LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 mai 2019), que M. H..., se déclarant mineur pour être né le [...] à Abobo (Côte d'Ivoire) et isolé sur le territoire français, a saisi, le 8 juin 2018, le juge des enfants afin d'être confié à l'aide sociale à l'enfance ;
Attendu que M. H... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à assistance éducative à son égard, alors, selon le moyen, que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que pour ôter leur force probante aux actes produits par l'exposant pour justifier sa minorité (extrait d'acte de naissance du 19 septembre 2018 et copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 25 octobre 2018), la cour d'appel, après avoir constaté que ces actes étaient des actes d'état civil au sens de l'article
47 du code civil, a cru pouvoir reprocher à l'exposant de ne pas avoir produit le jugement supplétif n° 1079 du 15 février 2017 du tribunal d'Abidjan-Plateau sur la base duquel ces actes avaient été établis, au prétexte que ce jugement constituait prétendument « le fondement même de l'état civil d'J... H... » ; qu'en ôtant ainsi toute force probante à des actes d'état civil par des motifs impropres à établir que les actes étaient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la cour d'appel a violé l'article
47 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate, d'abord, que M. H..., après avoir remis, lors de son accueil provisoire, un extrait d'acte de naissance n° 30150 daté du 22 décembre 2017, ne faisant apparaître ni la mention du sexe de l'enfant ni celle de la nationalité de ses parents, a produit, au cours de l'instance d'appel, un nouvel extrait délivré le 19 septembre 2018 et une copie intégrale de ce même acte établie le 25 octobre 2018 ; qu'il relève, ensuite, que celui-ci n'a pas communiqué le jugement supplétif d'acte de naissance n° 1079 du 15 février 2017 du tribunal d'Abidjan-Plateau sur la base duquel ces derniers actes ont été établis, ce qui ne permet aucun contrôle ; que, de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a souverainement déduit que les documents produits n'étaient pas probants au sens de l'article
47 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième branches du même moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. H... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. H...
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à assistance éducative au profit d'J... H... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la procédure d'assistance éducative est applicable à tous les mineurs non émancipés qui se trouvent sur le territoire français quelque soit leur nationalité, si leur santé, leur moralité, leur sécurité sont en danger ou si les conditions de leur éducation ou de leur développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ;
Que la détermination de l'âge d'une personne est établie en tenant compte des actes d'état civil ;
Qu'aux termes de l'article
47 du code civil, tout acte de l'état civil des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes en usage dans ce pays, fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;
Que par ailleurs, selon l'article
388 du même Code, ‘‘Le mineur est l'individu de l'un ou l'autre sexe qui n'a point encore l'âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé.
Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé.
En cas de doute sur la minorité de l'intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d'un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires'' ;
Qu'il sera rappelé à titre liminaire qu'il n'existe en l'état de la législation applicable à la cause, aucune présomption de minorité ; que s'il est certain que dans un avis du 8 juillet 2014, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a recommandé ‘‘à l'égard de ceux qui se revendiquent mineurs, que le principe soit celui de la présomption de minorité'', elle a précisé que la présomption de minorité est ‘‘elle-même fondée sur deux présomptions : celle d'authenticité des documents produits et celle de légitimité de leur détenteur'' et que ‘‘ces présomptions sont simples'' ;
Que l'article
9 du code de procédure civile énonce qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que dans le cas d'espèce, il appartient à J... H..., demandeur à la protection due aux mineurs, de faire la preuve de sa minorité ;
Que le juge des enfants a considéré qu'au regard des divergences mises en lumière par l'évaluation sociale, ainsi que des avis défavorables émis par le bureau de la fraude documentaire de la Police aux Frontières, la minorité d'J... H... n'était pas établie ; qu'il s'est de ce fait déclaré incompétent ;
Qu'en cause d'appel, J... H... a produit de nouveaux documents suivants :
- un extrait d'acte de naissance le concernant daté du 19 septembre 2018, légalisé par le Consulat de Côté d'ivoire à Paris le 11.02.2019,
- une copie intégrale d'acte de naissance le concernant délivrée le 25 octobre 2018,
- un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 28 novembre 2018 ;
Qu'à titre liminaire, il sera observé que seuls les deux premiers documents ont valeur d'acte d'état civil au sens de l'article
47 du code civil, et que l'extrait d'acte de naissance et la copie intégrale produits en cause d'appel ont été établis sur la base d'un jugement supplétif n° 1079 du 15/02/2017 du Tribunal d'Abidjan-Plateau qui n'est nullement produit aux débats ; que la force probante des deux documents en possession de la cour dépend donc de ce jugement supplétif en ce que ce jugement constitue le fondement même de l'état civil d'J... H... ; que l'absence aux débats de ce jugement fragilise donc les deux documents produits, ainsi que l'indiquait à juste titre le bureau de la fraude documentaire de la Police aux frontières : en effet, aucun contrôle de la cohérence ne peut être fait ;
Qu'il apparaît surprenant qu'J... H... qui a pu se procurer de nouveaux documents d'Etat civil auprès de tiers dans son pays, n'a pas cru bon de solliciter une copie de ce jugement supplétif d'acte de naissance, voire un extrait de ce jugement dont l'importance, au vu de l'analyse du bureau de la fraude documentaire, n'a pu échapper à son Avocat ;
