Cour administrative d'appel de Paris, 4ème Chambre, 8 décembre 2015, 13PA00567

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    13PA00567
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Paris, 13 décembre 2012
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000031647731
  • Rapporteur : Mme Lorraine D'ARGENLIEU
  • Rapporteur public :
    M. CANTIE
  • Président : Mme HAMON
  • Avocat(s) : BORGHESE ET ASSOCIES
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Paris
2015-12-08
Tribunal administratif de Paris
2012-12-13

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'établissement public du musée du quai Branly, l'Etat, le Muséum national d'histoire naturelle et le musée de l'Homme à lui verser la somme de 2 300 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'impossibilité de céder à titre onéreux une sculpture Bembe qu'il a acquise en 1981, de lui donner acte de son offre de restitution de la statuette sous réserve du versement entre ses mains de l'indemnisation du préjudice subi, et de mettre à la charge des défendeurs la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1109371/7-1 en date du 13 décembre 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande présentée par M. B...et a mis à sa charge le versement de la somme de 2 000 euros à l'établissement public du musée du quai Branly sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 12 février 2013, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 décembre 2012 ; 2°) d'ordonner à l'établissement public du musée du quai Branly de communiquer la version originale de ses pièces numérotées 34(1), 34(2) et 43 ; 3°) de condamner l'Etat, le Muséum national d'histoire naturelle, le musée de l'Homme et l'établissement public du musée du quai Branly à lui verser la somme de 2 300 000 euros en réparation du préjudice subi ; 4°) de condamner les défendeurs à procéder, à leurs frais, à la publication d'un texte, en français ou en anglais, dans dix publications de son choix, accompagnée d'une photographie de la statuette, reprenant le sens de la décision rendue par la Cour en sa faveur et consacrant ses droits ; 5°) de mettre à la charge des défendeurs le versement de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a acquis la sculpture de bonne foi en 1981, en ayant accompli toutes les diligences requises ; rien ne permettait de rattacher l'objet à la France ou d'avoir un doute quant à son origine ; - la rumeur qui a commencé à courir la veille de sa mise en vente en 1983 a fait obstacle à l'adjudication de la sculpture ; - alors qu'il avait trouvé un acquéreur, la vente de l'objet n'a pu avoir lieu en raison de la réclamation émanant du musée de l'Homme, qui n'a fourni aucune preuve afin d'établir qu'il s'agissait d'une oeuvre dérobée et n'a pas revendiqué officiellement la restitution de l'oeuvre ; - les responsables du musée de l'Homme, puis ceux du musée du quai Branly, se sont fondés à tort sur les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité visés par les articles L. 451-3 et L. 451-4 du code du patrimoine, dès lors que l'objet n'est pas localisé en France ; - aucun document attestant d'une déclaration de vol ou d'un dépôt de plainte n'a été produit ; - il a ainsi été injustement privé depuis 1983 du droit de jouir de sa propriété sur la sculpture ; - il n'est pas établi par les pièces produites que la statuette en sa possession, qui présente des différences significatives, est celle qui a été volée au musée de l'Homme ; - l'impossibilité de vendre son bien trouve son origine dans les manquements des institutions mises en cause et de leur tutelle à leurs obligations ; - son appel est recevable ; - il a toujours justifié des conditions dans lesquelles il s'est rendu acquéreur de la statuette dont il est propriétaire et n'avait aucune raison de faire procéder à une expertise de l'objet ; - les institutions en cause, en faisant obstacle à la circulation de l'objet sur le marché de l'art international pendant plus de trente ans, ont violé les règles issues de la convention de l'Unesco du 14 novembre 1970 et de la convention Unidroit du 24 juin 1995, qui sont applicables en droit interne, de la directive n°93/7/CEE du 15 mars 1993, du code de déontologie du Conseil international des musées et de la circulaire du 16 avril 1997 portant charte de déontologie des conservateurs du patrimoine ainsi que de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors même que les conventions précitées ne seraient entrées en vigueur que postérieurement au vol allégué ; - sa bonne foi ayant été admise dès l'origine du litige, ces institutions auraient dû renoncer à toute action ou agir en vue de permettre son retour dans le patrimoine national ; or, aucune indemnisation équitable ne lui a été proposée ; - les institutions en cause ont fait preuve de déloyauté en profitant de leur position dans le monde de l'art international ; - l'absence d'action de l'Etat et des musées en cause tendant à revendiquer la statuette constitue une violation de l'obligation de conservation et d'entretien qui leur incombe. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2013, l'établissement public du musée du quai Branly, représenté par la Scp d'avocats Lemonnier - Delion - Gaymard - Rispal - Chatelle, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 15 000 euros soit mis à la charge de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2013, la ministre de la culture et de la communication conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par ordonnance du 6 mai 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2015. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête. Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. La clôture de l'instruction, initialement fixée au 22 mai 2015, a été reportée au 30 juin 2015 par ordonnance du 26 mai 2015. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; - la convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, signée le 14 novembre 1970, et le décret n°97-435 du 25 avril 1997 portant publication de cette convention ; - la directive 93/7/CEE du Conseil, du 15 mars 1993, relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre ; - le code du domaine de l'Etat ; - le code général des propriétés des personnes publiques ; - le code du patrimoine ; - le décret n°2004-1350 du 9 décembre 2004 relatif au statut de l'Etablissement public du musée du quai Branly ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme d'Argenlieu, - les conclusions de M. Cantié, rapporteur public, - et les observations de Me Bouchardeau, avocat de M.B..., - et les observations de Me Delion, avocat du musée du quai Branly. 1. Considérant que M.B..., collectionneur d'art résidant à New-York (Etats-Unis d'Amérique), a fait l'acquisition en 1981 auprès d'un marchand d'art belge d'une statuette ancienne, issue du groupe ethnique des Bembe, provenant de la République du Congo ; qu'en 1983, M. B...a confié au département africain de la maison de vente Sotheby's la présentation aux enchères publiques de sa collection d'art africain ; qu'à cette occasion, le président de la société des " amis du musée de l'Homme " a affirmé que la statuette acquise par M. B...aurait été volée, après-guerre, dans les collections de ce musée ; que la statuette n'ayant pas trouvé acquéreur, M. B...est resté en possession du bien ; qu'après avoir engagé en 2009 des négociations avec le président du musée du quai Branly en vue de la restitution de la statuette qui aurait été illégalement soustraite des collections dont cette institution est devenue dépositaire, M. B...lui a proposé, par une lettre du 8 février 2011, de la restituer moyennant le versement d'une indemnité d'un montant de 2 300 000 euros, correspondant à la valeur de l'oeuvre sur le marché international de l'art ; que, suite au silence gardé par l'administration sur cette demande, il a saisi le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement en date du 13 décembre 2012, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, de l'établissement public du musée du quai Branly, du muséum national d'histoire naturelle et du musée de l'Homme à lui verser la somme de 2 300 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de céder à titre onéreux la statuette, et à ce qu'il lui soit donné acte de son offre de restitution de celle-ci sous réserve du versement entre ses mains de cette indemnité ; que, dans le cadre de l'appel dirigé contre ce jugement, M. B...qui ne reprend pas ses conclusions tendant à ce qu'il soit donné acte de son offre de restitution, doit être regardé comme les ayant abandonnées ; 2. Considérant que si la société des amis du musée de l'Homme, puis le président du musée du quai Branly ont, à plusieurs reprises, entre 1983 et 1989, puis à compter de 2009, informé M. B... qu'ils considéraient la statuette mise en vente par lui en 1983 comme illégalement soustraite des collections du musée de l'Homme, dont le musée du quai Branly est devenu dépositaire à compter de 2005, la seule circonstance que ces institutions n'aient pas introduit d'action judiciaire aux fins de restitution de ce bien, qui n'a pas été officiellement déclaré comme volé, n'est pas par elle-même constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de l'établissement public du musée du Quai Branly, du muséum national d'histoire naturelle et du musée de l'Homme mis en cause par M.B..., compte tenu des éléments en leur possession quant aux très grandes similitudes entre la statuette en possession de M. B...et celle disparue des collections du musée de l'Homme, à une date indéterminée antérieure à 1981 ; qu'au surplus, M. B..., qui est resté en possession de cette statuette sans discontinuer, et en avait la complète disposition en l'absence de toute procédure judiciaire ou déclaration publique la concernant, n'établit pas qu'il aurait été mis dans l'impossibilité, depuis 1983, de vendre celle-ci du fait d'un quelconque agissement de l'Etat ou des institutions dont il demande la condamnation ; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées ; 2. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande indemnitaire ;

Sur le

s conclusions aux fins de publication du présent arrêt : 3. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif de prescrire la publication de ses décisions ; que, par suite, les conclusions susvisées ne sont pas recevables ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 4. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de l'une des parties ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public du musée du quai Branly sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la ministre de la culture et de la communication, à la ministre de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'établissement public du musée du quai Branly, au Muséum national d'histoire naturelle, et au musée de l'Homme. Délibéré après l'audience du 24 novembre 2015, à laquelle siégeaient : - Mme Hamon, président, - M. Privesse, premier conseiller, - Mme d'Argenlieu, premier conseiller. Lu en audience publique, le 8 décembre 2015. Le rapporteur, L. d'ARGENLIEULe président assesseur, En application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative P. HAMONLe greffier, A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. '' '' '' '' 2 N° 13PA00567