Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 5 juillet 2016, 14-28.879

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Texte intégral

COMM. JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 5 juillet 2016 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 639 F-D Pourvoi n° E 14-28.879 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par : 1°/ M. C... F..., 2°/ Mme I... V... épouse F..., domiciliés [...] , 3°/ la société La Croix pain, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant à la société Boulangerie Joséphine, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 31 mai 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. et Mme F... et de la société La Croix pain, de la SCP Gaschignard, avocat de la société Boulangerie Joséphine, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que par acte du 28 janvier 2010, la société Boulangerie Joséphine a acquis de M. et Mme F... un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, pour un prix calculé sur la base d'un certain pourcentage du chiffre d'affaires annuel dont une partie résultait d'une activité de livraison à d'autres professionnels, et notamment à la société La Croix pain appartenant aux époux F... ; que l'acte de vente comportait une clause aux termes de laquelle la société La Croix pain s'engageait à continuer à s'approvisionner auprès de la société Boulangerie Joséphine, sauf à pouvoir librement mettre un terme à cet approvisionnement si celui-ci n'était pas assuré de manière régulière, y compris les samedi, dimanche et jours fériés ; qu'après la prise de possession du fonds de commerce, la société Boulangerie Joséphine a augmenté les prix facturés à la société La Croix pain, laquelle, de son côté, a diminué ses commandes auprès de la société Boulangerie Joséphine pour les cesser totalement six mois après la vente ; qu'estimant avoir acquis le fonds de commerce sur la base d'un chiffre d'affaires que les vendeurs s'appliquaient à vider de sa substance, la société Boulangerie Joséphine a assigné la société La Croix pain et M. et Mme F... en réparation de son préjudice ;

Sur le premier moyen

, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société La Croix pain et M. et Mme F... font grief à

l'arrêt de les condamner solidairement à payer à la société Boulangerie Joséphine une certaine somme au titre de la réparation de son préjudice alors, selon le moyen : 1°/ que lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'abus dans la fixation du prix dans ces derniers autorise le cocontractant à mettre fin à la relation contractuelle ; qu'aux termes de l'acte de cession du fonds de commerce du 28 janvier 2010, la société La Croix pain avait pris l'engagement de s'approvisionner auprès de la société Boulangerie Joséphine « sauf à pouvoir librement mettre un terme à cet approvisionnement si celui-ci n'est pas assuré de la même manière régulière, y compris samedi, dimanche et jours fériés » ; qu'en se bornant à affirmer que l'augmentation tarifaire décidée par la société Boulangerie Joséphine ne constituait pas une cause légitime d'arrêt des approvisionnements, dès lors que cette clause ne prévoyait pas que ceux-ci devraient nécessairement se faire aux mêmes conditions tarifaires que précédemment, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les augmentations brutales et unilatérales de 26 à 50 % du prix des produits que la société Boulangerie Joséphine vendait habituellement, augmentations que l'intimée reconnaissait elle-même comme étant « extrêmement significatives », n'avaient pas autorisé la société La Croix pain à cesser de s'approvisionner auprès d'elle faute de pouvoir pratiquer des prix de revente concurrentiels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ; 2°/ que dans leurs conclusions récapitulatives, les appelants critiquaient le jugement entrepris pour avoir affirmé que les prix pratiqués par la société Boulangerie Joséphine à l'égard de la société La Croix pain après la cession du fonds de commerce en cause étaient « tout à fait conformes à ceux du marché », dès lors que cette dernière société livrait d'autres professionnels, tels que des hôtels ou des restaurants, auxquels les produits fournis par la première société étaient destinés ; que, partant, ces fournitures avaient été initialement facturées à un prix inférieur aux tarifs de détail, en sorte que les augmentations décidées unilatéralement et brutalement par la société Boulangerie Joséphine obligeait la société La Croix pain à pratiquer une revente à perte ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu

que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les prix consentis à la société La Croix pain étaient anormalement bas lorsque le fonds était exploité par les époux F... qui avaient intérêt à sous-facturer les livraisons faites à eux-mêmes ; qu'il constate qu'à la suite des hausses intervenues, les prix pratiqués par la société Boulangerie Joséphine étaient conformes à ceux du marché ; que par ces constatations, dont il ressort que les augmentations décidées par la société Boulangerie Joséphine n'avaient pas empêché la société La Croix pain de pratiquer des prix concurrentiels, ni ne l'avait obligée à revendre à perte, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur ce moyen

