Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Chambéry 11 avril 1989
Cour de cassation 04 avril 1991

Cour de cassation, Troisième chambre civile, 4 avril 1991, 89-17429

Mots clés vente · garantie · vices cachés · action en garantie · bref délai · constatation d'un défaut caché · nécessité · société · pourvoi · SCI · procédure civile · principal · siège · désordres · condamnation · grange

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 89-17429
Dispositif : Cassation
Textes appliqués : Code civil 1641
Décision précédente : Cour d'appel de Chambéry, 11 avril 1989
Président : Président : M. SENSELME
Rapporteur : M. Beauvois
Avocat général : M. Vernette

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Chambéry 11 avril 1989
Cour de cassation 04 avril 1991

Texte

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Pierre R..., architecte, demeurant à Annemasse (Haute-Savoie), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 11 avril 1989 par la cour d'appel de Chambéry, au profit :

1°/ des époux René Z...,

2°/ des époux J...
H...,

3°/ des époux Antoine L...,

4°/ des époux Gérard D...,

5°/ des époux Serge G...,

6°/ des époux Edmond U...,

7°/ des époux André Q...,

8°/ des époux François X...,

9°/ des époux Jean-Claude S...,

10°/ des époux José O...,

11°/ de Mme Germaine Y...

pris en leur qualité d'associés de la SCI "Pré de la Grange", pour lesquels domicile est élu à Chambéry (Haute-Savoie), ... en l'étude de Me C..., avoué à la cour d'appel de Chambéry,

12°/ de la société à responsabilité limitée Maillet, dont le siège est à Saint-Pierre-en-Faucigny (Haute-Savoie), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,

13°/ de Mlle Simone A...,

14°/ de Mlle Odette A...,

15°/ de M. Gaston A...,

16°/ de Mme Marie-Thérèse A..., épouse M...,

17°/ de M. Marcel A...,

18°/ de Mme Madeleine A..., épouse I...
P...,

pris en leur qualité d'héritiers de M. Raoul A..., décédé en cours d'instance, lesdits héritiers demeurant tous à La Grangea, Contamine (Haute-Savoie),

19°/ de M. E... d'Ayot, demeurant à Bonneville (Haute-Savoie), Portes du Château,

20°/ de la société Lalliard, dont le siège est à Saint-Pierre-en-Faucigny (Haute-Savoie), prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,

21°/ de la société IKO Amour Shingles IG Industries, dont le siège est à B 2000 Anvers (Belgique) Frankrijklei 111, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,

22°/ de la compagnie d'assurances Winterthur, dont le siège est à Lyon (7e) (Rhône), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, demeurant audit siège,

défendeurs à la cassation ; M. E... d'Ayot et les consorts A... ont formé, par un mémoire déposé au greffe, le 5 février 1990, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son

recours, cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent à l'appui de leur recours, six moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 1991, où étaient présents :

M. Senselme, président, M. Beauvois, rapporteur, MM. N..., T..., Gautier, Valdès, Peyre, Darbon, Mlle F..., M. Chemin, conseillers, MM. Garban, Chollet, Chapron, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Beauvois, les observations de Me Boulloche, avocat de M. R..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des époux Z..., H..., L..., D..., G..., U..., Sabot, X..., S..., O... et Mme Y..., de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat des consorts A... et de M. E... d'Ayot, de Me Guinard, avocat de la société Lalliard, de Me Goutet, avocat de la compagnie d'assurances Winterthur, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis, pris en leurs première, deuxième, troisième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 11 avril 1989), qu'en 1976, la société civile immobilière "Pré de la Grange" (SCI) a fait édifier un groupe de onze pavillons sous la maîtrise d'oeuvre de M. R..., architecte, la société Maillet étant

chargée du lot gros oeuvre et voies et réseaux divers (VRD), M. A..., aujourd'hui décédé et représenté par ses héritiers, du lot charpente et couverture, M. E... d'Ayot de la menuiserie ; qu'à la suite de désordres, ces constructeurs ont été assignés en réparation ; qu'au cours de la procédure d'appel, M. A... a appelé en garantie la société Lalliard, fournisseur de bardeaux utilisés pour la couverture, laquelle a mis en cause la société Iko Amour Shingles IG industries (IG Industries), fabricant des bardeaux, qui a assigné son assureur, la compagnie Winterthur ; Attendu que M. R..., M. E... d'Ayot et les consorts A... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré que la SCI Pré de la Grange était présente à la procédure et non ses associés, alors, selon le moyen, 1°/ qu'il résultait des termes clairs et précis de l'assignation du 26 mai 1981, qui a été dénaturée, ce en quoi l'article 1134 du Code civil a été violé, qu'elle était délivrée à la requête de M. Z... et de dix autres associés "pris en leurs qualités d'associés de la société civile particulière dénommée SCI le Pré de la Grange", sans qu'aucune énonciation n'implique que la demande serait formée par celle-ci et pour son compte ; 2°/ qu'une société civile est représentée par son gérant en exercice ; qu'à supposer même que l'assignation du 26 mai 1981 ait dû être considérée comme ayant été délivrée au nom de la SCI le Pré de la

