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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 25 juillet 2024, 2409965

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
  • Numéro d'affaire :
    2409965
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Décision
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 et 23 juillet 2024, M. B C, représenté par Me Godemer demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2024 par lequel le ministre de l'intérieur et des outre-mer a prononcé à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance pour une durée de trois mois ainsi que l'arrêté modificatif du 5 juillet 2024 ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ; - il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le ministre n'apporte pas la preuve que le ministère public a été informé de l'arrêté en litige conformément aux dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure ; - il est entaché d'une erreur de fait ; - il est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits dès lors qu'il ne constitue pas une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qu'il n'est pas en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ni ne soutient, diffuse ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. - il porte atteinte à sa liberté d'aller et venir. Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé. Un mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 2024, a été présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer dans les conditions prévues à l'article L. 773-9 du code de justice administrative et n'a pas été soumis au débat contradictoire. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. A été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. X, président-rapporteur. - les conclusions de M. U, rapporteur public, - et les observations de Me Godemer représentant M. C. La clôture d'instruction est intervenue à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un arrêté du 23 juin 2024 modifié le 5 juillet 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a, sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure, pris à l'encontre de M. B C, ressortissant français né le 31 mars 1978, une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance aux termes de laquelle, il a interdiction de se déplacer sans autorisation préalable hors du territoire de la commune de Puteaux (Hauts-de-Seine) pendant une durée de trois mois et doit, pendant la même durée, se présenter une fois par jour au commissariat de police de Courbevoie. M. C demande au tribunal l'annulation des arrêtés du ministre de l'intérieur et des outre-mer des 23 juin 2024 et 5 juillet 2024. 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. / Toutefois, les décisions fondées sur des motifs en lien avec la prévention d'actes de terrorisme sont prises dans des conditions qui préservent l'anonymat de leur signataire. Seule une ampliation de cette décision peut être notifiée à la personne concernée ou communiquée à des tiers, l'original signé, qui seul fait apparaître les nom, prénom et qualité du signataire, étant conservé par l'administration ". Aux termes de l'article L. 773-9 du code de justice administrative : " Les exigences de la contradiction mentionnées à l'article L. 5 sont adaptées à celles de la protection de la sécurité des auteurs des décisions mentionnées au second alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. / Lorsque dans le cadre d'un recours contre l'une de ces décisions, le moyen tiré de la méconnaissance des formalités prescrites par le même article L. 212-1 ou de l'incompétence de l'auteur de l'acte est invoqué par le requérant ou si le juge entend relever d'office ce dernier moyen, l'original de la décision ainsi que la justification de la compétence du signataire sont communiqués par l'administration à la juridiction qui statue sans soumettre les éléments qui lui ont été communiqués au débat contradictoire ni indiquer l'identité du signataire dans sa décision. ". 3. D'une part, les arrêtés attaqués ayant été pris pour des motifs liés à la prévention des actes de terrorisme, ces mesures sont au nombre de celles qui, en application des dispositions précitées, peuvent faire l'objet d'une notification régulière sous la forme d'une ampliation anonyme. D'autre part, le ministre a produit devant le tribunal, dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article L. 773-9 du code de justice administrative, l'original des arrêtés attaqués, qui revêtent l'ensemble des mentions requises par le premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, dont notamment l'identité et la signature de leur auteur, lesquels disposaient d'une délégation régulière attribuée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires des arrêtés attaqués doit être écarté. 4. En deuxième lieu, si M. C soutient que le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent n'auraient pas été destinataires de l'information préalable prévue par les dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, cette circonstance est sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués dès lors que cette information ne constitue pas une procédure préalable obligatoire à l'adoption de telles mesures. Au demeurant, cette information a bien été transmise à ces procureurs, comme il ressort de la copie du courriel du 5 juin 2024, communiquée par le ministre en défense. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure : " Aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme, toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes peut se voir prescrire par le ministre de l'intérieur les obligations prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 228-2 du même code : " Le ministre de l'intérieur peut, après en avoir informé le procureur de la République antiterroriste et le procureur de la République territorialement compétent, faire obligation à la personne mentionnée à l'article L. 228-1 de : / 1° Ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune. La délimitation de ce périmètre permet à l'intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle et s'étend, le cas échéant, aux territoires d'autres communes ou d'autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence ; / 2° Se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, dans la limite d'une fois par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et jours fériés ou chômés ; / 3° Déclarer et justifier de son lieu d'habitation ainsi que de tout changement de lieu d'habitation. / () Les obligations prévues aux 1° à 3° du présent article sont prononcées pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision du ministre. () ". 