, pris en ses troisième et quatrième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le même moyen, pris en sa cinquième branche

:

Vu

l'article 1149 du code civil ;

Attendu que pour accorder la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts à la société Boulangerie Joséphine en réparation de la cessation des commandes, l'arrêt retient

que compte tenu du chiffre d'affaires moyen non contesté de 350 000 euros réalisé avec la société La Croix pain et de la valorisation du prix de vente à 90 % du chiffre d'affaires, les premiers juges ont exactement fixé le montant des dommages-intérêts dus solidairement par la société La Croix pain et les époux F... ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que les dommages-intérêts dus au créancier sont en principe de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, la cour d'appel, qui a ainsi alloué un complément de prix à la société Boulangerie Joséphine, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société Boulangerie Joséphine aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société La Croix pain et à M. et Mme F... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille seize

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme F... et la société La Croix pain PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement la SAS La croix pain et les époux F... à payer à la SARL Boulangerie Joséphine la somme de 300 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et, en conséquence, d'AVOIR condamné solidairement la SAS La croix pain et les époux F... à payer à la SARL Boulangerie Joséphine la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « les époux F... soutiennent qu'il est d'usage de ne pas prendre en compte les livraisons et fournitures pour la détermination de la valeur vénale d'un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie et qu'en l'espèce, l'acquéreur ne s'est pas attaché au chiffre d'affaires réalisé en livraisons mais a recherché surtout un emplacement exceptionnel lui permettant de développer une activité de restauration haut de gamme ; qu'ils font valoir que la valorisation du fonds de commerce à 200 % du chiffre d'affaires, hors activité livraison, n'a rien d'anormal compte tenu de l'emplacement et de la potentialité des lieux et que le prix de vente convenu n'a pas été fixé en considération de la poursuite des relations commerciales avec la société La Croix Pain ; Considérant que la société La Croix Pain critique la condamnation prononcée à son encontre pour rupture du contrat d'approvisionnement en violation de l'article L 442-6-1 5° du code de commerce ; qu'elle fait valoir que cette rupture était justifiée par une hausse importante des prix à laquelle elle n'a pas consenti dès lors que, ne pouvant pas répercuter cette augmentation sur sa propre clientèle "livraisons" qui bénéficie de tarifs préférentiels, elle se trouvait conduite à une revente à perte ; qu'elle soutient que l'augmentation des prix n'a pas été mentionnée dans l'acte de vente alors que l'acquéreur avait exploité le fonds durant le mois de janvier 2010 et qu'il avait donc eu tout le loisir de s'apercevoir que les prix pratiqués à l'égard de la société La Croix Pain étaient prétendument trop faibles puis de corriger cette situation par des mentions idoines dans l'acte de vente ; qu'elle ajoute qu'en tout état de cause, l'indemnité qui tend à réparer le préjudice découlant de la brusque rupture des relations commerciales établies correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait été réalisé si un préavis conforme aux usages du commerce avait été donné ; Considérant que les appelants contestent enfin l'existence de manoeuvres frauduleuses et la faute "délibérée" dans l'arrêt des approvisionnements, le devis établi le 12 janvier 2010 par la société Panifour à la demande de la société La Croix Pain étant resté sans suite ; qu'ils ajoutent que ce n'est qu'à la suite d'un incendie survenu début mai 2010 qu'ils ont été contraints de faire l'acquisition de nouveaux matériels à partir du mois de juin 2010 car ils ne pouvaient pas continuer à acheter leurs produits auprès de la Boulangerie Joséphine à des prix prohibitifs ; Considérant que l'acte de vente du 28 janvier 2010 précise en page 27 que "Monsieur C... F..., pris en sa qualité de Président de la société La Croix Pain, confirme en tant que de besoin