualité de cadre technique, échelon A au seul motif qu'il avait la responsabilité des cultures, ce qui était inévitable dès lors qu'il était le seul salarié agricole de l'entreprise sans rechercher s'il conduisait l'exploitation et dirigeait les travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 69 susvisé;

Mais attendu

qu'ayant relevé que les bulletins de salaire de M. Y... avaient porté la qualification de chef de culture ainsi que le coefficient correspondant et que celui-ci avait assuré la responsabilité des travaux de culture du domaine qui lui était confié, la cour d'appel a exactement décidé que l'intéressé avait droit à la qualification de chef de culture, échelon A; que le moyen n'est pas fondé;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne l'EARL du domaine de Tourne aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne l'EARL du domaine de Tourne à payer à M. Y... la somme de 10 674 francs; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-seize.