Grange, et pour son compte, les onze associés n'avaient pas qualité pour agir en justice en son nom aux lieu et place de son gérant ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 1846 du Code civil et 32 du nouveau Code de procédure civile ; 3°/ que le défaut de qualité à agir constitue, en vertu de l'article 117 du nouveau Code de procédure civile, une irrégularité de fond, relative aux actes de procédure, pouvant être proposée en tout état de cause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a donc violé l'article 118 du nouveau Code de procédure civile ; 4°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, tandis que le juge ne peut relever d'office un moyen de droit sans avoir au préalable invité les litigants à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, ni les onze associés, ni la SCI n'avaient fait valoir que la personne morale aurait été présente à l'instance et non ses associés ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la société civile aurait été présente à l'audience et non ses associés, sans avoir provoqué les explications préalables des parties, la cour d'appel a :

a) méconnu

les termes du litige, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; b) méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que la recevabilité de l'action étant contestée devant elle pour défaut de qualité des demandeurs, la cour d'appel, qui était saisie d'une assignation délivrée au nom de vingt et une personnes prises "en leurs qualités d'associés de la société civile particulière dénommée SCI Pré de la Grange,.. poursuites et diligences de son gérant en exercice, la société anonyme crédit immobilier de Bonneville", a légalement justifié, de ce chef, sa décision prononcée au bénéfice de la SCI, en retenant souverainement, par une interprétation nécessaire des termes ambigus de cette assignation, sans modifier l'objet du litige et sans porter atteinte au principe de la contradiction, que la SCI était seule demanderesse à l'action ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu que M. R..., M. E... d'Ayot et les consorts A... font grief à l'arrêt d'avoir condamné in solidum l'architecte et les entrepreneurs à réparer les désordres affectant les pavillons, alors, selon le moyen, qu'en se déterminant par une considération générale selon laquelle toute atteinte, même superficielle, à un immeuble d'habitation aurait pour effet de rendre insupportable son occupation quotidienne et de le rendre impropre à sa destination, sans rechercher, en fait, en quoi chacun des différents désordres allégués par les onze demandeurs leur aurait occasionné un préjudice tel que la garantie des constructeurs après réception aurait été engagée, la

cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1792 et 2270 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que des atteintes, même superficielles, rendaient insupportable l'occupation quotidienne des immeubles d'habitation litigieux et qu'ils étaient donc impropres à leur destination, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen

du pourvoi principal, sauf en ce qu'il concerne la société IG Industries :

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, in solidum avec les entrepreneurs, à réparer les désordres affectant les bardeaux et d'avoir mis hors de cause la société Lalliard et la compagnie Winterthur, alors, selon le moyen, 1°/ que l'arrêt attaqué, qui déclare que la responsabilité de M. R... est partielle en ce qui concerne les bardeaux, mais ne constate pas que sa faute aurait concouru à réaliser l'entier dommage, n'a pas donné de base légale, au regard des articles 1200 et suivants, et 1147 du Code civil, à sa décision qui le condamne, in solidum avec les héritiers Bouvier et la société Maillet, au paiement des sommes correspondant aux réparations ; 2°/ que l'architecte R... ayant conclu à la condamnation de l'entreprise A... d'avoir à le garantir des condamnations dont il ferait l'objet, la cour d'appel, qui n'a pas motivé la mise hors de cause de cette partie sur l'action en garantie exercée contre elle par M. R..., a violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et 1382 du Code civil ; 3°/ que l'exigence du bref délai de l'action rédhibitoire de l'article 1648 du Code civil n'est pas opposable au tiers qui agit contre le fabricant des matériaux ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé ce texte et ensemble les articles 1382 et suivants du Code civil ; Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que les fautes de l'architecte et de chaque entrepreneur responsable étaient indissociablement liées dans la production de chaque type de désordres, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; Attendu, d'autre part, que M. R..., qui n'avait pas, devant les juges du fond, formé de demande contre la société Lalliard et la compagnie Winterthur, est irrecevable à critiquer leur mise hors de cause ;

Sur le quatrième moyen

du pourvoi principal :