l'engagement de sa société de continuer à s'approvisionner auprès de Boulangerie Joséphine dont sa société est un client habituel, sauf à pouvoir librement mettre un terme à cet approvisionnement si celui-ci n'est pas assuré de la même manière régulière, y compris samedi, dimanche et jours fériés" ; Qu'il résulte suffisamment de ces dispositions que le chiffre d'affaires réalisé avec la société La Croix Pain constituait pour l'acquéreur un élément déterminant du prix de vente et que le chiffre d'affaires réalisé au titre des livraisons a bien été pris en compte par les parties pour la valorisation du fonds de commerce ; Que la clause de poursuite des approvisionnements ne prévoit aucunement que ces approvisionnements devront nécessairement se faire aux mêmes conditions tarifaires que précédemment alors que les parties ont pris le soin de prévoir une cause légitime de cessation des approvisionnements liée à leur régularité y compris samedi, dimanche et jours fériés ; qu'en l'état des dispositions contractuelles et de ce qu'elles révèlent de la commune intention des parties, les époux F... et la société La Croix Pain ne sont pas fondés à soutenir que l'augmentation tarifaire, non contestée par l'intimée, constitue une cause légitime d'arrêt des approvisionnements ; que de fait, la société La Croix Pain n'a jamais protesté contre cette augmentation des prix qui a été immédiatement pratiquée par la société Boulangerie Joséphine et qui est apparue dès les premières factures ; Considérant qu'ainsi en ne respectant pas la clause souscrite par son représentant légal, et en entamant progressivement, dès la vente du fonds de commerce, la diminution de ses approvisionnements pour les arrêter définitivement moins de six mois après la vente, la société La Croix Pain a commis une faute à l'égard de la société Boulangerie Joséphine, distincte de la brusque rupture des relations contractuelles, et a ainsi participé directement au préjudice subi par la société Boulangerie Joséphine qui a acquis un fonds de commerce valorisé en tenant compte de l'intégration dans son chiffre d'affaires de celui réalisé avec la société La Croix Pain ; Que compte tenu du chiffre d'affaires moyen non contesté de 350.000 € réalisé avec la société La Croix Pain et de la valorisation du prix de vente à 90 % du chiffre d'affaires, les premiers juges ont exactement fixé à la somme de 300.000 € le montant des dommages et intérêts dus solidairement par la société La Croix Pain et les époux F... du fait du non-respect des engagements pris dans l'acte de vente et qui constituaient un élément déterminant du prix ; Considérant que le point de départ des intérêts sur les dommages et intérêts alloués n'étant pas discuté, le jugement sera confirmé également sur ce chef ; Considérant que la société Boulangerie Joséphine demande que lui soit allouée la somme supplémentaire de 200 000 € à titre de dommages et intérêts "punitifs" en invoquant la mauvaise foi des appelants dans le cadre de l'exécution du contrat et le caractère prémédité des manoeuvres qui ont amené à la surfacturation du prix du fonds de commerce, la dissimulation de la situation réelle de la société La Croix Pain qui n'a eu de cesse de présenter des arguments "fallacieux et invraisemblables" et le fait que les appelants ont contracté en sachant qu'ils arrêteraient toute relation commerciale dans les six mois de la vente du fonds et qu'ils préparaient concomitamment l'investissement leur permettant de se passer de leur fournisseur ; Mais considérant qu'il suffit à la cour de relever que la société Boulangerie Joséphine ne justifie pas d'aucune faute distincte de celle liée au non-respect des engagements contractuels et ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par les dommages et intérêts alloués ci-dessus ; que da demande de dommages et intérêts supplémentaires est mal fondée ; Considérant que les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens d'appel ; que vu l'article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement sur ce chef seront confirmées et les parties déboutées des demandes qu'elles forment devant la cour à ce titre » ; ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « le 28 janvier 2010, la SARL [...] a acquis de Monsieur et Madame F... un fonds de commerce de boulangerie...traiteur exploité sous l'enseigne "R...", sis [...] au prix global