6. Il résulte des dispositions de l'article L. 228-1 du code de la sécurité intérieure que les mesures qu'il prévoit doivent être prises aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme et sont subordonnées à deux conditions cumulatives, la première tenant à la menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics résultant du comportement de l'intéressé, la seconde aux relations qu'il entretient avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme ou, de façon alternative, au soutien, à la diffusion ou à l'adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. 7. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une note des services de renseignement que M. C est à l'origine de violences commises contre son épouse du 1er au 28 février 2022 et contre sa fille âgée de dix-sept ans, les 20 et 21 février 2023, après avoir appris que cette dernière avait un petit ami. Sa fille s'est vue délivrer trente jours d'incapacité totale de travail en conséquence des coups portés à son encontre par son père et sa séquestration dans la cave du domicile familial. L'enquête a permis d'établir que l'intéressé imposait à sa fille depuis trois ans de porter le voile islamique, lui interdisait de sortir sans lui et lui imposait de porter des socquettes au motif que personne ne devait voir ses chevilles. Par un jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 23 février 2023, M. C a été condamné, pour ces faits de violence, à une peine d'emprisonnement de vingt-quatre mois dont douze mois avec sursis et au retrait de l'autorité parentale. Par ailleurs, l'enquête réalisée à l'occasion des faits de violences commis par l'intéressé, a permis de mettre en exergue une pratique rigoriste par ce dernier de l'islam au sein de la cellule familiale et qu'il est porteur d'une tabâa (marque sur le front liée aux rites de prière) prononcée. Il ressort encore de cette note des services de renseignement que M. C n'a pas admis sa peine et a entretenu un discours victimaire selon lequel il a été condamné plus sévèrement que les autres en raison de ses origines. Il a évoqué le racisme et les discriminations que vivraient les musulmans de France et a déclaré que " les juifs ont accès à tout et que les chrétiens n'acceptent les musulmans que s'ils s'intègrent " et il s'est qualifié de " sauveur de sa famille " par son éducation stricte. Enfin, M. C a fréquenté sept individus radicalisés, nommément désignés dans la note des services de renseignement, dont certains font l'objet de mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. 8. Si M. C, qui ne conteste pas sa pratique rigoriste de sa religion, soutient qu'il n'a pas tenu les propos rappelés dans la note des services de renseignement et a accepté la peine d'emprisonnement prononcée à son encontre puisqu'il n'a pas fait appel du jugement du tribunal correctionnel, il procède sur ce point par simple affirmation et ne remet pas en cause valablement la teneur de cette note qui est précise et circonstanciée. Au demeurant, ces allégations ne remettent pas en cause la nature et la gravité des faits pour lesquels il a fait l'objet d'une condamnation pénale. Ainsi, eu égard à la nature et à la gravité des faits pour lesquels M. C a été condamné, le ministre n'a pas commis d'erreur de qualification juridique des faits ni d'erreur d'appréciation en considérant qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le comportement de l'intéressé constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics. Par ailleurs, M. C soutient ne pas connaître quatre des personnes identifiées dans la note des services de renseignement comme des individus radicalisés, dès lors notamment qu'il n'a pas été incarcéré avec l'une de ces personnes, contrairement à ce qui est mentionné dans cette note, et indique que s'il a rencontré deux autres personnes citées dans la note en cause, ces rencontres sont anciennes, ont été réalisées dans le cadre professionnel ou associatif et il n'a pas entretenu de liens particuliers avec ces personnes. Toutefois, le requérant, qui admet ou ne conteste pas connaitre au moins deux personnes faisant l'objet actuellement de mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, ne remet pas valablement en cause, par de simples affirmations, la teneur de la note des services de renseignement qui est précise et circonstanciée sur l'existence de ses liens avec des personnes identifiées pour leur radicalisation. Dans ces conditions, compte tenu de ces éléments et du contexte de menace terroriste élevée liée notamment aux événements du Proche-Orient ainsi qu'à l'ouverture des Jeux olympiques, le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur de qualification juridique des faits ni encore d'erreur d'appréciation en considérant que M. C doit être regardé comme entrant en relation de manière habituelle avec des personnes incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme et comme adhérent à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes et en prenant à son encontre une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance. 9. En quatrième lieu, si M. C soutient qu'il ne peut plus exercer sa profession d'ambulancier compte tenu de la mesure de surveillance dont il fait l'objet et ne peut plus subvenir au besoin de sa famille, il indique, dans ses écritures, effectuer des gardes quotidiennes pour le SAMU et poursuit ainsi une activité professionnelle. Par ailleurs, eu égard à la durée des mesures résultant des arrêtés contestés, à leurs autres modalités, concernant notamment leur contrôle, le périmètre dans lequel M. C est astreint à demeurer, et la possibilité d'obtenir un sauf-conduit sur demande motivée, et compte tenu des faits énoncés aux points 7 et 8, qui caractérisent une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre publics ainsi qu'une relation avec des personnes incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme et une adhésion à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes, les arrêtés contestés ne peuvent être regardés comme portant une atteinte excessive et manifestement illégale à la liberté d'aller et de venir de M. C. 10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. C doit être rejeté en toutes ses conclusions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 24 juillet 2024, à laquelle siégeaient : M. X, président, M. Y, premier conseiller, Mme Z, conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024. Le président-rapporteur, signé M. X L'assesseur le plus ancien, signé M. YLa greffière, signé Mme A La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°2409965

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