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt d'avoir omis d'analyser et d'avoir laissé sans réponse ses conclusions demandant à être garanti des condamnations dont il faisait l'objet par la société Maillet et par M. E... d'Ayot et à ce que soit déterminée, au cas où la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre serait retenue, l'imputabilité des désordres soit à la conception, soit à la

direction des travaux, celle-ci ayant été assurée par M. K..., alors, selon le moyen, d'une part, que ces conclusions n'ont pas été analysées par l'arrêt attaqué en violation de

l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, d'autre part, qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a, derechef, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant relevé que M. R... contestait toute responsabilité et qu'il était chargé d'une mission générale de maîtrise d'oeuvre et retenu, par motifs propres et adoptés, que M. E... d'Ayot avait posé la laine de verre conformément aux règles de l'art, que les dispositifs de ventilation défectueux avaient été installés par un entrepreneur travaillant après lui, que toute responsabilité de sa part était exclue, que pour les désordres atteignant les toitures et les plafonds, il appartenait à l'architecte de s'aviser que le procédé de ventilation de la toiture était inadapté et que la responsabilité des désordres lui incombait pour l'essentiel, que pour les fissures en façade, l'architecte et la société Maillet avaient commis des fautes ayant également contribué à la production des dommages, que pour les remontées d'humidité, chacun d'eux était responsable pour moitié et que les désordres affectant les égoûts étaient dus à la combinaison d'un léger défaut de conception et d'une réalisation défectueuse par l'entreprise de maçonnerie, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la part de responsabilité incombant à l'architecte et à la société Maillet, a, répondant aux conclusions en les analysant et sans avoir à s'expliquer sur une demande sans portée concernant une partie qui n'était pas en cause, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le cinquième moyen

du pourvoi principal :

Attendu que M. R... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la SCI l'intégralité du coût de réparation des désordres, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en procédant par simple affirmation de l'imputabilité à l'architecte seul des charges supplémentaires provenant de l'aggravation des désordres, résultant de l'inexécution des réparations pendant sept ans, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision conformément à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; d'autre part qu'en ne recherchant pas si les demandeurs à l'action, faute d'avoir fait réaliser pendant sept ans les travaux préconisés par l'expert B... dans un rapport déposé le 13 octobre 1980, n'avaient pas commis une faute ayant contribué à l'aggravation des désordres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant retenu qu'aucune part de responsabilité ne pouvait être mise à la charge de la SCI, M. R... ayant, du seul fait de son appel, contraint celle-ci à différer le commencement des travaux, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ; Mais

sur le premier moyen

du pourvoi principal et le premier moyen

du pourvoi incident, réunis, pris en leur quatrième branche :

Vu l'article 122 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que l'arrêt, qui prononce une condamnation au profit de la SCI Pré de la Grange, inclut, dans l'indemnité allouée, la réparation de troubles de jouissance ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces troubles présentaient un caractère collectif et étaient subis par l'ensemble des associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen

du pourvoi principal, en ce qu'il concerne la société IG Industries :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que, pour mettre hors de cause la société IG Industries, l'arrêt relève que la recevabilité de l'action contre cette société est liée à la recevabilité de la mise en cause de la société Lalliard par M. A... ; Qu'en statuant ainsi, alors que M. R... avait formé directement un appel en garantie contre la société IG Industries, sur lequel l'arrêt ne s'explique par aucun motif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen

du pourvoi incident :

Vu l'article 1147 du Code civil ; Attendu que l'arrêt condamne les consorts A..., in solidum avec M. R..., à réparer l'intégralité des dommages subis par la SCI ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait retenu la responsabilité de M. A... que pour les désordres affectant les toitures et plafonds ainsi que pour les moins values en résultant et qu'elle avait déclaré ne devoir imputer les charges supplémentaires provenant de l'aggravation des désordres qu'au seul M. R..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ; Et

sur le cinquième moyen

du pourvoi incident :

Vu l'article 1641 du Code civil ; Attendu que, pour mettre hors de cause la société Lalliard sur l'action des consorts A... qui invoquaient l'inadéquation des bardeaux utilisés pour les toitures et livrés par cette société, l'arrêt relève que cette action n'a pas été intentée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les désordres affectant les bardeaux provenaient d'un vice caché de ce matériau, la cour d'appel

n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ; Et attendu qu'en raison des appels en garantie entre les parties et des partages de responsabilité, la cassation intervenue sur les premiers moyens en leur quatrième branche affecte la condamnation de la société Maillet, qui se trouve dans un lien d'indivisibilité avec le chef de décision cassé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième et sixième moyens du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a inclu dans la condamnation prononcée au profit de la SCI Pré de la Grange l'indemnisation des troubles de jouissance, en ce qu'il a mis la société IG Industries hors de cause sur l'appel en garantie de M. R..., en ce qu'il a condamné les consorts A... à réparer l'intégralité des dommages et en ce qu'il a mis hors de cause la société Lalliard sur l'appel en garantie des consorts A..., l'arrêt rendu le 11 avril 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ; Condamne la SCI Pré de la Grange aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Chambéry, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatre avril mil neuf cent quatre vingt onze.