de 1.450.000 euros, comme indiqué ci-dessus ; Attendu que ce fonds avait une double activité : outre la vente au détail, il procédait à des "livraisons" à d'autres professionnels (hôtels, restaurants...), activité représentant entre 50 et 60 % de son chiffre d'affaires. Attendu qu'il ressort des termes de l'acte de vente un engagement des vendeurs du fonds de : "continuer à s'approvisionner auprès de la BOULANGERIE R...... sauf si ces livraisons ne pouvaient être assurées de manière régulière... le samedi, le dimanche et les jours fériés". Attendu, dans ces conditions, que venir soutenir comme le font les vendeurs, que le montant de la vente du fonds n'incluait pas cette activité livraison, ne peut que surprendre ; et ce d'autant plus que si l'on considère comme le demandeur en apporte la preuve, en se référant à des sources aussi fiables que W... Y... ou la Revue Fiduciaire, l'évaluation d'un fonds de commerce se chiffre, dans la boulangerie, entre 50 et 120 % du chiffre d'annuaires annuel HT ; Que si l'on exclut l'activité "livraisons", ce fonds situé dans une zone peu commerçante de ce quartier, aurait donc été vendu à hauteur de 200 % de son chiffre d'affaires, ce qui apparaît invraisemblable, et ce en dépit de la production d'attestations par le défendeur, selon lesquelles dans cette profession, l'activité "livraison" ne serait pas prise en compte lors de cessions de fonds de commerce. Attendu, en conséquence, que le Tribunal retiendra que l'activité "livraison" était bien incluse dans le prix de cession de ce fonds. Attendu que le conflit va naître, quelques mois plus tard quand les vendeurs vont, petit à petit, cesser de s'approvisionner auprès de "[...] ", jusqu'à cesser, totalement, en juin 2010 ; Attendu que les vendeurs objectent, dans cette procédure, que "BOULANGERIE R..." a augmenté ses prix au cours des premiers mois de l'année 2010, sans en avertir son client ; qu'une telle augmentation peut constituer, selon la jurisprudence une cause de rupture d'un contrat, si elle n'est pas expliquée et justifiée ; Mais attendu que les cédants du fonds font, de toute évidence, preuve de mauvaise foi en invoquant cet argument, que le Tribunal écartera ; Attendu, en effet, qu'il ressort de ce dossier que les prix pratiqués par "BOULANGERIE R..." quand le fonds était la propriété des cédants, étaient anormalement bas ; que ceci s'explique dans la mesure où l'acheteur des «"livraisons" (Famille F...) était propriétaire des 2 fonds, et avait intérêt à sous facturer ses prestations à lui- même ! que les prix, une fois les hausses de BOULANGERIE R... intervenues, apparaissent tout à fait conformes à ceux du marché ; que ces faits sont confirmés par l'expert comptable ayant assisté à la transaction, un accord verbal étant, selon ses dires, intervenu entre les parties au cours de la signature de l'acte de vente (COIB.RATEL). Que l'on peut certes déplorer que cet accord sur des hausses de prix à venir n'ait pas figuré dans l'acte de vente lui-même, ce qui eut dissipé tous les doutes » ; 1. ALORS QUE lorsqu'une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'abus dans la fixation du prix dans ces derniers autorise le cocontractant à mettre fin à la relation contractuelle ; qu'aux termes de l'acte de cession du fonds de commerce du 28 janvier 2010 (p. 27), la société La croix pain avait pris l'engagement de s'approvisionner auprès de la société Boulangerie Joséphine « sauf à pouvoir librement mettre un terme à cet approvisionnement si celui-ci n'est pas assuré de la même manière régulière, y compris samedi, dimanche et jours fériés » ; qu'en se bornant à affirmer que l'augmentation tarifaire décidée par la société Boulangerie Joséphine ne constituait pas une cause légitime d'arrêt des approvisionnements, dès lors que cette clause ne prévoyait pas que ceux-ci devraient nécessairement se faire aux mêmes conditions tarifaires que précédemment, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les augmentations brutales et unilatérales de 26 à 50 % du prix des produits que la société Boulangerie Joséphine vendait habituellement, augmentations que l'intimée reconnaissait elle-même comme étant « extrêmement significatives », n'avaient pas autorisé la société La croix pain à cesser de s'approvisionner auprès d'elle faute de pouvoir pratiquer des prix de revente concurrentiels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1135 