Que l'absence de ce jugement supplétif fragilise donc l'authenticité des documents d'état civil produits, lesquels ne peuvent à eux seuls attester de la minorité de l'intéressé ;
Que par ailleurs, ainsi que l'indiquait le juge des enfants, les nombreuses et importantes incohérences qui sont apparues au travers du discours d'J... H... lors de son évaluation, jettent un doute sérieux sur la sincérité de son récit, et par là même sur le caractère rattachable des actes d'état civil à sa personne, étant observé que les éléments périphériques produits sont insuffisants à cet égard dès lors que d'une part, font également défaut les jugements supplétifs sur la base desquels ont été établis les deux extraits d'acte de décès, et d'autre part, le certificat de nationalité a été établi le 28 novembre 2018 sur la base d'une carte de nationalité datée de 2009, dont le détenteur est décédé depuis 2015 ;
Que l'ensemble de ces éléments crée un faisceau d'indices duquel il résulte que la minorité d'J... H... n'est nullement établie ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à intervention du juge des enfants au titre de la protection de l'enfance ; que le jugement doit être réformé en ce que le juge des enfants s'est improprement déclaré incompétent concernant la situation d'J... H... » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « il résulte de l'évaluation sociale diligentée par le Conseil départemental que la minorité était contestée ; qu'en effet, de nombreuses incohérences sont apparues dans son discours (que le jeune disant être âgé de 16 ans alors qu'il n'en a, selon la date de naissance qu'il affirme, seulement 15 ans au moment de l'entretien ; qu'il décrit un trajet direct entre Briançon et Quimper qui n'existe pas ; qu'il aurait bénéficié de l'aide d'inconnus pour quitter le pays qui auraient financé son trajet, puis de l'aide d'un geôlier en Lybie sans contrepartie, notamment) ; qu'il remet un formulaire de demande d'asile rempli à Briançon (alors même qu'il dit ne pas y avoir formulé de demande d'asile
) sur lequel la date de naissance apparente est 2000, grossièrement maquillée en 2002 ;
Que des investigations pénales ont été diligentées par le Parquet, aux fins de vérifier les papiers d'identité présentés par J... H... ; qu'il en résulte que la DZPAF a transmis un avis défavorable concernant l'extrait du registre des actes de l'Etat civil, au regard de l'absence de mention du sexe de l'enfant et de la nationalité des parents ; que la DZPAF conclue également à un avis défavorable concernant les extraits du registre des actes de l'Etat civil concernant le décès des parents, faute de jugement supplétif permettant le contrôle de cohérence ;
Qu'il convient de rappeler, selon la jurisprudence désormais établie par la Cour d'appel de Rennes, qu'il n'existe pas de présomption de minorité, et qu'il appartient à la personne qui demande à bénéficier d'une protection dans le cadre de l'assistance éducative de justifier de sa minorité ;
Qu'en l'espèce, tel n'est pas le cas, la minorité n'étant établie ni à l'issue de l'évaluation sociale, ni après analyse documentaire ;
Que dans ces conditions, le Juge des enfants n'apparaît pas compétent » ;
1°/ ALORS QUE tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que pour ôter leur force probante aux actes produits par l'exposant pour justifier sa minorité (extrait d'acte de naissance du 19 septembre 2018 et copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 25 octobre 2018), la Cour d'appel, après avoir constaté que ces actes étaient des actes d'état civil au sens de l'article
47 du code civil, a cru pouvoir reprocher à l'exposant de ne pas avoir produit le jugement supplétif n° 1079 du 15/02/2017 du Tribunal d'Abidjan-Plateau sur la base duquel ces actes avaient été établis, au prétexte que ce jugement constituait prétendument « le fondement même de l'état civil d'J... H... » ; qu'en ôtant ainsi toute force probante à des actes d'état civil par des motifs impropres à établir que les actes étaient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondaient pas à la réalité, la Cour d'appel a violé l'article
47 du code civil ;
2°/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que pour ôter leur force probante aux actes produits par l'exposant pour justifier sa minorité (extrait d'acte de naissance du 19 septembre 2018 et copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 25 octobre 2018), la Cour d'appel a cru pouvoir reprocher à l'exposant de ne pas avoir produit le jugement supplétif n° 1079 du 15/02/2017 du Tribunal d'Abidjan-Plateau sur la base duquel ces actes avaient été établis, au prétexte que ce jugement constituait prétendument « le fondement même de l'état civil d'J... H... » ; qu'en statuant ainsi, sans même s'expliquer sur le fait que la copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 25 octobre (v. production n° 4) reproduisait intégralement le jugement supplétif litigieux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article
455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE subsidiairement, en l'absence de documents d'identité valables permettant d'attester la minorité du demandeur à la protection au titre de l'aide sociale à l'enfance, le juge doit, pour refuser d'octroyer une telle protection, justifier sa décision par des considérations de nature à établir que l'âge allégué par le demandeur ne peut correspondre à la réalité ; qu'en l'espèce, même à considérer que les documents produits ne permettaient pas « à eux seuls » d'établir la minorité de l'exposant, la Cour d'appel ne pouvait se borner, pour décider que l'état de minorité d'J... H... n'était pas établi, à relever « ainsi que l'indiquait le juge des enfants [cf. production n° 1, p. 2§1] » que « les nombreuses et importantes incohérences qui sont apparues au travers du discours d'J... H... lors de son évaluation, jettent un doute sérieux sur la sincérité de son récit, et par là même sur le caractère rattachable des actes d'état civil à sa personne », cependant que ces éléments étaient incapables de révéler une incohérence entre l'âge allégué par l'exposant et son âge réel ; qu'en statuant par de tels motifs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 375, ensemble l'article
388 du code civil.