et 1147 du code civil ; 2. ALORS QUE dans leurs conclusions récapitulatives (p. 7, deux derniers alinéas et p. 8, sept premiers alinéas), les appelants critiquaient le jugement entrepris pour avoir affirmé que les prix pratiqués par la société Boulangerie Joséphine à l'égard de la société La croix pain après la cession du fonds de commerce en cause étaient « tout à fait conformes à ceux du marché », dès lors que cette dernière société livrait d'autres professionnels, tels que des hôtels ou des restaurants, auxquels les produits fournis par la première société étaient destinés ; que, partant, ces fournitures avaient été initialement facturées à un prix inférieur aux tarifs de détail, en sorte que les augmentations décidées unilatéralement et brutalement par la société Boulangerie Joséphine obligeait la société La croix pain à pratiquer une revente à perte ; qu'en ne répondant pas à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 3. ALORS QU' en jugeant par un motif dubitatif éventuellement adopté que selon l'expert-comptable ayant assisté à la cession du fonds de commerce, un accord sur des hausses de prix à venir était, selon ses dires, intervenu entre les parties au cours de la signature de l'acte de vente et que « l'on peut certes déplorer que cet accord sur des hausses de prix à venir n'ait pas figuré dans l'acte de vente lui-même, ce qui eut dissipé tous les doutes » (jugement du 24 mai 2012, p. 5, avant-dernier alinéa), la cour d'appel a violé derechef l'article 455 du code de procédure civile ; 4. ALORS QUE les dommages-intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur a été mis en demeure de remplir son obligation ; qu'en affirmant que la société La croix pain avait manqué à ses engagements contractuels en arrêtant progressivement ses approvisionnements auprès de la société Boulangerie Joséphine sans protester contre l'augmentation unilatérale des prix pratiquée par cette dernière, quand il appartenait au contraire à la société Boulangerie Joséphine, qui se prétendait créancière d'un engagement d'approvisionnement, de mettre la société La croix pain en demeure de remplir l'obligation en cause avant de l'assigner en justice, la cour d'appel a violé les articles 1146 et 1147 du code civil ; 5. ALORS en tout état de cause QUE les dommages et intérêts dus au créancier sont en principe de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; qu'il en résulte que la perte de chiffre d'affaires ne constitue pas en soi un préjudice indemnisable ; qu'en l'espèce, pour accorder la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Boulangerie Joséphine en raison de la cessation des commandes imputée à la société La croix pain, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la circonstance que le chiffre d'affaires moyen réalisé par les cédants du fonds de commerce avec cette dernière société s'élevait à la somme de 350 000 euros et que le prix de vente de ce fonds avait était valorisé à 90 % du chiffre d'affaires réalisé par les cédants ; qu'en statuant ainsi, quand seule la perte de marge brute résultant de l'arrêt des commandes constituait un chef de préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé l'article 1149 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fait courir les intérêts au taux légal sur la somme qu'elle condamnait solidairement la SAS La croix pain et les époux F... à payer à la SARL Boulangerie Joséphine à compter de la date de l'assignation et, en conséquence, d'AVOIR condamné solidairement la SAS La croix pain et les époux F... à payer à la SARL Boulangerie Joséphine la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; AUX MOTIFS QUE « le point de départ des intérêts sur les dommages et intérêts alloués n'étant pas discuté, le jugement sera confirmé également sur ce chef »; ALORS QUE dans le dispositif de leurs écritures d'appel, les appelants demandaient à la cour d'appel de réformer le jugement entrepris et débouter la société Boulangerie Joséphine de ses demandes, fins et conclusions, ce qui emportait contestation du point de départ des intérêts sur la condamnation à indemnité prononcée par les premiers juges ; qu'en faisant courir le point de départ des intérêts sur cette indemnité à compter de l'assignation au prétexte que celui-ci n'était pas discuté, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile.